2. La structure des atomes 2.1 Les particules subatomiques Bien que les preuves expérimentales confirment l’existence d’atomes, il se révéla vite que les atomes ne sont pas autant ‘indivisibles’ que leur nom l’indique. En effet les atomes sont composés de particules encore plus petites, les particules subatomiques. Une première preuve expérimentale de l’existence des particules subatomiques est basée sur l’observation que les atomes peuvent absorber la lumière et émettre des électrons (effet photoélectrique). Comme les électrons possèdent une charge négative et que l’atome est globalement neutre, il suit automatiquement que l’atome doit également contenir des particules chargées positivement, les protons. Il s’avère que les atomes ont une masse nettement plus élevée que si l’on additionne les masses des protons et des électrons le composant. Ce défaut de masse est dû à la présence d’une troisième particule subatomique, les neutrons. Le tableau 2.1 résume les propriétés physiques (masse et charge) des trois particules subatomiques ; l’électron, le proton et le neutron1. Tab. 2.1 Propriétés physiques des particules subatomiques. L’électron possède une charge d’une unité de charge élémentaire -1e , ce qui correspond à 1.602 x 10-19 Coulomb en unités SI. La charge d’un proton est de +1e. Les protons et les neutrons ont une masse à peu près identique alors que les electrons sont environ 2000 fois plus léger. Question 2.1: La masse d’un atome de carbone est de 12x1.661x10-27kg. Combien contient-il de neutrons? Réponse 2.1: 6 2.2 L’intérieur des atomes Jusqu’ici, nous avons vu que les atomes contiennent des électrons et des protons, et dans la plupart des cas des neutrons, mais nous ne savons pas 1 Des trois particules subatomiques, seul l’électron est une particule élémentaire (c-à-d. qui n’est pas formée de plus petites particules). Les protons et les neutrons sont quant à eux composés de 3 particules élémentaires, les quarks. comment sont arrangées ces particules à l’intérieur de l’atome. Une première expérience qui suggéra comment les atomes sont construits a été effectuée par le groupe d’Ernest Rutherford. Fig. 2.1 Représentation de l’expérience de Rutherford. Rutherford et ses collaborateurs font passer un faisceau de α-particules (particules d’hélium doublement chargées, contenant 2 protons et 2 neutrons 4-He2+) provenant d’une source de radon à travers une mince feuille d’or. Le résultat de cette expérience était vraiment remarquable. Etonnamment, la plupart des particules α passent la feuille de métal comme si c’était un espace vide sans collisions et seule une particule sur 20’000 est réfléchie significativement ! Rutherford interpréta ces données avec un modèle atomique ou toutes les particules massives (protons et neutrons, aussi appelés nucléons) sont concentrées dans un tout petit espace, le noyau2 (avec un rayon caractéristique de 10-15m), et où la plupart du volume atomique est occupé par un nuage électronique étendu dont les dimensions sont plus grandes typiquement de 4 à 5 ordres de grandeur. Fig. 2.2 Modèle atomique d’un noyau de protons et neutrons et d’un nuage électronique étendu. rel/rnucl ~ 104-105. 2 Bien que les protons se repoussent entre eux par forces de Coulomb, les particules du noyau sont maintenu fermement par la force forte, une autre des quatre force fondamentales. 