La traçabilité des informations dans le dossier du patient

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La traçabilité des
informations dans le
dossier du patient
Quels sont les risques d’une mauvaise ou
d’une absence de traçabilité dans le
dossier infirmier ?
Docteur Bernard Bru
Service d’Information Médicale
CH de Carcassonne
En introduction:
Durant votre carrière, il vous arrivera forcement de ne pas noter quelque chose dans le
dossier de soins du patient.
Parfois par méconnaissance de l’importance de la traçabilité, le plus souvent pris par
l’engrenage des soins urgents, des appels des patients, des coups de téléphone, de la visite
qui commence…
L’objectif de cette présentation est d’envisager ensemble les conséquences potentielles
de quelques situations où vous-même ou vos collègues auraient omis de tracer une
information dans le dossier de soins.
Les conséquences peuvent en être médicales, juridiques, financières…
Docteur Bernard Bru
Service d’Information Médicale
CH de Carcassonne
Monsieur H., âgé de 44 ans, est hospitalisé depuis 48 heures dans le Service
d’Endocrinologie du Centre Hospitalier pour rééquilibrer son diabète traité par 3
injections quotidiennes d’insuline.
A 22 heures, il a une glycémie à 1,35 g/l.
A 3 heures du matin, il présente un malaise avec hypersudation, tremblements.
Vous faites une glycémie capillaire, vous constatez une hypoglycémie à 0,60 g/l.
Vous donnez un produit sucré au patient et la glycémie de contrôle 30 minutes après est
de 0,90 g/l.
Occupé(e) par un autre patient, vous omettez de consigner cet épisode dans le dossier de
soin.
Le lendemain, à la visite de 10h30, le médecin constate une glycémie élevée à 1,75 g/l
et augmente la dose d’insuline du soir.
Comment analysez vous cette situation ?
Docteur Bernard Bru
Service d’Information Médicale
CH de Carcassonne
Monsieur A., âgé de 86 ans, est hospitalisé depuis 3 jours dans le Service de Neurologie du
Centre Hospitalier pour bilan de chute.
En fin d’après-midi, alors que sa fille lui rend visite, il présente un épisode associant
aphasie transitoire et paresthésies du membre supérieur droit. Inquiète, sa fille vous
appelle. A votre arrivée, tout est rentré dans l’ordre.
Vous reprenez les soins que vous aviez interrompus auprès d’un autre patient, et vous
omettez de consigner cet épisode dans le dossier de soin.
5 jours plus tard, il fait un nouveau malaise se traduisant par une nouvelle aphasie et une
hémiplégie. Le bilan conclue à un accident vasculaire cérébral ischémique.
Comment interprétez vous cette situation ?
3 mois plus tard, le dossier du patient est saisi par la justice, la famille mettant en cause
l’établissement dans la prise en charge du patient arguant du fait que le premier épisode
n’a pas été pris en compte et qu’un traitement aurait pu éviter l’accident vasculaire
cérébral.
Qu’en pensez vous ?
Docteur Bernard Bru
Service d’Information Médicale
CH de Carcassonne
Madame D., âgé de 26 ans, est hospitalisée dans le Service de Chirurgie viscérale du
Centre Hospitalier pour traumatisme thoraco-abdominal suite à une accident de la voie
publique.
Prenant connaissance du dossier médical de la patiente, vous constatez que la date de
naissance enregistrée à l’entrée de la patiente est différente de celle du dossier
d’hospitalisation à la maternité pour césarienne 2 ans avant.
Occupé(e) par un autre patient, vous omettez de signaler cette anomalie.
Le lendemain, la patiente fait une déglobulisation (diminution du taux de globules rouges
entrainant une anémie) importante nécessitant une transfusion d’urgence.
Qu’en pensez vous de cette situation ? Quel est le risque auquel vous pensez ?
