à connaître
102 Neurologies • Mars 2015 • vol. 18 • numéro 176
Le point commun entre ces dié-
rentes tâches, réside dans le fait
qu’elles nécessitent une analyse
des éléments locaux, c’est-à-dire
des détails de la scène et non de
la forme globale. C’est pour cette
raison que ces auteurs ont proposé
qu’il existe chez les sujets autistes
un biais vers le traitement visuel
local au détriment d’un traitement
de la scène globale. En d’autres
termes, les sujets autistes traite-
raient “l’arbre avant la forêt”.
Des troubles dans le traitement des
visages ont également été retrou-
vés pour des domaines très divers,
incluant une mauvaise mémoire
des visages [32] une réduction de
l’eet d’inversion des visages [33],
une exploration visuelle réduite
pour la région oculaire [34] ou en-
core une perception anormale des
émotions [35], ainsi que des di-
cultés à extraire de l’information
sociale à partir d’un visage [36].
Ces anomalies et atypies dans le
traitement des visages seraient
observées tôt dans le développe-
ment des enfants autistes [37].
Concernant les patterns d’explora-
tion visuelle spontanée, plusieurs
études ont suggéré que les sujets
autistes explorent moins les sti-
muli sociaux que les stimuli non
sociaux et passent plus de temps
à regarder la bouche que les yeux
d’un sujet [pour revue et discus-
sion : 38]. Néanmoins, dans cette
revue récente sur le sujet, Guillon
et al. [38] montrent que ces résul-
tats sont loin d’être consistants,
et varient tant en fonction de l’âge
du sujet que du contexte. En plus
de ces anomalies dans le domaine
socio-émotionnel, des particulari-
tés sur le plan de l’oculomotricité
et des troubles visuo-attentionnels
ont également été rapportés chez
les sujets autistes [pour revue: 39].
CONCLUSION
L’ensemble des travaux présenté
ici souligne l’importance de la vi-
sion dans le développement de la
cognition sociale et montre qu’un
trouble de la cognition visuelle
peut entraîner un trouble de l’in-
teraction, alors que parallèlement
les troubles autistiques s’accom-
pagnent d’un large éventail de
troubles de la fonction visuelle.
Une meilleure compréhension du
lien qui unit vision et cognition so-
ciale s’impose, tant pour prévenir les
troubles de la communication et de
l’interaction chez les patients por-
teurs de troubles visuels que pour
éduquer visuellement les patients
atteints de troubles autistiques.
Cet axe de recherche devrait nous
permettre de mieux comprendre
et caractériser ces deux entités cli-
niques de prévenir voire de réduire
les troubles de l’interaction en sti-
mulant de manière spécifique les
processus d’analyse visuelle, mais
également de proposer de nouvelles
hypothèses à même rendre compte
des troubles du comportement et de
l’interaction. Cette démarche pour-
rait nous permettre de proposer des
approches d’intervention thérapeu-
tique précoces, adaptées et donc
plus ecaces. n
Correspondance
Dr Sylvie Chokron
Unité Vision et Cognition
Fondation Ophtalmologique
Rothschild & LPP, UMR 8242 Université
Paris Descartes
25 rue Manin, 75019 Paris
Tél. : 01 48 03 66 72
Remerciements :
Les auteurs remercient vivement la Fondation
Orange et la Fondation de France, ainsi que les
Fondations Rothschild (Genève, Paris) pour le sou-
tien accordé à la recherche dont les premiers résul-
tats ont servi de réflexion pour cet article de revue.
Mots-clés : Autisme, Vision,
Attention, Oculomotricité, Visages,
Emotions, Cognition sociale
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