2.3 Nombre atomique, nombre de masse et isotopes. Comme toutes les réactions chimiques impliquent des changements dans les nuages électroniques entourant les noyaux, la nature chimique d’un atome est déterminée par le nombre de ses électrons. Pour un atome neutre, le nombre d’électrons nel est égal au nombre de protons np. Comme ce dernier nombre ne change pas au cours d’une réaction, au contraire du nombre d’électrons qui peut lui varier, on choisit np comme quantité caractéristique de la nature chimique d’un atome et on l’appelle le Nombre Atomique (ou le numéro atomique) Z. Tous 117 éléments connus à ces jours consistent en des atomes de même nombre atomique Z. Chaque élément est symbolisé par un symbole chimique (1 ou 2 lettres) comme par exemple H pour hydrogène ou Na pour le sodium (pour une liste complète de tous les noms et symboles des éléments consultez : Liste des éléments par symbole - Wikipédia). Dans le tableau périodique des éléments ; periodic table of elements (PSE), tous les éléments sont classés par leur ordre croissant de nombre atomique Z. Tout atome avec un nombre Z donné peut contenir un nombre variable de neutrons. Le nombre total de nucléons (protons et neutrons) est appelé le nombre de masse A. Les atomes avec le même numéro atomique Z mais un nombre de masse A différent sont appelés isotopes (du grec ‘iso topos’ : ‘au meme endroit’). Chaque atome avec des nombres Z et A spécifiques est un isotope, en anglais nuclide. Pour spécifier le type d’isotope on utilise différentes notations, soit on écrit ‘symbole chimique – A’ ou ‘AZ symbole chimique’. Un isotope de néon avec 10 protons et 10 neutrons est ainsi décrit par les notations Ne-20 ou 2010Ne. Question 2.2: Quelle est la notation pour un isotope de néon avec 11 neutrons ? Combien de neutrons comporte un isotope de Ne-22 ? Réponse 2.2: Ne-21, 12 Tous les isotopes, stables ou instables, ayant été observés sont listés dans les tables des isotopes. Nous discuterons de quelques isotopes instables dans le Chapitre 2.5 sur la radioactivité, ici nous nous intéressons aux isotopes stables d’un élément (si vous suivez le lien donné avant sous tables des isotopes vous trouverez tous les isotopes stables listés en rouge et si vous suivez le lien http://www-nds.iaea.org/nudat2/index.jsp et cliquez sur la gauche sur ‘Nuclear Wallet Cards’ vous pouvez sélectionner un isotope et trouver son abondance naturelle). Vous noterez que les isotopes stables (en rouge) sont tous groupés le long du milieu du graphe où le nombre de protons est à peu près égal au nombre de neutrons, ou, en d’autres mots A ~ 2Z). Cette zone est appelée îlot de stabilité (island of stability), et la règle A ~ 2Z vaut surtout pour les éléments légers jusque vers Z = 20, pour Z > 20 les isotopes stables contiennent progressivement plus de neutrons que de protons. Il existe aussi des nombres particuliers de protons et neutrons qui résultent en des isotopes particulièrement stables, les nombres magiques (‘magic numbers’). Quelques éléments (Be, F, Na, Al, P, Sc, V, Mn, Co, As, Rb, Y, Nb, Rh, I, Cs, La, Pr, Tb, Ho, Tm, Lu, Ta, Re, et Au) sont pures isotopiquement ce qui signifie que pour ces éléments, seul un isotope stable existe. Toutefois, pour la plupart des éléments, il existe au moins 2 ou 3 isotopes stables. Le record est détenu par l’étain pour lequel il existe 10 isotopes stables! Vous pouvez également voir que pour certains éléments il n’existe que des isotopes instables (p.ex. pour le Tc et le Pm). On appelle ces derniers des éléments radioactifs. Tous les éléments pour lesquels Z > 83 sont radioactifs. Tab. 2.2 donne quelques exemples des isotopes naturels de quelques éléments communs et de leurs abondances naturelles. L’isotope d’hydrogène moins abondant dans la nature H-2 (aussi appelé hydrogène lourd ou D pour ‘deutérium’ du grec ’deuteros’ = deux) est utilise pour de nombreuses expériences en chimie (notamment des expériences de résonance magnétique nucléaire (RMN), en anglais nuclear magnetic resonance (NMR) ou pour la spectroscopie infrarouge infrared (IR) spectroscopy). Le troisième isotope naturel