L O G I Q U E - Prologue Numérique

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Dictionnaire philosophique et historique de la
L
O
G
I
Q
U
E
définitions • étymologies • analyses historiques • interprétations philosophiques
index des auteurs • bibliographie générale, historique et thématique
Steeven Chapados
STEEVEN CHAPADOS
DICTIONNAIRE PHILOSOPHIQUE
ET HISTORIQUE DE LA
L O G I Q U E
Les Presses de l’Université Laval reçoivent chaque année du Conseil des Arts du Canada et de
la Société de développement des entreprises culturelles du Québec une aide financière pour
l’ensemble de leur programme de publication.
Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du
livre du Canada pour nos activités d’édition.
Maquette de couverture : Laurie Patry
ISBN 978-2-7637-3144-5
PDF 9782763731452
© Presses de l’Université Laval. Tous droits réservés.
er
Dépôt légal 1 trimestre 2017
www.pulaval.com
Toute reproduction ou diffusion en tout ou en partie de ce livre par quelque moyen que ce soit est
interdite sans l’autorisation écrite des Presses de l’Université Laval.
À ma conjointe Annie,
mes enfants Lili-Rose et Alexis,
qui m’ont appuyé au cours de ces dernières années
consacrées à la recherche et l’écriture.
À mes parents églement,
mes anciens professeurs, mes amis fidèles
et tous ceux perdus quelque part dans le temps.
Je remercie spécialement le cégep de St-Laurent,
qui m’a appuyé sans hésitation dans mon projet,
ainsi que mon ami et collègue Pierre Charette,
pour ses nombreux commentaires éclairés.
Avant-propos_____________________________________________________________________________________
Au cours de son histoire, la logique fut longtemps estimée sans histoire. Cet ouvrage est un très long grief
adressé contre le plus proverbial des préjugés dont l’origine remonte à Kant. Dans la préface à la
seconde édition de sa Critique de la raison pure (1787), le philosophe des Lumières jugea ouvertement la
discipline «close et achevée» («geschlossen und vollendet») depuis Aristote1, comme si toute la science
des lois formelles de la pensée et du raisonnement avait jailli déjà toute constituée du génie de son
fondateur. Kant négligea d’apprécier tous les progrès réels accomplis par la logique grâce aux travaux
des commentateurs d’Aristote, des maîtres-logiciens de la scolastique et des réformateurs de la logique
de l’Âge classique. Cet aveuglement connut un destin historique aussi profond que malheureux : trois
quarts de siècle plus tard, le philologue allemand Prantl conclut lui aussi à l’anhistoricité de la logique,
mais paradoxalement et plus déplorablement au terme d’une monumentale recherche consacrée à …
l’histoire de la logique2! Si Heidegger eut sans doute raison dans Être et temps (§ 32) d’énoncer
l’impossibilité radicale pour la philosophie de se déployer à couvert de toute structure d’anticipation (VorStruktur), il est des cas comme celui-ci où des idées préconçues entravent, voire jugulent carrément toute
possibilité de compréhension.
Heureusement, la situation changea pour le mieux et l’oubli de l’historicité de la logique semble ne plus
appartenir aujourd’hui qu’à une époque révolue de son histoire. Deux événements majeurs sont à
l’origine de cette prise de conscience historique. D’une part, dans la deuxième moitié du XIXe s.,
l’avènement de la logistique moderne, fondée sur la réduction des processus du raisonnement à l’ordre
du calcul algébrique, avala une bonne partie de la logique traditionnelle et mit de ce fait en exergue
l’idée que cette dernière fut encore capable de progrès. Plus tard, la logique classique (notamment dans
le calcul des prédicats) surpassa les capacités formelles de la logique traditionnelle en offrant les moyens
de traiter efficacement des relations logiques, chose à laquelle la logique aristotélicienne était par nature
inadaptée, révélant du coup que celle-ci était tout, sauf définitivement achevée. D’autre part, dès les
années 1930, les premières enquêtes destinées à retracer (avec sérieux) le développement historique de
la logique contribuèrent à un certain nombre de révélations touchant, entre autres, la logique
propositionnelle mégarico-stoïcienne (insérée en sous-main à la logique aristotélicienne dès le IIe s. de
notre ère), les contributions originales de la logica modernorum scolastique (avec ses théories nouvelles et
ses anticipations sur plusieurs éléments de la logique contemporaine), et enfin sur certains travaux inédits
d’auteurs tels Leibniz au XVIIe s. (avec son remarquable projet d’un calculus ratiocinator) et Bolzano au
début du XIXe s. (notamment sur la distinction entre les registres grammatical et logique)3.
Toutefois, l’oubli de l’historicité de la logique ne se réduit pas qu’à la seule dénégation du procès
temporel au cours duquel cette dernière fut constituée. Il transporte avec lui, dès l’origine dans
l’Antiquité, un bagage d’idées préconçues corollaires énonçant de manières diverses le caractère
extramondain et monolithique de la raison (lógos) dont la logique se comprit elle-même classiquement
comme l’étude des lois universelles figées de toute éternité. Cette conception dominante, qui remonte
au moins au Timée de Platon (-IVe s.) et dont on retrouve la formulation explicite au Moyen Âge (T.
d’Aquin, XIIIe s.) et jusque dans le grand projet husserlien d’une logique transcendantale au début du XXe
s., s’attacha à considérer les lois logiques primitives comme des lois absolues de la pensée rationnelle
dont la valeur ne dépend d’aucune condition empirique de réalisation. La logistique moderne, si son
mérite demeure entier d’avoir fait connaître à la logique traditionnelle l’un de ses plus grands pas en
avant, est responsable d’avoir perpétué ce préjugé séculaire en rapprochant la logique de l’ordre
mathématique. C’est le renouveau des logiques modales contemporaines à partir des années 1920 et
leur développement sans précédent dans les années 1960 qui contribuèrent le mieux à briser la fiction
d’une rationalité imperméable à toute incarnation mondaine. Chacun des systèmes de logique modale
admet en effet son propre appareil axiomatique et groupe de connecteurs propositionnels destinés à
définir la façon dont ses modificateurs fonctionnent et sont utilisés aux fins de la description de la
rationalité à l’œuvre dans tel ou tel registre concret se rapportant à la temporalité, la normativité, la
connaissance, la croyance, etc. Par ailleurs, la multiplication des approches de la logique et la
diversification des calculs logiques (para-classiques, partiels, étendus et non-classiques ou alternatifs),
dont la mise en forme fut entamée aussi dès les années 1920, fracassèrent pour leur part le mythe de
l’unité de la raison humaine en mettant en évidence la nécessité d’en développer une intelligence à
géométrie variable susceptible de rendre compte des spécificités liées aux processus à l’œuvre dans une
diversité de domaines tels l’informatique, l’intelligence artificielle, la linguistique, l’économie ou encore
1
l’exotique mécanique quantique.
Mon dictionnaire a pour ambition de rappeler la nécessité de déconstruire tout ce système de préjugés
dont la logique fut trop longtemps la cible au cours de son histoire. Je le fais en donnant l’occasion à mes
lecteurs, à chacune des définitions que je donne de ses concepts fondamentaux, d’avoir sous les yeux un
panorama aussi complet que possible des projets philosophiques qui ont donné naissance à ces
concepts et des apports successifs des grands philosophes et mathématiciens dans leur élaboration
historique, de l’Antiquité à aujourd’hui. Je pense que mon ouvrage est unique en son genre. En effet, alors
que les autres ouvrages offerts sur le marché semblent tous s’attacher à recomposer le fil des événements
de manière à offrir au regard un grand panorama synthétique de l’histoire de la logique, je propose pour
ma part un voyage orienté plutôt vers la décomposition analytique de cette histoire, de façon à narrer
cette dernière au travers de ses principaux éléments notionnels pris individuellement et en exerçant ma
rigueur à montrer pour chacun d’eux ce qu’ils présupposent notamment sur divers plans telles
l’épistémologie, l’ontologie, la sémantique et la philosophie du langage. Mon approche donne ainsi
l’occasion de parcourir l’histoire de la logique à plusieurs reprises sous des angles multiples et à partir de
points de départ chaque fois différents, le tout dans une unité dont la cohérence globale est assurée par
le fait d’en avoir été le seul concepteur. Le vaste système de renvois que j’ai intégré au dictionnaire
assure la cohésion de l’ensemble et la possibilité pour le lecteur d’emprunter sans se perdre les chemins
qu’il juge intéressant de suivre. À mon projet s’ajoute, in fine, le souci pédagogique d’identifier
soigneusement les diverses nuances sémantiques de chacun des termes de la logique, de guider le plus
efficacement possible à leur intelligence historique et de rendre à mon lectorat le bon office de livrer des
analyses variées susceptibles de répondre à la diversité de ses attentes.
J’espère que l’austérité du vocabulaire de la logique et la complexité de son histoire ne dissimuleront pas
l’intense plaisir avec lequel j’ai moi-même d’abord parcouru les étapes de ce long chemin que
représente l’histoire de la logique en Occident. Je souhaite que vous éprouviez le même agrément que
fut le mien à arpenter celle-ci dans toutes ses sinuosités, ses méandres, ses ascensions et ses très nombreux
embranchements.
Steeven Chapados
____________________________
1. «depuis Aristote, [la logique] n’a pu faire un seul pas en avant, et qu’ainsi, selon toute apparence, elle semble close
et achevée» (Critique de la raison pure, Préface à la 2e éd., VIII).
2. Carl von Prantl (1820-1888), Geschichte der Logik im Abendlande, 4 vol., 1855-1870.
3. Parmi les pionniers et notables artisans de la nouvelle compréhension historique de la logique, mentionnons H. Scholz
(L’axiomatique des anciens, 1930, Esquisse d’une histoire de la logique, 1931), J. J. Jørgensen (A Treatise of formal logic,
vol. 1 «Historical development», 1931), J. Łukasiewicz (1934-1935), J. M. Bocheński (Ancient formal logic, 1951, Formale
Logik. Geschichte, 1956), W. et M. Kneale (The Development of Logic, 1962), T. Kotarbinski (Leçons sur l’histoire de la
logique, 1964) et, dans la tradition française, R. Blanché (La logique et son histoire, d’Aristote à Russell, 1970), à qui ce
dictionnaire doit beaucoup.
2
Comment utiliser ce dictionnaire____________________________________________________________
Ce dictionnaire comprend 1200 entrées, dont 605 articles complets et 595 renvois. Les articles tombent sous
deux catégories : les articles principaux, auxquels sont consacrées les notions les plus importantes de la
logique et qui délivrent de celles-ci une caractérisation relativement substantielle, et les articles
secondaires, rattachés pour leur part aux concepts de logique plus périphériques et qui se bornent à n’en
donner que les éléments définitoires les plus essentiels. La plupart du temps, les articles secondaires
convergent vers les articles principaux de manière à ce que le lecteur puisse compléter sa compréhension.
Les articles principaux partagent, à chaque cela s’y prête, une structure uniforme en cinq parties, à savoir :
1\ une partie étymologique (è Étymol.), où sont précisées l’origine et l’évolution sémantique de la notion
à travers l’histoire (en général depuis l’Antiquité ou le Moyen Âge) ;
2\ une partie définitionnelle ou lexicale, où sont présentés les principaux éléments définitoires. Ces
définitions sont rangées selon les diverses acceptions et différences d’interprétations rencontrées dans la
littérature et dans l’histoire de la logique ou de la philosophie en général. Chaque signification recouvrée
(large ou spécifique, commune ou technique, comprise au sens de la logique aristotélicienne, mégaricostoïcienne, scolastique, mathématique, classique, modale, non-classique, etc.) est identifiée par un
numéro (1\, 2\, 3\...). Dans la partie définitionnelle, le texte en caractère gras sur lequel s’ouvre l’article
fait office d’entrée en matière, d’où l’utilisation de formules parfois plus synthétiques et plus denses que
dans le texte qui suit immédiatement dans la partie analytique ;
3\ une partie analytique, qui introduit le lecteur dans l’univers technique (de type formel, historique,
philosophique, sémantique…) dans lequel évolua ou s’inscrit encore la notion définie et qui apporte des
précisions et des nuances conceptuelles aux éléments identifiés plus haut dans la partie définitionnelle ;
4\ une partie historique, dans laquelle l’histoire de la notion est retracée dans le détail à partir de son
origine gréco-latine ou plus récente s’il s’agit d’une notion de la logique traditionnelle ou de la logique
contemporaine. Cette section, peut-être la plus importante d’entre toutes étant donné les objectifs
express du présent dictionnaire, vise à donner au lecteur les outils lui permettant de comprendre à quelle
progression historique sont reliés le ou les sémantismes de la notion étudiée ;
5\ une partie typologique, où est dressée une classification générale des diverses espèces auxquelles
appartiennent les réalités désignées par la notion définie. Dans certains cas, la typologie est elle-même
divisée en plusieurs sous-sections qui correspondant respectivement aux divers critères à partir desquels
on classe ces diverses espèces.
Chaque article est accompagné d’une ou deux petites sections auxiliaires destinées à renvoyer le lecteur
à d’autres articles susceptibles de parachever sa compréhension : celle identifiée par » Sur…, qui renvoie
à des lectures spécifiques sur des thèmes soulignés en caractère gras, et une autre identifiée termes
connexes, qui réfère à un éventail de sujets un peu plus éloignés, mais qui entretiennent certaines
relations importantes avec le sujet principal. Tous les noms d’auteur et les dates historiques figurent en
caractère gras de manière à faciliter leur repérage dans le texte.
Un peu plus de 16,400 liens renvoient les notions de logique utilisées dans le corps du texte aux articles qui
leur correspondent, offrant la possibilité au lecteur d’accéder directement et efficacement au sens de
tous les termes techniques employés. Les notions inscrites dans ce système de renvois sont en caractère
italique et accompagnées d’un astérisque (raisonnement déductif*, syllogisme*, modificateur*…). Un tel
réseau interne resserre les liens entre les divers articles qui composent le dictionnaire, assure une forme
d’homogénéité et de cohérence des parties par rapport au tout, et offre enfin l’avantage d’alléger le
texte en évitant de devoir répéter plusieurs fois les mêmes définitions à divers endroits de l’œuvre.
Trois grands index situés en annexe complètent l’ouvrage :
» un index des noms (Index nominum), constitué d’une liste alphabétique et d’une liste chronologique, où
le lecteur trouvera quelques détails biographiques concernant tous les auteurs évoqués dans le
dictionnaire, que ceux-ci soient spécifiquement des logiciens ou non. Pour chaque auteur sont données
ses dates biographiques, ses lieux de naissance et de décès, sa profession ou sa spécialité dans le champ
3
de la logique ou de la philosophie, ainsi que la liste exhaustive de tous les articles du présent dictionnaire
où figure son nom et où il est possible que celui-ci ait eu une influence sur le cours des idées en
philosophie et spécialement en logique - ainsi, il sera possible pour le lecteur de parcourir l’histoire de la
logique, par exemple, en suivant les contributions de certains auteurs ciblés ;
» un index bibliographique (Index scriptorum), organisé selon un double critère thématique et
chronologique (qui comporte plus de 1,200 titres, de l’Antiquité jusqu’à 1990) ;
» un index des articles et définitions, sorte de grande table des matières où est donnée la liste complète
des notions de logique auxquelles sont consacrés respectivement les articles du dictionnaire.
4
A_________________________________________________________
A
è Étymol. : les lettres A, I, E et O correspondent à l’ordre dans lequel apparaissent les voyelles dans les mots latins
d’affirmo (= affirmation) et nego (= négation) (du distique scolastique Asserit A, negat E, verum generaliter ambo ;
Asserit I, negat O, sed particulariter ambo1).
En logique traditionnelle*, symbole utilisé depuis le Moyen Âge pour désigner la proposition* universelle* et
affirmative* (Omne s est p : tout s est p). S’oppose directement à O*, avec lequel il entre en contradiction*.
Les autres types de propositions sont désignés par les symboles E*, I* et O*, en vertu de la typologie des
propositions établie par Aristote (v. Proposition, Typ., 3. Typ. selon la qualité et la quantité*). Parmi toutes
ces formes logiques de la proposition, la forme A fut favorisée par Aristote, car elle exprime l’essence dans
son universalité (v. Syllogisme, Les fig. du syl., 1re fig.*), ce à quoi tend la science selon le philosophe.
Dans le symbolisme de la logique classique* moderne, la proposition de type A s’écrit
Qx) (v. Quantificateur*).
∀x (Px) ou ∀x (Px è
» Sur la visualisation de la proposition de type A par les méthodes diagrammatiques de G. W. Leibniz et de
L. P. Euler, v. Diagramme logique*.
è Termes connexes : Affirmation*, Carré log.*, Diagramme logique*, E*, I*, O*, Proposition, Typ.*, Syllogisme, Les fig. du
syl., 1re fig.*, Universel*.
_________________________
1. Vers mnémoniques forgés par les logiciens de l’École. Voir Lalande, A., Vocabulaire tech. et critique de la philo.,
Paris, PUF, 1968, p. 1.
A=A
a est a, a Ξ a
Formulation symbolique classique du principe d’identité*.
V. Principe d’identité*.
ABDUCTION " Raisonnement, Typ. 2, Raison. abductif* et Syllogisme, Typ. 1, Syl. dialectique, Abduction et
aporème*.
ABSOLUTISME LOGIQUE
Nom de la tendance doctrinale de la logique* (d’origine frégéo-russellienne) selon laquelle cette dernière
peut être réduite intégralement à un nombre minimal d’axiomes* desquels se déduit ensuite, par
enchaînement démonstratif*, l’ensemble de ses lois*, règles d’inférence* et théorèmes*.
La thèse logiciste* repose sur une telle approche de la logique, en tant qu’elle implique que les
mathématiques se déduisent* également d’une axiomatique* logique. La logique intuitionniste* rejette la
thèse absolutiste (v. l’article).
» Sur les origines et le destin de l’absolutisme logique,
Conventionnalisme*, Logicisme*, Métalogique* et Métamath.*.
on
consultera :
Axiomatique,
Ah*,
ABSURDE, ABSURDITÉ
è Étymol : terme issu du latin absurdus (= discordant), qui traduit le grec álógos (= non logique, non rationnel, alogique,
5
au sens de ce qui étranger à la logique1).
1\ Désigne en général le caractère d’une proposition*, d’un jugement* ou d’un terme* dépourvus
d’intelligibilité ou de signification*. Synonyme de non-sens et d’inintelligible. Sur le plan proprement
grammatical, l’absurdité relève essentiellement d’une violation de la syntaxe*.
