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Numéro spécial halitose
Définition de l’halitose
L’haleine peut être définie comme la perception
subjective de l’odeur de l’air expiré par une personne,
laquelle peut être ressentie comme agréable, désa-
gréable ou même repoussante. Lorsque l’odeur perçue
est désagréable, on parle d’«halitose» (du latin «hali-
tus» pour haleine), de mauvaise haleine ou de foetor ex
ore. Ces expressions ne sont cependant pas toutes
synonymes de mauvaise odeur buccale qui a son ori-
gine dans la cavité buccale, car certaines halitoses
ont des causes extra-buccales.
Lorsque l’on parle de mauvaise haleine, on ne
pense habituellement pas aux odeurs passagères qui
sont dues à l’alimentation (par exemple l’ail, les
oignons ou différentes épices), au tabac ou à la prise de
médicaments (par exemple la cyclosporine), à la mau-
vaise haleine temporaire du matin qui est provoquée
par le taux de salivation réduit et qui disparaît sponta-
nément après le brossage des dents ou le petit-déjeu-
ner. Une mauvaise haleine persistante a en principe
toujours des causes pathologiques (Quirynen & van
Steenberghe 2003).
On distingue trois catégories d’halitose, à savoir
l’halitose vraie, la pseudo-halitose et l’halitophobie
(Yaegaki & Coil 2000). L’halitose vraie décrit un état
dans lequel la mauvaise haleine existe objectivement;
elle peut être mise en évidence par un examen organo-
leptique ou par une analyse à l’aide d’instruments.
Chaque fois qu’une mauvaise haleine ne peut pas être
perçue, bien que le patient soit persuadé d’avoir mau-
vaise haleine, on parle de pseudo-halitose.
Si, après le traitement d’une halitose vraie ou le dia-
gnostic d’une pseudo-halitose, le patient continue à
croire qu’il souffre de mauvaise haleine, il s’agit d’une
halitophobie qui compte parmi les troubles obsession-
nels psychiatriques. Il ne faudrait pas sous-estimer l’im-
portance de l’halitophobie. Dans une étude réalisée
entre 1995 et 2008 à l’Université de Louvain, lors de
laquelle 2000 patients se sont rendus à la consultation
pluridisciplinaire pour halitose, il est apparu que près
de 16% des participants souffraient de pseudo-halitose
voire d’halitophobie (Quirynen et al. 2009).
Epidémiologie de l’halitose
La mauvaise haleine a déjà été observée il y a mille
ans et elle apparaît même dans les œuvres d’écrivains
grecs et romains. La mauvaise haleine est évoquée
dans le Talmud juif comme dans la religion islamique.
On peut aujourd’hui considérer un manuscrit de J. W.
Howe de l’année 1898 comme le premier des articles
modernes sur le sujet.
Bien que l’halitose soit partout dans le monde une
question d’une importante portée socioéconomique,
elle a été dans une large mesure négligée par les scien-
tifiques et les médecins jusqu’à un passé récent. Dans
notre société, la mauvaise haleine constitue toujours
l’un des tabous les plus forts, ce qui se reflète dans le
fait que la plupart des patients qui se rendent à une
consultation pour mauvaise haleine en souffraient déjà
depuis quelques années avant de rechercher une aide
professionnelle.
Une étude récemment réalisée à Louvain, à laquelle
2000 patients ont participé, a montré que plus de 90%
de l’échantillon se plaignaient de troubles depuis au
moins un an et que 16% en souffraient jusqu’à 15 ans
auparavant. La plupart d’entre eux avaient consulté un
chirurgien-dentiste ou un stomatologue. Cela montre
qu’il existe toujours un manque d’information, non seu-
lement chez les patients, mais aussi dans la profession.
L’un des aspects les plus étranges de l’halitose est
qu’une personne ne peut normalement pas sentir sa
propre haleine, ce que l’on désigne par le «bad-breath
paradox» (Spogue 1964; Rosenberg 1997). De nom-
breux patients halitosiques ne sont pas conscients de
leur mauvaise haleine tandis que d’autres sont persua-
dés à tort d’avoir mauvaise haleine. Des études mon-
trent que la perception de sa propre haleine est extrê-
mement peu fiable (Rosenberg et al. 1995). De façon
générale, les patients sont incapables de classer objec-
tivement leur haleine sur une échelle. Les études
basées sur des auto-évaluations ne sont donc pas
fiables pour évaluer la mauvaise haleine en raison de
leur faible sensibilité et de leur manque de précision.
Prévalence
Les aspects qui viennent d’être mentionnés expli-
quent pourquoi il y a peu d’études sur la prévalence de
la mauvaise haleine. Le problème est donc insuffisam-
ment documenté dans la plupart des pays. L’American
Dental Association (ADA) a publié en 2003 un rapport
selon lequel 25% de la population américaine souffri-
raient de mauvaise haleine permanente.
Des études de grande envergure, basées sur des
approches différentes ont été réalisées sur les popula-
tions japonaise (Miyazaki et al. 1995), suédoise (Söder
et al. 2000) et chinoise (Liu et al. 2006). Des enquêtes
plus modestes ont été menées au Brésil (Nadanovsky et
al. 2007), en Pologne (Iwanicka-Grzegorek et al. 2005)
et en Israël (Knaan et al. 2002). Un résumé reprenant les
principales informations fournies par ces études est
présenté dans le tableau ci-après.
L’halitose: définition et épidémiologie
Pr Dr Marc Quirynen, Université catholique de Louvain, Belgique