H-3 (ou T pour ‘tritium’) est radioactive est n’est donc présent que sous forme de traces. L’isotope le plus abondant du carbone est le C-12 (98.9%) et il existe une petite quantité de C-13 (1.1%). Un troisième isotope naturel est le C-14, un isotope radioactif utilisé pour dater des échantillons archéologiques. Tab. 2.2. Selected isotopes of some common elements. Question 2.3: Combien de formes isotopiques stables (isotopologues) attendez-vous pour une molécule de C2H2 ? Combien d’entre elles ont une masse différente ? Réponse 2.3: 9, 5 Les propriétés chimiques d’un atome sont déterminées par le nombre et les propriétés des électrons qu’il contient. Comme les différents isotopes d’un élément donné ont tous le même nombre de protons et d’électrons, ainsi que la même structure électronique, les isotopes présentent un comportement chimique identique.3 Toutefois, à cause de la différence de masse, des isotopes différents peuvent avoir des propriétés physiques différentes, comme par exemple leurs densités, viscosités, coefficients de diffusion, etc. Question 2.4: Quelle différence de densité attendez vous entre l’eau (H2O) et l’eau lourd (D2O) ? Réponse 2.4: En admettant l’hypothèse que l’eau et l’eau lourde ont une structure identique, c’est-à-dire qu’un nombre identique de molécules occupe le même volume, la différence de densité est simplement donnée par la différence de masse (18 u et 20 u respectivement). On s’attend donc à une différence d’environ 10 %. La masse atomique d’un élément est donnée par la moyenne pondérée des masses de ses isotopes naturels. Les masses atomiques et moléculaires sont généralement données en unités de masse atomique u. 1 u est défini comme étant 1⁄12 de la masse d’un atome de carbone-12. 1 u = 1.66054 x 10-27 kg En biologie et en biochimie, on utilise souvent le terme ‘dalton’ avec le symbole Da. 1 Da = 1 u Comme les macromolécules biologiques sont grandes, on les désigne souvent en kilodaltons, ou “kDa”. 3 L’exception principale à ceci est l’effet cinétique isotopique kinetic isotope effect: à cause de leur plus grandes masses, des isotopes plus lourds ont tendance à réagir plus lentement que les isotopes plus légers d’un même élément. Les masses atomiques et moléculaires peuvent être déterminées très précisément à l’aide d’un spectromètre de masse. Il existe différents types de spectromètres de masse (p. ex. Spectromètres temps-de-vol, quadripôle, quadripôle piège à ions, résonance cyclotron à transformée de Fourier). Dans la Fig. 2.3, vous pouvez voir une représentation schématique du principe d’un spectromètre de masse à champ local. Isotopes of Ne Fig. 2.3 Spectromètre de masse à champ local et spectre de masse du néon. Dans un spectromètre à champ local, l’échantillon est bombardé avec un canon à électrons qui arrache les électrons des atomes de l’échantillon et génère ainsi des ions chargés positivement. Ces ions sont accélérés à travers un champ électrique fort et sortent par une petite fente vers le vide. Le faisceau d’ions résultant passé à travers un champ électromagnétique qui les dévie de leur course rectiligne. Les ions de masse plus élevées sont moins déviés que ceux de masse plus faible, ainsi, en fonction du rapport masse/charge, les ions arrive à différentes positions sur le détecteur. L’intensité du signal du détecteur pour chaque valeur du rapport masse/charge est proportionnelle au nombre de particules détectées. Si tous les ions possèdent la même charge, le spectre enregistré montre la distribution des différentes masses présentes dans l’échantillon. Pour exemple, vous pouvez voir sur la Fig. 2.3 le spectre de masse d’un échantillon de néon. Les intensités relatives des trois pics reflètent l’abondance relative des isotopes. Question 2.5: Combien de pics attendez vous pour un spectre de masse de HF ? Quel est le rapport d’intensité des pics moléculaires ? Réponse 2.5: 5 (H, D, F, HF et DF), I(HF):I(DF) = 1 : 0.00015. 