> Régulation et cohésion sociale Séquence 10-SE11 205 © Cned – Académie en ligne Introduction Chapitre 1 Chapitre 2 Chapitre 3 Chapitre 4 ......................................................................................................................................................................... > Régulation sociale et vie en société A Définition B Les attentes du groupe par rapport à l’individu ......................................... > Régulation sociale, sanctions, institutions 210 ..................... 212 .................................... 214 ................................... 218 .................................................................................................................................................................. 223 A Contrôle et sanctions B Contrôle et institutions > Conformité, déviance et délinquance A Définition B L’analyse de la déviance et de la délinquance > Régulation sociale et conflits sociaux A Les différentes conceptions de la régulation sociale dans la vie de l’entreprise B Le rôle des syndicats dans la régulation sociale Travaux dirigés 209 Sommaire séquence 10-SE11 207 © Cned – Académie en ligne ntroduction L es échanges économiques se développent grâce aux initiatives des acteurs (producteurs et demandeurs) et au jeu des mécanismes régulateurs, qu’ils soient issus du marché ou de l’intervention des pouvoirs publics. A la complexité du tissu des activités économiques répond la complexité des mécanismes de coordination. Mais, cette complexité des échanges économiques n’épuise pas l’ensemble des interactions sociales, loin de là. La vie en société ne se réduit pas à sa seule dimension économique et sociale. Des relations s’établissent sur d’autres modes et ne sont pas régulées par les mécanismes de coordination économique. C’est cet ensemble très vaste de relations non régulées par le marché ou par l’État qu’il convient d’examiner dans cette séquence. Séquence 10-SE11 209 © Cned – Académie en ligne Régulation sociale et vie en société A Définition L’homme est parfois défini comme un animal social, c’est-à-dire un être incapable de vivre en ermite, seul et à l’écart de ses semblables. Cette nature sociale de l’individu induit une multiplicité de contacts et une présence au sein de multiples groupes plus ou moins vastes. L’individu fait partie d’une famille, d’une entreprise, d’un club de sport, d’un groupe de campeurs, d’une nation… Au sein de ces différents groupes, des manières de vivre ensemble se développent, parfois communes à l’ensemble des groupes, parfois spécifiques à certains d’entre eux. Le contrôle social (ou régulation sociale si l’on veut donner une traduction correcte du terme anglais « Control ») désigne l’ensemble des processus par lesquels les membres d’un groupe entraînent les acteurs sociaux à respecter et reproduire les modèles de comportements conformes aux valeurs et aux normes en vigueur. Les mécanismes de la régulation sociale exercent une certaine contrainte sur les manières de penser, de sentir et d’agir des individus mais créent des liens sociaux indispensables à la pérennité du groupe concerné. Grâce à eux, les différents individus s’intègrent dans les groupes en répondant aux attentes dont ils sont l’objet de la part des autres membres de ce groupe. Le club de football qui accepte l’adhésion d’un nouveau membre attend de lui qu’il participe aux entraînements et qu’il ne s’absente pas inopinément. Une certaine forme de solidarité est espérée de chacun des membres du groupes et celui qui s’y conforme, voire adopte des comportements non prescrits mais qui témoignent des valeurs et des normes du groupe (par exemple organisation du co-voiturage pour les déplacements de l’équipe, participation à l’encadrement et à l’entraînement des équipes de jeunes…) facilite son intégration dans le groupe. B Les attentes du groupe par rapport à l’individu Dans un groupe social, les attentes qui s’expriment à l’égard des individus ne sont pas toutes de même nature. Certaines sont impératives, d’autres traduisent simplement des souhaits. Le sociologue français Henri Mendras distingue trois types d’attentes très différentes : Type d’attentes Description Sanction Attentes obligatoires Règles fondamentales de la vie en société. S’imposent à tous les groupes. S’imposent à tous les membres sous peine d’une sanction forte (exemple : vol des maillots du club de football par l’un des membres de l’équipe) Punition en cas de violation de la norme (exemple : sanctions pénales) Attentes nécessaires Attentes dont la force est proche des attentes obligatoires mais qui ne concernent que des groupes particuliers (exemple : refus de respecter les consignes de sécurité dans un club de tir à l’arc) Sanctions fortes dans le groupe mais sans influence sur la position dans la société (exemple : exclusion du club de tir à l’arc) Attentes facultatives Règles facilitant la vie en société et partagées par les membres du groupe (exemple : monopolisation du terrain de tennis le samedi après midi par une personne du club) Désapprobation en cas d’infraction à la règle (exemple : remarques désagréables des autres joueurs privés de terrain) La vie en société suppose que tous les individus se soumettent aux contraintes induites par le respect des normes comportementales. On fera toutefois deux remarques sur l’attitude des individus face aux attentes du groupe. 