> Le directeur de l’OFSP, P. Strupler, l’a
encore conrmé lors de la Journée natio-
nale sur la médecine de famille, le 16 mai
d ernier: valoriser la médecine de famille,
OUI, mais surtout assurer une haute qua-
lité des soins. Alors, sufrait-il d’établir des
indicateurs de qualité et de mieux rému-
nérer les médecins s’ils sont atteints, pour
satisfaire cette double revendication? C’est
le raisonnement qui est à la base du sys-
tème P4P, «Pay for Performance», introduit
aux Etats-Unis puis en Grande-Bretagne
dès 2004. Mais que disent les résultats de
la recherche?
Des centaines d’articles publiés sur le su-
jet, deux méta-analyses parues dans des
revues prestigieuses en 2011 [1] et en 2012
[2] tirent des conclusions très similaires.
«There is insufcient evidence to support
or not support the use of nancial incen-
tives to improve the quality of primary
health care» pour Cochrane [1]. Alors que
les autres auteurs [2] concluent que si une
amélioration de la qualité des soins dans
les maladies chroniques a pu être notée,
elle est très modeste et que l’impact sur les
coûts, le comportement des professionnels
et l’expérience des patients reste incertain.
Et les deux publications unanimes mettent
en garde les décideurs des systèmes de
santé contre des attentes démesurées: le
modèle incitatif P4P n’apporte pas forcé-
ment les bénéces escomptés même après
10 ans d’expérience dans les pays anglo-
saxons. Montrons-nous donc critiques et
créatifs avant d’appliquer des recettes qui
n’ont pas fait leurs preuves ailleurs et qui
peuvent même léser des patients sans ma-
ladies en raison d’application intempestives
d’indicateurs de qualité.
François Héritier <
1 The Cochrane Library 2011, Issue 9
2 Ann Fam Med. 2012;10:461–8
RUBRIQUE SCIENTIFIQUE
Impressum
Editeur: Association des Médecins de famille et
de l’enfance Suisse (Médecins de famille Suisse)
Tirage total: 2000 exemplaires, 4 x par année
Impression: Schwabe SA, Muttenz
Editions: EMH Editions médicales suisses SA
Farnsburgerstrasse 8, CH-4132 Muttenz
Tél. 061 467 85 54, fax 061 467 85 56
Secrétariat général:
Efngerstr. 54, CP 6052, 3001 Berne,
Commission de rédaction: Dr. Marc Müller,
Dr. François Héritier, Dr. Margot Enz Kuhn,
Dr. Gerhard Schilling; Reto Wiesli, Vinciane Frund,
Yvan Rielle und Petra Seeburger (pilotage).
«Deux publications mettent en garde
contre des attentes démesurées.»
P4P – Pay for
Performance
La solution pour valoriser
la médecine de famille?
LDEP – cette loi qui part d’un
bon sentiment sera extrêmement
difcile à mettre en pratique
> La Loi sur le dossier électronique du pa-
tient (LDEP) sera prochainement débattue
au Parlement. Il est certes utile de créer
des bases légales pour un DEP (dossier
électronique du patient). Un DEP n’est
toutefois pas réalisable, tant que les condi-
tions de base les plus élémentaires pour
la documentation électronique (standards,
interfaces, architecture des antécédents
médicaux électroniques, documentation
électronique) font défaut. Des projets simi-
laires au Royaume-Uni et aux Pays-Bas ont
été stoppés et qualiés par le ministre de
la Santé britannique de «huge disaster»1.
La Suisse ferait bien de tirer les
leçons de ces échecs.
Les points délicats du projet de
loi sont sans conteste la ques-
tion de la condentialité et de
la protection des données qui
ne peuvent jamais (!) être tota-
lement garanties sur internet. Le
caractère doublement facultatif
est uniquement mentionné dans
le message et non dans la loi.
Autre point problématique:
la question non résolue
des coûts. La limita-
tion de l’incitation -
nancière aux seules
sociétés de dis-
cipline est in-
MESSAGE À LDEP
compréhensible et contreproductive. A
l’é tran ger, les projets ont en outre échoué
pour des raisons de faisabilité et de abilité
des données.
Médecins de famille Suisse et l’Institut d’in-
formatique en cabinet (IPI) maintiennent
leur critique fondamentale: les priorités en
matière de cybersanté doivent être redé-
nies. L’accent doit d’abord être mis sur
la documentation électronique dans les
cabinets médicaux et sur l’instauration des
conditions de base nécessaires à cet effet.
A défaut, nous réaliserons avec le DEP un
réseau de canalisations dans un désert sans
eau ou sans données échangeables.
Gerhard Schilling <
1 Editorial, BMJ. 2013;347:9
«Les priorités en matière de cybersanté
doivent être redénies.»
Photo: © Cammeraydave, Dreamstime.com