Docteur Bernard Bru
Service d’Information Médicale
CH de Carcassonne
Madame V., âgé de 58 ans, est hospitalisée dans le Service de médecine du Centre
Hospitalier pour septicémie bactérienne à Escherichia Coli.
La patiente est traitée par antibiotiques en perfusion intraveineuse.
A J2 du traitement, elle présente une veinite nécessitant de retirer la perfusion et de la
replacer sur l’autre bras. Vous placez des compresses alcoolisées sur la zone inflammatoire
et tout rentre rapidement dans l’ordre.
Vous ne jugez pas utile de consigner cet épisode qui vous parait sans conséquence dans le
dossier de soin.
Néanmoins, l’absence de tracabilité a une conséquence inattendue, sans rapport direct
avec les soins. Sauriez vous trouver laquelle ?
Docteur Bernard Bru
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CH de Carcassonne
Madame E., âgé de 75 ans, présente des antécédents récents de fibrillation auriculaire
traité par Cordarone et AVK.
Elle est hospitalisée dans le Service de médecine du Centre Hospitalier pour infection
urinaire.
A l’entrée dans le service, la famille vous signale un épisode d’épistaxis 48 heures avant
l’admission du patient.
Ayant joint le médecin de garde par téléphone pour un autre patient qui pose problème,
vous lui transmettez l’information qui vient de vous être donnée pour Madame E. Il ne vous
donne aucune consigne particulière pour cette patiente.
Pensant avoir fait ce qu’il fallait faire, vous ne jugez pas utile de consigner par écrit, ni le
signalement de la famille, ni votre appel téléphonique au médecin.
Qu’en pensez vous et quels en sont les risques ?
Docteur Bernard Bru
Service d’Information Médicale
CH de Carcassonne
Vous êtes infirmier(e) dans le Service des Urgences du Centre Hospitalier.
Madame D., âgé de 32 ans, bien connue de l’établissement, est admise vers 3 heures du
matin pour éthylisme aigue et plaie ouverte du bras.
En l’absence de personnel administratif, vous effectuez vous-même l’admission
informatique de la patiente.
En recherchant l’identité de la patiente, vous constatez que son identité est enregistrée
deux fois dans le système informatique de l’établissement (même nom de naissance,
même prénom, même date de naissance, même adresse. Seul le nom marital varie. C’est
manifestement un « doublon d’identité »). Vous disposez de la carte d’identité de la
patiente. Vous choisissez donc l’identité correcte et effectuez l’admission.
Pensant avoir pris la bonne décision, vous ne jugez pas utile de signaler ce problème.
Cette patiente est orientée vers l’unité d’hospitalisation de courte durée (UHCD) pour
prise en charge.
Comment analysez vous la situation et quel en est le risque ?
Docteur Bernard Bru
Service d’Information Médicale
CH de Carcassonne
Monsieur E., âgé de 102 ans, hospitalisé depuis 3 semaines dans le Service de chirurgie
vasculaire où il a subi une amputation du 5e orteil droit dans un contexte de diabète
insulino-requérant.
Ce patient alité, présentant des troubles vasculaires, bénéficie de soins d’escarres de
stade 4 du talon gauche. Des pansements réguliers sont systématiquement faits tous les
matins d’autant plus qu’il existe un début d’infection localisée.
Une place se libérant plus tôt que prévu, ce patient est muté en SSR pour suite de prise en
charge alors que vous venez de prendre vos fonctions ce vendredi après midi dans l’unité.
Le médecin, en consultation, n’est pas en mesure de dicter de courrier avant le lendemain.
Vous détaillez dans la feuille de transmission les soins nécessités par la plaie opératoire, le
protocole de traitement de son diabète, mais dans la précipitation, vous oubliez d’évoquer
les soins d’escarre.
Qu’en pensez vous ?
Docteur Bernard Bru
Service d’Information Médicale
CH de Carcassonne
Monsieur G., âgé de 96 ans, présentant une cholécystite, vient d’être opéré dans le
Service de chirurgie viscérale du Centre Hospitalier pour cholecystectomie.
