Séquence 10-SE11 211
Des attentes réciproques
En premier lieu, il convient de remarquer que la notion d’attente obligatoire, nécessaire ou facultative,
ne doit pas se comprendre comme une relation à sens unique entre l’individu et le groupe. Le fonc-
tionnement du groupe donne naissance à un tissu d’attentes réciproques, chaque membre du groupe
attendant des autres qu’ils se conforment aux normes comme il s’attend à ce que ces comportements
soient exigés de lui. Les rapports sociaux sont fondés sur la réciprocité des attentes individuelles.
L’adhérent du club de tir à l’arc qui respecte les consignes de sécurité s’attend à ce que tous les autres
membres les respectent aussi. Si tel n’est pas le cas, les relations au sein du club vont se distendre,
voire se transformer en conflit. Le président sera saisi par les membres qui respectent les consignes
des infractions qui sont commises et il lui sera demandé de réprimander les contrevenants avant qu’un
accident ne se produise et que la responsabilité des dirigeants du club ne soit engagée.
Une certaine souplesse dans le jeu des attentes sociales
En second lieu, il convient de remarquer que les règles de vie en société sont souvent très nombreuses
et que toutes ne sont pas respectées sans que des conflits graves n’éclatent pour autant. Dans un film
célèbre,
les Ripoux
, le vieux commissaire de police joué par Philippe Noiret fait une ronde en voiture
avec son jeune collègue fraîchement émoulu de l’Ecole de police, Thierry Lhermitte. Celui-ci veut faire
respecter la loi, toute la loi, rien que la loi. Il est prêt à sévir à la moindre infraction. Le vieux commissaire
finit par s’énerver et lui faire remarquer que s’il devait appliquer les textes dans toute leur rigueur, il
n’arrêterait pas de dresser des contraventions, voire de mettre les gens en prison car ils sont tous ou
presque coupables de violer les règles inscrites dans les différents textes de loi : le cafetier a installé
une terrasse qui déborde un peu sur le trottoir, la mère de famille qui traverse avec ses enfants à dix
mètres d’un passage clouté, le cycliste dont le vélo ne comporte pas tous les accessoires de sécurité
et d’identification…
En bref, la vie en société suppose en permanence un jeu avec la règle, des accommodements qui ne
portent guère à conséquence et qui rendent la vie plus simple. Ce n’est que si ce jeu devient excessif
que des mécanismes de régulation sociale se mettent en œuvre. L’adhérent d’un club de tennis qui
dépasse de deux minutes l’heure qu’il a réservée pour terminer une balle de match palpitante s’ex-
cusera auprès des joueurs suivants et les remerciera d’avoir patienté. Ceux-ci répondront sans doute
qu’ils s’en seraient voulu d’interrompre le match à cet instant crucial et tout le monde se retrouvera
au « club house » pour savourer un jus de fruit à la fin de l’après midi. Mais, si un adhérent dépasse
systématiquement d’un quart d’heure le temps qui lui est alloué, il risque de s’attirer les remarques
désagréables des autres joueurs. Ceux-ci auront la tentation de pénétrer sur le terrain et de se préparer
(risque de conflit), voire se plaindront au responsable du club qui sera amené à prendre des sanctions
comme l’exclusion de celui qui abuse.
La vie en société doit donc se garder de deux attitudes porteuses de tensions entre les individus : la
violation systématique des normes qui détruit la cohésion du groupe et l’application excessivement
rigide de règles conçues comme des fins en elles-mêmes et non pas comme facilitatrices de la vie en
société.
La variabilité des attentes dans le temps et dans l’espace
En dehors de quelques normes qui constituent des invariants et qui correspondent à des prescriptions
morales fondamentales (ne pas tuer son voisin, ne pas voler ses biens…), la plupart des normes socia-
les sont variables dans le temps et dans l’espace. Telle attente à l’égard des membres du groupe est
progressivement délaissée. Ainsi, les joueurs de tennis ne sont plus obligés de porter des vêtements
blancs pour se présenter sur le court. A l’inverse, tel comportement qui faisait l’objet d’une indulgence
partagée devient plus fermement sanctionné. En matière de conduite sous l’emprise de l’alcool, l’opinion
publique a longtemps été très peu sensible au danger et aux conséquences catastrophiques pour les
conducteurs alcoolisés et leurs victimes. Le changement d’attitude de la société française est aujourd’hui
très net et la répression policière s’est très renforcée de manière très importante. Ce qui était de l’ordre
de la « tradition » est devenu un comportement socialement répréhensible et pénalement réprimé.
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