2.4 La mole, la masse molaire et la molarité Des quantités macroscopiques de matière contiennent un nombre énorme de particules, typiquement de l’ordre de 1023. Cela n’est pas très pratique si l’on doit reporter de tells nombres et travailler avec. Lorsque l’on décrit la matière au niveau atomique, il est ainsi nécessaire d’introduire des quantités plus appropriées. La première est la mole : Definition d’une mole: Une mole d’une substance est la quantité qui contient le nombre d’ Avogadro NA (NA = 6.02214 x 1023 mol-1) de particules. Le nombre d’Avogadro a été détermine en premier par le conte italien Avogadro. Question 2.6: Une mole d’eau contient le nombre d’Avogadro de molécules d’eau. Combien y a-t-il de moles d’atomes d’hydrogène, d’atomes d’oxygène, d’électrons, de protons et de neutrons ? Réponse 2.6: 2 moles H, 1 mol O, 10 moles d’électrons, 10 moles de protons et 8 moles de neutrons. À partir de la mole, on peut définir de nouvelles quantités basées sur cette dernière, comme la masse molaire d’une substance et la molarité d’une solution. La masse molaire Mx d’une substance x est la masse d’une mole de particules de cette substance: Mx = mx * NA Où mx est la masse d’une particule. 12g C 32g S Fig. 2.5 Chaque échantillon contient environ une mole d’atomes 64g Cu 207g Pb 201g Hg Question 2.7: Quelle est la masse molaire de l’eau? Réponse 2.7: La masse MH2O d’une mole de H2O peut être déterminée en calculant la masse moléculaire d’une molécule d’eau mH2O et en multipliant cette quantité par le nombre d’Avogadro : mH2O = 2xmH + mO = 2x1u +16u = 18u MH2O = mH2O *NA -24 MH2O = 18*1.66054 10 g * 6.02214 1023 mol-1 = 18 g/mol Le terme molarité M est utilise pour caractériser la concentration d’une solution. Une solution ‘un molaire’ (1M) est une solution contenant une mole de particules par litre : M = n/V Où n est le nombre de moles dans un volume donné V. Question 2.8: Combien de g de NaCl sont-ils nécessaires pour préparer un litre d’une solution 2M ? Réponse 2.8: 116.44 g. 2.5 Radioactivité Tous les phénomènes chimiques impliquent des changements dans la structure électronique des atomes, alors que les noyaux correspondants restent inchangés. Ainsi, les forces qui sont importantes en chimie sont principalement des forces électromagnétiques et l’énergie de formation ou de dissociation de liaisons chimiques sont de l’ordre de quelques centaines de kJ/mol. Le chapitre 2.5 est le seul ou nous discuterons des phénomènes impliquant au contraire des changements dans la composition des noyaux. Comme les noyaux sont maintenus par la force forte (strong force), les énergies typiques des réarrangements nucléaires sont environ cent fois plus élevées que celles impliquant les réarrangements électroniques. Dans le chapitre 2.3, nous avons vu que les atomes d’un element donné peuvent contenir un nombre variable de neutrons. En principe, cela laisse la possibilité d’une infinité d’isotopes pour chaque élément. Toutefois, nous avons également vu que seul un nombre restreint de ces combinaisons possibles résultent en des noyaux stables. Les noyaux instables se décomposent spontanément en émettant des particules (électrons, positrons, neutrons ou particules-α (α-particles)) ou de l’énergie sous forme de radiation électromagnétique, des rayons gamma (γ-rays). Ce sont ces émissions que l’on appelle radiation radioactive ou radioactivité. Il existe également d’autres possibilités par lesquelles des noyaux instables peuvent former des arrangements plus stables ; un noyau lourd peut par exemple se scinder en des fragments plus petits et plus stables, ou, au contraire deux petits noyaux instables peuvent se condenser en une unique entité plus grande. Ces deux dernières réactions nucléaires sont appelées fission et fusion nucléaire respectivement. Le phénomène de radioactivité a été découvert par Henry Becquerel et ensuite caractérisé par Pierre et Marie Curie et les trois obtinrent le prix Nobel de physique pour ces travaux en 1903. 