Selon Aristote, une proposition sensée lie un prédicat* à un sujet* (v. Proposition, Lógos àpophantikós et
vérité* et Apophantique*). Les philosophes français N. Malebranche et britannique J. S. Mill montrèrent
que le critère aristotélicien est insuffisant, qu’une proposition, même logiquement et grammaticalement
correcte, peut être totalement dénuée de sens. Dans ses Entretiens sur la métaphysique, sur la religion et
sur la mort (1688), l’Oratorien donna l’exemple suivant : «Il existe un Blictri» (II, vii). Ce qui prive cette
proposition de sens est seulement le fait que l’un de ses termes* en est lui-même dépourvu.
E. G. A Husserl introduisit dans Recherches logiques de 1900 la notion de Bedeutungskategorien
(catégorie de sens) en tant que critère de type sémantique (v. Sémantique*) pour distinguer les
expressions avec et sans signification*2. B. A. W. Russell pour sa part associa la privation de sens à une
faute de type syntaxique* (v. Syntaxe*) : dans un langage* logique, un énoncé sensé est un énoncé bien
formé (well-formed formulas, abrégé par le sigle wff, ou ebf parfois en français). Autrement dit, en
logique, une proposition est une formule si et seulement si elle est construite par l’application des règles
syntaxiques de la grammaire d’une langue donnée, à défaut de quoi la proposition est privée de sens.
» Sur les formules dénuées de sens, v. aussi Théorie des types* et Description définie*.
2\ Dans la tradition de la syllogistique* classique ou sur le plan du raisonnement* spécifiquement, est
qualifiée d’absurde toute conclusion* qui ne dérive pas logiquement des prémisses* posées (une telle
conclusion n’étant alors qu’apparence de conclusion). Corrélatif sémantique de raisonnement non
sequitur*, non validité*, incohérence*, raisonnement formellement faux. L’absurdité qualifie explicitement
dans ce contexte ce qui ne s’accorde pas avec la raison* ou le bon sens, et correspond ainsi à
l’irrationnel ou à ce qui ne possède pas de cohérence* logique3.
Est aussi absurde ce qui contrevient en général au principe de non-contradiction* et ne respecte pas la
règle* des contradictoires* et des contraires*.
V. Contradiction, Contradictoire, Principe de non-contr., Ah* et Raisonnement par l’absurde*.
L’absurdité peut être explicite ou implicite, selon qu’elle est aisément perceptible (lorsqu’une thèse* par
exemple comporte des contradictions* évidentes) ou plus malaisée à percevoir (comme dans le cas de
certains paradoxes*).
On peut considérer les paralogismes* et les sophismes* formels comme des raisonnements absurdes dans
la mesure où ceux-ci violent une ou plusieurs règles de validité* des raisonnements (à ce propos, v.
Sophisme, Typ., Les soph. formels*.
è Termes connexes : Apodioxis*, Autocontradiction*, Cohérence*, Conséquence*, Contraire*, Contradiction,
Contradictoire, Principe de non-contr., Ah*, et Principe de non contr.*, Incohérence*, Jugement*, Opposition, Typ.*,
Paradoxe*, Paralogisme*, Prémisse*, Proposition*, Raisonnement, Typ. 2, Rais. par l’absurde et non sequitur*, Sophisme*,
Validité*.
_________________________
1. Lalande, A., Vocabulaire tech. et critique de la philo., Paris, PUF, 1968, p. 38.
2. À ce propos, on consultera M. Seymour, «Catégorie (- sémantique)», dans Les notions philosophiques. Dictionnaire
(Encyclopédie philos. universelle, vol. II), 2 vol., éd. Auroux, S., Paris, PUF, 1998, pp. 280-281.
3. Pour plus de détails et de nuances, v. Duponthieux, M., «Absurde», dans Les notions philosophiques. Dictionnaire
(Encyclopédie philos. universelle, vol. II), 2 vol., éd. Auroux, S., Paris, PUF, 1998, p. 13.
ABSTRACTION " Querelle des universaux, 2\*.
ACCEPTION
è Étymol. : du latin acceptio (= action de recevoir).
6
Désigne le sens spécifique dans lequel un mot, un terme* ou un concept* est utilisé.
Lorsqu’un mot ou un concept recouvre plusieurs significations, on dit qu’il est plurivoque*, équivoque* ou
polysémique* (voir ces articles).
On distingue notamment entre acception générale (ou large) et particulière (ou étroite) (v. Définition*),
principale ou secondaire, moderne ou ancienne, primitive ou dérivée, courante ou désuète, essentielle*
ou accidentelle*, logique* ou empirique*, obvie ou savante.
ACCIDENS PRÆDICAMENTALE " Accident
ACCIDENT
ou attribut (2\*), incident (2\*)
è Étymol. : emprunté aux termes latins d’accidere et accidens (= ce qui arrive par hasard*, ce qui survient en outre
[sous-entendu : à la substance*]), qui traduit le grec sumbebêkos, kata sumbebêkos (= propriété accidentelle). Le
philosophe latin Sénèque semble être le premier auteur à avoir utilisé le terme comme substantif (accidens, traduit par
accident). Le terme latin entra dans l’usage seulement à partir de Tertullien au IIIe s.1.
En s’inspirant de la doctrine des catégories* d’Aristote, les logiciens de l’École discriminèrent entre
l’accident dans son acception* métaphysique (soit l’accidens prædicamentale, traduit par accident
prédicamental) (1\), sens qu’ils privilégièrent2, et l’accident dans son acception logique (l’accidens
prædicabile, traduit par l’accident prédicable ou accident commun) (2\), dont l’origine remonte plus
spécifiquement à Porphyre de Tyr (IIIe s.) et à Boèce (début VIe s.).
1\ L’accident prédicamental
lat. : accidens prædicamentale
Dans son rapport avec la théorie des catégories* ou des prédicaments* d’Aristote, l’accident désigne un
caractère qui n’est pas indispensable ou nécessaire* pour qu’une substance* donnée soit ce qu’elle est,
bien que ce caractère affecte celle-ci effectivement, 1\ que ce soit provisoirement (diathesis) ou de
façon permanente (hexis, habitus) ou encore 2\ de manière séparable (chôrista) ou non-séparable
(achôrista). L’accident est un caractère extérieur à une substance qui ne se rapporte à celle-ci que
comme «ce qui lui est arrivé» (par hasard*, de manière fortuite). Il est donc un caractère dont la présence
ou l’absence n’ébrèche en rien cette substance quant à sa nature ou son existence. Les caractères
accidentels ne font pas partie de l’intension* d’un concept* et n’entrent donc pas dans une définition*.
Équivalent de l’expression scolastique* d’accidens prædicamentale (accident prédicamental).
Synonyme de quoddité*, antonyme d’essence* et de quiddité*.
Au rebours du caractère essentiel* qui est toujours nécessaire*3, l’accident peut être quant à lui ou bien
nécessaire, ou bien contingent* (sur ces subtilités, v. Essence, Essence et accident, nécessité et
contingence*, Accident commun* [infra] et Propre*).
Chez Aristote, le caractère accidentel est un caractère possédé par une substance en quelque sorte par
hasard* (apo tukès). Les concepts stoïciens de sumbama et de parasubama transposèrent le sens de ce
qui arrive par hasard à la substance aux événements eux-mêmes4.
V. Catégorie*, Essence*, Prédicament*, Prédicat*, Órganon, les Catégories*, Quoddité* et Sophisme, Typ.
B, Soph. de l’accident*.
- Analyse historique
Aristote est à l’origine du terme d’accidentel. Dans la partie lexicale de ses Métaphysiques, le Philosophe
définit l’accidentel (katà sumbebêkos) comme «ce qui appartient à un être et peut en être affirmé avec
vérité, mais n’est pourtant ni nécessaire, ni constant5». L’accidentel désigne ce qui appartient* à un être,
mais sans appartenir pour autant et précisément à sa nature (1025a23). Dans sa célèbre doctrine des
catégories*, le Stagirite identifia pas moins de dix modes d’attribution dont seul le premier - celui de la
substance -, est essentiel, les autres n’étant tous qu’accidentels (v. Órganon, les Catégories*). Le concept
aristotélicien d’accidentel est donc d’acception très large : il s’étend à toutes les formes d’attributs* (v.
7
l’article). Dans le même esprit, le néo-platonicien Porphyre de Tyr, dans son introduction aux Catégories
(l’Isagogè*, 268-270), définit l’accident dans ces termes : «L’accident est ce qui est présent (ou : ce qui
peut avoir lieu) et absent (ou : disparaître), sans que cela n’entraîne la destruction de son sujet6» (v.
Prédicat, Typ., 1. La typ. classique : les cinq prédicables*).
Socrate eut avant Aristote l’intuition d’une différence de nature entre l’essence d’une chose (exprimée
par la définition* universelle, dont Socrate aurait été à la recherche, selon le témoignage d’Aristote) et les
caractères qui affectent cette chose de façon seulement circonstancielle, c’est-à-dire à l’occasion
d’une certaine situation. C’est ce que suggère l’emploi des termes d’idea et de eîdos déjà dans les
dialogues de jeunesse de Platon, par exemple dans l’Euthyphron, où il est suggéré que la vertu de piété
(eusebia) dispose d’une essence (qu’il appela la forme même de la piété, celle par laquelle les choses
pieuses sont pieuses) (v. 6d-e). Dans le Lachès, un caractère que Socrate reconnut à la vertu de courage
au point de vue de son essence (le «courage lui-même» - autè he andreia7), dans toutes les circonstances
où celle-ci se manifeste (à la guerre, dans la pauvreté, en mer, dans la maladie, dans les plaisirs, …), est
celle de la fermeté de l’âme, alors que Socrate exclut par exemple celle d’être accompagnée de
réflexion, étant donné l’existence d’actions fermes irréfléchies8. En établissant une différence entre le fait
d’être en toute circonstance une fermeté de l’âme et en certaines occasions, tantôt un acte réfléchi,
tantôt un acte irréfléchi, Socrate établit déjà ce qui devint une différence correspondant précisément à
celle entre l’essence et l’accident chez Aristote et pour la métaphysique ultérieure. Dans ses Méditations
métaphysiques (1641, 1647), R. Descartes donna dans le même esprit l’exemple devenu classique d’un
morceau de cire qui, une fois rapproché du feu, perd ses caractères accidentels (que le philosophe
associe à ceux auxquels se rapportent les sens : l’odeur pour l’olfaction, la couleur pour la vision, etc.),
tandis que la cire devenue liquide demeure la même substance, avec les mêmes attributs* (v. 3\*) (ceux
se rapportant à l’étendue), malgré son changement d’état.
***
Le terme latin d’accidens entra assez tôt dans l’usage, au IIIe s., à partir de Tertullien. Chez lui l’accident
est défini dans le droit fil de la définition générale qu’en donna Aristote, savoir comme la chose
accessoire ajoutée à la substance (ad-cedere = ce qui arrive en outre [à la substance]9. Les définitions de
l’accident formulées ultérieurement préservèrent essentiellement la même signification* : c’est le cas de
celle donnée par Victorinus Afer (quod in substantiam cadit = ce qui échoit à la substance) et par Boèce
un siècle plus tard, en s’inspirant de Porphyre dans son Isagogè (268-270), et qui fut retenue au Moyen
Âge :
1\ accidens est quod adest et abest præter subjecti corruptionem (= l’accident est ce qui est présent ou
absent sans corruption du sujet) ;
2\ accidens est quod contingit eidem esse et non esse (= l’accident est ce qui peut, de manière
contingente, être dans une chose ou ne pas y être), et ;
3\ quod neque genus neque differentia neque species neque proprium, semper autem est in subjecto
subsistens (= ce qui n’est ni genre ni différence ni espèce ni propre, mais toujours subsistant dans un
sujet)10. V. Accident commun* (infra) et Propre*.
Toujours en suivant Porphyre11, Boèce apporta une distinction entre accidents séparables (separabilia,
équivalent sémantique du grec chôrista) et accidents inséparables (inseparabilia, qui traduit achôrista)
de l’individu12.
è Termes connexes : Catégorie*, Concept*, Contingence*, Définition et Règle no 1*, Essence*, Incident*, Intension*,
Nécessaire*, Proposition*, Propre*, Quiddité*, Quoddité*, Sophisme, Typ., Soph. de l’accident*, Sujet*.
2\ L’accident commun ou prédicable
lat. : accidens prædicabile
L’un des cinq prédicables* (ou catégorèmes*) de la logique traditionnelle*, telle que développée à partir
de Porphyre dans son Isagogè (268-270) (v. Prédicat, Typ.* et Arbre de Porphyre*).
L’accident commun désigne la classe* des attributs* accidentels* se rapportant à des sujets* individuels.
À la différence du propre*, les attributs qui tombent sous cette catégorie ne sont que contingents* dans la
8
mesure où ils ne se rapportent pas au sujet* considéré au point de vue de son espèce*, mais uniquement
sous la perspective de sa singularité. Il s’agit donc d’un accident de l’individu en tant qu’individu, donc
d’un caractère qui affecte un sujet sans que ce caractère ne découle de l’essence* du sujet (ni sous
l’aspect de son genre*, ni sous celui de son espèce*). En d’autres termes, l’accident commun est une
manière de prédiquer quelque chose d’un sujet sans que cela ne lui appartienne, ni essentiellement, ni
nécessairement.
Dans la terminologie scolastique*, l’accident commun est dit prédicable in quale* accidentaliter et
contingenter.
L’accident commun est un type de prédicat accidentel-contingent affirmé d’un sujet considéré au point
de vue de son individualité, par opposition au propre qui est un prédicat accidentel-nécessaire affirmé
d’un sujet considéré au point de vue de l’essence qu’il possède en tant qu’espèce* (v. Propre*).
À titre d’exemple, le fait pour Socrate d’être dans une palestre à Athènes pour discuter avec Lachès et
Nicias est un attribut qui appartient* à Socrate non pas en tant que celui-ci est un homme, mais
simplement en tant que Socrate est un individu de l’espèce humaine. Ce qui lui est prédiqué, de ce point
de vue, relève ainsi de la contingence la plus totale et ne saurait être considéré comme un attribut
appartenant nécessairement à son espèce. L’exemple classique du propre est celui de la capacité à rire
(v. à ce sujet Propre*) : dans l’ordre de l’accident commun, cette capacité se traduirait par la manière
individuelle de rire. Ainsi, Socrate qui rit tient de façon nécessaire sa capacité à rire du fait de son
appartenance* au groupe des humains (dont ladite capacité est le propre, relativement à d’autres
espèces), mais tient sa manière de rire aux diverses contingences qui l’ont affecté.
Le propre de l’accident commun est d’être un prédicable à la fois accidentel et contingent (à ce sujet, v.
Essence, sect. Essence, accident, nécessité et contingence*).
Pour une représentation schématique de cinq prédicables, v. Prédicat, Typ., 1. La typ. classique : les cinq
prédicables*.
è Termes connexes : Contingence*, Espèce*, Différence spéc.*, Distinction*, Espèce*, Essence*, In quale*,
Nécessaire*, Prédicat, Typ., Pr. formel et pr. matériel*, Propre*.
- Bibliographie
Robertson, T., «Essential vs. Accidental Properties», dans The Stanford Encycl. of Phil.
_________________________
1. Fontanier, J.-M., Le voc. latin de la philo., Paris, Ellipses Éd. Marketing S. A., 2005, pp. 8-9.
2. Pérussel, D., «Accident», dans Les notions philosophiques. Dictionnaire (Encyclopédie philos. universelle, vol. II), 2 vol.,
éd. Auroux, S., Paris, PUF, 1998, p. 19.
3. Robertson, T., «Essential vs. Accidental Properties», Intro., dans The Stanford Encycl. of Phil..
4. Ildefonse, F., «Accident», dans Dict. des concepts philos., Blay, M. (dir.), Éd. Larousse, Coll. In Extenso, Éd. du CNRS,
2013 (2006), p. 6.
5. Mét., Δ, 30, 1025a14, trad. Tricot. Aussi Δ, 7, 1017a 6-22 et Ε, 2 et 3.
6. Isagogè, V, 4a24.
7. Platon, Lachès, Euthyphron, Introductions et trad. inédites de L.-A. Dorion, Paris, GF-Flammarion, 1997, p. 160, n. 147.
8. Ibid., pp. 114-118 (192c – 193e).
9. Fontanier, J.-M., op. cit., p. 9.
10. Ibid.
11. Isagogè, V, 4a24
12. Ibid. V. aussi Thibaudeau, V., Principes de logique. Définition, énonciation, raisonnement, coll. Zêtêsis, Les Presses de
l’Univ. Laval, 2006, pp. 190-192.
ACCIDENT PRÉDICABLE " Accident, 2\ Accident commun ou prédicable*
ACCIDENT PRÉDICAMENTAL " Accident, 2\ Accident prédicamental*, Propre*
A CONTRARIO (raisonnement) " Raisonnement, Typ. 2, Rais. a contrario*
ACTIVITÉ ARGUMENTATIVE " Argumentation*
ADDITION LOGIQUE " Somme logique*
ADÉQUATION
ou concordance*, convenance, accord, conformité, correspondance, congruence, vérité-adéquation,
vérité-correspondance
9
è Étymol. : emprunté au latin adæquatus (du verbe ad-æquare = égaler, rendre égal).
Notion classique de la philosophie qui désigne en général la correspondance de la représentation d’une
chose dans l’esprit (ou d’un jugement*, d’une proposition*) avec ce qu’est cette chose hors de la
représentation, c’est-à-dire dans la réalité ou le monde extérieur (celui des objets ou des faits
intramondains, selon les approches1). L’adéquation de la représentation aux états de choses donnés
extérieurement est la conception philosophique classique de la vérité* depuis l’Antiquité. Cette
conception, dénommée au XXe s. «théorie de la vérité-adéquation», énonce qu’est vrai tout concept*,
définition*, proposition* ou jugement* en accord ou égal (ad-æquare = rendre égal) aux états de choses
(et faux dans le cas inverse), que la vérité réside dans un rapport de conformité ou de concordance*
entre ce que sont les choses dans la réalité et la manière dont ces choses sont re-présentées dans l’esprit.
La théorie de la vérité-correspondance est traditionnellement associée à la doctrine métaphysique
réaliste (qui pose l’existence d’un monde extérieur indépendant de l’esprit et extérieur à la perception) et
à la théorie épistémologique empiriste* (qui énonce que toutes les connaissances sont formées a
posteriori*, c’est-à-dire issues de l’expérience sensorielle). Cependant, la réalité historique est plus
nuancée dans la mesure où le concept de vérité-adéquation fut également promu dans la tradition
idéaliste ancienne (Parménide d’Élée, Platon) - pour laquelle une représentation est adéquate non pas à
un objet ou un fait du monde extérieur, mais à un objet intelligible conçu a priori* (par exemple l’être et
ses propriétés, une Idée) - et la tradition rationaliste moderne (R. Descartes, N. Malebranche, B. Spinoza,
G. W. Leibniz) (v. Ah*, infra)2.
En marge de la théorie de la vérité-correspondance existe tout une gamme d’options, au nombre
desquelles la théorie plus rationaliste et idéaliste de la vérité-cohérence ou cohérentielle (v. Cohérence*),
celle plus ontologique de la vérité-dévoilement (M. Heidegger), ou encore celle plus pragmatique de la
vérité-utilité (Ch. S. Peirce, W. James, J. Dewey, G. H. Mead) et de la vérité comme consensus.