210 Séquence 10-SE11 © Cned – Académie en ligne Des attentes réciproques En premier lieu, il convient de remarquer que la notion d’attente obligatoire, nécessaire ou facultative, ne doit pas se comprendre comme une relation à sens unique entre l’individu et le groupe. Le fonctionnement du groupe donne naissance à un tissu d’attentes réciproques, chaque membre du groupe attendant des autres qu’ils se conforment aux normes comme il s’attend à ce que ces comportements soient exigés de lui. Les rapports sociaux sont fondés sur la réciprocité des attentes individuelles. L’adhérent du club de tir à l’arc qui respecte les consignes de sécurité s’attend à ce que tous les autres membres les respectent aussi. Si tel n’est pas le cas, les relations au sein du club vont se distendre, voire se transformer en conflit. Le président sera saisi par les membres qui respectent les consignes des infractions qui sont commises et il lui sera demandé de réprimander les contrevenants avant qu’un accident ne se produise et que la responsabilité des dirigeants du club ne soit engagée. Une certaine souplesse dans le jeu des attentes sociales En second lieu, il convient de remarquer que les règles de vie en société sont souvent très nombreuses et que toutes ne sont pas respectées sans que des conflits graves n’éclatent pour autant. Dans un film célèbre, les Ripoux, le vieux commissaire de police joué par Philippe Noiret fait une ronde en voiture avec son jeune collègue fraîchement émoulu de l’Ecole de police, Thierry Lhermitte. Celui-ci veut faire respecter la loi, toute la loi, rien que la loi. Il est prêt à sévir à la moindre infraction. Le vieux commissaire finit par s’énerver et lui faire remarquer que s’il devait appliquer les textes dans toute leur rigueur, il n’arrêterait pas de dresser des contraventions, voire de mettre les gens en prison car ils sont tous ou presque coupables de violer les règles inscrites dans les différents textes de loi : le cafetier a installé une terrasse qui déborde un peu sur le trottoir, la mère de famille qui traverse avec ses enfants à dix mètres d’un passage clouté, le cycliste dont le vélo ne comporte pas tous les accessoires de sécurité et d’identification… En bref, la vie en société suppose en permanence un jeu avec la règle, des accommodements qui ne portent guère à conséquence et qui rendent la vie plus simple. Ce n’est que si ce jeu devient excessif que des mécanismes de régulation sociale se mettent en œuvre. L’adhérent d’un club de tennis qui dépasse de deux minutes l’heure qu’il a réservée pour terminer une balle de match palpitante s’excusera auprès des joueurs suivants et les remerciera d’avoir patienté. Ceux-ci répondront sans doute qu’ils s’en seraient voulu d’interrompre le match à cet instant crucial et tout le monde se retrouvera au « club house » pour savourer un jus de fruit à la fin de l’après midi. Mais, si un adhérent dépasse systématiquement d’un quart d’heure le temps qui lui est alloué, il risque de s’attirer les remarques désagréables des autres joueurs. Ceux-ci auront la tentation de pénétrer sur le terrain et de se préparer (risque de conflit), voire se plaindront au responsable du club qui sera amené à prendre des sanctions comme l’exclusion de celui qui abuse. La vie en société doit donc se garder de deux attitudes porteuses de tensions entre les individus : la violation systématique des normes qui détruit la cohésion du groupe et l’application excessivement rigide de règles conçues comme des fins en elles-mêmes et non pas comme facilitatrices de la vie en société. La variabilité des attentes dans le temps et dans l’espace En dehors de quelques normes qui constituent des invariants et qui correspondent à des prescriptions morales fondamentales (ne pas tuer son voisin, ne pas voler ses biens…), la plupart des normes sociales sont variables dans le temps et dans l’espace. Telle attente à l’égard des membres du groupe est progressivement délaissée. Ainsi, les joueurs de tennis ne sont plus obligés de porter des vêtements blancs pour se présenter sur le court. A l’inverse, tel comportement qui faisait l’objet d’une indulgence partagée devient plus fermement sanctionné. En matière de conduite sous l’emprise de l’alcool, l’opinion publique a longtemps été très peu sensible au danger et aux conséquences catastrophiques pour les conducteurs alcoolisés et leurs victimes. Le changement d’attitude de la société française est aujourd’hui très net et la répression policière s’est très renforcée de manière très importante. Ce qui était de l’ordre de la « tradition » est devenu un comportement socialement répréhensible et pénalement réprimé. Séquence 10-SE11 211 © Cned – Académie en ligne Régulation sociale, sanctions, institutions A Contrôle et sanctions La régulation sociale, comme la régulation économique, repose sur l’idée que les comportements adaptés doivent être récompensés alors que les comportements inadaptés, qui menacent la cohésion du groupe et l’intégration des individus, doivent être pénalisés. Toute régulation s’appuie donc un système de sanctions positives (récompenses) et de sanctions négatives (punitions). Ces sanctions peuvent être formelles (prix Nobel, prison avec sursis) ou informelle (félicitations en cas de réussite à un examen, murmure réprobateur pour ceux qui n’ont pas éteint leur téléphone portable au cinéma). Pour caractériser les sanctions (négatives) qui peuvent intervenir en cas de comportements dérogatoires aux attentes du groupe, il est possible de les regrouper en quatre catégories. Type de sanction B Définition Exemple Physique L’individu qui déroge à la règle s’expose à un châtiment corporel. Système développé dans les sociétés pré-industrielles (mutilations, supplices, peine de mort…) Les coups de canne dans les écoles anglaises d’autrefois Economique Ponction d’une partie du revenu des individus qui contreviennent aux règles. Système généralisé dans les sociétés industrielles Amende en cas de stationnement interdit, dommages et intérêt pour le bateau pollueur Religieuse Punition surnaturelle Peut prendre une des formes précédentes si la religion dispose de pouvoirs séculiers Excommunication, enfer Sociale Témoignage de réprobation du groupe Remarques, moqueries… Contrôle et institutions Chaque groupe exerce à son niveau et selon les modalités qui sont les siennes un pouvoir de régulation sociale afin de conduire ses membres à répondre aux différentes attentes qui