2.5.1 Types de radiations radioactives Des noyaux radioactifs peuvent émettre des radiations de différents types. Ceci fut découvert par Ernest Rutherford qui étudia l’effet d’un champ électrique sur les radiations nucléaires. Fig. 2.6 Effets d’un champ électrique sur les radiations nucléaires. D’après leur comportement dans un champ électrique, il put distinguer 3 différents types de radiations radioactives, les radiations α qui sont attirés vers le pole négatif du champ électrique, les radiations β qui sont déviées vers le pole positif et les radiations γ qui ne sont essentiellement pas affectées par un champ électrique. Ces observations mènent à la découverte du fait que les radiations α en l’émission de particules alpha (α-particles), que les radiations β impliquent l’émission d’électrons de haute énergie et la radiation γ consiste en des rayons γ électromagnétiques (γ−- rays) (voir aussi le Chapitre 3 sur les radiations électromagnétiques). Après la découverte initiale des trois émissions radioactives (α, β, γ), de nouveaux types de radiations radioactives ont été caractérisés. Le tableau 2.2 résume les différents types de radiations connues à ce jour avec quelques unes de leurs propriétés. Ce tableau spécifie également la composition du produit de la réaction (daughter nuclide = génération suivante) pour chaque type de désintégration radioactive. Par exemple, un noyau N avec la composition (A, Z) qui subit une désintégration α produit à la génération suivante un noyau (A4, Z-2) type particule s Reaction nucleaire Vitesse [%c] α 4 N(A,Z) → N(A-4,Z-2) +α 10% β electrons <90% γ photons internal conversion β+ photons N(A,Z) → N(A,Z+1)+e N(A,Z)* → N(A,Z) N(A,Z)* → N(A,Z)+ + e N(A,Z) → N(A,Z-1)+ β+ N(A,Z) → N(A,Z-1) N(A,Z) → N(A-1,Z1)+p N(A,Z) → N(A-1,Z) +n, fusion, fission He2+ positrons e capture p protons n neutrons 100% > 90% Degré de penetration Bas (force relative 1), Mais beaucoup de dégats Moyen (100) Élevé (10000) Moyen Necessary protection Exemple papier, peau 226 3mm aluminium béton, plomb 3 Ra → Rn + α 222 H → 3He + e 60 Co* → 60 Co + γ 24 Na* → 24 Na+ 22 Na → 22Ne + β+ 83 Rb → 83Kr 10% Bas moyen <10% Très élevé à 53 Co →52Fe +p 137 I → 136 I + n Tab. 2.2 Différents types de radiations radioactives et leur propriétés (c est la vitesse de la lumière dans le vide c = 3 x 108m/s). Pour une désintégration β, on peut imaginer qu’un neutron du noyau se décompose en un proton et un électron qui est éjecté. C’est pourquoi ce type de radiation mène à un produit avec (A, Z+1). Les radiations γ et les conversions internes impliquent l’émission d’une radiation électromagnétique et (A, Z) reste inchangé. L’émission de positrons et la capture électronique donnent toutes deux un produit (A, Z-1). L’émission de protons donne quant à elle des noyaux (A-1, Z-1) et l’émission de neutrons génère elles des produits (A-1, Z). L’émission de neutrons peut également être observée durant la fusion ou la fission des noyaux (the fusion or fission of nuclei). Question 2.9: 211 Po effectue une désintégration α. Quel est le produit de la désintégration ? 