L
recherches sérieuses (comme le font la physique, la géolo-
gie, l’anthropologie, l’histoire ou une certaine critique lit-
téraire), elle se sent tristement incomprise. C’est que les pé-
chés courants et véniels nous empêchent de voir les péchés
insolites et mortels. Malheur à l’accusatrice bienveillante,
dont les propos sont si mal interprétés! On lui rétorque
bien souvent: «Ah oui, je vois. Vous faites partie de ces
humanistes délicats qui sont indisposés par les chires ou
par les mathématiques…» Ou encore: «Ah oui, je vois.
En réduisant l’économie à un simple “exercice rhétorique”,
vous voulez dire que les textes des économistes manquent
de chaleur.»
Ces remarques ont de quoi rendre fou. L’accusatrice
bienveillante, elle-même économiste (de l’école de Chica-
go, qui plus est) en est venue, après vingt ans de tâtonne-
ments, à constater l’omniprésence de Deux Péchés Secrets
de l’Économie, qui, au bout du compte, n’en font qu’un —
et qui, comme tous les péchés, relèvent en dernière analyse
de l’orgueil. Or absolument personne — ni l’anthropolo-
gue, ni le professeur de littérature, ni aucun autre obser-
vateur extérieur, et moins encore l’économiste ou le cher-
cheur en médecine — ne semble vraiment comprendre ses
critiques, ou du moins en tenir compte.