conduiront à leur intégration. Les principaux acteurs de la régulation sociale sont les suivants : 212 La famille En tant que premier lieu de socialisation des enfants, la famille joue un rôle essentiel dans la régulation sociale, en particulier parce qu’elle prépare l’enfant à son entrée dans le monde adulte. Les cinéastes ont très souvent illustré le rôle de la famille dans les processus de socialisation. Certains films ou séries télévisées peuvent être considérés comme des bons exemples de la diversité des formes d’organisation de la famille et des relations qui s’établissent entre ses membres. Dans Tanguy, d’Etienne Chatiliez, les parents Paul et Edith Guetz, un riche couple de cinquantenaires, ne supportent plus que Tanguy, leur grand fils modèle de 28 ans, vive toujours au domicile familial. Ce dernier a beau être brillant et charmant, ses parents vont faire de son existence un enfer pour le forcer à quitter leur luxueux appartement. Le modèle familial proposé par la série « La petite maison dans la prairie » est à l’inverse un exemple de famille traditionnelle alors que « Ma sorcière bien aimée » illustre la famille nucléaire type. L’école Complémentaire de la famille dans le processus de socialisation des enfants, elle a un rôle particulier dans l’acquisition des savoirs et savoir-faire nécessaires pour l’intégration professionnelle des individus. Séquence 10-SE11 © Cned – Académie en ligne L’entreprise Elle est l’agent principal de socialisation dans le monde professionnel. En tant que collectivité de travail, l’entreprise attend de ses membres des comportements professionnels adaptés : respect des horaires ou des consignes de sécurité, application des méthodes de travail retenues, règles de comportement vis-à-vis de la clientèle… Pour une illustration polémique des processus de socialisation en entreprise, il est possible de voir le film de Jean-Marc Moutout, Violence des échanges en milieu tempéré. Le film raconte l’histoire de Philippe, 25 ans, qui vient de quitter l’université et arrive de province pour intégrer à Paris un grand cabinet de consultants en entreprise. Le matin de son premier jour de travail, il rencontre Eva, jeune mère célibataire dont il s’éprend. Sa première mission, qu’il aborde avec enthousiasme, est de préparer le rachat encore confidentiel d’une usine par un grand groupe. Ses premiers rapports sont convaincants. Il gagne la confiance de son chef qui lui confie une nouvelle responsabilité : sélectionner le personnel apte à travailler dans la nouvelle organisation de l’entreprise. Dès lors, Philippe doit se convaincre et convaincre Eva du bien fondé de sa tâche et faire face aux hommes et aux femmes dont il prépare le licenciement. Il se trouvera évidemment confronté à la difficulté de concilier attachement familial et origine sociale avec le comportement attendu d’un consultant chargé de réduire les coûts. L’église Dans les sociétés qui comptent beaucoup de pratiquants, l’église assure une forme de régulation sociale qui peut être extrêmement prégnante puisque les préceptes religieux ont en général vocation à s’appliquer non seulement durant les manifestations collectives mais également à tout instant de la vie des individus. On voit donc que tout individu appartenant à une pluralité de groupes sociaux se trouve soumis à des mécanismes de régulation sociale divers et qu’il lui appartient de s’adapter aux différentes attentes qui assurent son intégration au sein de ces groupes multiples. Séquence 10-SE11 213 © Cned – Académie en ligne Conformité, déviance et délinquance A Définitions Plongé dans la vie sociale, l’individu peut réagir de diverses manières selon son tempérament, son éducation, son niveau de revenu… Le sociologue américain Karl Merton s’est ainsi fait une spécialité de la manière dont les individus s’adaptent aux attentes ou eux exigences de la société. Il analyse ces comportements adaptatifs sous l’angle des buts que les individus s’assignent et des moyens qu’ils peuvent mettre en œuvre pour les atteindre. Toute société ou tout groupe social attend des individus qu’ils partagent les objectifs considérés comme souhaitables et importants et qu’ils utilisent pour les atteindre des moyens considérés comme normaux. Ainsi, une société fondée sur des valeurs libérales et démocratiques attendra des individus qu’ils se comportent en producteurs efficaces et en consommateurs avisés. Elle valorisera la réussite matérielle des individus par le travail, le respect des lois, l’initiative et la prise de responsabilité. En caricaturant pour simplifier et illustrer la typologie de Merton, on dira que la société donne pour but le fait de devenir riche (objectif socialement valorisé) en travaillant beaucoup (moyen socialement adapté). Selon les cas, les individus peuvent adhérer ou non aux buts et aux moyens ainsi définis. Dans le tableau qui suit, l’adhésion est notée + et le refus -. Typologie des modes d’adaptation individuelle Mode d’adaptation Buts Moyens 1. Conformisme + + 2. Innovation + - 3. Ritualisme - + 4. Evasion - - +- +- 5. Rébellion Chaque catégorie représente un type particulier de comportement social : Le conformiste a adhéré à la fois aux objectifs et aux moyens socialement valorisés. Il représente le modèle de réussite pour les institutions de régulation. Nous allons le retrouver un peu plus loin. Une société demeure stable et cohérente tant que les conformistes représentent une large partie de la population. L’innovateur est celui qui adhère à l’objectif mais s’écarte des moyens habituellement mis en œuvre pour les atteindre. Il vise à devenir riche mais il n’entend pas utiliser le moyen normal pour y parvenir. Il peut par exemple compter sur sa « bonne étoile » en ne travaillant pas mais en fréquentant assidument les champs de course et les casinos. L’innovateur peut aussi bien développer une activité positive (invention d’idées ou de produits nouveaux) que