24 Na se désintègre en 24Mg. Quel type de désintégration radioactive est impliqué ? Réponse 2.9: 207 Pb. Désintégration β. Z (number of protons) 2.5.2 Table des isotopes La table des isotopes (tables of isotopes ou nuclide tables) que nous avons utilisée dans le chapitre 2.3 pour chercher les isotopes stables d’un certain élément nous donne aussi des informations sur le type de radiations radioactives et sur les propriétés de désintégration des isotopes instables. La Figure 2.7 nous donne un aperçu des désintégrations radioactives préférées comme une fonction du nombre de protons et de neutrons de chaque noyau. N (number of neutrons) Fig. 2.7 Types de désintégrations radioactives préférées. Noir : noyaux stables ; cyan : capture électronique et β+ ; magenta : β ; jaune : α ; orange : émission de proton ; violet : émission de neutron; vert : fission spontanée ; gris : inconnue. (tiré de http://www-nds.iaea.org/nudat2/index.jsp). Comme discuté précédemment, les noyaux stables (en noir) sont placés à peu près sur la diagonale, que l’on appelle îlot de stabilité (island of stability). En haut à gauche de l’îlot de stabilité, les noyaux préfèrent émission de positrons ou la capture électronique (bleu) (pour certains noyaux avec Z >> N on a aussi émission de protons (orange)), alors que sur la partie en bas à droite de la diagonale, la désintégration β est préférée (magenta). La désintégration α (jaune) est observée pour quelques éléments légers, pour les cas où (A-4, Z-2) leur permet d’atteindre l’îlot de stabilité. Comme mentionné précédemment, à partir de Z>83, il n’y a pas d’isotpes stables pour aucun des éléments. Les noyaux les plus lourds se désintègre de préférence par α (jaune) ou par fission spontanée (vert). 2.5.3 Loi de désintégration radioactive et temps de vie caractéristiques Outre le type de radiation, une autre quantité est importante à définir pour caractériser une substance radioactive, l’Activité A(t) de l’échantillon. L’activité nous dit combien de noyaux radioactifs N se désintègrent par seconde, cela signifie que A(t) mesure la vitesse de désintégration : A(t ) = dN (t ) dt La désintégration radioactive est un processus aléatoire, ce qui veut dire que l’on ne peut jamais savoir quand une disintégration isolée à lieu, mais chaque atome radioactif de l’échantillon ont une probabilité de désintégration équivalente. Ainsi, dans un échantillon d’un radio-isotope particulier, le nombre de désintégrations –dN(t) attendus dans un petit intervalle de temps dt est proportionnel au nombre d’atomes présents dans l’échantillon. −dN (t ) = kN (t ) dt Où k est la constante de proportionnalité (constante de désintégration), qui est une quantité caractéristique pour chaque radio-isotope. Des isotopes radioactifs donnés se désintègrent à différentes vitesses, chacun ayant sa propre constante de désintégration k. Le signe négatif indique que N décroît à chaque désintégration. L’équation précédente est une équation différentielle du premier ordre. On peut également écrire cette équation sous la forme : 1 dN (t ) = − kdt N (t ) Maintenant on intègre des deux côtés : 1 ∫ N (t ) dN (t ) = − k ∫ dt Ce qui donne ln (N (t ) ) + C = −kt Où C est une constante d’intégration. Si on prend l’exponentielle des deux cotés de l’équation, on obtient : N (t )e C = e − kt ou N (t ) = e − C e − kt à t = 0, N(t) = N0 et l’équation précédent devient : N (t = 0) = N 0 = e − C Ce qui détermine la constante d’intégration C. La loi de désintégration finale est donc : N (t ) = N 0 e − kt où N0 est le nombre de noyaux radioactifs au temps t = 0. Figure 2.8 est une représentation graphique de cette fonction exponentielle. Question 2.10: Vérifiez que cette fonction satisfait l’équation différentielle vue précédemment. En plus de la constante de désintégration, une désintégration radioactive est parfois décrite par son temps de vie caractéristique τ, qui est relié à la constante de