Les événements traumatiques et le trouble de stress post

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LES ÉVÉNEMENTS TRAUMATIQUES ET LE
TROUBLE DE STRESS POST-TRAUMATIQUE
CHEZ LES JEUNES CONTREVENANTS
ASSOCIÉS AUX GANGS DE RUE
Catherine Laurier, Ph.D.,
Chercheure, Centre de recherche du Centre jeunesse de Montréal – institut
universitaire, CIUSSS du Centre-Est-de-l’Île-de-Montréal
Professeure associée, École de criminologie, Université de Montréal
C. Laurier 2015
1
Problématique
• Jeunes auteurs et victimes de leur violence
• Prépondérance de certains traits de personnalité
• Concomitance des troubles graves de la conduite et des
troubles mentaux
• Prévalence élevée des troubles mentaux au sein de la population
des jeunes contrevenants (JC)
• Prévalence élevée des troubles mentaux au sein de la population
des JC associés aux activités des gangs de rue (GDR)
C. Laurier 2015
2
Problématique
VIOLENCE AGIE
Facteurs de risque
et de protection
liés à la violence
agie
Association
aux gangs
de rue
C. Laurier 2015
VIOLENCE SUBIE
Traumatismes
Conséquences
psychologiques
3
Le trouble de stress post-traumatique chez les
jeunes contrevenants
oExposition à un événement traumatique:
o 25% des enfants et adolescents en population générale
o 92.5% des jeunes contrevenants en détention (É.U.)
oTrouble de stress post-traumatique:
o É.U. 8% des adultes
o 11% - 32% des jeunes contrevenants
oComorbidité avec d’autres troubles mentaux
o Une détection rapide est essentielle
o Symptômes confondants: hyperactivité, manque de concentration,
agitation, hypervigilance, troubles du comportement
o Impulsivité, agressions, colères
Catherine Laurier
4
Projet de recherche
Évaluer pour prévenir: les traits de personnalité et les
risques pris par les jeunes contrevenants associés aux
gangs de rue (2010-2015)
Fonds de recherche du Québec sur la société et la culture (FRQSC)
C. Laurier 2015
5
Objectifs de recherche
1)
Comparer la trajectoire délictueuse des jeunes contrevenants (JC)
membres d’un gang de rue (GDR) et des JC non membres d’un GDR
2) Identifier les facteurs de risque et de protection de l’association aux
GDR
3) Décrire les conséquences psychologiques de
l’association aux GDR
• Évaluer la sensibilité et la spécificité du MAYSI-2 (Massachussetts Youth
Screening Questionnaire) à détecter des problèmes de santé mentale
chez les JC
4)
Identifier les représentations des JC quant au rôle de l’association
aux GDR dans l’adoption de comportements à risque, l’incidence des
événements traumatiques vécus et le développement d’un trouble de
stress post-traumatique (TSPT)
C. Laurier 2015
6
Méthodologie mixte
• Passation de questionnaires
•
•
•
•
•
212 participants âgés de 15 à 25 ans (moy. = 18,3 ans)
80 se sont auto-révélés associés aux GDR
155 recrutés dans 4 centres jeunesse du Québec
57 recrutés aux services correctionnels du Québec
Évaluation: personnalité, relations parents et amis, maltraitance, stratégies
d’adaptation, comportements à risque, délinquance, troubles de santé
mentale, exposition aux traumatismes, risque suicidaire
• Entrevue semi-directive
•
•
•
•
•
Durée de l’entrevue: 30 min à 1h15 environ
25 participants âgés de 15 à 19 ans (moy. = 17,6 ans)
Tous associés aux GDR
Recrutés dans 2 centres jeunesse (Montréal et Laval)
Prise de risque et événements traumatiques liés au mode de vie
délinquant.
C. Laurier 2015
7
Événements traumatiques
• Événements traumatiques du passé (enfance): victimisation,
négligence, abus, prise en charge en protection de la jeunesse…
• 2 sources:
• Antécédents en protection de la jeunesse
• Données auto-rapportées
• Événements traumatiques récents
• Événements stressants « tout venant »:catastrophes naturelles,
accidents, maladie, etc.
• Événements liés à la délinquance: agressions, homicides, attaques, etc.