négative (activité criminelle en vue de s’enrichir). Le ritualiste se caractérise par un respect scrupuleux des normes de comportement même s’il ne partage pas les objectifs valorisés par la société. Il travaille pour gagner de quoi vivre mais pas plus : « il se contente du peu qu’il a ». L’évadé est celui qui a perdu tout lien avec la société dont il ne partage ni les objectifs ni les moyens de les atteindre. En rupture avec la société, l’évadé se trouve souvent dans une situation très difficile : folie, errance. Le rebelle représente un cas particulier puisqu’il ne se contente pas de rejeter les buts et les moyens valorisés socialement. Il vise à changer la structure sociale et à provoquer l’institutionnalisation, c’est-à-dire l’adoption par le groupe social, des buts et/ou des moyens nouveaux. Les institutions lui 214 Séquence 10-SE11 © Cned – Académie en ligne apparaissent comme des obstacles à la réalisation des buts qu’il s’est fixé. Est un rebelle l’individu qui souhaite faire renoncer la société à son objectif de réussite individuelle et matérielle au profit de la préservation de la nature ou de la mise en commun des ressources produites. � Conformité Si les institutions de socialisation réussissent leur mission régulatrice, les individus s’intègrent dans la société ou le groupe social, favorisant un développement harmonieux des relations entre les individus qui le composent et assurant la pérennité du groupe dans le temps. Le processus d’intégration réussie et le résultat de ce processus portent le même nom : la conformité. La conformité est donc le processus dont le résultat est l’assimilation par l’individu des attentes sociales propres au groupe et la fourniture d’une réponse adaptée à ces attentes. Elle désigne également le résultat de ce processus, c’est-à-dire la situation d’individus qui apportent une réponse adaptée aux attentes du groupe dans lequel ils sont intégrés. � Déviance Lorsque ce processus échoue ou ne réussit pas complètement, des écarts se manifestent entre le comportement attendu d’un membre du groupe et le comportement observé dans la réalité. L’ouvrier que l’on attend à 8 h 00 arrive plus tard. L’enfant dont on attend que tout le monde soit servi avant de commencer à manger se jette sur son assiette à peine celle-ci remplie. L’automobiliste dont on attend qu’il laisse passer le piéton engagé sur un passage clouté ne s’arrête pas et s’arrange même pour passer dans la flaque d’eau qui éclaboussera les personnes sur le trottoir… De tels écarts qui concernent aussi bien les objectifs que les moyens de les atteindre menacent l’homogénéité sociale et les plus graves d’entre eux appellent des sanctions. La déviance n’est pas un problème d’ordre juridique mais sociologique. La sanction de la déviance est en premier lieu le regard désapprobateur porté sur le déviant. Toute déviance n’implique pas une sanction pénale ou physique. Si la norme du groupe social est le port de la cravate et des cheveux courts, le « look punk » constitue une déviance qui suscite l’étonnement ou la réprobation des individus conformistes mais pas de sanctions pénales ou physiques. Dans la typologie de Merton, en dehors du conformiste, les autres types sont des déviants : l’innovateur qui développe une nouvelle industrie aussi bien que le rebelle qui méprise la réussite matérielle. La déviance a fait l’objet de nombreuses œuvres littéraires ou cinématographiques. A propos de Stupeur et tremblements d’Amélie Nothon, vous avez le choix entre le livre et le film. Tous deux mettent en scène une jeune fille Amélie, qui vient de terminer ses études universitaires. Sa connaissance parfaite du japonais, langue qu’elle maîtrise pour y avoir vécu étant plus jeune, lui permet de décrocher un contrat d’un an dans une prestigieuse entreprise de l’empire du soleil levant, la compagnie Yumimoto. Fascinée par la hiérarchie d’entreprise japonaise, précise et méthodique, la jeune femme l’est d’autant plus par sa supérieure directe, l’intrigante et fière Mademoiselle Mori. Pourtant, Amélie va rapidement déchanter à la découverte d’une culture qu’elle ne connaît absolument pas. Ses fréquentes initiatives sont régulièrement sujettes aux réprobations de ses supérieurs. Face à cet acharnement, la jeune femme se plie à leurs exigences. Jusqu’à être mutée dans les toilettes. La déviance naît ici de la volonté de bien faire dans un monde où l’héroïne ne maîtrise pas les conventions sociales propres au Japon. � Délinquance Seules les plus graves des déviances, celles qui consistent dans la violation des règles que les sociétés ont pris le soin d’inscrire dans la loi, constituent des actes de délinquance. La délinquance n’est pas qu’un problème sociologique, c’est un problème juridique qui appelle une politique de prévention et de répression de la part des pouvoirs publics. Elle se mesure statistiquement, c’est un phénomène objectif. La déviance ne se mesure pas dans la mesure où toutes les formes de déviance ne peuvent être recensées et dépendent largement de la subjectivité de celui qui se fait « juge ». Séquence 10-SE11 215 © Cned – Académie en ligne Il convient de bien distinguer ces deux notions. Ainsi, l’innovateur qui est toujours un déviant peut dans certaines hypothèses être récompensé pour les changements qu’il aura apportés à ses semblables. Gustave Eiffel est un déviant que la Ville de Paris remercie tous les jours du flux de touristes que la construction de la tour attire sur le Champ de Mars ou au Trocadéro. A l’inverse, d’autres innovateurs sont des déviants que la société condamne et poursuit pour les mettre en prison. Al Capone voulait sans doute devenir riche mais il s’efforçait d’y parvenir en organisant des activités criminelles de toute sorte. La justice américaine a d’ailleurs fini par le condamner et l’emprisonner. B L’analyse de la déviance et de la délinquance L’apparition de phénomènes de déviance peut ainsi avoir