» Sur le critère d’adéquation dans la formulation d’une définition, v. Définition*.
- Analyse historique
L’idée générale que la vérité réside dans une égalité entre la chose-pensée et la chose elle-même ou
une correspondance entre la pensée et ce dont il y a pensée remonte à l’Antiquité. Certaines formules
de Parménide dans son poème Sur la nature la suggèrent déjà : «C’est le même, écrivit l’Éléate, penser et
ce à cause de quoi il y a pensée/C’est une même chose, le penser et ce dont est la pensée» («Ταὐτὸν δ'
ἐστὶ νοεῖν τε καὶ οὕνεκεν ἔστι νόηµα3») ; «… car le pensé et l’être sont une même chose/… car c’est le
même que de penser et être» («… τὸ γὰρ αὐτὸ νοεῖν ἐστίν τε καὶ εἶναι4». Socrate5 soutint dans le même
esprit que la définition* universelle d’une partie quelconque de la vertu (aretḗ = excellence), par exemple
la piété, la justice, le courage…, n’est rationnellement acceptable qu’à la condition d’être parfaitement
conforme à l’essence* (ousía) de cette partie de la vertu, autrement dit, que si sa représentation est
adéquate à sa nature, à ses propriétés nécessaires*, c’est-à-dire à ce qu’est cette partie de la vertu en
soi, que si la définition qui en est donnée est en tout point conforme à ce qui reste identique au travers
des multiples situations concrètes où cette partie de la vertu se manifeste dans le monde6. La découverte
du moindre écart entre la représentation (abstraite ou définitionnelle) d’une partie de la vertu et ce
qu’est cette partie de la vertu elle-même (concrètement) en dehors du champ de la représentation suffit
à Socrate pour déclarer son interlocuteur ignorant, quelles que soient les prétentions de ce dernier. On
trouve aussi certaines allusions à la vérité-adéquation chez Platon, notamment dans Le Cratyle (385b2) et
Le Sophiste (240d-241 et 263b)7. Dans La République (VI, 502c-509c), le philosophe idéaliste introduisit
l’idée du principe anhypothétique* (archè anupóthetos), qu’il dénomma Idée du Bien (ho agathós), afin
d’expliquer la possibilité d’une homoiôsis (ressemblance, consonance) entre l’intelligence «intuitive»
(nóēsis) et l’intelligible (topos noetos), soit entre un objet intelligible et universel (une Idée) du «monde
intelligible» et sa saisie par l’intelligence8, de la même manière, analogiquement, que le Soleil rend
possible la ressemblance entre l’acte de vision et le «lieu visible» (topos horatos), c’est-à-dire entre un
étant matériel et individuel du «monde sensible» et son image dans l’esprit. Platon transposa la
problématique épistémologique de l’adéquation sur le plan proprement métaphysique en posant un
rapport de ressemblance entre les choses sensibles et les «Idées-prototypes» dont elles sont les «copies»
individuelles et matérielles, tel un rapport d’imitation (mimèsis) ou analogique (analogía, en Rép., VI 508bc) opérant ontologiquement entre ce qu’est par essence la chose sur le plan intelligible et la physionomie
que cette chose possède matériellement. Aristote soutint de son côté, dans son traité Sur l’interprétation,
que les pensées ou affections de l’âme sont comme des ressemblances (homoiomata) des choses (1,
10
16a3-6)9. Dans ses Métaphysiques, à l’occasion d’une discussion sur le tiers exclu*, le Stagirite donna de la
vérité une définition suggérant fortement l’idée d’une conformité entre l’énoncé et le réel (l’être) : «Dire
de l’être qu’il est et du non-être qu’il n’est pas, c’est le vrai» (Γ 7, 1011 b25-27).
Toutefois, la formulation canonique de la vérité en termes d’adéquation ne remonte spécifiquement qu’à
T. d’Aquin dans ses Questiones Disputatæ de Veritate (1256-1259). La célèbre définition qu’il en donna,
«Veritas est adæquatio rei et intellectus10» (Q. 1, art. 1.), le docteur universel admit l’avoir empruntée au
philosophe juif Isaac Isræli, dans son Kitab al-Ḥudud wal-Russum (Livre des Définitions, Xe s.), bien qu’il
semblerait que la formule n’y apparaît guère. Le concept de vérité-adéquation possède toutefois bel et
bien quelques antécédents dans l’Antiquité tardive et au Moyen Âge, comme chez Proclus
(Commentaire sur le Timée, II, 287, 1), S. Empiricus (Contre les Mathématiciens [fin IIe s.], VII, 168, où le
médecin sceptique usa du terme de symphonos [= accord] pour définir la conception traditionnelle de la
vérité – qu’il dénonça), le commentateur d’Aristote J. Philopon (Commentaire sur les Catégories
d'Aristote, 81, 25-34 [v. 512-517]), Avicenne (Metaphysica compendium, dans Kitâb al-Najâh [v. 1030], I. 89), Averroès (Tahafut al-Tahafut [fin XIIe s.], 103, 302) et, en Europe, chez le Français Guillaume d'Auxerre,
qui aurait introduit la notion dans l’École, ainsi que chez G. d’Occam (Summa Logicæ [v. 1323], II) et J.
Buridan (Sophismata, II [v. 1345])11.
Les métaphysiciens des Temps modernes adoptèrent la perspective classique sur la vérité, mais en la
pliant aux particularités de leurs systèmes et aux exigences de leurs partis pris doctrinaux pour la raison*.
Au livre I de son Éthique (1677) par exemple, B. Spinoza posa comme sixième axiome* de son système la
proposition qu’une idée vraie est une idée «qui doit convenir [covenire en latin = s’accorder] avec ce
dont elle est l’idée12». Au livre suivant, le philosophe ajouta toutefois qu’une idée adéquate (ideam
adæquatam), indépendamment de tout rapport avec un objet13, se doit d’être en conformité avec
certaines dénominations intrinsèques (denominationes intrinsecas)14, que Spinoza associa aux propriétés*
qui font de l’idée vraie une idée dont la vérité est évidente par elle-même. Ainsi chez Spinoza, véritéadéquation et vérité-évidence sont non-distinguées : une idée vraie est une idée à la fois
extrinsèquement adéquate à ce dont elle est la représentation et intrinsèquement évidente par ellemême. Cette thèse fait écho à l’ancienne distinction établie par les scolastiques* (et reprise par R.
Descartes dans Méditations Métaphysiques [1641], III) entre la réalité objective de l’idée (realitas
objectiva, c’est-à-dire l’idée en tant qu’elle représente un objet) et la réalité formelle de l’idée (realitas
formalis, soit l’idée en tant que telle ou en tant qu’entité réelle). Ainsi, l’idée adéquate et évidente satisfait
chez Spinoza à la double exigence que représente pour l’idée d’être à la fois dans un rapport de
conformité avec la chose dont elle est l’idée et, sur un mode a priori* en quelque sorte, avec ce qu’elle
est en elle-même, bref, dans le même temps, égale à la chose et égale à soi-même. De son côté, G. W.
Leibniz tint l’adéquation comme le propre d’une idée ou d’une connaissance distincte dont les notions
primitives qui la composent sont elles-mêmes distinctes (par opposition à confuses)15. Ainsi, une idée est
égale ou adéquate à son objet lorsque le contenu est connu distinctement par voie simplement a
priori*16. Ces exemples d’assimilations rationalistes du concept de vérité-adéquation doivent nous mettre
en garde contre une association trop étroite de celui-ci à la tradition empiriste* (J. Locke, D. Hume)17,
selon laquelle une idée adéquate est une représentation conforme à ce qu’est la chose dans le monde
des objets ou des faits hors de la pensée et de la perception sensorielle.
M. Heidegger s’éleva contre l’intelligence du concept de vérité-adéquation véhiculé par la tradition
philosophique occidentale, dont il chercha à surmonter la sous-détermination métaphysique. Le
philosophe s’inspira des présocratiques, qui auraient eu une compréhension de la vérité comme éclosion
et dévoilement, ce qu’exprimeraient originellement, selon le philosophe, les termes d’alêtheia (la vérité
en tant que non-recouvert, non-voilé [lantháno = être caché]) et phusis (nature, de phuein = produire,
croître). Heidegger situa la notion de vérité directement sur le plan ontologique de l’advenir de l’être luimême, plutôt que sur celui, dérivé, d’une relation épistémologique entre un sujet (ou une représentation)
et un objet. Déjà Heidegger s’était interrogé sur les présupposés du concept classique d’adéquation en
écrivant, dans Être et temps (1927) : «La caractérisation de la vérité comme «accord», adæquatio,
óµοίωσις est certes très générale et vide. Elle doit pourtant détenir quelque légitimité puisque, malgré
toute la variété des interprétations de la connaissance qui doit recevoir ce prédicat privilégié, elle réussit
à se maintenir. C’est pourquoi nous posons maintenant la question des fondements de cette «relation».
Nous demandons : Qu’est-ce qui est tacitement co-posé dans ce tout de relations qu’est l’«adæquatio
intellectus et rei» ? Et quel caractère ontologique ce co-présupposé possède-t-il ?18». La question de
savoir ce qui rend possible l’accord entre la chose et l’intellect et ce que sont les fondements
ontologiques d’une telle possibilité, Heidegger la reprit de façon plus radicale encore dans sa conférence
de 1930 (De l’essence de la vérité, dans Questions I)19. C’est dans ce texte que le penseur attira
l’attention sur le fait que le terme grec d’alètheia, sur le plan étymologico-conceptuel, a le sens de non-
11
retrait, non-voilé, non-couvert, non-caché, suggérant que la vérité, au sens originaire du concept, avant
d’être dérivativement une concordance entre la pensée et la chose, n’est autre que le dévoilement luimême, dévoilement qu’Heidegger identifia au domaine de l’ouvert ou clairière de présence (Questions
IV), autrement dit, à un advenir de l’être lui-même20.
Dans la tradition de la logique, le problème de l’adéquation fut mis en exergue par le logicien austrobritannique L. J. J. Wittgenstein (Tractatus logico-philosophicus, 1921 et Carnets [Notebooks], 1914-1916)
en tant que problème relié à la possibilité de surmonter l’hétérogénéité de nature entre la représentation
elle-même (ou le signe matériel de cette représentation) et ce dont elle est la re-présentation ou
«présence différée»21. F. L. G. Frege pour sa part (Recherches logiques, 1918-1923) s’interrogea sur le
problème de l’application d’un critère de l’adéquation d’une représentation à la réalité22. B. Russell
établit23 qu’une proposition* n’est vraie* que si celle-ci est structurellement isomorphe à un état de choses
dans le monde : ainsi, l’énoncé L’oiseau est dans l’arbre est vrai si et seulement si tel est effectivement le
cas dans le monde extérieur que l’oiseau dont on parle est dans l’arbre dont on parle. Si l’un des objets
figurant dans l’énoncé est manquant (l’oiseau, l’arbre, le fait pour l’oiseau d’être dans l’arbre), l’énoncé
est alors faux. Le philosophe J. L. Austin fit valoir que l’existence d’un tel parallélisme structurel n’est pas un
critère nécessaire24. On doit au logicien polono-américain A. Tarski («Le concept de vérité dans les
langues formalisées» (1933), 1935-1936, 197225) une théorie de la vérité comme adéquation avec les faits
qui eut une influence déterminante sur le développement de la sémantique et la théorie des modèles* en
logique mathématique* au XXe s. Tarski montra que l’application du concept de vérité-adéquation dans
les langues naturelles est source de paradoxes sémantiques* (du type du paradoxe du Menteur* [dit suifalsificateur*], où la proposition est à la fois vraie et fausse sur le plan logique, v. Paradoxe, Ah*), d’où la
nécessité établie par lui de distinguer entre langue et métalangue* (metajęzyk, qui a la langue elle-même
pour objet, v. Langue-objet*) et d’adopter un schéma d’interprétation de la vérité d’une proposition dans
ces termes : «P» est vrai si et seulement si p (p étant la proposition exprimée par la proposition «P» - par
exemple : «il neige» est une proposition vraie si et seulement s’il neige. Autrement dit, un énoncé «P» (dans
le métalangage) est vrai si, et seulement si, ce qu’il énonce (sur le plan de la langue-objet) est
factuellement le cas26. Plutôt que de traduire une conception de la vérité-correspondance, il semblerait
toutefois selon certains que l’approche tarskienne présuppose davantage un concept de véritédéflationniste dans la mesure où la différence apparaît nulle entre affirmer, d’une part, que p est vrai, et
d’autre part, affirmer que p (la vérité n’ajoutant en effet strictement rien à ce qui est affirmer : énoncer
qu’il est vrai que Socrate réfute Hippias est identique à affirmer que Socrate réfute Hippias). La théorie de
la vérité de Tarski, quoi qu’il en soit, exerça une grande influence sur un certain nombre de partisans du
concept de vérité-correspondance, dont K. R. Popper27.
» Sur la théorie cohérentiste de la vérité, v. Cohérence, 2\*.
è Termes connexes : A posteriori*, Cohérence, 2\*, Concordance*, Définition*, Faux, fausseté*, Jugement, Typ., Jug.
de fait*; Pétition de principe, Ah*; Proposition*, Vérité*.
- Bibliographie
Austin, J. L., «Truth», dans Proceedings of the Aristotelian Society, 1950, 1979 ; Crivelli, P., Aristotle on Truth, Cambridge
Univ. Press, 2004 ; David, M., «The Correspondence Theory of Truth», 1. History of the Correspondence Theory, dans The
Stanford Encycl. of Phil. ; Hanna, P. et Harrison, B., Word and World: Practices and the Foundation of Language,
Cambridge Univ. Press, 2004 ; Kaplan, F., La vérité et ses figures, Paris, Aubier, 1977 ; Kirkham, R. L., Theories of Truth: A
Critical Introduction, MIT Press, Cambridge, 1992 ; Künne, W., Conceptions of Truth, Oxford, Clarendon Press, 2003 ;
Rankine, H. D., «A-létheia in Plato», dans Glotta 41, 1963, 51-54 ; Write, A. R., Truth, Londres et Basingstoke, MacMillan,
1970.
_________________________
1. Il est deux grandes variantes du concept d’adéquation, 1\ selon qu’il y a concordance du jugement* ou de la
proposition* avec son objet (un jugement est vrai si et seulement si le prédicat qu’il rapporte à un sujet correspond à un
prédicat dont le sujet est réellement affecté) et 2\ selon qu’il y a concordance du jugement* ou de la proposition*
avec les faits. La première version est plus ancienne que la seconde, qui ne remonte qu’à D. Hume (Traité de la nature
humaine, 1739-1740, 3.1.1), J. S. Mill (Système de logique déductive et inductive, 1843, 1.5.1), G. E. Moore (Some Main
Problems of Philosophy, 1910-1911) et B. Russell (The Problems of Philosophy, 1912 : «a belief is true when there is a
corresponding fact, and is false when there is no corresponding fact» [p. 129]). Sur cette distinction, v. David, M., «The
Correspondence Theory of Truth», dans The Stanford Encycl. of Phil. et Künne, W., Conceptions of Truth, ch. 3, Oxford,
Clarendon Press, 2003.
2. On consultera à ce sujet Kirkham, R. L., Theories of Truth: A Critical Introduction, sect. 4.6, MIT Press, Cambridge, 1992.
3. Diels, VIII, 34.
4. Diels, III.
5. Selon le témoignage laissé par Platon dans ses dialogues de jeunesse.
12
6. Cette thèse socratique mit Aristote sur la piste de ce qu’est une définition, soit une proposition* qui exprime
l’essence* d’une chose (v. Définition*).
7. À ce propos, v. David, M., «The Correspondence Theory of Truth», 1. History of the Correspondence Theory, dans The
Stanford Encycl. of Phil. Platon expliqua dans Le Sophiste qu’une affirmation n’est vraie que s’il y a adéquation entre la
proposition et l’objet (de nature intelligible chez Platon) sur lequel elle porte.
8. G. Guest, «Adéquation» [philo. géné.], dans Les notions philosophiques. Dictionnaire (Encyclopédie philos. universelle,
vol. II), 2 vol., éd. Auroux, S., Paris, PUF, 1998, p. 45.
9. À ce sujet, v. les travaux de Crivelli, P., Aristotle on Truth, Cambridge Univ. Press, 2004. Aussi G. Guest, «Adéquation»,
op. cit., p. 45.
10. Voir aussi Somme théologique (Q. 16, art. 1). Notons que T. d’Aquin usa également des termes latins de conformitas
et correspondentia pour qualifier la nature de la vérité. Au sujet de l’âme il écrivit, en s’inspirant d’Aristote, qu’elle est :
«Ens quod natum est convenire cum omni ente» («l’étant dont la nature est de convenir, d’entrer en adéquation avec
tout étant» (trad. de M. Heidegger, 1927).
11. Voir David, M., «The Correspondence Theory of Truth», dans The Stanford Encycl. of Phil.
12. «Idea vera debet cum suo ideato convenire» (I, A6). On consultera Lalande, A., Vocabulaire tech. et critique de la
philo., Paris, PUF, 1968, p. 26, l’article et le complément.
13 Voir Éthique, II, Déf. IV et son Explication : «Per ideam adæquatam intelligo ideam quæ quatenus in se sine relatione
ad objectum consideratur».
14. C’est le même point de vue que partagea Spinoza dans son Traité de la réforme de l’entendement (1665-1670,
publié en 1677), dans lequel il écrivit : «Par idée adéquate, j’entends une idée qui, pour autant qu’on la considère en
elle-même et sans relation à un objet, a toutes les propriétés, ou dénominations intrinsèques, de l’idée vraie» (G. Guest,
«Adéquation», op. cit., p. 44).
15. Voir Discours de métaphysique (1686), ch. XXIV. Fontanier, J.-M., op. cit., p. 11. Leibniz fut par ailleurs le partisan
d’une conception de la vérité comme vérité-cohérence (v. Cohérence, Ah* et F. Châtelet, Une histoire de la raison,
Paris, Points Seuil, 1992, p. 158).
16. Sur la typologie leibnizienne des idées, voir Nadeau, R. (dir.), Philosophies de la connaissance, Duchesneau, F., Ch. 6
«Leibniz critique de Locke sur l’entendement humain», Les Presses de l’Univ. Laval, 2009.
17. Voir J. Locke, An Essay Concerning Human Understanding (1689-1690), 4.5.1, et D. Hume, A Treatise of Human
Nature (1738-1740), 3.1.1.