C. Laurier 2015
8
Résultats
Traumatismes et trouble de
stress post-traumatique
C. Laurier 2015
9
Abus précoces avant l’âge de 13 ans
Auto-rapportés (CTQ- child trauma questionnaire)
7
t
6
5
4
*
3
2
1
0
Abus physiques
Abus émotionnels
Abus sexuels
GDR
Négligence physique
Négligence
émotionnelle
non GDR
C. Laurier 2015
10
Antécédents de prise en charge en protection
de la jeunesse (données officielles) (n=119)
90
80
74,8
70
60
50
54,6
42,9
40
30
18,5
20
10
4,2
3,4
8,4
0
Négligence
Tous JC
Abus physique
JC GDR
Abus sexuel
Trouble de
comportement
JC non GDR
C. Laurier 2015
Abandon
Mauvais
traitements
psychologiques
Total antécédents
protection
11
Comportements de prise de risque chez
les jeunes contrevenants
• Délits mettant l’individu
à risque
• Comportements sexuels à
risque
• utilisation d’arme
• blessures lors de délits
• Conduite automobile à
risque
• Relations non protégées
• Relations avec inconnu(e)
• Autres situations
• Avoir vu quelqu’un mourir
• Avoir été poignardé
• Avoir vu quelqu’un être
poignardé
• Intoxication
• Sans permis
• 160 km/h
C. Laurier 2015
12
Risques lors de délits
100
90
81,3
90
***
75
80
65,9
70
60
50
***
59
55,2
58,8
53
45,5
40
30
20
10
0
Menacer avec une arme lors d'un vol
Introduction par effraction
Tous JC
JC GDR
Avoir été blessé lors d'un délit
JC non GDR
C. Laurier 2015
13
Situations particulières
90
81,3
80
70
60
***
64,6
56,3
54,5
*
45,8
50
43,8
39,4
40
***
27,4
30
17,4
20
10
0
Avoir déjà vu quelqu'un se faire
poignarder
Avoir déjà vu quelqu'un mourir
Tous JC
JC GDR
Avoir déjà été poignardé
JC non GDR
C. Laurier 2015
14
Exposition à des événements
potentiellement traumatiques
• Question filtre du MINI: « Avez-vous déjà vécu ou été le témoin
ou eu à faire face à un événement extrêmement traumatique, au
cours duquel des personnes sont mortes ou vous-mêmes et/ou
d’autres personnes ont été menacées de mort ou ont été
grièvement blessées ou ont été atteintes dans leur intégrité
physique ? »
• 65.2% non GDR
• 94,5% GDR
• PTSD
• 20.9% non GDR
• 39% GDR
C. Laurier 2015
15
Détails des événements traumatiques (n = 154)
N-GDR (%) GDR (%)
Phi
Total (%)
Témoin – accident (proche ou connaissance)
3,7
1,4
-0,07
2,6
Témoin - accident (étranger)
Témoin - violence (proche ou connaissance)
1,2
0,0
-0,08
0,6
25,9
28,8
0,03
27,3
Témoin - violence (étranger)
Témoin - décès (ou maladie granve) sans violence
(proche ou connaissance)
13,6
13,7
0,00
13,6
8,6
1,4
-0,16*
5,2
Témoin - décès (ou maladie granve) sans violence
(étranger)
Témoin - décès avec violence (proche ou
connaissance)
Témoin - décès avec violence (stranger)
Victime – violence (proche ou connaissance)
3,7
1,4
-0,07
2,6
6,2
20,5
0,21**
13,0
3,7
8,2
0,10
5,8
1,2
1,4
0,01
1,3
Victime - violence (étranger)
Agresseur - violence (proche ou connaissance)
22,2
19,2
-0,04
20,8
1,2
0,0
-0,08
0,6
Agresseur - violence (étranger)
Événement traumatique « délinquant »
7,4
11,0
0,06
9,1
65,8
0,11
61,0
Témoins
Victimes
Agresseurs
Catherine Laurier 56,8
Que disent les jeunes de ces événements?
• Les évènements traumatiques sont banalisés par les JC associés
aux GDR
• Les risques sont perçus comme normaux; minimisation
• Peur de se faire prendre: « Le risque le plus pire, c’est que je me fasse pogner.