plusieurs causes : Une intégration sociale insuffisante • L’individu ne se conforme pas aux normes de la société parce qu’il existe une faiblesse de ses relations sociales. Une socialisation incomplète • Absence d’intériorisation des normes. L’individu ne ressent pas la contrainte sociale faute d’être inséré dans des institutions. Une opposition entre deux cultures • La culture du groupe auquel il appartient est différente de la culture de la société dans laquelle il vit. La stigmatisation • Une « étiquette » est apposée sur ceux qui sont susceptibles de ne pas s’intégrer au modèle culturel dominant. L’anomie • Absence de freins moraux, de règles sociales : l’individu perd ses repères et peut être conduit au suicide. Du point de vue de la société, le développement de la déviance peut déboucher, si elle prend une forme collective marquée, sur le développement de sous-cultures ou de contre-cultures. Lorsque la déviance est le fait de groupes spécifiques (classes d’âge, classes sociales, groupes régionaux…) elle produit un ensemble de normes et de comportements qui se distinguent des modèles culturels dominants et peuvent en constituer des variantes (sous-cultures) ou des alternatives (contre-culture). C’est ainsi que, pour certains auteurs, la doctrine chrétienne avaient incité les européens à n’accorder qu’une place réduite au corps humain qui devait rester sous la maîtrise de l’esprit et auquel nulle importance particulière ne devait être accordé. Cette attitude dominante est aujourd’hui largement battue en brèche par des approches culturelles différentes qu’il s’agisse d’une vision inspirée par les valeurs de la performance (développement du modèle de l’individu jeune, mince, musclé, bronzé…) ou de valeurs tribales (tatouage, piercing…). Des cultures multiples s’affrontent pour devenir à leur tour norme dominante dans la société. On trouverait sans peine de multiples exemples de ces mouvements dans les différents champs de la culture au sens sociologique du terme (musiques, littérature, vêtements…). Dans le prolongement de l’analyse des comportements individuels, Karl Merton propose une vision particulière des phénomènes de délinquance. Selon lui, les origines de la délinquance sont les mêmes que celles de la déviance. La délinquance résulterait d’un mécanisme de sur-intégration : le délinquant est celui qui a assimilé les normes de la société de consommation (réussite matérielle, achat de biens porteurs de distinction sociale…) mais sans avoir les moyens d’y prendre part. Il souhaite lui aussi acquérir des biens matériels porteurs d’une image sociale valorisante. Mais il ne peut y parvenir en n’utilisant que les moyens licites. Le mode de vie qui s’est développé dans les concentrations urbaines favorise également l’éclosion de la délinquance : plus de magasins, richesse plus visible, relâchement du contrôle social avec l’anonymat.… 216 Séquence 10-SE11 © Cned – Académie en ligne Cette explication est loin d’être la seule. L’histoire a vu se succéder les théories criminologiques. Après avoir en vain recherché les causes de la criminalité dans une caractéristique physique particulière (la « bosse du crime » que des criminologues célèbres ont tenté en vain de découvrir), on a en général avancé des causes que l’on pourrait qualifier de bio-psycho-sociologiques : la pauvreté, le chômage, la toxicomanie, l’alcoolisme, les carences affectives et éducatives… Aucune corrélation simple n’a pu être établie entre l’un de ces facteurs et les chiffres de la délinquance. On n’est pas plus criminel quand on est pauvre ou toxicomane. Les grands programmes lancés, notamment aux États-Unis, pour combattre ces causes supposées n’ont pas donné de résultats très probants. L’une des pistes possibles pour comprendre la délinquance pourrait être de reconnaître qu’il existe plusieurs types de délinquance qui répondent à des motivations différentes et qui s’expliquent par des raisons diverses : Une criminalité motivée par le rapport coût / bénéfice (vols d’automobiles, trafic de drogue, prostitu- tion…) et qui est sensible à une action visant à augmenter le coût des pratiques illicites (renforcement des dispositifs antivols pour les voitures, aggravation des peines encourues en cas d’arrestation) et à réduire le bénéfice qui peut en être attendu (lutte contre les marchés clandestins). Une criminalité aléatoire et irrationnelle (folies homicides, violences familiales…) qui échappent en grande partie à l’action des pouvoirs publics. Une criminalité diffuse (vols à l’étalage, à l’arraché…) qui se caractérise par le fait qu’un petit nombre des personnes qui s’y livre concentre une part importante des méfaits. La répression peut ici s’avérer efficace à condition de se concentrer sur ce petit nombre de malfaiteurs à qui l’on peut imputer une part très importante de l’activité de ce type. Séquence 10-SE11 217 © Cned – Académie en ligne Régulation sociale et conflits sociaux A Les différentes conceptions de la régulation sociale dans la vie de l’entreprise L’entreprise forme un groupe humain qui dispose de ses propres valeurs et de ses propres normes. Elle développe une forme particulière de régulation sociale et les comportements de ses salariés doivent répondre aux attentes dont ils sont l’objet. De nombreuses études ont montré que le processus de régulation à l’œuvre dans les entreprises pouvait différer sensiblement d’une époque à l’autre ou d’une culture à une autre. Nous en prendrons deux exemples qui ont en commun d’accorder une place importante à l’individu dans l’organisation. Elles se distinguent en cela du modèle taylorien où la question de la régulation se limitait à la détermination de règles mécaniques de comportement et à l’application stricte d’un règlement intérieur assorti de sanctions financières (retenues de salaires). Dans ces deux modèles, la régulation présente une complexité qui en fait la richesse. � Le modèle de régulation