18. Être et temps, §44 «Dasein, ouverture et vérité», «a. Le concept traditionnel de la vérité et ses fondements
ontologiques», trad. d’E. Martineau, p. 161.
19. V. Question I, «III. Le fondement de la possibilisation (Ermöglichung) d’une conformité».
20. La conférence sur l’essence de la vérité (Vom Wesen der Wahrheit) exprime en ce sens un «tournant» dans la
pensée de Heidegger. Le propos qu’il y tint illustrerait un déplacement d’intérêt vers la question de l’être posée en
dehors de toute perspective anthropocentrique, perspective à laquelle Être et temps était encore soumise en faisant
du Dasein l’être-découvrant fondamental et l’espace de rencontre qui précède toute adéquation. Sur le concept de
vérité chez Heidegger, on consultera avec profit l’ouvrage de E. Tugendhat, Der Wahrheitsbegriff bei Husserl und
Heidegger, Berlin, 1967).
21. Ce questionnement fut déployé chez Wittgenstein dans le cadre de sa doctrine de la figure (Bild) et de la logique
de la représentation figurative (Logik der Abbildung) (G. Guest, «Adéquation», op. cit., p. 44).
22. Logik, dans Schriften zur Logik und Sprachphilosophie, Hambourg, F. Meiner, 1978, p. 78. Voir G. Guest,
«Adéquation», op. cit., p. 46.
23. B. Russell, The Problems of Philosophy, 1912
24. À ce sujet, v. Kirkham, R. L., Theories of Truth: A Critical Introduction, sect. 4.2, MIT Press, Cambridge, 1992.
25. A. Tarski, Pojęcie prawdy w językach nauk dedukcyjnych, dans Towarzystwa Naukowego Warszawskiego, Wydzial III
Nauk Matematyczno-Fizycznych 34, 1933 (trad. all. : «Der Wahrheitsbegriff in den formalisierten Sprachen», dans Studia
Philosophica 1, 1935, 1936, pp. 261–405, trad. fr. : «Le concept de vérité dans les langues formalisées», dans Logique,
sémantique et Métamathématiques, 1923-1944, Granger, G.-G. et al. (éd.), Paris, Armand Colin, vol. 1, 1972, pp. 157269.
26. M.-H. Perey, «Vérité» [épist. géné.], dans Les notions philosophiques. Dictionnaire (Encyclopédie philos. universelle,
vol. II), 2 vol., éd. Auroux, S., Paris, PUF, 1998, p. 2717. On appréciera la recension très fouillée des ouvrages consacrés à
la notion de vérité réalisée par l’auteur (pp. 2718-2719).
27. Voir Popper, K., Les deux problèmes fondamentaux de la théorie de la connaissance (1930-1933), Paris, Hermann,
1999.
AD ANTIQUITATEM (argument) " Argument, Typ., Arg. ad antiquitatem*
AD BACULUM (argument) " Argument, Typ., Arg. ad baculum*
AD CONSEQUENTIAM (argument) " Argument, Typ., Arg. ad consequentiam*
AD HOMINEM (argument) " Argument, Typ., Arg. ad hominem*
AD IGNORANTIAM (argument) " Argument, Typ., Arg. ad ignorantiam*
AD INFINITUM (argument) " Argument, Typ., Arg. ad infinitum*
AD METUM (argument) " Argument, Typ., Arg. ad metum*
AD MISERICORDIAM (argument) " Argument, Typ., Arg. ad misericordiam*
AD NAUSEAM (argument) " Argument, Typ., Arg. ad nauseam*
AD NOVITATEM (argument) " Argument, Typ., Arg. ad novitatem*
13
AD PASSIONES (argument) " Argument, Typ., Arg. ad passiones*
AD PERSONAM (argument) " Argument, Typ., Arg. ad personam*
AD POPULUM (argument) " Argument, Typ., Arg. ad populum*
AD VERECUNDIAM (argument) " Argument, Typ., Arg. ad verecundiam*
A est A " A = A
AFFIRMATION, AFFIRMATIF
ou proposition affirmative, assertion*, déclaration*
è Étymol. : du latin adfirmatio (d’ad-firmare = rendre ferme), qui traduit les termes de phásis et katáphasis (katáphanai
= affirmer), employé par Aristote (v. Cat., 12b8) (par opposition à àpóphasis = négation*).
1\ Corrélatif sémantique large d’assertion*, proposition*, jugement*, énoncé*.
2\ En logique traditionnelle*, désigne spécifiquement l’un des deux genres de propositions*
(apophantiques*) classées selon la qualité*. Une affirmation ou proposition affirmative est chez Aristote un
énoncé dont le prédicat* est attribué au sujet* de manière positive, c’est-à-dire dans lequel il est dit qu’un
ou plusieurs attributs* sont possédés (effectivement ou virtuellement) par le sujet ou constitutifs du sujet.
S’oppose directement à négation* et proposition négative*.
Prenons à titre d’exemple la proposition Les ours hibernent. Le prédicat* de l’hibernation est rapporté au
sujet* ours de manière à exprimer qu’il est possédé par lui ou lui appartient* (uparkein chez Aristote) - on
dit alors que le sujet est subordonné au prédicat ou que le prédicat est composé du sujet. Cette dernière
expression est un legs de la tradition scolastique* au sein de laquelle fut pensé les rapports du sujet au
prédicat en termes de convenance [compositio] et disconvenance [divisio]). Il est possible de se
représenter également le rapport du sujet au prédicat en extension (à ce propos, v. Proposition,
Interprétation de la prop. en intension et en extension*). Les propositions affirmatives sont symbolisées par
les lettres A* et I* selon qu’elles sont par ailleurs universelles* ou particulières*.
Dans le cas d’une proposition affirmative (de type A ou I), la quantité* du prédicat* est toujours partielle,
c’est-à-dire que le prédicat est pris dans son extension particulière* (supponit particulariter) (par ex :
l’oiseau est ovipare ≡ l’oiseau est quelque ovipare). Dans une proposition négative* (E* ou O*), le prédicat
est plutôt pris dans son extension totale ou universelle (supponit universaliter) (par ex : l’oiseau n’est pas
vivipare ≡ l’oiseau n’est aucun vivipare) (v. Quantité*).
C’est la copule qui permet précisément d’identifier le mode affirmatif ou négatif sur lequel la relation du
sujet au prédicat est posée (v. Copule, Copulation*). Concernant la formulation possible des propositions
affirmatives (et négatives) avec l’emploi du verbe avoir, v. Copule, Ah*.
- Analyse historique
On retrouve chez Aristote les développements sur l’affirmation et la négation au ch. 7 du traité Sur
l’interprétation (v. Órganon*). Son commentateur Boèce (début VIe s.) définit l’affirmation dans ces
termes : c’est un discours «qui conjoint une chose à une autre par une certaine participation ; la négation,
au contraire, disjoint une chose d’une autre par une certaine séparation. Par exemple, tout homme est
un animal : ce discours joint l’animal à l’homme, car l’homme participe d’un genre propre, à savoir le
genre animal» (v. In categ. Arist. 4, dans la Patrologia Latina, 64, c. 271d)1.
è Termes connexes : Carré log.*, Copule, Copulation*, Jugement*, Particulier*, Prédicat*, Proposition, Typ.*, Négation*,
Qualité*, Universel*.
_________________________
1. Fontanier, J.-M., Le voc. latin de la philo., Paris, Ellipses Éd. Marketing S. A., 2e éd., 2005, p. 15.
AFFIRMATION DE L’ANTÉCÉDENT " Modus ponens*
A FORTIORI (argument ou argumentation) " Argument, Typ., Arg. a fortiori*
ALÉTHIQUE
logique aléthique ou vérifonctionnelle, apophantique*
14
è Étymol. : formé d’après le terme grec d’alêtheia (= vérité* [v. Vérité, Étymol. et Adéquation, Ah*]).
1\ Nom donné aux modalités* classiques de la logique traditionnelle* (le nécessaire*, l’impossible*, le
possible* et le contingent*).
À ce sujet, v. Modificateur, Les quatre mod. classiques* et Log. modale, Ah*.
2\ Terme utilisé depuis le milieu du XXe s. pour qualifier la logique* dont les propositions* peuvent être
déterminée vraie* ou fausse* et ainsi que la logique ne transgresse pas les limites du vrai et du faux.
L’expression fut forgée en réaction à l’émergence de certaines formes de logiques qui n’admettent pas
l’attribution (quoique cela soit contesté) de valeurs de vérité*, comme c’est le cas entre autres de la
logique déontique* issue des travaux de von Wright1, avec ses modalités de l’obligatoire, de l’interdit, du
permis et du facultatif2.
_________________________
1. Wright, G. H. von, An Essay in Modal Logic, North Holland, Amsterdam, 1951 ; «Deontic Logic», dans Mind, vol. 60, n°
237, JSTOR, 1951, pp. 1-15 ; Norm and Action, Londres, Routledge and Kegan Paul, 1963 ; V. Truth, knowledge and
modality. Philosophical papers, vol. III, Oxford, Basil Blackwell, 1984.
2. J. L. Gardies, «Aléthique», dans Les notions philosophiques. Dictionnaire (Encyclopédie philos. universelle, vol. II), 2
vol., éd. Auroux, S., Paris, PUF, 1998, p. 60.
ALGÈBRE BOOLÉENNE " Algèbre de Boole*
ALGÈBRE DE BOOLE
ou algèbre booléenne, calcul booléen, algèbre de Boole-Schröder
è Étymol. : l’expression serait due au logicien H. M. Sheffer (selon E. V. Huntington, 1904).
Type d’algèbre de la logique* (intégrée à la logique classique*) développée par Boole (1847, 1854) et
parachevé par Schröder au moyen des avancées léguées par Ch. S. Peirce (on parle alors
spécifiquement de l’algèbre de Boole-Schröder). L’algèbre de Boole est le premier système contemporain
de logique mathématique*, en tant que méthode de traitement algébrique des relations logiques, et le
premier système formel* opérationnel de réduction des procédures du raisonnement* à un calcul
logique* (c’est-à-dire à une série d’opérations sur des variables*). L’algèbre de Boole est une logique des
classes* bivalente* et sa structure générale fut mise au jour par l’algèbre de Lindenbaum-Tarski.
En calcul propositionnel*, l’algèbre booléenne est une méthode syntaxique* qui permet l’analyse des
propositions composées*. Elle est également utilisée aux fins de la vérification de la validité* des
propositions* ou raisonnements* dans le calcul des prédicats* (v. Validité*).
- Analyse historique
Le projet d’algébrisation intégrale de la logique entrepris par le mathématicien et logicien britannique G.
Boole1 (tel que parachevé en Allemagne par E. Schröder) fut motivé à l’origine par l’objectif d’élargir le
registre de la logique traditionnelle* en dehors des frontières de la syllogistique*2 aristotélicienne. Le
système repose sur un isomorphisme étroit présumé entre les lois de la syntaxe* algébrique et celles de la
syntaxe logique. Il comprend en effet trois catégories de symboles directement empruntés aux
mathématiques, à savoir :
1) des variables ou symboles littéraux (x, y, z, …), utilisés pour représenter des concepts* interprétés en
extension*, donc comme des classes* (l’algèbre de Boole pouvant ainsi recevoir une interprétation dans
le langage* de la logique des classes*),
2) des signes d’opération ou signes opératoires (+, x, -, …), repris directement du calcul algébrique et qui
désignent les opérations de l’esprit (v. Psychologisme*) effectuées sur ces classes : l’addition et la
multiplication sont les deux formes élémentaires, correspondant respectivement à la somme logique* (x +
y, ou la réunion de deux classes, équivalent du connecteur* propositionnel de la disjonction*) et au
produit logique* (xy, ou l’intersection de deux classes),
15
3) le signe de l’égalité ou de l’identité (=), symbolisant la copule* et dont l’utilisation indique que les deux
classes en présence possèdent la même extension ou qu’elles sont mutuellement inclusives (notion
mathématique d’égalité qui fait de l’algèbre de Boole une logique extensionnelle*).
Cette formalisation permet la traduction algébrique complète de toutes les propositions logiques sous
forme d’équations, à l’instar de ce qu’est l’algèbre dans l’ordre des mathématiques, et plus précisément
la réduction des procédures du raisonnement* à un calcul logique* (v. l’article). Elle permet en outre 1\
de transformer des propositions* en d’autres propositions équivalentes* (xy = yx ; x + y = y + x ; z (x + y) = zx
+ zy ; z(x – y) = zx - zy ; (x = y + z) = (x – z = y)3, tout comme encore une fois le permet l’algèbre dans le
domaine des quantités numériques, et 2\ de vérifier si des propositions sont toujours vraies (soit des
tautologies*) ou toujours fausses (des contradictions*).
L’analogie entre les calculs de type logique et algébrique autorise un certain nombre d’opérations,
notamment l’application des lois* de commutativité* et de distributivité* aux variables* logiques. Celle-ci
rencontre cependant certaines limites, et plusieurs logiciens contemporains de Boole le remarquèrent,
comme le logicien et économiste anglais W. S. Jevons (Pure logic, 1864) (v. Calcul log., Ah*). Pour
marquer la différence entre l’algèbre et les lois de la logique (assimilées chez lui à des lois de la pensée,
comme chez son prédécesseur), la loi d’idempotence* ( p ≡ (p ν p) ; p ≡ (p л p)) par exemple annule
l’effet de l’élévation aux puissances de variables logiques : en algèbre de la logique, l’élévation aux
puissances d’une classe* d’objets ne peut donner autre chose que cette même classe d’objets (la classe
des objets bleus multipliée par la classe des objets bleus ne peut jamais donner autre chose que la classe
des objets bleus ; ainsi : xn = x), ce qui n’est pas le cas en général pour l’algèbre mathématique. Il existe
cependant deux cas particuliers où cette loi* logique prévaut aussi pour l’algèbre numérique, à savoir
lorsque la valeur élevée aux puissances est égale à 0 ou à 1 (en effet : 0n = 0, 1n = 1)4. Pour réduire au
maximum l’écart entre les deux syntaxes5, Boole assimila l’algèbre de la logique à une algèbre spéciale
(dite bivalente, v. Bivalence*), fondée sur les seules valeurs de 1 et de 0 (B = {1, 0}) (v. Domaine booléen*).
Le logicien utilisa les valeurs de 0 et de 1 pour désigner 1\ les propositions toujours vraies et toujours
fausses (ex. : le principe de non-contradiction*, qui s’exprime : p v ¬p ó1, et sa contradictoire : p л ¬p ó
0) (v. Tautologie*) et 2\ pour désigner respectivement la classe vide (ou nulle) et la classe universelle (la
totalité des objets d’une classe). Cette innovation permit de reformuler sous forme algébrique tous les
types classiques de propositions (ex. : quelque x est y se traduit par xy ≠ 0 ; quelque x n’est pas y se traduit
par x (1 – y) ≠ 0 [où «1 - y» symbolise la classe universelle, exception faite des y]6, ainsi que les divers
syllogismes.
L’algèbre de Boole peut être interprétée également dans les termes de la logique propositionnelle* (v.
l’article, Ah*).
» Sur la critique de l’algèbre de Boole (et de l’algèbre de la logique* en général), ainsi que de sa place
dans l’histoire de la logique moderne*, v. Calcul log., Ah*7.
è Termes connexes : Algèbre de la log.*, Bivalence*, Calcul log., Ah*, Calcul des prédicats*, Calcul prop., Ah*, Cal.
ratiocinator*, Classe*, Commutativité*, Connecteur*, Contradiction*, Copule, Copulation*, Diagramme logique, diagr.
de Venn*, Distributivité*, Équivalence*, Extension*, Logique, Ah*, Log. des classes*, Log. math.*, Log. propositionnelle*,
Loi de De Morgan*, Méthode syntaxique*, Opérateur logique*, Proposition*, Proposition composée*, Raisonnement*,
Tautologie*, Valeur de vérité*, Variables propositionnelles*.
- Bibliographie
Halmos, P. R., Algebraic Logic, New York, Chelsea Publ. Co., 1962, Lectures on Boolean Algebras, Londres, Van
Nostrand, 1963 ; Ponasse, D. et Carrega, J. C., Algèbre et topologie booléenne, Paris, Masson, 1979.
_________________________
1. Dans The Mathematical Analysis of Logic, being an essay towards a calculus of deductive reasoning (1847) et surtout
An investigation of the Laws of Thought, on Which are Founded the Mathematical Theories of Logic and Probabilities
(1854).
2. Voir Boole, G., Laws of thought, op. cit., ch. XV.
3. Exemples de traductions logiques de lois algébriques : blanc bonnet = bonnet blanc (xy = yx), blanc et bonnet =
bonnet et blanc (x + y = y + x), les chapeaux (blancs et bonnets) = les chapeaux blancs et les chapeaux
bonnets (z (x + y) = zx + zy), les chapeaux (les blancs, mais pas les bonnets) = les chapeaux blancs, mais
pas les chapeaux bonnets (z(x – y) = zx - zy) ; les choses blanches sont les bonnets et les chapeaux = les
choses blanches, excepté les chapeaux, sont des bonnets ((x = y + z) = (x – z = y)).
4. Voir Blanché, R., La logique et son histoire, d’Aristote à Russell, Paris, Armand Colin, 1970, pp. 273-274.
5. Voir Boole, G., An investigation of the laws of thought on which are founded the mathematical theories of logic and
16
probabilities (ouvrage communément appelé The Laws of Thought, 1854), Chicago, Open Court Publ. Cie, 1940, pp.
37-38.
6. Boole préféra user de l’expression v plutôt que le symbole mathématique de l’inéquation. Ainsi : xy = v ; x (1 – y) = v.
La lettre v symbolise ici une valeur intermédiaire entre 1 et 0, exprimant la particularité* (xy = v signifiant que
l’intersection de la classe des x et celle des y est non nulle, c’est-à-dire particulière, sans exclure la possibilité qu’elle soit
universelle : l’utilisation de la particularité au sens d’une indétermination* d’extension qui inclut la possibilité de
l’universalité, remonte à Aristote et à Théophraste (v. Particulier, Ah*).
7. Et sur le détail technique de l’algèbre de Boole, voir notamment : Blanché, R., La logique et son histoire, d’Aristote à
Russell, Paris, Armand Colin, 1970, ch. X «Le réveil de la logique», pp. 269-278 ; Glaude, D., et Permingeat, N., Algèbre
de Boole, Théorie, méthodes de calcul, application, Dunod, 1997 ; Jørgensen, J., A Treatise of formal logic, vol. 1,
«Historical development», Copenhague, Levin & Munksgaard, et Londres, Humphrey Milford, 1931 ; Lepage, F.,
Éléments de logique contemporaine, Les Presses de l’Univ. de Montréal, 1991, pp. 60-63 ; Liard, L., Les logiciens Anglais
contemporains, Paris, 1878 ; 5e éd. Alcan, 1907 ; Quine, W. V. O., Méthodes de logique, trad. fr. Clavelin, Paris, Armand
Colin, 1972 (éd. originale 1950).
