9 Les péchés dont se rend coupable la science économique ne sont

Les péchés dont se rend coupable la science économique
ne sont pas ce que pourraient croire la majorité des an-
thropologues, des historiens ou des journalistes. Vue de
lextérieur, en eet, la «lugubre science» est visiblement
impie ce qui ne lempêche pas dexercer une inuence
exaspérante. Mais les péchés visibles ne sont pas les plus
graves, et du reste tout le monde s’empresse de les com-
mettre. Ce sont en réalité deux péchés singuliers, invisibles
et plut inhabituels deux péchés secrets —qui han-
dicapent aujourdhui lentreprise scientique, que ce soit
dans le champ de la science économique ou dans dautres
disciplines comme la psychologie, la science politique, la
science médicale ou la biologie des populations.
Or, quand laccusatrice bienveillante que je suis for-
mule de tels reproches, dans lespoir que sa chère science
économique gagne en maturité et se consacre enn à des
L      
recherches sérieuses (comme le font la physique, la géolo-
gie, lanthropologie, lhistoire ou une certaine critique lit-
téraire), elle se sent tristement incomprise. Cest que les pé-
chés courants et véniels nous empêchent de voir les péchés
insolites et mortels. Malheur à laccusatrice bienveillante,
dont les propos sont si mal interprétés! On lui rétorque
bien souvent: «Ah oui, je vois. Vous faites partie de ces
humanistes délicats qui sont indisposés par les chires ou
par les mathématiques…» Ou encore: «Ah oui, je vois.
En réduisant léconomie à un simple “exercice rhétorique”,
vous voulez dire que les textes des économistes manquent
de chaleur.»
Ces remarques ont de quoi rendre fou. Laccusatrice
bienveillante, elle-même économiste (de lécole de Chica-
go, qui plus est) en est venue, après vingt ans de tâtonne-
ments, à constater lomniprésence de Deux Péchés Secrets
de lÉconomie, qui, au bout du compte, n’en font qu’un —
et qui, comme tous les péchés, relèvent en dernière analyse
de lorgueil. Or absolument personne ni lanthropolo-
gue, ni le professeur de littérature, ni aucun autre obser-
vateur extérieur, et moins encore léconomiste ou le cher-
cheur en médecine — ne semble vraiment comprendre ses
critiques, ou du moins en tenir compte.
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