de l’École des relations humaines Dans ce modèle que nous avons déjà rencontré (cf théorie X et Y de Mac Grégor), le point de départ de l’analyse est qu’il faut tenir compte des effets sociaux qui se produisent dans l’entreprise et qui tiennent au jeu des statuts, des relations personnelles, des groupes informels… A défaut, la performance de l’entreprise s’en trouve amoindrie même si elle est parfaitement organisée « sur le papier ». Ces effets sociaux sont particulièrement importants car ils influencent la production de deux points de vue. En premier, les groupes de travail ont tendance à établir des normes de comportement qui protègent leurs membres contre des augmentations de cadence. L’individu qui ne veut pas subir les sanctions sociales (mise à l’écart du groupe, mépris de ses camarades de travail….) doit adopter cette norme et la direction peut avoir le sentiment que les cadences sont convenables puisque personne ne semble pouvoir aller plus vite. D’autre part, les groupes de travail suscitent l’émergence d’une hiérarchie parallèle, des leaders informels accumulant une autorité bien qu’ils ne soient que des employés comme les autres. Ces leaders sont à l’origine de normes et de comportements qui sont suivis par les autres et qui peuvent entrer en conflit avec les ordres donnés par les chefs hiérarchiques. Les spécialistes des relations humaines peuvent s’efforcer d’identifier ces effets sociaux pour leur apporter des réponses favorables à l’augmentation de la performance globale de l’entreprise. Le schéma suivant résume ce premier mode de régulation dans l’entreprise. 218 Séquence 10-SE11 © Cned – Académie en ligne � L’approche managériale des relations social dans l’entreprise Dans les années 1970, les nombreux succès remportés sur les marchés occidentaux par les entreprises japonaises ont suscité un engouement particulier pour le modèle d’organisation très spécifique qu’elles avaient mis en place et qui reposait sur une approche qualitative des processus de travail (0 défaut) et une forme de régulation privilégiant la cohérence de l’entreprise et l’usage de normes communes d’évaluation de la performance. L’exemple japonais et de nombreuses mesures législatives ont incité les entreprises à revoir leurs mécanismes de régulation sociale en intégrant davantage les partenaires sociaux dans un dialogue tripartite : direction, syndicat, salariés. Ce dialogue peut être schématisé comme suit : Séquence 10-SE11 219 © Cned – Académie en ligne La relation hiérarchique, seule reconnue dans l’organisation taylorienne, ne disparaît pas. L’organisation de l’entreprise repose sur la division du travail et le pouvoir de décision directorial relayé vers les salariés par des personnels d’encadrement. Cette relation hiérarchique s’enrichit d’un dialogue direct qui permet en particulier d’informer les salariés des projets de l’entreprise, de ses succès et de ses échecs… Mais, la structure hiérarchique se complète d’une structure de dialogue intermédié entre le personnel et la direction. Les représentants des salariés sont considérés comme des interlocuteurs capables de formaliser et de porter collectivement des motivations et frustrations des salariés qu’ils expriment sous forme de revendications. Celles-ci donnent lieu à un dialogue institutionnalisé dans différentes instances que la loi a encouragé dans les années 1980 : comité d’entreprise, conseil d’administration (où les représentants des salariés sont présents)… Cette approche est qualifiée de managériale au sens où elle intègre dans le système de gestion de l’entreprise des mécanismes de régulation sociale qui en étaient autrefois écartés. Ceci ne signifie pas que cette intégration résout à elle seule les conflits sociaux. Mais, elle leur donne un cadre où ils peuvent s’exprimer avant de se transformer en véritables crises, ce qui n’est pas exclu en cas d’échec du dialogue entre les trois partenaires. B Le rôle des syndicats dans la régulation sociale � Des organisations nées des conflits sociaux du XIXe siècle Le monde de la production a connu depuis très longtemps des formes d’organisation collective qui avaient un rôle de régulation sociale en imposant des normes et des comportements destinés à garantir une certaine qualité de la production en même temps que les intérêts bien compris des producteurs. Mais, si des guildes ou des corporations existaient dès le Moyen-Âge, ces formes d’organisation ont été supprimées par la Révolution française (la loi Le Chapelier) qui peut s’interpréter en termes de coordination marchande comme la volonté d’instaurer l’atomicité de l’offre et de la demande de travail afin de laisser jouer la concurrence et de parvenir à une situation d’équilibre et à un salaire conforme à l’état des forces sur le marché. Il a donc fallu attendre la Révolution industrielle en Angleterre pour qu’apparaissent des organisations syndicales au sens moderne du terme. Les ouvriers britanniques ont obtenu le droit de se regrouper en syndicats dès 1852. En France, cette liberté syndicale sera pleinement reconnue en 1884 par la loi Waldeck-Rousseau. A la fin de ce siècle, un syndicalisme de masse, tirant sa force de mouvements de grève très importants, se développe et aboutit à la création de confédérations nationales : Trade Union Congress (TUC) en Grande Bretagne, Confédération Générale du Travail (CGT) en France… Des différences idéologiques apparaissent en liaison avec le développement du courant socialiste et la Révolution russe. Un syndicalisme socialiste (Allemagne, Suède, France) coexiste avec un syndicalisme influencé par la doctrine chrétienne (Allemagne, Belgique) et un syndicalisme proche de l’anarchisme à visée révolutionnaire. Aujourd’hui, certains pays connaissent un morcellement syndical, fruit du développement de ces diverses tendances (Italie, France). A l’inverse, certains pays se caractérisent par la domination de fait, sinon de droit, de grandes centrales qui réunissent un nombre très important d’adhérents autour d’une volonté de réforme sociale et non pas d’un projet de transformation radicale de la société. Le syndicalisme réformiste a une fonction centrale dans les processus de régulation sociale. Il est en effet co-respondable avec les syndicats patronaux de la définition de nombre de normes professionnelles (négociation d’accords collectifs sur le temps de travail, l’organisation des entreprises…) et il lui revient de veiller à la bonne application de ces normes dans les entreprises. Cette seconde forme de syndicalisme unitaire et réformateur semble remporter l’adhésion des employés si l’on s’en rapporte aux taux de syndicalisation très élevés qui caractérisent des pays comme la Suède ou la Belgique alors qu’en France ou en Italie, ce taux de syndicalisation est très faible. 