ALGÈBRE DE LA LOGIQUE
algébrisation de la logique
è Étymol. : de l’anglais Logical Algebra (G. Boole) et Algebra of Logic (E. V. Huntington, 1904) et de l’allemand
Algebra der Logik (E. Schröder), première occurrence française chez L. Couturat dans son ouvrage L’Algèbre de la
logique (1905). Le terme d’algèbre fut forgé à la fin du XIVe s. à partir du latin algebra, lui-même issu de l’arabe al-jabr
(= restauration [sous-entendu : restauration d’une égalité], titre d’un ouvrage d’Al-Khwarismi datant du IXe s.).
L’algèbre devint explicitement à partir du mathématicien français F. Viète la discipline ayant pour objet d’études les
expressions symboliques formelles (logistica speciosa), par opposition à l’étude des nombres (logistica numerosa)1.
Approche de la logique moderne* (et précisément l’une des formes de la logique mathématique*)
fondée sur la symétrie présumée entre la syntaxe* de la logique et celle de l’algèbre dans son sens large
- elle a pour finalité de réduire les procédures du raisonnement* à un calcul logique* indépendant de tout
recours aux formules du langage* naturel.
L’algèbre de la logique se distingue de l’algèbre de Boole* dans la mesure où elle conçoit l’algèbre en
un sens non spécifiquement numérique et au sens où elle se refuse donc à imposer à la logique un simple
traitement d’ordre mathématique (v. Logique mathématique, 2\*). Les logiciens G. Boole (1847, 1854) en
Angleterre et E. Schröder (1877) en Allemagne ne distinguèrent point entre l’algèbre dans son acception
mathématique traditionnelle et l’algèbre proprement logique, celle que développèrent notamment H.
MacColl, W. S. Jevons, Ch. S. Peirce, A. N. Whitehead et surtout F. L. G. Frege et B. A. W. Russell, et sur
laquelle repose précisément l’approche proprement contemporaine de la logique (v. Log. classique*).
Cette distinction entre les deux perspectives algébriques correspond aux deux grands sémantismes de la
logique mathématique* (à ce propos, on consultera l’article, ainsi que Algèbre de Boole* et Calcul log.,
Ah*).
L’algèbre de la logique fut axiomatisée* par l’Américain E. V. Huntington («A Set of Independent
Postulates for the Algebra of Logic», 1904, 1933).
» Sur la critique de l’algèbre de la logique, v. Calcul log., Ah*6.
è Termes connexes : Algèbre de Boole*, Calcul log., Ah*, Log. math.*.
- Bibliographie
Halmos, P. R., Algebraic Logic, New York, Chelsea Publ. Co., 1962.
_________________________
1. J.-P. Tignol, «Aléthique», dans Les notions philosophiques. Dictionnaire (Encyclopédie philos. universelle, vol. II), 2 vol.,
éd. Auroux, S., Paris, PUF, 1998, p. 60.
ALGÉBRISATION DE LA LOGIQUE " Algèbre de la logique*
AMBIGUÏTÉ, AMBIGUË
è Étymol. : tiré (1270) du latin ambiguitas (= équivoque*, qui a de multiple sens).
17
Terme désignant le caractère d’un mot*, concept*, définition*, proposition*, jugement* ou discours* dont
la signification* n’est pas claire et distincte, et donc susceptible de créer de la confusion. Synonyme
d’équivoque, 1\*.
L’emploi d’un concept polysémique* ou équivoque* est plus susceptible d’engendrer de l’ambiguïté
lorsque l’acception* dans laquelle il est utilisé n’est pas précisée. L’ambiguïté est une forme de
paralogisme* informel ou encore de sophisme* lorsqu’il est utilisé à des fins fallacieuses.
La logique moderne* est née d’un effort de désambiguïsation du langage* naturel (à ce propos, v.
Calcul log., Ah* [en particulier F. L. G. Frege] et Log. moderne*).
On peut considérer les paradoxes sémantiques* comme des ambiguïtés (v. Adéquation, Ah*, sect. sur
Tarski, Théorème de Tarski* et Métalangage*).
è Termes connexes : Calcul log., Ah*, Équivoque*, Log. moderne*, Paralogisme*, Plurivoque*, Polysémie*, Sophisme*,
Univoque*.
AMPLIATION " Raisonnement*
ANALOGIE, ANALOGISME (raisonnement par) " Raisonnement, Typ. 2, Rais. par analogie*
ANALYSANDUM (pl. analysanda)
Terme d’épistémologie désignant l’objet ou le système complexe sur lequel porte une analyse*. Terme
complémentaire à celui d’analysans*.
è Termes connexes : Analysans*, Analyse*.
ANALYSANS
Terme d’épistémologie désignant l’ensemble des propositions* ou le discours* dans lesquels est exprimée
une analyse* dans des termes non tautologiques* (ou non circulaires). Terme complémentaire à celui
d’analysandum*.
è Termes connexes : Analysandum*, Analyse*.
ANALYSE
ou résolution, régression
è Étymol. : terme qui traduit le grec analusis (= décomposition, dissolution, déliaison) et analuein (= délier).
Le concept d’analyse est utilisé dans plusieurs disciplines (en mathématiques, domaine duquel il provient,
musique, linguistique, chimie, littérature,…) et recouvre par conséquent un large spectre de significations
spécialisées.
1\ Au sens scientifique et classique du terme, désigne un type de recherche dont l’office est d’identifier,
par un mouvement régressif, les causes* d’un phénomène, d’une réalité1, dans l’objectif de donner une
explication*. Synonyme large d’analyse causale.
Cette définition du concept d’analyse correspond davantage à sa signification d’origine grecque
ancienne (v. Ah*, infra). L’analyse, ainsi vue comme régression (allant des effets à la cause), prévaut
autant dans le domaine des sciences physiques (par exemple l’analyse du phénomène de l’évaporation
ou de l’effet photoélectrique) que dans le domaine de la psychologie (la psychologie réflexive, qui
cherche à remonter des effets aux causes de phénomènes psychiques. Par exemple, en psychanalyse littéralement analyse du psychique -, celle-ci permet d’identifier les motivations (causes) inconscientes en
amont des comportements pathologiques).
Lorsqu’une analyse fait partie d’une stratégie visant à démontrer une proposition* ou une thèse*, on parle
18
alors d’une démonstration quia* et ascendante* (v. Démonstration, Typ.*).
2\ En logique traditionnelle*, l’analyse se rapporte au schéma du raisonnement* dans lequel l’inférence*
se fait de la conséquence* aux principes*, par opposition à la synthèse*, qui suit le chemin inverse.
À ce sujet, v. Démonstration, Typ., Démonstration quia*.
3\ Terme d’épistémologie (d’origine mathématique grecque) qui désigne une activité cognitive ou une
méthode consistant à décomposer un tout (qui forme un système complexe), de manière à mettre en
évidence ses parties élémentaires et les liens que ces constituants entretiennent entre eux. Synonyme de
résolution.
L’analyse est une opération intellectuelle qui va du complexe au simple (s’oppose en ce sens à
synthèse*). Son objectif est de parvenir à la connaissance parfaite de la chose qui en fait l’objet
(l’analysadum*).
***
L’analyse isole dans un système complexe donné les éléments fondamentaux dont ce système est
constitué, de façon à mieux comprendre et évaluer ce système et la façon dont les différentes parties le
soutiennent ou le justifient. La substitution des simples aux composés peut porter sur différents éléments, à
savoir le concept*, la proposition*, le jugement*, l’argumentaire*, la thèse* et le discours*.
Sommairement :
- l’analyse conceptuelle (ou philosophique) consiste à décomposer l’intension* d’un concept*, de
manière à mettre en évidence son contenu* (ses attributs* essentiels*) et de dispenser sa signification*. En
ce sens, la définition* est une analyse conceptuelle (v. Concept*, Définition*, Essence*, Intension* et
Jugement, Typ., Jug. analytique*). L’analyse peut porter spécifiquement sur l’étymologie du mot (on parle
alors d’analyse étymologique) ;
- l’analyse propositionnelle désigne la décomposition du contenu d’une proposition* en ses composantes
logiques premières (sujet*, copule*, prédicat*, v. Proposition*). En logique moderne*, l’analyse
propositionnelle correspond spécifiquement au traitement de la logique dans le champ de la logique
propositionnelle* (ex. : le calcul des prédicats*, où la proposition est décomposée en fonction et
argument, v. Calcul des prédicats*) ;
- l’analyse argumentative vise à mettre en évidence la structure d’un argument* et du raisonnement*
dont il fait partie, de façon à mieux pouvoir juger de sa valeur quant à la vérité* de son contenu et quant
à sa validité* formelle (v. Argumentation, Structure et analyse argumentative*) ;
- l’analyse d’une thèse consiste à mettre en évidence les arguments particuliers qui la justifient, afin de
mieux pouvoir juger de sa légitimité globale (v. Thèse*) ;
- L’analyse du discours, enfin, a pour visée de mettre au jour la structure logique et les différentes thèses
particulières dont celui-ci est constitué, de manière à pouvoir déterminer sa cohérence et sa valeur
globale (v. Discours*).
- Analyse historique
À l’époque de la Grèce antique, le concept d’analyse ne correspondait pas avec le sens 2\ précité
comme décomposition en parties (en dépit du fait que son étymologie le suggère). L’analyse désignait
essentiellement le travail philosophique visant à saisir les principes* premiers des choses. Il s’agissait alors
moins d’une décomposition que d’une régression rationnelle2. Bien que le terme grec d’analyse
(analuein) n’apparaisse pas chez Platon, il est clair que la recherche des définitions* universelles chez
Socrate, telle que présentée à tout le moins dans les dialogues socratiques, correspondait déjà à une
forme d’analyse de type régressif où, à partir d’exemples particuliers, il s’agit de remonter à la définition
universelle. Cependant, si l’analyse semble être au cœur de l’exercice philosophique depuis ses origines, il
est coutume de faire remonter sa tradition spécifiquement à Aristote, en particulier à ses écrits de logique
(v. Órganon*).
L’analyse reçut sa signification moderne seulement chez R. Descartes, pour qui l’analyse, deuxième règle
19
de la méthode, consiste à diviser les problèmes en «parcelles», de façon à pouvoir «les mieux résoudre»,
avant de recomposer ultérieurement la chaîne complexe des certitudes. C’est dans le sens de la
décomposition que l’analyse fut reprise essentiellement dans la suite des Temps modernes, en recevant
cependant certaines variations sémantiques* selon les auteurs et les systèmes philosophiques développés3
(notamment chez G. W. Leibniz, É. B. de Condillac, E. Kant4, J. G. Fichte, S. Freud, M. Heidegger, …). Sur le
plan de la logique, la méthode de résolution leibnizienne par exemple trouve sa plus brillante expression
dans le projet d’une lingua characteristica universalis* conçue comme un Alphabet ou une Algèbre
universelle des pensées humaines (v. l’article)5.
La tradition de l’analyse culmina au XXe s. avec la philosophie analytique. Celle-ci, qui est d’origine
continentale (F. L. G. Frege, F. Brentano, E. G. A. Husserl, L. J. J. Wittgenstein, A. Tarski, …)6, mais qui prit son
envol dans l’univers anglo-américain dès le début du XXe s., tint la philosophie du langage* (ou de
l’analyse logico-linguistique) pour le seul moteur de l’activité philosophique in extenso. Les analyticiens
présupposent en général que tous les problèmes de la philosophie se réduisent à certaines prises de
position (implicites ou non) concernant les liens qu’entretient le langage* avec la pensée (ou la logique
spécifiquement) d’une part, et d’autre part, avec la réalité (le monde hors du langage), prises de position
qu’il s’agit précisément de mettre au clair par l’analyse et de résoudre par ce moyen certains problèmes
philosophiques. Après les répréhensions révolutionnaires du second Wittgenstein7 et celles adressées à la
distinction classique analytique*/synthétique* par W. V. O. Quine (1963)8, entre autres, d’aucuns affirment
que la philosophie est désormais passée à une nouvelle étape post-analytique9,10.
è Termes connexes : Analysandum*, Analysans*, Analytique*, A priori*, Argument*, Cohérence*, Concept*,
Démonstration, Typ., Dém. ascendante*, Discours*, Jugement, Typ., Jug. anal.*; Proposition*, Synthèse*, Thèse*.
- Bibliographie
Bochner, S., «The emergence of analysis in the Renaissance and after», dans Rice Univ. Studies 64, nos 2-3, p. 11-56, 1978
; Cizek, F., «The analytical method and reduction», dans Teorie Rozvoje Vedy, Prague, 1983.
_________________________
1. V. la definition du terme d’analyse que formula É. B. de Condilac dans son Dictionnaire des Synonymes, III.
2. Voir Beaney, M., «Analysis», 1.1 Characterizations of Analysis et 2. Ancient Conceptions of Analysis and the
Emergence of the Regressive Conception, dans The Stanford Encycl. of Phil.
3. Beaney, M., Op cit., Intro.
4. V. Analytique*.
5. De Gaudemar, M., Le Vocabulaire de Leibniz, Paris, Ellipses, 2001, pp. 11 et 16.
6. Voir à ce sujet Dummett, M. A. E., Les origines de la philosophie analytique, Gallimard, 1991.
7. Chez qui la vie du langage* est irréductible à une logique grammaticale.
8. «Two Dogmas of Empiricism», dans From a Logical Point of View, Harper and Row, New York, 1951, pp. 20-46, traduit
dans P. Jacob. (dir.), De Vienne à Cambridge, Paris, NRF, Gallimard, 1980, pp. 87-112.
9. Beaney, M., op. cit. V. aussi Bosredon, B., «Analyse (- logico-linguistique)», dans Les notions philosophiques.
Dictionnaire (Encyclopédie philos. universelle, vol. II), 2 vol., éd. Auroux, S., Paris, PUF, 1998, p. 88.
10. Au sujet des différents problèmes philosophiques contemporains touchant au concept d’analyse, voir DePaul, M. et
Ramsey, W. (dir.), Rethinking Intuition: The Psychology of Intuition and Its Role in Philosophical Inquiry, Rowman &
Littlefield Publishers, Lanham, Maryland, 1998 (avec les contributions de George Bealer, Robert Cummings, Michael
DePaul, Richard Foley, Alvin Goldman , Alison Gopnik, George Graham, Gary Gutting, Tery Horgan, Tamara Horowitz,
Hilary Kornblith, Joel Pust, E Rosch, Eldar Shafir, Stephen Stitch, Ernest Sosa et Edward Wisniewkski). V. aussi Foley, R.,
«Analysis», dans The Cambridge Dictionary of Philosophy, 2e éd., Cambridge Univ. Press, New York, 1999.
ANALYSE ARGUMENTATIVE " Analyse, 2\*
ANALYSE CAUSALE " Analyse, 1\*
ANALYSE CONCEPTUELLE " Analyse, 2\*
ANALYSE DU DISCOURS " Analyse, 2\*
ANALYSE D’UNE THÈSE " Analyse, 2\*
ANALYSE LOGICO-LINGUISTIQUE " Analyse, Ah*
ANALYSE PHILOSOPHIQUE " Analyse, 2\*
ANALYSE PROPOSITIONNELLE " Analyse, 2\*
ANALYTIQUE, ANALYCITÉ ou ANALYTICITÉ
è Étymol. : terme qui traduit le grec analutikos (= qui peut être résolu), dérivé d’analusis (= décomposition, dissolution,
déliaison).
20
» Sur la philosophie analytique et l’analyse logico-linguistique, v. Analyse, Ah*.
1\ Chez Aristote, synonyme de la logique*, par opposition à la dialectique (1\*).
Le terme d’analytique désigna chez Aristote ce qui correspond à la logique* en son acception classique.
Ses ouvrages consacrés à la théorie du syllogisme* et du syllogisme démonstratif* - qui forment le cœur de
la «logique» aristotélicienne - furent titrés respectivement par ses successeurs et éditeurs Premiers et
Seconds analytiques (v. Órganon*) (peut-être par Andronicos de Rhodes, v. Logique, Histoire des termes
de log. et de dial.*). La première occurrence historique du terme d’analytique, que l’on doit à Euclide
d’Alexandrie (v. 300 av. J.-C.), se rapporte au raisonnement* : l’analytique «consiste, selon lui, à prendre
ce qui est recherché comme accordé, et, en passant par les relations de consécution, à arriver à
quelque chose dont la vérité est accordée1»).
2\ En son sémantisme transcendantal kantien, désigne l’analyse* (entendue comme décomposition, v.
Analyse, 2\*) des concepts a priori* de l’entendement. Dans un sens plus spécifiquement logique, que
partagea aussi Kant, l’expression sert à désigner le genre de proposition* (ou jugement*) dont la valeur
de vérité* est garantie a priori*, soit par la seule signification* des termes* ou concepts* qu’elle contient2
(synonyme de proposition identique, s’oppose à proposition synthétique*). Cette intelligence de la notion
d’analytique remonte à la doctrine leibnizienne et scolastique* dite de l’inhérence (v. Prædicatum inest
subjecto*).
Par exemple, la proposition Tous les unijambistes n’ont qu’une seule jambe est une proposition
analytiquement vraie (le prédicat est contenu dans le concept du sujet), tandis que la proposition Tous les
pentagones sont des polygones à huit côtés est analytiquement fausse (le prédicat n’est pas contenu
dans le concept du sujet).
» Sur le jugement analytique et synthétique, v. Jugement, Typ., Jug. anal., Ah*. V. aussi A priori* et A
posteriori*.
- Analyse historique
Durant la deuxième moitié du XXe s., la notion d’analycité et la distinction analytique/synthétique
drainèrent d’ardentes polémiques. Celles-ci trouvent leur origine dans le célèbre article produit par
l’Américain W. V. O. Quine intitulé Deux dogmes de l’empirisme (Two Dogmas of Empiricism, 1951, 1961),
dans lequel le logicien dénia l’existence d’une définition non-circulaire du concept de vérité analytique
et rejeta la distinction classique entre analytique et synthétique3. H. P. Grice et P. F. Strawson réagirent
directement à l’article de Quine (In Defense of a Dogma4, 1956) en dénonçant notamment l’attitude
sceptique de son auteur vis-à-vis du phénomène de la signification*, laquelle aurait entachée toute son
analyse et remontrances. H. W. Putnam réagit également («Two Dogmas revisited»5 1976, 1983) en faisant
valoir que le texte de Quine confond les notions d’analycité et d’a priori*6. Le positiviste logique R.
