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Editorial
Depuis sa parution, KENTRON n'a cessé d'évoluer. Attentive à
interroger l'histoire ancienne au regard de l'homme présent, notre revue,
sous la direction de François Hinard, est vite apparue comme un lieu de
rencontre et de ralliement de chercheurs de disciplines différentes réunis
par un objectif identique: la connaissance du Monde Antique.
La lecture du texte liminaire qui inaugurait notre premier numéro
en juin 1985 nous offre l'occasion de mesurer le chemin parcouru. KENTRON a largement· répondu à notre attente. Elle a su allier un désir
constant de renouveler les interêts historiques, philologiques, mythologiques et psychologiques au souci de ne jamais se soumettre au discours à
la mode, au discours usurpé et convenu, mais de tenir, autant que faire se
peut, à l'authenticité du dur labeur solitaire du chercheur. Cette permanence constitue notre aiguillon, l'effort pour serrer la borne, aller à l'essentiel. C'est bien là le sens de la devise grecque de notre couvepture : "Presse
le cheval de l'aiguillon (kentron) pour lui faire tourner la borne", formule
du stade antique devenue au sens figuré une expression proverbiale.
Ces principes continuent et continueront de guider l'action de la
nouvelle équipe qui préside aujourd'hui aux destinées de KENTRON.
Notre ambition est d'offrir une revue qui transcende les particularismes dans lesquels nos disciplines, en France plus que chez nos voisins
anglo-saxons, se sont enfermées trop complaisamment. Il nous semble
urgent et impératif que les études du Monde Antique s'ouvrent à l'apport
des interrogations, des méthodes et des acquis des sciences humaines,
principalement la psychologie des profondeurs. Loin de constituer des disciplines annexes, comme on les qualifie maladroitement, ces sciences ont
autant à offrir à l'histoire que celle-ci à leur apporter. Ce rapport de complémentarité a déjà permis l'établissement d'un dialogue fructueux entre
chercheurs venus d'horizons aussi différents que l'histoire, la mythologie,
l'exégèse biblique, le monde latin et grec, la psychologie, la psychanalyse,
la psychiatrie, etc. La publication régulière depuis plusieurs années des
résultats de cette confrontation -- comme, par exemple, depuis 1992 la
reflexÏon consacrée à "la Mère et la Maternité dans le monde grec ancien
et dans la psychè", fruit des travaux du Groupe de recherche "Mythe,
Histoire et Psychanalyse" de l'Université de Caen -- témoigne de l'intérêt
de nos collègues à l'interdisciplinarité.
Cette perspective n'a cessé de se développer. Elle impose d'inscrire
plus nettement encore notre revue dans une étroite collaboration entre
spécialistes du vécu des hommes d'hier et spécialistes du vécu de nos
contemporains.
Le vécu possède certes une histoire, les sensibilités se sont formées
et défaites au fil des temps sans qu'il soit possible d'en déterminer les lois.
Mais derrière cette diversité, l'historien est frappé de l'étrange familiarité
qu'il éprouve au contact des récits et du vécu des hommes du passé, comme
si, au tréfonds de la psyché, les passions humaines ignoraient le temps.
La diversité des "écritures" de l'histoire et la multiplicité des
conceptions psychologiques loin de représenter un handicap constituent
plutôt une richesse, à condition de se soumettre aux exigences imposées
par la recherche. KENTRON, ne se veut donc le support exclusif d'aucune
école de pensée; queUe que soit leur conception de l'histoire, les antiquisants y publieront leurs travaux, de même que les spécialistes de la psyché
trouveront dans cette revue un lieu d'expression pour leurs recherches,
quelle que soit la théorie qui préside à leurs réflexions. Notre seul souci
consiste à maintenir, sans dogmatisme, cette bi-disciplinarité qui a toujours guidé la revue et à privilégier les réflexions où les deux disciplines
coopèrent effectivement.
L'évolution de la revue se concrétise aujourd'hui par une présentation nouvelle. Le titre s'accompagne d'un sous-titre ;"Revue du monde
antique et de psychologie historique", témoignant de notre volonté interdisciplinaire. Une nouvelle structure éditoriale, tant administrative que
scientifique, et de nouvelles rubriques président désormais à sa destinée.
Le rythme de sa publication se voit également modifié, une publication
semestrielle nous semblant mieux correspondre à son évolution.
Nous avons simplement à cœur de rester fidèle à notre devise et
d'être un aiguillon. Que, dans ces pages, l'esprit, à l'oeuvre dans l'homme
depuis l'Antiquité, gagne le pari de l'échange interdisciplinaire et de l'audace, provoquant, sinon l'approbation ou l'admiration, du moins toujours
l'interêt du" stade".
Bernard DEFORGE
Université de Caen
Jacquy CHEMOUNI
Université de Caen
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