DESCRIPTIF DU PROJET DE THESE
1°) Présentation des aspects scientifiques du projet de thèse
Finalité, méthodologie et problématique, intérêt scientifique, caractère innovant
La combinaison de la hausse des températures et des changements de régime de précipitations due aux
changements anthropiques globaux entraîne une augmentation du risque de sécheresse dans de
nombreuses forêts tropicales dans le monde, mettant en péril la régulation du climat à l'échelle planétaire,
le stockage du carbone8,9 et les activités de gestion durable des forêts. Il est actuellement un enjeu majeur
de savoir comment les communautés de forêts tropicales répondent aux changements globaux, et plus
particulièrement, à des conditions de déficit hydrique saisonnier accru1. Le régime hydrique est un
facteur clé dans la structuration des communautés forestières en forêt tropicale humide et la distribution
des espèces est en partie expliquée par des variations subtiles des conditions environnementales2,3.
De nombreux clades d'arbres tropicaux présentent une sur-dispersion spectaculaire par rapport aux
conditions d’habitat, i.e. des espèces étroitement apparentées peuvent persister en sympatrie en exploitant
des niches très différentes, depuis les milieux de bas-fonds à inondations saisonnières, aux sommets bien
drainés, et couvrant un large éventail de conditions édaphiques2. De plus, il est courant que des espèces
étroitement apparentées se rencontrent en sympatrie4et que ces espèces partagent des allèles5. Ces
observations suggèrent que l'hybridation et, en conséquence, l'introgression, pourraient être des processus
importants dans l'évolution de la diversité des espèces d'arbres tropicaux6. Les processus physiologiques
et génétiques exacts qui permettent ces adaptations de niches extraordinaires sont encore peu connus,
mais la compréhension de ceux-ci est déterminante pour prédire le sort des forêts tropicales dans le
contexte du changement global, en particulier face à un risque accru de sécheresse2,3.
Le site forestier expérimental de Paracou, en Guyane, contient six parcelles dites de contrôle (non
perturbé) avec > 22 000 arbres appartenant à plus de 800 espèces. Les arbres de plus de 10cm de diamètre
y ont été inventoriés et mesurés tous les deux ans depuis 1991 (1984 pour 3 parcelles). Tous ces arbres
sont géoréférencés et des informations spatiales détaillées ont été recueillies sur les propriétés du sol, y
inclus les conditions hydrologiques. Ces données ont été intégrées dans des modèles de trajectoires de
croissance individuelles (niveau de l'arbre individuel), d'estimation de la compétition au niveau local, et
d'évaluation de l'importance des relations abiotiques, biotiques et phylogénétiques pour expliquer la
répartition spatiale et les patrons de croissance (performance) des arbres2,7,8. Ces modèles confirment (i) la
grande variabilité intraspécifique de la performance individuelle et (ii) le rôle important du filtrage
environnemental dans l'assemblage de cette communauté de forêt tropicale9.
Cependant, le rôle de la constitution génétique individuelle des arbres et de son interaction avec
l'environnement pour expliquer les variations de performance individuelle au sein d’une même espèce ou
d’espèces proches reste mal compris. De par son emprise spatiale et sa profondeur temporelle, le
dispositif de Paracou présente des conditions uniques au monde pour développer une compréhension
approfondie des mécanismes physiologiques de réponse et des processus évolutifs des arbres tropicaux en
réponse au changement de régime hydrique. Ce sujet de thèse permettra de capitaliser sur l'effort à long
terme de Paracou, d'appliquer des outils génomiques de pointe et de les intégrer dans des modèles de
performance-habitat pour décrire avec une précision sans précédent les rôles de la génétique et de
l'environnement dans la performance des arbres, et d'élucider les processus de divergence adaptative à la
base de la biodiversité des forêts du Bouclier Guyanais.