Carnap, contre qui l’article de Quine était implicitement dirigé (puisqu’il s’attaquait à deux dogmes
ordinateurs de la doctrine à laquelle Carnap adhérait), rédigea une réplique à l’article de Quine à la
défense de l’analycité – article que Quine ne connut point, le texte de Carnap n’ayant été publié
seulement qu’en 19907)8.
________________________
1. Gourinat, J.-B., «Analytique», dans Dict. des concepts philos., Blay, M. (dir.), Éd. Larousse, Coll. In Extenso, Éd. du
CNRS, 2013 (2006), p. 31.
2. Ce type de jugement n’accroît en rien notre connaissance, son analyse ne faisant qu’expliciter le prédicat toujours
déjà inclus dans l’intension* du sujet.
3. Cette critique de Quine s’inscrit dans le projet visant à rayer la démarcation néo-positiviste entre les sciences
naturelles et la métaphysique. À ce propos, on consultera l’article de J. Nadal, «Empirisme» [philo. géné.], dans Les
notions philosophiques. Dictionnaire (Encyclopédie philos. universelle, vol. II), 2 vol., éd. Auroux, S., Paris, PUF, 1998, p.
779.
4. Dans The Philosophical Review 65, No 2 (Avril 1956), pp. 141-158
5. Dans Realism and Reason, Philosophical Papers, vol. 3, Cambridge Univ. Press, 1983, pp. 87-97.
6. Quine, W. V. O., et Carnap, R. Dear Carnap, Dear Van: The Quine-Carnap Correspondence and Related Work.
Berkeley, CA: University of California Press. 1990.
7. Putnam, H., «Two dogmas revisited», dans G. Ryle, Contemporary Aspects of Philosophy, Stocksfield, Oriel Press, 1976,
202–213.
8. Sur la distinction analytique/synthétique, on consultera : Linksy, L. «Analytical/Synthetic and Semantic Theory», dans
Synthese, vol. 21, no 3/4, Semantics of Natural Language, I, oct. 1970, pp. 439-448 ; Katz, J. J., Where Things Stand Now
with the Analytical/Synthetic Distinction, dans Synthese, vol. 28, no 3/4, On Logical Semantics, nov. 1974, pp. 283-319.
21
ANALYCITÉ SÉMANTIQUE " Jugement, Typ., Jug. analytique*
ANALYCITÉ SYNTAXIQUE " Jugement, Typ., Jug. analytique*
ANAPODICTIQUE
ou indémontrable*
è Étymol. : terme formé à partir du grec apódeikticos (= indémontrable*) (v. Apodictique*).
Terme d’origine aristotélicienne, équivalent du terme d’apodictique* (v. l’article), à la réserve près que la
vérité de la proposition* ou du jugement* est au-delà de toute démonstration* (tels les axiomes* et
principes premiers*).
Chez Aristote, une proposition anapodictique sert de prémisse* dans un raisonnement démonstratif* (dont
le résultat est apodictique* - il n’y a donc pas pour lui de syllogisme anapodictique1). Aristote considéra
les principes d’identité*, de non-contradiction* et du tiers exclu* comme des principes anapodictiques ou
indémontrables* (ceux-ci ne figurent pas comme des propositions primitives dans la logique
propositionnelle* de B. A. W. Russell - à ce sujet, v. Calcul prop., Ah*).
Les cinq tropes* (ou schémas abstraits) du syllogisme stoïcien furent également considérés comme
indémontrables (v. Syllogisme, Typ., Syl. conditionnel, Ah*).
è Termes connexes : Anhypothétique*; Apodictique*, Axiome*, Principe d’identité*, Contradiction, Contradictoire,
Principe de non-contr.*, Tiers exclu*, Raisonnement, Typ. 1, Rais. dém.*, Syllogisme, Typ., Syl. cond., Ah*.
_________________________
1. Gourinat, J.-B., «Analytique», dans Dict. des concepts philos., Blay, M. (dir.), Éd. Larousse, Coll. In Extenso, Éd. du
CNRS, 2013 (2006), p. 33.
ANHYPOTHÉTIQUE
ou principe anhypothétique, inconditionné
è Étymol. : formé du grec a (= non-) et upothêtos (= hypothèse*), donc littéralement : ce qui ne donne pas lieu à une
hypothèse1, ce qui n’est pas hypothétique2. Principe anhypothétique est une traduction de l’expression archè
anupóthetos.
Ce terme signifie en matière de métaphysique la qualité* d’un principe* par rapport auquel il n’y a rien
d’antérieur et qui ne présuppose donc aucune condition ou hypothèse* tant pour son essence* que pour
son existence. Équivalent des termes de logique d’anapodictique*, inconditionné, absolu.
L’expression d’anypothétique se rattache spécifiquement chez Platon au caractère ontologique de
l’Idée du Bien (ho agathós) dans La République et que permettrait d’atteindre la forme ascendante de la
dialectique*3. Elle est l’équivalent sémantique* du concept de principe premier*, au sens où il est posé
sans que rien n’ait besoin d’être posé antérieurement ou en amont, et qui bénéficie par lui-même d’un
degré de certitude absolue. Aristote qualifia d’anhypothétique le principe le plus fondamental et ferme
d’entre tous, celui de non-contradiction* (en Mét., 3, 1005b14). Le terme acquit chez lui une acception
proprement logique dans la mesure où le principe de non-contradiction ne suppose rien qui lui soit
«analytiquement» antérieur.
è Termes connexes : Anapodictique*, Apodictique*, Axiome*, Postulat*, Principe*.
_________________________
1. Hansen-Løve, L. (dir.), La philosophie de A à Z, Paris, Hatier, 2011, p. 26.
2. G. Guest, «Anhypothétique», dans Les notions philosophiques. Dictionnaire (Encyclopédie philos. universelle, vol. II), 2
vol., éd. Auroux, S., Paris, PUF, 1998, p. 97.
3. Voir Solère, J. L., «Anhypothétique», dans Dict. des concepts philos., Blay, M. (dir.), Éd. Larousse, Coll. In Extenso, Éd.
du CNRS, 2013 (2006), pp. 35-36.
ANTÉCÉDENT
ou condition*, implicante*, terme impliquant, implicans
22
è Étymol. : mot emprunté du latin antecedens (= ce qui vient avant, ce qui précède, qui est antérieur à autre chose),
équivalent du grec proteros = antérieur).
1\ Lato sensu, désigne toute réalité (normalement de type physique, donc des éléments ou événements)
chronologiquement antérieure à une autre, qu’il en soit la cause ou non. En épistémologie (D. Hume, J. S.
Mill), il fut parfois identifié au concept de cause* (v. l’article).
Lorsqu’un antécédent (simplement chronologique) est présenté fallacieusement comme une cause sans
qu’elle en soit réellement une, il s’agit alors d’un sophisme (v. Sophisme, Typ., Soph. de la fausse
causalité*).
2\ Dans son acception logique*, l’antécédent (ou implicans), première partie d’un raisonnement*
(déductif*, inductif* ou analogique*) dont est tiré le conséquent* (ou implicatum) - il correspond donc aux
prémisses*, qui précèdent logiquement le conséquent.
V. Raisonnement*.
3\ En logique propositionnelle*, désigne le premier membre ou terme* (p) d’une proposition
conditionnelle* (ou hypothétique*), à savoir la condition, le deuxième terme étant le conséquent* (q) (si
p, alors q ; si p, q ; p si q ; p è q). La préséance de l’antécédent sur le conséquent va uniquement dans un
sens (de p vers q).
Par exemple, dans la proposition conditionnelle suivante S’il fait soleil, alors je porte mon chapeau,
l’antécédent correspond à Il fait soleil et le conséquent à je porte mon chapeau.
Pour tous les détails, v. Proposition composée, Typ., Prop. cond.* et Implication matérielle, Ah* et
Connecteur, Implication mat.*. V. aussi Syllogisme, Typ., Syl. cond.*.
Dans le cadre de la logique des relations* contemporaine (dont le canon fut donné par B. A. W. Russell
dans ses Principia Mathematica, 1910-1913), l’antécédent est appelé referent* et le conséquent relatum*
(Ch. S. Peirce parla pour sa part de relat et corrélat).
è Termes connexes : Conclusion*, Connecteur, Implication mat.*, Conséquence*, Conséquent*, Contrafactualité*, Log.
propositionnelle*, Proposition composée, Typ., Prop. cond.*, Raisonnement, Typ. 1*, Referent*, Syllogisme, Typ., Syl.
cond.*.
ANTÉPRÉDICATIF
ou pré-théorique, vécu originaire, circon-spection préoccupée (Heidegger)
Caractère de tout vécu, perception ou expérience d’une réalité qui précède la formulation d’une
proposition* ou d’un jugement* à son sujet.
Dans son traité Sur l’interprétation (9, 18b, 37), Aristote supposa qu’avant toute attribution* ou négation*
d’un prédicat* à un sujet* dans une proposition*, l’âme entre en contact antéprédicatif avec les objets
intramondains. Ainsi, avant de rapporter le prédicat de la blancheur au sujet neige (en énonçant : la neige
(s) est blanche (p)), il est une constatation empirique et un savoir préalable de cet état de fait.
Aristote n’usa cependant pas du terme, qui ne fut introduit en philosophie que beaucoup plus tard par E.
G. A. Husserl (Erfahrung und Urteil - Expérience et jugement, 1939) pour qualifier l’expérience évidente d’un
objet singulier (donné dans le monde de la vie) antérieurement à la formulation (idéalisée) de tout
jugement prédicatif1. M. Heidegger délivra dans Être et temps (1927) une analyse devenue célèbre de la
structure d’anticipation (Vor-Struktur) du Dasein lors de laquelle il qualifia l’«énoncé» ou la proposition
attributive* (Aussage, équivalent du lógos àpophantikós d’Aristote) de mode dérivé ou second2 de la
compréhension ou de l’interprétation. Cela signifie que l’attribution d’un prédicat à un sujet n’est pas un
moment premier de la compréhension, mais succède toujours à un vécu originaire antéprédicatif.
L’énoncé n’a pour fonction que de rendre manifeste ou explicite ce qui est toujours déjà donné dans le
vécu. Heidegger donna l’exemple de la proposition le marteau est lourd. Avant de consigner cet état de
choses à l’intérieur d’une structure prédicative, le vécu de la lourdeur du marteau - qui s’exprimait déjà,
23
par exemple, dans le fait, pour un artisan, de mettre le marteau de côté après plusieurs heures de travail –
avait déjà valeur d’explicitation de la compréhension. Affirmer sur le plan logique que le marteau est lourd
n’est donc en ce sens qu’un mode dérivé de l’explicitation. Voilà ce qu’est pour Heidegger l’état
originaire et pré-théorique dans lequel est ancré le Dasein avant toute appréhension logico-linguistique de
la réalité (état du Dasein qu’il appela circon-spection préoccupée3). Ainsi, il est faux de dire selon
Heidegger que le sens est un phénomène lié à l’énoncé prédicatif, comme s’il était second au regard de
l’énoncé. C’est plutôt le sens qui est premier et l’énoncé second, c’est l’énoncé qui est lié au sens.
L’énonciation*, dans la terminologie de Heidegger, entraîne une forme de mutation ontologique de
l’étant-disponible (Zuhanden) du vécu circon-spect en étant dérivativement subsistant (Vorhanden)4, doté
de prédicats. À ce sujet, on complétera en se reportant à Adéquation, Ah*.
_________________________
1. L. Foisneau, «Antéprédicatif», dans Les notions philosophiques. Dictionnaire (Encyclopédie philos. universelle, vol. II), 2
vol., éd. Auroux, S., Paris, PUF, 1998, p. 104.
2. v, § 33 «L'énoncé comme mode second de l'explicitation - Die Aussage als abkünftiger Modus der Auslegung».
3. v. Être et temps, trad. Martineau, p. 157.
4. Cette distinction avait déjà été établie, avant Être et temps, et de manière beaucoup plus développée, dans ses
Cours de la période de Marbourg, semestre d’hiver 1925-1926 (v. GA 21 : Logik. Die Frage nach der Wahrheit, pp. 143161). Heidegger avait discriminé entre deux modes d'explicitation (qu’il appela parfois le Als = le comme), le premier
apophantique* (apophantischen «Als» der Aussage) et le second, plus originaire, existential-herméneutique (existenzialhermeneutische «Als»).
ANTILOGICISME " Logicisme, Ah*
ANTILOGIE, ANTILOGIQUE
ou antinomie*, contradiction*, aporie*, paradoxe, 3\*
è Étymol. : terme issu du grec antilogia (= contre le discours, contre la raison).
1\ Au sens large, en matière de logique de l’argumentation*, terme d’origine rhétorique et sceptique
désignant un couple de thèses (thèse* et antithèse*) ou discours* opposés et de force égale. Correspond
en ce sens à antinomie* et parfois considéré comme un synonyme de contradiction*.
2\ Plus spécifiquement, l’antilogie est une figure de rhétorique (ancêtre de la disputatio in utramque
partem1) qui consiste à développer deux argumentations* contradictoires* et de valeur équivalente
supportant la même thèse*. Il s’agit d’un procédé développé par les sophistes dans le contexte de la
promotion du relativisme. Les sceptiques pour leur part en tiraient la conclusion qu’il fallait suspendre son
jugement* (épokhè)2.
Platon discrédita cette approche rhétorique dans La République (V, 54a), le Théétète (164c-d) et Le
Sophiste 932b), au motif que l’antilogie repose sur les mots et non pas sur les choses elles-mêmes3.
è Termes connexes : Antinomie*, Antithèse*, Argument*, Aporie*, Autocontradiction*, Contradiction, Contradictoire,
Principe de non-contr.*, Contraire*, Discours*, Opposition, Typ.*, Paradoxe*, Thèse*.
_________________________
1. M. Narcy, «Antilogía», dans Les notions philosophiques. Dictionnaire (Encyclopédie philos. universelle, vol. II), 2 vol.,
éd. Auroux, S., Paris, PUF, 1998, p. 112.
2. Sur l’emploi du terme d’antilogie dans la tradition sceptique ancienne, v. S. Empiricus, Hypotyposes pyrrhoniennes,
ch. 27.
3. Croire que l’antilogie existe sur le plan des choses elles-mêmes passe outre le principe de non-contradiction*
d’Aristote.
ANTINOMIE
ou antilogie*, contradiction*, paradoxe*, aporie*
è Étymol. : du grec antinomos (= contre la loi1, la règle, la convention), que traduit le latin antinomia.
1\ Au sens classique, désigne une opposition* entre deux thèses (thèse* et antithèse*) portant sur un
même objet et de valeur équivalente. L’évolution du terme est liée à celui d’antilogie*. Lorsqu’il est
impossible de décider entre les deux thèses opposées, on parvient à une aporie*.
24
Le terme d’antinomie ne fit véritablement son entrée dans l’univers philosophique que sous la plume d’E.
Kant, précisément dans la section «Dialectique transcendantale» de sa Critique de la raison pure (1781,
1787). Le philosophe préféra le concept d’antinomie à celui d’antilogie au motif de sa proximité avec la
notion de nomos (= loi, convention), en référence à la logique du faux ou de l’erreur à laquelle
succombe naturellement la raison pure lorsqu’elle quitte le terrain de l’expérience et des phénomènes en
s’égarant dans la recherche spéculative d’un inconditionné originaire (v. anhypothétique*). Le conflit
thèse/antithèse n’en est plus un de nature jurisprudentielle, conformément à l’étymologie du terme (v.
Étymol., supra), mais un conflit inhérent à la raison* elle-même, raison que Kant comprit comme une
instance qui cherche par nature à surmonter ses propres limites ou capacités. Kant conserva l’idée
traditionnelle du juge à qui revient la tâche de régler l’antinomie en évoquant l’image réflexive du
tribunal de la raison pure devant faire la critique des capacités de connaissance par raison pure2.
2\ Le terme est parfois utilisé comme un synonyme de paradoxe*.
V. Paradoxe*.
è Termes connexes : Antilogie*, Antithèse*, Argument*, Aporie*, Autocontradiction*, Contradiction*, Contraire*,
Discours*, Opposition, Typ.*, Paradoxe*, Thèse*.
- Bibliographie
Salamucha, J., «Apparition du problème des antinomies dans la logique médiévale» (en polonais), dans Przegl. Filoz.,
40, 1937.
_________________________
1. Le terme est d’origine juridique. Il s’agissait primitivement d’une contradiction entre les lois donnant lieu à un cas de
jurisprudence requérant arbitrage. Voir J.-P. Desclés, «Antinomie», dans Les notions philosophiques. Dictionnaire
(Encyclopédie philos. universelle, vol. II), 2 vol., éd. Auroux, S., Paris, PUF, 1998, p. 112.
2. C’est le sens du titre de l’ouvrage de Kant, qui peut être lu au sens du génitif objectif ou subjectif : il s’agit d’une
critique de la raison pure au sens où la raison pure comparaît devant le tribunal de la raison pure (la raison pure est
l’objet de la critique), ou au sens où c’est la raison pure qui incarne le tribunal lui-même (la raison pure étant jugée par
elle-même).
ANTITHÈSE
ou contre-thèse
è Étymol. : du grec antithêsis (= opposition, au sens de thèse inverse). Sur thêsis, v. Thèse, Étymol.*.
En logique de l’argumentation*, le terme réfère à une proposition* ou thèse* considérée au point de vue
de son opposition* à une autre. Le couple constitué par une thèse et une antithèse* forme une antinomie*
ou antilogie*.
L’antithèse peut s’opposer plus ou moins fortement à la thèse selon le type d’opposition* qu’elle forme
avec elle (la contradiction* et la contrariété* surtout, mais aussi la subcontrariété* ou la subalternation* dans la mesure où cette dernière constitue véritablement une forme d’opposition, v. l’article).
è Termes connexes : Antilogie*, Antinomie*, Aporie*, Argumentation*, Concession*, Contradiction*, Contraire*, Log. de
l’argumentation*, Objection*, Opposition, Typ.*, Réfutation*, Thèse*.
APAGOGIE, APAGOGIQUE
ou raisonnement apagogique
* Ne pas confondre avec épagogique (v. Raisonnement inductif*)
1\ Chez Aristote, synonyme d’abduction*.
V. Syllogisme, Typ., Syl. dialec.* et Raisonnement, Typ. 2, Raison. abductif*.
2\ Synonyme de raisonnement par l’absurde*.
V. Raisonnement, Typ. 2, Rais. par l’absurde*.
25
A PARI (raisonnement) " Raisonnement, Typ., Rais. par analogie*
APODICTIQUE
è Étymol. : du grec apódeikticos (= qui peut être prouvé, démontré, propre à convaincre), qui fut traduit également
par démonstration*. Le terme dérive du verbe deiknumai = montrer).