220 Séquence 10-SE11 © Cned – Académie en ligne � Différentes conceptions du rôle des syndicats dans la société L’intervention dans la régulation sociale de ces organismes d’intermédiation que sont les syndicats est diversement appréciée par les économistes. Les syndicats, entrave au fonctionnement de la coordination par le marché Comme on peut s’en douter, les économistes qui ont une préférence forte pour la coordination par le marché analysent les syndicats comme des formes d’atteinte à l’atomicité du marché et un facteur de perturbation du fonctionnement de la loi de l’offre et de la demande. La concurrence devient imparfaite et engendre des dysfonctionnements dont les offreurs de travail sont les victimes tout autant que les entreprises. Les principaux arguments de ces économistes à l’encontre des syndicats peuvent se résumer comme suit : Les syndicats, outil de lutte du prolétariat Pour les syndicats qui se sont rangés à la vision marxiste de la vie économique et sociale, les syndicats sont le produit des efforts du prolétariat pour lutter contre leur ennemi de classe (la bourgeoisie) et limiter les effets destructeurs de la compétition que se livrent les demandeurs de travail lorsqu’ils se présentent sur le marché. Instruments de la lutte quotidienne de ceux qui sont exploités, les syndicats ont en même temps un rôle essentiel de formation et d’organisation de la classe ouvrière. En conduisant de grands mouvements sociaux, les syndicats sont à l’origine de progrès dans les conditions de vie des ouvriers (augmentation de salaires, réduction du temps de travail, amélioration des conditions d’hygiène et de sécurité…). Mais, ils ne doivent pas se contenter de réformer le système capitaliste à la marge ; ils doivent travailler à la destruction du système de la propriété privée des moyens de production et à l’avènement de la société sans classe. En ce sens, les syndicats sont des outils de transformation vers le socialisme et le communisme. Séquence 10-SE11 221 © Cned – Académie en ligne Les syndicats, éléments du processus de régulation économique et social Certains économistes analysent le rôle des syndicats en prenant pour point de départ le phénomène de concentration industrielle qui donne naissance à des entreprises de grande taille et à la nécessité d’une régulation adaptée à des acteurs puissants qui ont besoin d’interlocuteurs à leur mesure pour mettre en place et faire vivre une régulation sociale minimisant les conflits incontrôlés. Dans cette perspective, l’existence de syndicats puissants, capables de représenter collectivement les salariés, d’exprimer leurs revendications et de négocier pour eux des compromis constitue un avantage en limitant les risques de mouvements spontanés, peu représentatifs et incapables de porter une négociation pour l’ensemble des personnels. Les syndicats ont alors un rôle positif de gestion des tensions, voire des conflits, et de cohésion sociale. 222 Séquence 10-SE11 © Cned – Académie en ligne ravaux dirigés A – Dossier Metaleurop La vie économique et sociale connaît en permanence des situations de tension, de négociation, de conflit. La notion de mouvement social désigne une action collective revendicatrice ayant pour objectif de modifier les mentalités (représentations collectives existantes) ou les règles institutionnelles en vigueur dans un sens plus favorables aux catégories qui sont à l’origine du mouvement. Ces mouvements peuvent prendre différentes formes. La plus classique est celle du recours à la manifestation sur la voie publique. Mais, les acteurs sociaux imaginent sans cesse de nouvelles formes d’action dont l’impact médiatique est plus fort en raison de leur originalité ou de leur visibilité. Les mouvements sociaux importants dépassent les frontières que l’on peut établir entre les acteurs, les formes des mouvements, la nature des demandes. Un exemple typique de ces mouvements est celui de Metaleurop. Le texte ci-dessous présente un éclairage sur ce conflit qui a éclaté dans la région du Nord en 2003. Metaleurop, deux ans après la fermeture En janvier 2003, le groupe Metaleurop déposait le bilan de son usine de Noyelles-Godault (Pas de Calais) employant 830 personnes afin d’éviter la mise en oeuvre d’un plan social et la dépollution d’un des sites les plus pollués d’Europe. Bilan d’un cas extrême d’irresponsabilité sociale et environnementale. Devenue le symbole des « patrons voyous » et de l’opacité des montages financiers internationaux, la fermeture brutale de l’usine Metaleurop (les salariés l’ont appris le soir même par le journal télévisé) a fait l’objet d’un vif conflit social, qui a duré pendant plus d’un an. Un an pour tenter d’obtenir, dans un premier temps, la réouverture du site, puis pour obtenir réparation après un dépôt de bilan qui exonérait le groupe de mettre en place un plan social. Manifestation après manifestation, les employés ont obtenu un plan social financé par les pouvoirs publics, prévoyant le versement d’indemnités de licenciement et le reclassement des salariés. Presque deux ans plus