C’est ça qui me fait peur. » (Karim)
• Tendance à la recherche de sensations
• La perception des risques est altérée; erreurs de jugement
pouvant compromettre leur sécurité et celle d’autrui
• Font partie de leur mode de vie, « on n’y peut rien »
• Manque d’introspection
C. Laurier 2015
17
Banalisation des événements
traumatiques
• « Je ne fais pas des cauchemars non plus, mais c’est sûr, après
on a parlé de ça avec les gars, mettons comme : Oh shit! On
aurait pu se faire tuer. On est parti boire un petit coup puis
tout, mais… On a reparlé de ça comme amicalement si on veut,
mais on n’était pas comme : il faut que je rentre chez nous, j’ai
failli me faire tuer… non, non plus. Mais c’est sûr qu’on a
reparlé de ça puis comme les gars ils savaient que c’était
dangereux, mais les gars ils sont tellement habitués que, ce
n’est pas que ça passe normal parce que ce n’est pas normal,
mais comme ce n’était pas comme wow. […] Le lendemain, c’est
une autre journée. » (Manu)
C. Laurier 2015
18
Avoir peur, mais continuer
• « Mon cœur, il battait fort. J’aurais pu mourir. C’est une
grande peur pareille, mais après ça tu es correct. C’est pas mal
ça […]. Je n’ai pas trop peur, je ne suis pas quelqu’un qui a trop
peur. […] Des fois après un moment tu as peur, mais après ça tu
dis c’est correct, je vais bien dormir ce soir, je ne suis pas encore
mort. » (Julien)
C. Laurier 2015
19
Exposition à un événement traumatique
et troubles de santé mentale (MINI)
***
60
56,5
50
40
*
30
20
18
28
25,5
18,2
10
10
0
Épisode dépressif
Ne pas avoir vécu un traumatisme
Risque suicidaire
Présence d'un trouble anxieux ou de
l'humeur
Avoir vécu un traumatisme
C. Laurier 2015
20
Antécédents en protection de la jeunesse et
troubles de santé mentale (MINI) (n=119)
Aucune différence n’est significative
60
50
50
47,7
40
30
28
25,6
20
12
14
10
0
Trouble de stress post-traumatique
Risque suicidaire
Présence d'un trouble anxieux ou de
l'humeur
Ne pas avoir d'antécédent en protection de la jeunesse
Antécédents en protection de la jeunesse
C. Laurier 2015
21
Qu’est-ce qui est le plus important pour
on
considère aussi
prédire la présence de troubleQuand
de
santé
les antécédents en
protection de la jeunesse,
mentale? (n=119)
l’association aux GDR
augmente le risque de
présenter un trouble
de SM (trouble anxieux
ou dépressif) de 79%.
Quand on considère les
antécédents en protection de la
jeunesse, l’association aux GDR
et l’exposition à un événement
traumatique, c’est l’exposition à
l’événement traumatique qui
augmente significativement le
risque de présenter un
trouble de SM (trouble
anxieux ou dépressif) de
420%.
C. Laurier 2015
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Qu’est-ce qui est le plus important pour
prédire la présence d’un trouble de stress
post-traumatique? (n=119)
Quand on considère les
antécédents en protection de la
jeunesse et l’association aux
GDR, c’est l’association aux
GDR qui augmente
significativement le risque de
présenter un trouble de
stress post-traumatique de
286%.
C. Laurier 2015
23
En conclusion
• Les jeunes contrevenants sont soumis à des conditions de vie
difficiles. Encore plus chez les jeunes associés aux gangs de rue.
• Ils vivent des situations occasionnant un stress élevé.
• Ils prennent des risques par leur mode de vie.
• Ils sont confrontés à des événements violents potentiellement
traumatiques.
C. Laurier 2015
24
En conclusion
• Le mode de vie des gangs de rue semble plus déterminant que
les antécédents de maltraitance pour expliquer les troubles de
santé mentale des jeunes contrevenants.
• Mode de vie gang de rue est associé à plus de violence
• Néanmoins, il y a banalisation de la violence inhérente au style
de vie délinquant => étouffe l’expression de la détresse
• Ils n’expriment pas de détresse, mais l’évaluation de la santé
mentale permet de mettre de l’avant qu’ils sont affectés
C. Laurier 2015
25
Pistes de recherche
• Nécessaire de poursuivre les travaux sur l’évaluation de la
santé mentale des JC (outil permettant l’évaluation
diagnostique DSM V) associés et non associés aux GDR
• L’association aux gangs de rue est une variable qui renseigne sur la
probabilité de présenter des indications de trouble de santé mentale
• Développer une expertise dans l’évaluation du trouble de stress
posttraumatique chez cette population
• Mise en place d’une stratégie provinciale de dépistage des
troubles de santé mentale chez les JC:
• Poursuite des recherches sur la validité et la fidélité du MAYSI-2
• Développement d’outils d’évaluation spécifiques pour l’exposition
aux événements traumatiques prenant en compte leurs spécificités
C. Laurier 2015
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Limites de la recherche
• Homogénéité de l’échantillon
• Mesure de la délinquance auto-révélée auprès d’une population
captive (mémoire rétrospective)
• Mesure auto-révélée de l’association aux gangs de rue
• Sélection de l’échantillon qualitatif
• Désirabilité sociale
C. Laurier 2015
27
Merci aux participants,
partenaires, étudiants, assistants
de recherche et co-chercheurs
[email protected]
C. Laurier 2015
28
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