1\ En logique traditionnelle*, se dit d’une proposition* où la relation du sujet* au prédicat* est renforcée,
positivement ou négativement, de la modalité du nécessaire* (v. Modificateur*). Les propositions modales
de ce type sont l’une des trois principales sortes de propositions* de la logique aristotélicienne*, avec les
assertoriques* (qui ne sont pas affectées ou qui sont simplement attributives*) et les problématiques*
(affectées par la possibilité*).
V. Log. modale*, Modificateur, Typ. des propositions modales*, Nécessité*, Proposition, Typ.* et Syllogisme,
Typ., Syl. modal*.
2\ Caractère d’une proposition* (ou d’un jugement, 2\*) dont la vérité* est par elle-même évidente*
(synonyme d’axiome*, dans ce cas-ci indifférencié d’anapodictique*) ou qui a été préalablement
démontrée* et qui ne saurait donc être niée ou remise en question d’aucune manière. Le terme qualifie
ainsi ce qui est nécessairement* et universellement* vrai. Sur le plan épistémologique, un jugement* est
apodictique lorsqu’il renferme, indépendamment de son contenu, le savoir de sa nécessité1.
Se rapporte chez Aristote au syllogisme démonstratif* et s’oppose au raisonnement dialectique*.
V. aussi Nécessaire* et Universel*.
3\ En un sens spécifiquement épistémologique, désigne chez E. Kant une modalité (subjective) du
jugement* qui énonce une vérité nécessaire*.
V. Ah*, infra.
- Analyse historique
Dans ses écrits de logique, Aristote rapporta directement le terme d’apódeixis à l’ordre du syllogisme
démonstratif* (apódeixis fut d’ailleurs traduit par démonstration*), qu’il opposa au syllogisme dialectique*.
Le texte des Seconds analytiques fut d’ailleurs placé par certains commentateurs sous le titre
d’Apodictique (v. Órganon*).
Dans sa Critique de la raison pure (1781, 1787), E. Kant opposa le jugement apodictique, qui exprime la
nécessité (soit le fait, pour une proposition, d’être nécessairement vraie* ou nécessairement fausse*) au
jugement assertorique*, qui ne concerne pour sa part que les vérités de fait (les propositions qui affirment
qu’une chose est ou n’est pas le cas), et au jugement problématique, restreint au registre du
vraisemblable et du probable. Pour Kant, les propositions analytiques* (dont le prédicat* découle du
sujet*) sont apodictiques, par exemple les propositions Dieu est parfait (où la perfection fait partie du
concept de Dieu) et Tout corps est étendu (où le prédicat de l’extension spatiale appartient*
nécessairement au sujet corps) (V. Analytique* et Proposition, Typ.*).
Chez E. G. A. Husserl, le terme servit à désigner les propositions absolument évidentes qui ne sont
révocables en doute d’aucune façon.
è Termes connexes : Analytique*, A priori*, Axiome*, Démonstration*, Dialectique*, Évidence*, Jugement, Typ., Jug. de
fait, 1\*, Modificateur*, Nécessaire*, Postulat*, Proposition, Typ.*, Raisonnement, Typ. 1*, Syllogisme, Typ., Syl. dém. et Syl.
dialec.*, Vérité*.
_________________________
1. Sur le jugement apodictique, d’Aristote à Łukasiewicz dans La Syllogistique d’Aristote (1972), on consultera M.-A.
Sinaceur, «Apodictique (jugement – et démonstration)», dans Les notions philosophiques. Dictionnaire (Encyclopédie
philos. universelle, vol. II), 2 vol., éd. Auroux, S., Paris, PUF, 1998, p. 123-125.
26
APODIOXIS
è Étymol. : mot grec signifiant rejet.
Jugement* d’absurdité* porté sur un argument* qu’on rejette. Terme vieilli, peu usuel.
APOPHANTIQUE
ou aléthique*, attributif, prédicatif
è Étymol. : expression issue du grec àpophantikós (= attributif, déclaratif*).
1\ L’apophantique qualifie chez Aristote (et dans la tradition de la logique traditionnelle* jusqu’à Husserl)
le caractère fondamental d’une proposition* ou d’un jugement* susceptible de recevoir une valeur de
vérité* (vrai* ou faux*) quant à l’attribution d’un prédicat* à un sujet*. Il correspond au caractère de la
proposition attributive* (qui est alors soit affirmative* – katáphasis -, soit négative* - àpóphasis), qui
exprime un sens* et dispose d’une valeur référentielle* (Extension*). C’est chez Aristote la proposition
apophantique qui autorise la mise en langage* des dix catégories* ou manières universelles de prédiquer
un sujet* (v. Catégories*).
À ce sujet, v. Proposition, Lógos àpophantikós et vérité*, Jugement, 2\* et Valeur de vérité*. V. aussi
Aléthique*.
2\ Sous sa forme substantivée, le terme fut parfois utilisé pour désigner la logique traditionnelle* ou
aristotélicienne*.
***
Aristote qualifia d’apophantique tout discours ou proposition* (àpophansis) susceptible d’être dit vrai ou
faux, par différence d’avec les propositions poétiques et rhétoriques. Il correspond donc spécifiquement
chez lui à la proposition attributive* (lógos àpophantikós, en Sur l’interpr, 1-6).
Le terme fut utilisé à l’époque contemporaine notamment par E. G. A. Husserl, qui distingua
l’apophantique formelle (qui correspond à la théorie de l’énonciation) de l’ontologie formelle (qui
renvoie aux modes formels des objets entrant dans les jugements*)1 (v. A priori, Ah*). L’expression fut
également employée, dans une perspective critique, par M. Heidegger dans Être et temps (1927). Le
penseur soupçonna la logique d’être de collusion avec la métaphysique, c’est-à-dire avec une
conception de l’être défini comme substance, perdurance ou permanence, dont la logique attributive*
classique, qui rapporte un prédicat à un sujet, ne serait que le décalque ou le produit dérivé. Au § 33
d’Être et temps, à titre d’exemple, Heidegger tenta de remonter à un moment antéprédicatif*, soit sur le
plan du vécu originaire (de la circon-spection préoccupée), dont la proposition apophantique n’est
qu’une explicitation seconde. Cela fit dire à Heidegger, contre Aristote, que le sens n’est pas
originairement lié à la proposition attributive*, mais que c’est plutôt la proposition qui est liée à un sens qui
la précède sur un plan pré-théorique.
» Sur la critique husserlienne et heideggérienne de l’apophantique, v. Antéprédicatif, Ah*.
_________________________
1. Voir Pradelle, D. (dir.), L’archéologie du monde, Kluwer, Pays-Bas, 2000, p. 278. Aussi J. Wilfert et G. Guest,
«Apophantique», dans Les notions philosophiques. Dictionnaire (Encyclopédie philos. universelle, vol. II), 2 vol., éd.
Auroux, S., Paris, PUF, 1998, p. 130.
APORÈME
1\ Lato sensu, corrélatif sémantique d’aporie*.
2\ Stricto sensu, chez Aristote, le terme réfère au syllogisme dialectique* qui mène à une contradiction*.
V. Syllogisme, Typ. 1, Syl. dialectique, Abduction et aporème*.
27
APORIE, APORÉTIQUE
ou aporème
è Étymol. : du grec aporίa, aporeίa (= embarras, impasse, problème, obstacle, sans issue [dérivé de póros = voie,
chemin, passage]).
1\ Au sens large, l’aporie est une difficulté théorique qui est (ou qui semble) insurmontable. Une aporie est
un obstacle impossible (ou qui semble tel) à franchir et qui bloque les possibilités d’investiguer plus avant.
2\ En son acception plus précise et philosophique, l’aporie désigne l’état d’un discours* qui met en
présence deux thèses opposées (thèse* et antithèse*) et incompatibles entre lesquelles il n’est pas
possible de choisir. Synonyme d’antilogie* et correspond au concept kantien d’antinomie*.
***
Plusieurs dialogues de jeunesse de Platon (le Lachès, l’Euthyphron, le Lysis,…) sont traditionnellement
considérés comme appartenant au genre des dialogues aporétiques (ἀπορητικός) dans la mesure où, ni
Socrate, ni ses interlocuteurs (pourtant réputés sages ou savants) ne parviennent à fixer la définition*
universelle de la vertu morale examinée (le courage, la piété, l’amitié, …). Ces dialogues se closent sur
une impasse, en queue de poisson pour ainsi dire1.
Plutôt que d’interpréter l’aporie comme un nœud gordien ou une difficulté insoluble surgissant au terme
d’une enquête (à l’instar de chez Platon et chez les Modernes en général), Aristote vit quant à lui dans
l’aporie la condition même de la recherche et le point de départ du développement du savoir (v. Mét. B,
1 «Énoncé des apories» - où Aristote présenta sa méthode diaporématique visant à résoudre les apories
(995a 24-34) - et Topiques, VI, 145 b17-20). L’aporie est donc chez lui synonyme de «difficulté à résoudre2»
et d’étape préliminaire à la démarche scientifique.
è Termes connexes : Antilogie*, Antinomie*, Antithèse*, Argument*, Contradiction*, Contraire*, Discours*, Opposition,
Typ.*, Paradoxe*, Thèse*.
_________________________
1. Voir Platon, Lachès, Euthyphron, Introd. et trad. de Dorion, L.-A., Paris, GF-Flammarion, 1997, Avant-propos, pp. 13-14,
et p 161, n. 152. V. aussi Ménon, 80 a-d.
2. Voir Lalande, A., Vocabulaire tech. et critique de la philo., Paris, PUF, 1968, p. 69, qui renvoie à l’ouvrage de Hamelin,
O., Le système d’Aristote. V. aussi Lambert, M. «Aporie», dans Dict. des concepts philos., Blay, M. (dir.), Éd. Larousse,
Coll. In Extenso, Éd. du CNRS, 2013 (2006), p. 41, et Aubenque, P., «Sur la notion aristotélicienne d’aporie», dans
Symposium Aristotelicum 11, Aristote et les problèmes de la méthode, 3-19, 1960.
A POSTERIORI
è Étymol. : terme latin signifiant postérieur, en partant de ce qui vient après (tiré de l’expression a posteriori ratione
quam experientia).
1\ Dans son sens spécifiquement scolastique*, désigne un mode de démonstration* qui remonte de l’effet
à la cause* (démonstration quia*), c’est-à-dire où les prémisses* sont postérieures à la conclusion* (par
opposition à démonstration propter quid*).
À ce sujet, v. Démonstration, Typ., Démonstration quia*.
2\ Dans le champ de l’épistémologie, l’expression qualifie la classe des connaissances d’origine
empirique*. Est a posteriori tout concept*, proposition*, jugement*, définition* ou argument* dont le
contenu* dérive de l’expérience sensible et dont la vérité* est généralement conçue sur le mode d’une
adéquation* (ou correspondance) avec les choses ou les faits (v. Adéquation*). Les connaissances a
posteriori sont classiquement reconnues comme générales* et contingentes*. Forme une relation
sémantique d’opposition avec le terme d’a priori, 1\*.
Pour divers compléments d’analyse, on se reportera à A priori*, Empirique*, Jugement, Typ., Jug. anal.,
Ah*.
» Sur l’histoire de la distinction entre l’a posteriori et l’a priori, v. A priori, Ah*.
28
APPARTENANCE " Inclusion*
APPELLATION, APPELLATIF
Synonyme médiéval du terme de connotation*.
V. Connotation*, Dénotation* et Intension*.
A PRIORI
è Étymol. : terme latin signifiant antérieur (formé à partir de prior = qui est premier).
1\ En son acception proprement logique et originelle, terme utilisé par les philosophes de l’École pour
désigner un mode de démonstration* visant à expliquer* un effet par sa cause* (qui va de principe* à
conséquence*). Il correspond à la démonstration propter quid*, où les prémisses* sont antérieures à la
conclusion* (par opposition à la démonstration quia*).
À ce sujet, v. Démonstration, Typ., Dém. propter quid*.
2\ Dans son sens épistémologique plus tardif, qualifie le genre de connaissances qui n’est pas d’origine
empirique* ou que l’expérience présuppose. Précisément, est a priori tout concept*, proposition*,
jugement*, définition* ou argument* dont le contenu de signification*, indépendamment de toute
observation des faits, dérive des seules ressources de la raison* ou de l’entendement et dont la valeur de
vérité* se vérifie par le seul moyen de l’analyse* (v. Analytique, 2\*). Les connaissances a priori sont
traditionnellement reconnues, essentiellement depuis Kant, comme universelles* et nécessaires*.
S’oppose à a posteriori* (2\).
Par exemple, le jugement analytique* Tous les unijambistes n’ont qu’une seule jambe est une proposition
a priori. Son contenu et sa vérité ne s’établissent que par l’analyse* du sens du concept d’unijambiste.
On doit à E. Kant l’idée d’avoir mis en relation la distinction épistémologique entre a priori et a posteriori
avec celle, de nature logique, entre analytique* et synthétique* (v. Ah*, infra). Le jugement a priori est
analytique dans la mesure où il ne fait qu’exprimer un prédicat* déjà contenu (implicitement,
«secrètement» dit Kant) dans le sujet*, et qui conséquemment n’accroît pas la connaissance
(contrairement aux jugements synthétiques). En effet, l’idée fait déjà partie de la signification* du
concept d’unijambiste de ne posséder qu’une seule jambe, de sorte que le jugement Tous les
unijambistes n’ont qu’une seule jambe, étant une formule tautologique*, ne nous apprend rien de plus
que ce qui déjà faisait partie de l’intension* du concept d’unijambiste.
» Sur une discussion plus nuancée sur le caractère épistémologique des propositions a priori, v. Ah* (infra),
Jugement, Typ., Jug. anal., Ah* et Raisonnement, Typ. 1*.
Un jugement a priori est appelé axiome* lorsqu’il est utilisé à titre de prémisse* dans un raisonnement ou
un syllogisme démonstratif*.
- Analyse historique
L’origine conceptuelle de la distinction a priori\a posteriori remonte aussi loin qu’à Platon. Sa théorie de la
connaissance tend à disqualifier l’expérience sensible comme origine du savoir. C’est le sens du propos
autobiographique livré par Socrate dans le Phédon (95e-102a), où est raconté l’itinéraire intellectuel du
philosophe au cours duquel il finit par se détourner de toute forme d’explication simplement matérialiste
(au sens de mécaniste) de la nature (phusis), à laquelle échappe la connaissance intelligible du télos.
Platon confirma dans le Timée la supériorité de l’explication par la fin sur celle établie par les causes
matérielles, qui ne sont qu’auxiliaires (sunaitiai). Mais déjà dans le Ménon, Platon avait exposé sa fameuse
théorie de la réminiscence et s’était donc déjà porté à la défense d’une théorie innéiste de la
connaissance en vertu de laquelle le savoir procède d’une source antérieure (chronologiquement) à
toute forme d’expérience empirique. À cette épistémologie pré-empiriste succéda la dialectique
29
présentée dans La République, fondée quant à elle sur la thèse de l’origine trans-empirique de la
connaissance, où les Idées sont immédiatement saisies, par intuition intellectuelle (noèsis, v. l’analogie de
la ligne, livre VI). Platon réserva le terme de connaissance aux seuls contenus d’origine «a priori», pour ainsi
dire, tout le reste concernant le «lieu visible» (topos horatos) relevant seulement de l’opinion (dóxa) et
d’une forme d’appréhension sensorielle («a posteriori») à laquelle il n’accorda guère de crédit (le «monde
sensible» n’étant pas pour lui le monde réel1).
De manière un peu plus plus explicite, Aristote distingua entre ce qui est antérieur relativement aux objets
singuliers perçus par les sens et antérieur au sens absolu du terme et se rapportant à l’universel : «J'appelle
antérieur et mieux connu pour nous, écrivit-il, ce qui est plus proche de la sensation, alors que ce qui est
antérieur et mieux connu absolument en est plus éloigné. Or ce qui est le plus universel en est le plus
éloigné, alors que les individus en sont le plus proches» (Sec. anal., I, 2, 71b33).
Au Moyen Âge, c’est sous la double inspiration générale de la logique du Maître et du Commentateur
Averroès (2e moitié du XIIe s.) que les deux expressions latines d’a posteriori et d’a priori furent
expressément forgées pour désigner deux modes de raisonnement* et de démonstration*, le premier
consistant à partir de l’effet pour remonter à la cause (ab effectibus ad causas) et le deuxième à
progresser de la cause à l’effet2 (ex causis ad effectum) - c’est la démonstration propter quid* (dite a
priori). Pour le détail, v. Démonstration, Typ., Démonstr. Propter quid*.
Les termes d’a priori et d’a posteriori furent affectés dans les Temps modernes d’une signification plus
spécifiquement épistémologique. G. W. Leibniz usa des locutions d’a posteriori et d’a priori pour qualifier
respectivement la classe des vérités induites de l’expérience (qu’il dénomma vérités de fait) et celle des
vérités connues par voie strictement logique (vérités de raison ou de raisonnement)3. Les concepts
d’antériorité et postérité furent chez le polymathe allemand représentés non plus dans le cadre classique
des relations qu’entretiennent, dans un raisonnement*, les prémisses* au regard de la conclusion*, mais
dans celui des relations qu’entretient la connaissance avec l’expérience - donc, avant et après
l’expérience. L’un des effets de la contribution leibnizienne fut d’avoir rapproché conceptuellement le
binôme a priori\a posteriori du couple métaphysique traditionnel nécessaire*/contingent*, dans la
mesure où les vérités de raison sont nécessaires et universelles* (soit celles dont le contraire est impossible)
et les vérités de fait sont des connaissances contingentes* (dont l’opposé est possible). C’est E. Kant qui
paracheva plus tard l’assimilation des concepts d’a priori et d’a posteriori dans la théorie de la
connaissance (v. infra) - avant lui, dans son Enquête sur l’entendement humain (1748), D. Hume avait
associé pareillement l’a posteriori aux données de l’expérience (qu’il rapporta aux questions de fait
[matters of fact] en tant que jugements causaux) et l’a priori aux relations of ideas (aux relations d’idées,
qui relèvent de l’ordre logico-mathématique)4. Ce que l’on doit précisément à Kant (Critique de la raison
pure, 1781, 1787) est non seulement d’avoir rendu systématique l’emploi des expressions d’a priori et d’a
posteriori en épistémologie et d’avoir assigné au premier terme une fonction spécifiquement
transcendantale5 (celle de ne constituer qu’une pure condition de possibilité, sur le plan de la sensibilité
et de l’entendement)6, mais aussi l’idée originale d’avoir mis en rapport la distinction a priori/a posteriori
(dans leur acception épistémologique) avec la distinction (logique quant à elle) qu’il établit par ailleurs
entre jugements analytiques* et synthétiques* (v. ces articles). Le jugement a posteriori est synthétique
dans la mesure où exprimant un prédicat* qui n’est pas contenu implicitement dans le sujet*, il accroît ou
étend la connaissance (au rebours des jugements analytiques, qui ne font que l’expliciter). En effet, l’idée
ne fait pas déjà partie du concept de mollusque de posséder les deux sexes, de sorte que le jugement
Certains mollusques sont hermaphrodites, n’étant point tautologique*, fournit des informations
supplémentaires au sujet de cet embranchement animal et qui ne faisaient pas déjà partie de son
concept. En ce sens, un jugement a posteriori déterminé comme vrai est vrai non simplement ex
definitiones, mais parce qu’une certaine vérification empirique* a expressément permis de l’établir (au
mieux, de façon générale*, les grands fonds abyssaux étant encore hors de portée !). Par contraste, l’a
priori chez Kant désigne tout ce qui peut être connu dans l’horizon de la nécessité* et de l’universalité* et
donc conçu indépendamment de toute expérience sensible, faisant de la connaissance a priori ce qu’il
dénomma connaissance pure (et dont l’examen critique des conditions de possibilité doit permettre de
statuer sur la légitimité de la métaphysique, cette discipline qu’il conçoit justement comme une forme de
connaissance synthétique a priori)7. L’œuvre de Kant donna de cette manière une nouvelle signification
et profondeur philosophique à la distinction classique a posteriori\a priori.