tard, sur les 671 ex-salariés en âge de travailler, seulement la moitié a retrouvé un emploi stable. « La moyenne d’âge lors de la fermeture de l’usine était de 47 ans », indique l’association « Cœurs de fondeurs », qui regroupe les anciens salariés. Un handicap supplémentaire dans une région sinistrée… Parmi les anciens salariés, une trentaine a réussi à travailler sur le projet de dépollution du site, et beaucoup fondent leurs espoirs sur le nouveau chantier « Agora », mis en œuvre par l’entreprise SITA. Cette filiale de Suez, qui a repris le site en janvier 2003, va en effet créer un site dédié au recyclage industriel ainsi qu’une plateforme de compostage. SITA, qui recevra des pouvoirs publics 30 000 euros par emploi, compte en créer près de 200 à l’horizon 2009. Mais l’entreprise doit au préalable procéder à la dépollution du site. Un chantier considérable : 100 000 tonnes de déchets toxiques et de gravats, 82 000 m² d’amiante, mais aussi du zinc, du plomb, de l’arsenic et des hydrocarbures… Les coûts liés à la dépollution du site et de ses environs sont évalués à quelque 300 millions d’euros – auxquels s’ajoutent 43 millions d’euros pour le plan social –, laissés à la charge de la collectivité. Dommages sanitaires et environnementaux Implantée en 1894, l’usine est considérée comme l’un des sites les plus pollués d’Europe. Depuis plus d’un siècle, la fonderie de Noyelles-Godault rejettait du plomb dans l’atmosphère (50 kg par jour sous forme de poussières), provoquant un taux de plombémie élevé dans la population, notamment chez les jeunes enfants. Les riverains de la commune d’Evin-Malmaison, regroupés en association, avaient d’ailleurs déposé plainte en octobre 2002 auprès du tribunal de Béthune, pour « empoisonnement et non-assistance à personnes en danger ». Seul un « programme d’intérêt général » prévoyant des restrictions d’urbanisme et un suivi sanitaire de la population, avait été mis en place à partir de juillet 2002, à la demande des habitants et des associations de défense de l’environnement… Séquence 10-SE11 223 © Cned – Académie en ligne Depuis septembre dernier, un suivi médical est assuré pour les anciens salariés de Métaleurop afin d’évaluer les conséquences de leur exposition au plomb et à l’amiante. Si certains ont été très touchés par la pollution, le sujet demeure néanmoins tabou. Les ouvriers ont en effet tendance à penser que la fermeture de l’usine est due aux impacts environnementaux et au coût de la dépollution. Comme ailleurs, un accord tacite entre employés, élus et chefs d’entreprises, a longtemps permis de « cacher » les risques sanitaires et environnementaux liés à l’activité de l’usine. Aujourd’hui, les risques pèsent sur les ex-salariés, mais aussi sur les riverains du site de Metaleurop, et notamment les enfants. Certains d’entre eux sont victimes du saturnisme. Le Pr Jean-Marie Hagenauer, qui enseigne à la faculté de médecine de Lille, a été chargé par le ministère de la Santé d’étudier les effets de la présence dans le sang de poussière de plomb. Il estime que « dans le secteur de Metaleurop, environ 13 % des enfants ont plus de 100 microgrammes de plomb par litre de sang. A ce stade, il y a toujours une possibilité que cela entraîne des conséquences sur la santé, la parole, et des problèmes neuro-comportementaux (…) Ici, nous avons de la poussière de plomb sur toutes les surfaces, dans les jardins, les cours, à l’école, partout. » Plus de 10 communes sont concernées, soit environ 60 000 personnes. Véronique Smée Mis en ligne le : 06/12/2004 http://www.novethic.fr/novethic/site/article/index.jsp?id=86704 Rechercher la signification du terme « dépôt de bilan ». Pour quelles raisons la fermeture de l’entreprise Metaleurop a-t-elle débouché sur un mouvement social aussi important ? Quelles étaient les revendications à l’origine du mouvement social ? Ont-elles été satisfaites ? Pourquoi la fermeture de Metaleurop ne concerne-t-elle pas que les salariés mais tout le tissu social autour de l’entreprise ? B Sanctions sociales Le respect des normes sociales est garanti par le fait que leur violation est sanctionnée. On distingue plusieurs types de sanctions : physiques, économiques, religieuses, sociales. Voici un exercice pour vous entraîner à classer un certain nombre de sanctions dans les quatre catégories évoquées. Sanctions physiques Sanctions économiques Sanctions religieuses Sanctions sociales Moquerie du groupe / Commérage / Résurrection / Diplôme / Peine de mort / Retrait de la bourse étudiant / Fessée / Damnation éternelle / Note dans le cahier de liaison / Retrait de l’amitié / Mot d’encouragement des parents / Retenue au lycée / Colère des dieux / Emprisonnement / Contravention / Boycottage des produits / Dommages et intérêts / Prime d’ancienneté 224 Séquence 10-SE11 © Cned – Académie en ligne C Déviance d’hier, conformité d’aujourd’hui L’appréciation de la déviance est fonction de l’époque et du lieu. Tel comportement déviant dans une société donnée est tout à fait conforme aux valeurs et aux normes d’une autre société. Ce qui était déviant hier dans la société française peut devenir conforme aujourd’hui et vice-versa. Voici un tableau dans lequel vous pourrez reclasser les différents comportements évoqués à titre d’exemple. Conforme hier, conforme aujourd’hui Conforme hier, déviant aujourd’hui Déviant hier, conforme aujourd’hui Déviant hier, déviant aujourd’hui • Attaquer une banque • Choix du mari par les parents de la mariée • Mariage d’une femme et d’un homme • Châtiment corporel appliqué aux enfants (coups de canne) • Port de la mini-jupe par un garçon • Conduite en état d’ivresse légère • Cohabitation juvénile (avant mariage) • Port du pantalon par les filles • Consommation de tabac à la maison • Courtoisie envers les autres • Consommation de tabac dans les locaux accessibles au public • Rouler très vite en ville ■ Séquence 10-SE11 225 © Cned – Académie en ligne