désintégration par τ = 1/ k Fig. 2.8 Désintégration radioactive exponentielle. Un paramètre utilisé plus couramment est le temps de demi-vie t1/2. Le temps de demi vie est le temps nécessaire pour que la moitié de l’échantillon d’atomes radioactifs se soient désintégrés. Le temps de demi-vie est relié à la constante de désintégration par N 0 / 2 = N 0 e − kt 1/ 2 ln(1 / 2) = −kt1 / 2 t1 / 2 = ln(2) / k Tout comme la constante de désintégration k, le temps de demi-vie est toujours le même pour un radio-isotope donné. Les temps de demi-vie de différents noyaux radioactifs peuvent varier sur plusieurs ordres de grandeur, de 1024 ans pour des noyaux très stables à 10-6 secondes pour ceux très instables. Table 2.3 montre quelques exemples de temps de demi-vie caractéristiques. Tab. 2.3 Temps de demi-vie de différents radio-isotopes. Vous pouvez trouver plus de temps de demi-vie sur le lien http://ie.lbl.gov/education/isotopes.htm. En cliquant sur un élément, vous trouverez les différents radio-isotopes avec leur mode de désintégration et leur temps de demi-vie caractéristiques. 2.5.4 Mesure de l’activité et unités Un des effets principaux des radiations radioactives est le fait que leur énergie élevée est suffisante pour arracher des électrons et ainsi générer des ions (c’est pourquoi la radiation radioactive est souvent appelée ‘radiation ionisante’ ‘ionizing radiation’). Cet effet peut être utilisé pour mesurer la présence et l’activité d’une source radioactive avec l’aide d’un compteur de scintillation (spécialement pour les rayons γ) ou un compteur Geiger (pour les désintégrations α et β). Un compteur de scintillation (scintillation counter) contient des matériaux (phosphore, liquides aromatiques) qui sont fluorescents (ce qui signifie qu’ils émettent de la lumière) lorsqu’ils sont frappés par une radiation ionisante. La lumière est mesurée par un photomultiplicateur sensible connecté à un amplificateur électronique. Fig. 2.9 Compteur Geiger. Le compteur Geiger (Geiger counters) consiste en un tube rempli de gaz inerte conduisant l’électricité lorsque des particules d’une émission radioactive ionise le gaz. L’instrument amplifie cette conduction et reporte l’activité par la mesure d’un courant (une aiguille) ou des ‘clicks’ audibles. Il existe beaucoup d’unités différentes pour mesurer la radioactivité : Unités pour l’activité L’unité SI pour mesurer la radioactivité est le becquerel (Bq). 1Bq correspond à une activité de 1 désintégration par seconde. 1Bq = 1 désintégration/s Comme les échantillons macroscopiques de matériau radioactif contiennent beaucoup d’atomes, un Becquerel est un très faible niveau d’activité. C’est pour cette raison que l’activité est également souvent mesurée dans l’unité non SI curie (Ci), qui fût définie au départ comme étant la radioactivité d’un gramme de radium pure : 1 Ci = 3.7 x 1010 Bq = 37 GBq Unités pour les doses absorbées La dose absorbée Dabs est une mesure de l’énergie déposée par unité de masse d’un milieu par une radiation radioactive. Elle est mesurée en gray (Gy) ou dose de radiation absorbée (rad). 1 Gy = 1J/kg = 100 rad Unité pour la dose équivalente La dose équivalente Deqv tente de mesurer l’effet relatif que différentes radiations ont sur les tissus biologiques. La dose équivalente est calculée en multipliant la dose absorbée définie au dessus par un facteur qualitatif Q : Deqv = Q • Dabs Q = 1 pour les radiations β et γ, Q = 20 pour les radiations α et les neutrons rapides. La dose équivalente est mesurée en roentgen equivalent man (rem) ou sieverts (Sv). 