Pour plus de détails, v. Jugement, Typ., Jug. anal., Ah* et Logique, Histoire des termes de log. et de dial.*.
Le concept d’a priori servit également de cheville ouvrière aux Idées directrices pour une
phénoménologie et une philosophie phénoménologique pures (1913) et le projet d’une ontologie
30
formelle chez E. G. A. Husserl (v. Apophantique*), dans la mesure précise où l’a priori sied au cœur de
l’intuition eidétique par laquelle sont objectivement et immédiatement saisies les essences* universelles
(par opposition aux phénomènes sensibles)8.
La validité de la distinction a posteriori\a priori est aujourd’hui sujette à débats. Selon le logicien
américain S. A. Kripke9 et quelques autres (H. W. Putnam, G. Evans), un jugement a priori n’est pas
nécessairement nécessaire et un jugement a posteriori nécessairement contingent. Il est possible qu’un
jugement a priori soit contingent (p. ex. Le mètre étalon de Paris a un mètre de long) et qu’un jugement a
posteriori soit nécessaire (p. ex. L’étoile du soir est identique à l’étoile du matin), possibilités auxquelles la
tradition n’avait pas pensée10. Mais cette position de Kripke reste elle-même aujourd’hui objet de
controverses11.
è Termes connexes : Analyse*, Analytique*, A posteriori*, A priori*, Axiome*, Démonstration, Typ., Dém. propter
quid*, Empirisme*, Évidence*, Général*, Jugement, Typ., Jug. de fait et Jug. anal., Ah*, Prædicatum inest subjecto*,
Prédicat, Typ., Prédicat a priori*, Raisonnement, Typ. 1*, Syllogisme, Typ., Syl. dém.*, Synthétique*, Universel*.
_________________________
1. Pour un développement complet sur la position platonicienne à l’égard de la sensation et de l’expérience (incluant
le dialogue Théétète où Platon accorda pour la première fois une certaine attention à la perception ou sensation
[aisthèsis]), v. Nadeau, R. (dir.), Philosophies de la connaissance, Leroux, G., Ch. 1 «De l’objet sensible à l’objet
intelligible : les origines de la théorie de la connaissance chez Platon», Les Presses de l’Univ. Laval, 2009, pp. 19-44.
2. Lalande, A., Vocabulaire tech. et critique de la philo., Paris, PUF, 1968, p. 74.
3. Monadologie, § 33, Nouveaux essais, IV, XVII, 1. Voir Fontanier, J.-M., Le voc. latin de la philo., Paris, Ellipses Éd.
Marketing S. A., 2e éd., 2005, p. 28.
4. V. Enquête sur l’entendement humain, sect. IV.
5. Sur la signification des expressions de transcendantal et de philosophie transcendantale chez Kant, v. Critique de la
raison pure, trad. Tremesaygues et Pacaud, PUF, 1975, p. 46 et 79.
6. Vaysse, J.-M., Le vocabulaire de Kant, Paris, Ellipses, 1998, p. 9.
7. Sur le problème de l’a priori chez Kant, on consultera avec grand profit l’ouvrage de Grondin, J., Kant et le problème
de la philosophie : l’A Priori, Paris, Vrin, 1989. On consultera aussi M. Crampe-Casnabet, «A priori» [philo. géné.],
dans Les notions philosophiques. Dictionnaire (Encyclopédie philos. universelle, vol. II), 2 vol., éd. Auroux, S., Paris, PUF,
1998, p. 140-141.
8. Voir J. Benoist, L’a priori conceptuel : Bolzano, Husserl, Schlick, Paris, Vrin, coll. «Problèmes & controverses», 1999.
9. Kripke, S., «Naming and Necessity», dans Semantics of Natural Language, D. Davidson et G. Harman (éd.),
Dordrecht,, D. Riedel, 1972, pp. 253-355.
10 . Au même titre que la distinction classique analytique/synthétique, qui ne fut remise en question qu’au milieu du
XXe s. par W. V. O. Quine (Deux Dogmes de l'empirisme, 1951, 1961) (v. Analytique, analycité*).
11. Voir Russell, B., «A Priori Justification and Knowledge», «2. What sorts of propositions can be a priori justified and
known?», dans The Stanford Encycl. of Phil. V. aussi Baehr, J. S., «A Priori and A Posteriori», dans Internet Encyclopedia of
Philosophia.
ARBRE DE PORPHYRE
ou ligne, arbre prédicamental
è Étymol. : du latin arbor porphyriana. Aussi : scala prædicamentalis (= échelle de la prédication).
Nom classique donné au schéma dichotomique et hiérarchique des genres* et des espèces* sous la forme
d’un arbre.
L’idée d’une classification schématique de la définition aristotélicienne des espèces* par le genre* et la
différence spécifique* vient du néo-platonicien Porphyre de Tyr dans son Isagogè* (268-270)1. Son
diagramme pyramidal va de l’espèce spécialissime* (soit celle dont l’extension* est la plus petite et sous
laquelle tombent directement les individus [atomon, individuum], entre lesquels n’existent plus que des
différences accidentelles), jusqu’au genre suprême* (celui dont le cadre extensionnel* est le plus grand et
qui est une catégorie*), en passant par toute la gamme des genres et des espèces intermédiaires et où
sont identifiées les différences spécifiques qui fondent les diverses espèces. Dans l’Isagogè, Porphyre
dressa la classification hiérarchisée suivante pour la catégorie principale de la substance :
Substance
í
matérielle
ê
corps
31
î
immatérielle
ê
esprit
= genre suprême\catégorie*
= différences spécifiques*
= genres subordonnés*
í
animés
ê
î
inanimés
ê
êtres vivants êtres minéraux
í
î
sensibles
insensibles
ê
ê
animaux
végétaux
í
î
raisonnables
non raisonnables
ê
ê
hommes
bêtes
í
î
í
î
Socrate
Platon
Socrate le chien Platon le chat
= différences spécifiques
= genres subordonnés
= différences spécifiques
= genres prochains*
= différences spécifiques
= espèces spécialissimes*
= individus
Le terme d’arbre vient de ce que certaines de ces représentations graphiques sont centrées sur la ligne
prédicamentale*, offrant ainsi l’image d’une rangée centrale (d’un tronc) identifiant la série hiérarchique
des genres et des espèces, et de laquelle partent des ramifications (des branches), correspondant aux
différences spécifiques qui fondent les diverses espèces. À titre d’exemple :
Substance
í
î
matérielle
immatérielle
î
corps
í
î
animés
inanimés
î
êtres vivants
í
î
sensibles
insensibles
î
animaux
í
î
raisonnables
non raisonnables
î
hommes
í
î
Socrate
Platon
Cette forme de schématisation est un indice qui laisse croire que Porphyre adopta un point de vue
extensiviste sur la logique (ce qui est beaucoup moins sûr pour Aristote, v. à ce sujet, Proposition,
Interprétation de la prop. en intension et en extension*).
- Analyse historique
C’est à Boèce (début VIe s.), premier traducteur latin de l’Isagogè au VIe s. (In Porphyrium
commentatiorum), que l’on doit la première représentation en arborescence2, et à P. d’Espagne au XIIIe
s. (v. 1240) l’appellation devenue classique d’arbor porphyriana3.
Plusieurs structures similaires furent développées dans la tradition à l’intérieur des contextes plus larges que
celui de la logique, notamment par le savant catalan R. Lulle et son célèbre Arbre de la science (Arbor
scientiæ, 1295-1296) - les branches symbolisant les genres et les feuilles les espèces4 - et plus tard par R.
Descartes, dans ses Principes de la philosophie (1644), qui figura lui aussi sous la forme d’un arbre
l’organisation systématique des sciences, les racines représentant la métaphysique, le tronc la physique,
et les branches principales respectivement la mécanique, la médecine et la morale. Le principe de
l’arbre de Porphyre est le lointain ancêtre de la systématique phylogénétique ou de la cladistique
moderne.
è Termes connexes : Différence spéc.*, Espèce*, Extension*, Genre, Typ., Ligne prédicamentale*, Logique de PortRoyal*, Prédicat, Typ., 1. La typ. classique : les cinq prédicables*, Proposition, Interprétation de la prop. en intension ou
en extension*.
_________________________
1. Porphyre de Tyr, Isagogè (ou Introduction aux Catégories d'Aristote), trad. Tricot, J., 1947, Paris, Vrin, coll. «Sic et Non»,
1995, Clxii. Pour plus de détails sur l’Isagogè de Porphyre et les prédicables, v. Isagogè* et Prédicat, Typ., 1. La typ.
classique : les cinq prédicables*.
32
2. Boèce, In Porphyrium commentatiorum lib. III, dans Migne, Patrologia latina 64, Paris, 1864, p. 103.
3. P. d’Espagne, Tractatus called afterwards Summule logicales, Introduction de Rijk, L. M. de, van Gorcum & Co.,
Assen, 1972, ch. 11.
4. Voir Reboiras, F. D., Varneda, P. V. et Walter, P., «Instrumenta Patristica et Mediævalia. Subsidia Lulliana» 1, dans
Arbor Scientiæ: der Baum des Wissens von Ramon Llull. Akten des Internationalen Kongresses aus Anlass des 40-jährigen
Jubiläums des Raimundus-Lullus-Instituts der Universität Freiburg i. Br., éd. Brepols, 2002.
ARGUMENT
è Étymol. : du latin argumentatio, dérivé du verbe argumentare (= prouver [argumentum = preuve]), équivalent du
grec elenchi.
1\ Dans le vocabulaire usuel de la philosophie, le terme d’argument réfère à toute proposition* ou
jugement* utilisé aux fins de la légitimation ou justification* de la vérité* d’une thèse*, en totalité ou en
partie, directement ou indirectement. L’acceptation des arguments implique rationnellement aussi celle
de la thèse* qui en découle.
D’une manière générale, comme le suggère son étymologie, toute raison ou tout motif susceptible
d’apporter une légitimation, un appui, une justification*, voire un élément de preuve* à l’appui ou à
l’encontre d’une thèse est un argument. Cependant, un argument ne répond pas nécessairement à son
objectif. La valeur des arguments recouvre un large spectre allant de la pure sophistique* à la
confirmation totale et définitive, cette valeur étant redevable à l’argument lui-même et au type auquel il
appartient* (v. Argument, Typ.*, infra).
Dans le vocabulaire de la logique de l’argumentation*, on appelle argumentaire (parfois script
argumentatif dans certains contextes) l’ensemble - préférablement organisé et cohérent* (ou
systématique) - des arguments présentés pour justifier* une thèse*. Le potentiel argumentaire des thèses
est très variable. Lorsqu’un argument est utilisé dans l’objectif d’affaiblir ou ruiner un autre argument, on
parle précisément de contre-argument* ou d’objection*. À la différence de l’explication*, l’argument
sert à justifier une thèse et non pas simplement à rendre compte d’un phénomène ou d’une situation (v.
2\*, infra, et Explication*).
On appelle structure argumentative la manière dont sont présentés et disposés les arguments, d’une part,
les uns par rapport aux autres, et d’autre part, en relation avec la thèse (à ce sujet, v. Argumentation,
Structure et analyse argumentative*).
2\ Le terme est parfois rapporté à l’ensemble des prémisses* dont est tirée la conséquence* ou
conclusion* dans un raisonnement* ou une inférence*. En effet, dans un raisonnement, la conséquence
ou conclusion (l’équivalent ici de la thèse) trouve sa légitimité ou justification* dans les prémisses dont
elle procède nécessairement.
Par exemple :
Il ne devrait pas être illégal de faire tout ce qui ne nuit pas à autrui (= argument 1)
Or la consommation du cannabis ne nuit pas à autrui (= argument 2)
_________________________________________________________________________________
Donc, la consommation du cannabis ne devrait pas être illégale (= thèse)
Dans ce raisonnement, la conclusion est justifiée (effectivement ou non) par deux arguments liés l’un à
l’autre (comme prémisse majeure* et prémisse mineure* dans un syllogisme*).
Dans un discours* argumentatif, les raisonnements prennent régulièrement la forme d’épichérèmes*, soit
de raisonnements dont chacun des arguments (ou prémisses) est l’objet de développements visant à les
justifier* (v. Syllogisme, Typ., Épichérème*).
On peut associer un type d’argumentation à chaque mode du syllogisme : argumenter en Barbara*, en
Festino*, en Darapti*, etc. Par exemple, argumenter en Bamalip* (ou en Baralipton*) signifie tirer une
conclusion particulière* affirmative* (de type I*) à partir de deux prémisses universelles* affirmatives* (A*).
V. Syllogisme, Les modes du syl.*.
33
La question de savoir si les arguments étayent et justifient la thèse sur le plan strictement logique est une
question qui relève du domaine de la validité*. Celle de savoir si les arguments sont eux-mêmes vrais ou
faux quant à leur contenu* matériel est un problème qui relève quant à lui de l’épistémologie. Dans
l’exemple précité, la conclusion est valide dans la mesure où elle respecte la forme logique du syllogisme
(ici celle de la deuxième figure, ainsi que les règles de validité* du syllogisme [v. Syllogisme, Règles de
validité du syl.*]). Cependant, la question de la vérité des arguments 1 et 2 relève d’un problème de
vérification ou d’argumentation d’un tout autre ordre (par exemple de nature éthico-politique pour le
premier et de nature empirique pour le second).
Dans un discours* argumentatif, l’indicateur donc et ses autres formes (en conséquence, on peut déduire
que, etc.) permet ordinairement d’identifier la présence d’arguments*. Mais cela n’est pas le cas
nécessairement. Autrement dit, le raisonnement en présence peut ne pas constituer un ensemble thèsearguments. Cela est le cas des raisonnements qui ne sont que des explications*, c’est-à-dire qui ne visent
qu’à faire comprendre un phénomène ou une situation par la cause*, sans chercher à le justifier. Affirmer
par exemple que Lili ne pourra participer à la compétition sportive d’aujourd’hui parce qu’elle s’est
blessée hier dans la cour d’école n’est pas une argumentation, mais une simple explication. On ne justifie
pas, mais on explique pourquoi Lili devra s’absenter. Par contre, affirmer que Lili ne doit pas participer à la
compétition parce qu’elle doit laisser une chance à ceux qui sont moins expérimentés qu’elle et leur
donner la chance de cultiver leur estime de soi est une justification.
On complétera ce qui précède en se reportant à Explication*, Justification* et Argumentation*.
L’évaluation d’un discours argumentatif doit donc faire la part entre les éléments qui expliquent et ceux
qui justifient une conclusion.
3\ En logique moderne*, spécifiquement en calcul des prédicats*, l’argument remplace le concept
classique de sujet*. Dans une fonction logique, il est symbolisé par une variable* ou constante d’individu*.
Le remplacement de la distinction d’origine grammaticale entre sujet et prédicat par celle entre
argument et fonction, d’origine mathématique, est l’œuvre du logicien Frege (1879) dans le contexte de
son projet visant à réformer la logique traditionnelle*.
À ce sujet, on se reportera à Calcul des prédicats*, Fonction prop.*, Concept, 4\* et Variable, 4\*.
- Analyse historique
La notion d’argument est d’origine rhétorique. Elle renvoie spécifiquement chez les sophistes à toutes les
figures susceptibles d’emporter l’assentiment de l’auditoire à l’occasion d’un discours public - discours
que ces derniers entendaient fondamentalement comme un espace de l’argumentation. Ces figures
furent l’objet des revêches incriminations de Platon dans la mesure où en aucun cas ces arguments ne
permettent selon lui de rendre véritablement raison de la thèse* à la défense de laquelle ils sont invoqués.
Aristote, dans ses Réfutations sophistiques (v. Órganon*), montra en quoi ces figures dénoncées par Platon
ressortent précisément à l’ordre de l’argumentation spécieuse et fallacieuse (à ce sujet, v. Sophisme* et
Argument, Typ., Arg. sophistiques*, infra). En octroyant à la notion d’argument un sens nouveau, c’est ce
même Aristote qui motiva cependant son entrée sur la scène philosophique en la rattachant à l’univers
du raisonnement dialectique*, c’est-à-dire à celui du raisonnement fondé sur non pas sur l’évidence de la
démonstration* – propre à la science au sens fort du terme (v. Seconds analytiques, dans Órganon*) -,
mais plutôt sur le probable ou vraisemblable (v. Topiques, dans Órganon*, et Syllogisme dialectique*),
l’argument étant ainsi distinguée de la preuve1. Aristote admit ainsi qu’un argument, sans démontrer la
thèse, peut concourir néanmoins à sa justification par la mise en valeur de motifs communément compris
et admis par un auditoire et donc susceptibles d’emporter son adhésion. R. Descartes et les rationalistes à
sa suite, qui réduisirent le discours philosophique à l’ordre du démonstratif more geometrico, se refusèrent
de maintenir la technique de l’argument à l’intérieur du champ de la science. On doit aux théoriciens de
l’argumentation Ch. Perelman et L. Olbrechts-Tyteca au XXe s. d’avoir voulu réhabiliter en philosophie
l’intelligence ancienne et rhétorique de l’argument (Traité de l’argumentation, 1958) en montrant qu’un
discours, en dépit du fait qu’il ne soit pas toujours prouvé par des arguments démonstratifs, reste en
mesure d’apporter l’adhésion de tout être raisonnable (v. Argumentation* et Log. de l’argumentation,
Ah*).
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1. T. Gontier, «Argument», dans Les notions philosophiques. Dictionnaire (Encyclopédie philos. universelle, vol. II), 2 vol.,
éd. Auroux, S., Paris, PUF, 1998, pp. 156-157.
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