S’agissant d’un d’un patient grabataire bien connu du service de médecine, il est muté
dans ce service pour la surveillance post opératoire.
Il n’est pas jugé utile de noter, une nouvelle fois, cet état grabataire dans le dossier de
soin.
Le chirurgien à la sortie du patient, rédige un compte rendu opératoire et un courrier
faisant état de la prise en charge chirurgicale de la cholécystite et de l’absence de
complication post opératoires.
Qu’en pensez vous ?
Docteur Bernard Bru
Service d’Information Médicale
CH de Carcassonne
Monsieur A., âgé de 41 ans, vient d’être admis à 11 heures dans le Service de Néphrologie
du Centre Hospitalier pour épisode infectieux devant lequel le médecin traitant, qui l’a
adressé via les urgences, suspecte une pyélonéphrite.
Vers midi, en l’absence du praticien hospitalier, vous prenez l’appel du médecin traitant de
Monsieur A. qui vous signale avoir omis de préciser que son patient présente une allergie
aux Quinolones.
Interrompu(e) dans la distribution des médicaments par cet appel, vous oubliez de
consigner cet élément dans le dossier de soins.
Lors de la contre visite, le praticien hospitalier demande un ECBU pour confirmer le
diagnostic et orienter le traitement.
Qu’en pensez vous ?
Docteur Bernard Bru
Service d’Information Médicale
CH de Carcassonne
Vous accueillez dans le service Madame D., Secrétaire Général de la Préfecture, qui vient
passer quelques heures dans le service pour bilan de migraines.
Madame D. vous précise, à peine arrivée, qu’elle souhaite que son séjour dans
l’établissement soit strictement confidentiel.
Vous rassurez Madame D. et vous informez vos collègues et le médecin de cette demande
que vous consignez dans le dossier de soins.
Dans la journée, le standard téléphonique de l’établissement reçoit un appel téléphonique
de l’extérieur qu’il transfère dans la chambre de Madame D.
Qu’en pensez vous ?
Docteur Bernard Bru
Service d’Information Médicale
CH de Carcassonne
Monsieur E. est hospitalisé dans l’unité de Gériatrie du Centre Hospitalier dans le cadre
d’une altération avancée de l’état général 6 ans après la découverte d’un cancer de la
prostate avec métastases osseuses.
Vous êtes chargé€ de l’accueillir dans le service, et, conformément à la règlementation,
vous lui demandez si il souhaite désigner une Personne de Confiance.
N’ayant pas de famille proche, il désigne un ami proche.
Vous êtes interrompu dans la démarche par un appel urgent et vous oubliez de remplir et
de faire signer le formulaire. Vous partez en congés en fin de journée.
Deux jours après, Monsieur E. sombre dans un état comateux.
Le soir même, Monsieur P. se présente dans le Service en tant qu’ami et Personne de
Confiance désignée par Monsieur E. et demande à voir le médecin pour lui faire part des
volontés du patient.
Qu’en pensez vous ?
Docteur Bernard Bru
Service d’Information Médicale
CH de Carcassonne
Vous préparez le transfert vers le Centre Hospitalier voisin de Madame C., 78 ans,
hospitalisée depuis 15 jours dans votre service de Cardiologie pour une pathologie
hypertensive.
Atteinte de maladie d’Alzheimer, cette patiente est agitée et chute fréquemment.
D’ailleurs des barrières sont mises en permanence à son lit.
Néanmoins, ce problème n’est pas signalé dans la fiche de transmission.
Qu’en pensez vous ?
Docteur Bernard Bru
Service d’Information Médicale
CH de Carcassonne
Une soignante a pris consciencieusement note, dans le dossier de soins, de tout ce que le
patient a dit lors de son admission dans un état d’agitation, et notamment, de grossièretés
à l’égard de son entourage et des gestes déplacés qu’il a eu à son égard.
Exaspérée par son attitude, elle a jugé utile de commenter par écrit: « Propos et attitude
déplacés. Est givré !!!»