1 Sv = 100 rem 2.5.5 Application de radio-isotopes Une quantité de radio-isotopes sont utilisés pour des applications pratiques en physique, chimie, biologie et médecine. Datation au carbone radioactif L’isotope radioactif naturel du carbone (14C, β-émetteur, t1/2 = 5730 ans) est utilisé pour la datation d’échantillons archéologiques organiques. Durant leur existence, toutes les plantes fixent le dioxyde de carbone à travers la photosynthèse et les animaux s’en nourrissent, si bien que tous les êtres vivants échangent constamment du carbone avec leur environnement. Une toute petite partie de ce carbone naturel contient l’isotope radioactif 14C (à peu près un 14C pour 1012 12C). Lorsque une forme de vie meurt, l’échange de carbone cesse et la quantité de 14C contenue dans l’organisme décroît lentement par désintégration radioactive en se transformant en l’isotope stable d’azote 14N. 14 C → 14N + 0β En mesurant la radioactivité d’un échantillon de carbone ancien, il est alors possible de déterminer le reste de 14C contenu et estimer depuis combien de temps l’organisme vivant doit avoir décédé : N (t ) = N t =0 e − ln( 2 ) t t1 / 2 ⎛ N ⎞ t t = ln⎜ t =0 ⎟ 1 / 2 ⎜ N (t ) ⎟ ln(2) ⎝ ⎠ t = 0: moment de la mort de l’organisme; t: moment présent. Question 2.11: Un échantillon de carbone d’un masse de 250 mg de bois trouvé dans une tombe en Israël a effectué 2480 désintégrations de C-14 en 20 h. Estimez le temps depuis la mort de l’échantillon sachant que l’activité d’un échantillon moderne de 1 g de carbone a une activité de 18'400 désintégrations en 20 h. Réponse 2.11: 5.1 x 103y. Traceurs radioactifs et radio imagerie En remplaçant les atomes d’une molécule avec des analogues radioactifs, il est possible de suivre la position et le déplacement de ces substances marquées radioactivement. Le marquage avec des isotopes radioactifs est également utilisé pour déterminer la vitesse d’une réaction chimique. Le 14C peut être utilisé pour marquer le glucose. 13N, 32P et 40K sont utilisés pour marquer les fertilisants et suivre la croissance des plantes et la dissémination des éléments dans l’environnement. Aussi, d’autres utilisations d’isotopes radioactifs sont possibles, incluant l’utilisation de 243Am dans les détecteurs de fume et l’emploi de radiations radioactives pour stériliser la nourriture. Des traceurs radioactifs sont aussi utilisés à des fins d’imagerie en médecine. 24 Na est utilisé pour visualiser le flux sanguine, 87Sr pour étudier la croissance osseuse. L’isotope radioactif le plus utilisé dans ce but est le 99mTc qui est déjà disponible comme déchet des réacteurs nucléaires. La tomographie à emission de positrons (Positron emission tomography PET) basée sur l’émetteur de positrons 18F (t1/2 = 109.77 min) est utilisée pour visualiser les tissus humain d’une manière non invasive (p.ex. pour visualiser la fonction cérébrale). 18 F → 18O + p Les positrons sont annihilés lorsqu’ils rencontrent des électrons et sont convertis en rayons gamma qui peuvent être détectés par un scanner. Le glucose marqué avec 18F peut être utilisé pour localiser la présence de tumeurs (comme les cellules cancéreuses se divisent rapidement, elles ont besoin de beaucoup de glucose pour satisfaire leur métabolisme, ainsi le glucose marqué avec 18F-labeled se trouve préférentiellement dans les cellules tumorales). Radiothérapie Alors que la radio imagerie est utilisée pour diagnostiquer la localisation de tumeurs, la radiothérapie peut être utilisée pour les détruire. Dans la boron neutron capture therapy, l’isotope stable 10B est injecté et bombardé avec des neutrons ce qui implique une production de particules α qui endommagent l’ADN des cellules voisines et qui entraînent ainsi leur destruction. D’autres isotopes radioactifs ayant des applications thérapeutiques sont 131I pour le traitement du cancer de la thyroïde, ainsi que 177Lu et 90Y pour le cancer pancréatique.