L’après-midi même, l’épouse du patient, abordant la même soignante dans le couloir, lui
raconte la vie impossible que lui fait subir son mari et ses aventures extraconjugales.
Ces propos sont également et intégralement retranscrits dans le dossier de soins.
Que vous inspirent la retranscription de ces éléments dans le dossier en terme de légalité
et de responsabilité ?
Cas 1:
48 heures après une transfusion sanguine, Monsieur T. présente des accès de fièvre.
L’ETS est informé de cet évènement et prend des dispositions vis-à-vis des patients
transfusés avec les poches du même donneur.
Cas 2:
Une hépatite C est diagnostiquée chez un patient qui, quelques semaines avant, est allé
donné son sang. L’ETS est informé de ce diagnostic et prend des dispositions vis-à-vis des
patients transfusés à partir des poches de ce donneur
Qu’en peut on penser devant ces situations si la traçabilité des poches n’avaient pas été
correctement effectuée ?
Docteur Bernard Bru
Service d’Information Médicale
CH de Carcassonne
Vous recueillez les antécédents et retranscrivez les prescriptions à l’entrée de Madame K.
dans le Service d’Urologie ambulatoire du Centre Hospitalier.
Parcourant le dossier médical de sa précédente hospitalisation, vous constatez alors que
cette patiente, apparemment en bonne santé, aurait omis de vous signaler la réalisation
trois mois auparavant d’une scintigraphie osseuse avec métastases dans un contexte de
néoplasie de l’ovaire.
Etonnée par cette situation, vous en parlez avec le médecin qui, après discussion avec la
patiente, conclue à une confusion de dossier lors de l’hospitalisation précédente.
En effet, malgré la durée de cette précédente hospitalisation (8 jours), l’intervention de
multiples professionnels de santé, personne ne s’est aperçu que le dossier médical
appartenait à sa sœur jumelle et que les deux dossiers avaient été confondus.
Quelles en sont les conséquences potentielles pour les patientes concernées ?
Comment aurait on pu éviter cette erreur ?
Docteur Bernard Bru
Service d’Information Médicale
CH de Carcassonne
Monsieur V., âgé de 60 ans, est hospitalisé pour prise en charge d’un AVC ischémique.
Un traitement par LOVENOX 2000 (0,2 ml).
Le soignant chargé de l’exécution de cette prescription se trompe dans le choix de
l’ampoule et injecte un flacon de LOVENOX 8000 (0,8 ml).
Il consigne sous la prescription la mention « Lovenox injecté à 13h30 », date et signe.
Il ne s’aperçoit pas de son erreur et rentre chez lui.
Le patient développe quelques heures plus tard un nouvel accident vasculaire dont l’IRM
révèlera le caractère hémorragique.
Quelle est l’élément que le soignant aurait dû noter et qui aurait permis de gagner un
temps précieux ?
Docteur Bernard Bru
Service d’Information Médicale
CH de Carcassonne
En conclusion:
La traçabilité dans le dossier du patient est une étape essentielle de la prise en charge
soignante du patient.
Son importance est majeure dans le suivi clinique et la continuité des soins.
Le dossier du patient constitue aussi un élément de preuve qui peut engager la
responsabilité du soignant ou de l’établissement dans la prise en charge du patient. Un
élément de preuve à charge ou à décharge… Mais l’absence de traçabilité est toujours un
élément de présomption de la culpabilité du soignant.
Il faut garder à l’esprit l’impact d’un bon recueil d’activité dans le financement du séjour
et donc dans les moyens dont disposera l’établissement pour soigner d’autres patients dans
de bonnes conditions.
N’oubliez pas, enfin, que le dossier du patient reste en permanence à sa disposition. Tout
ce qui y est écrit dans le dossier peut, un jour, être lu par le patient ou ses ayant-droits.
Docteur Bernard Bru
Service d’Information Médicale
CH de Carcassonne
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