7.2. Offre de monnaie

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7.2. Offre de monnaie
L’offre de monnaie peut s’interpréter en termes de multiplicateur monétaire. Ainsi, la
création de monnaie par les établissements de crédit est proportionnelle à la monnaie banque
centrale. Cependant, selon le sens des liens de causalité entre la masse monétaire et la
monnaie banque centrale, ce mécanisme peut être interprété en fait en termes de
multiplicateur ou de diviseur. Nous présentons dans cette section les facteurs de la liquidité
bancaire, le concept de base monétaire, l’expansion monétaire et le mécanisme du
multiplicateur ou diviseur monétaire.
7.2.1. Facteurs de la liquidité bancaire
La création monétaire des établissements de crédit est limitée par un certain nombre de
contraintes. Il existe des contraintes internes comme les règles de stratégie que s'imposent les
établissements, le refus de prendre des risques trop importants sur des clients dont la
solvabilité est douteuse, mais aussi des contraintes externes comme les contraintes
réglementaires (ratios) et le besoin de liquidité bancaire.
Encadré 7.1
La liquidité bancaire et la monnaie centrale
La monnaie banque centrale, encore appelée base monétaire, se compose des billets en circulation et de la
monnaie centrale. Cette dernière représente les avoirs détenus par les titulaires de compte sur les livres de
l’Institut d’émission, principalement les établissements de crédit.
Les établissements procèdent quotidiennement à des opérations pour leur propre compte ou celui de leur
clientèle dont le règlement transite par leur compte auprès de la banque centrale. Parmi ces opérations, on
distingue celles qui n’induisent qu’un transfert de monnaie centrale d’un établissement à un autre (vente de bons
du trésor d’une banque à une autre, par exemple) et celles affectant la liquidité bancaire (retrait de billets par la
clientèle, par exemple). La liquidité bancaire se définit comme le cumul des avoirs des établissements de crédit
auprès de la banque centrale.
Source : La politique monétaire à l’heure du marché mondial des capitaux, Banque de France, 1998.
Les facteurs de la liquidité bancaire représentent par conséquent les facteurs à l’origine des
fuites monétaires hors du circuit monétaire. Il est possible de distinguer les facteurs
autonomes, liés aux opérations avec la clientèle et indépendants des interventions de la
banque centrale sur le marché interbancaire et les réserves qui émanent d’une décision de la
BC. Le bilan standardisé d’une BC permet de mettre en évidence ces différents facteurs :
Actif
Réserves nettes de change
Concours aux établissements de crédit
Facilités de prêt marginal1
1Se
reporter pour la définition au chapitre 8, section 8.2.2.
Passif
Billets en circulation
Dépôts des administrations publiques
Autres facteurs (net)
Avoirs des établissements de crédit en
compte courant (réserves)
Facilités de dépôt2
Apports de liquidité par le biais des opérations de politique monétaire ou
« Concours aux Etablissements de crédit »
+ « Facilité de prêt marginal »
- « facilité de dépôt »
=
Facteurs autonomes
« Billets en circulation »
+ « Dépôts des administrations publiques »
- « Réserves nettes de change »
+ « Autres facteurs (net) »
+
Réserves
« Avoirs des EC en compte courant »
Source : BCE, « la politique monétaire de la BCE 2004 »
La somme des facteurs autonomes et des réserves est égale à l’apport de liquidité réalisé par
les opérations de politique monétaire (somme des concours aux EC, de la facilité de prêt
marginal moins la facilité de dépôt)3. Les postes autonomes sont qualifiés ainsi car ils ne
résultent généralement pas de l’utilisation des instruments de politique monétaire.
Facteurs autonomes
Tous les règlements effectués et tous les versements reçus pour le compte de la clientèle
affectent les avoirs en monnaie centrale d'une banque ou autre institution, c’est-à-dire la
monnaie détenue en compte des établissements auprès de la banque centrale. Au niveau du
système bancaire dans son ensemble, le besoin net de monnaie centrale est affecté par quatre
types d'opérations qui sont à l’origine du besoin de refinancement des établissements :
•
Les billets en circulation sont comptabilisés au passif du bilan de la BC. Leur montant
fluctue de façon saisonnière en fonction des habitudes de paiement du public. Ce montant est
particulièrement élevé pendant les mois d’été et en fin d’année. Les banques se procurent les
billets qu’elles mettent à la disposition du public en s’adressant aux guichets de la BC,
moyennant la passation à leur compte d’une écriture du même montant. La liquidité bancaire
varie en sens inverse du montant des billets en circulation. Si les versements de billets de la
part de la clientèle sont supérieurs aux retraits, la liquidité bancaire augmente et inversement.
Encadré 7.2
Variations de la circulation fiduciaire en France
2Idem
3Ces
note précédente.
opérations seront étudiées en détail dans le chapitre 8.
La circulation fiduciaire connaît des fluctuations qui suivent un rythme mensuel et un rythme saisonnier. Le
paiement des salaires provoque, dans la dernière décade de chaque mois et les premiers jours du mois suivant,
une sortie importante de coupures. Au contraire, entre le 10 et le 20 du mois, a lieu un reflux. Les banques et les
comptables publics versent quotidiennement à la Banque de France les billets qu’ils ont reçus à leur caisse, ces
versements sont plus importants au cours de cette décade.
L’amplitude des variations mensuelles est accrue par les facteurs saisonniers. La circulation augmente au
moment des départs en vacances et à l’occasion des achats de fin d’année. Elle se contracte au mois de janvier et
lors des principales échéances fiscales.
Ces fluctuations ne sont pas tout à fait identiques d’une année à l’autre. Elles peuvent être prévues avec
suffisamment d’exactitude sur une brève période de temps. Il est en revanche difficile d’évaluer de façon précise
l’évolution probable, sur moyenne ou longue période, de la circulation fiduciaire. En effet, l’évolution
économique générale, de même que les changements d’habitudes en matière de moyens de paiements, peuvent
avoir sur celle-ci un impact non négligeable. Par ailleurs, les flux de monnaie fiduciaire varient
géographiquement. Dans certaines régions, les entrées de billets à la Banque excèdent les sorties alors que dans
d’autres le processus est complètement inversé. La Banque de France doit donc tenir compte de ces disparités
pour ses prévisions et l’approvisionnement de ses succursales.
Source : Banque de France.
•
Les opérations avec les administrations publiques (dont le Trésor public) et les agents
financiers transitent par les comptes des administrations publiques et des EC à la BC. Pour le
Trésor, la plupart des dépenses de l’État : paie des fonctionnaires ayant un compte dans une
banque, remboursement d’emprunts, paiement de coupons sur titres d’État, se traduisent par
une diminution des dépôts des administrations (Trésor) à la BC et par une injection de
liquidité bancaire dans le système bancaire. A l’inverse, les montants venant accroître les
dépôts auprès de la BC : recouvrement d’impôts, émission de titres de la dette publique,
restreignent d’autant la liquidité bancaire.
•
Les réserves en or et les opérations en devises étrangères (de façon générale, réserves nettes
de change) figurant à l’actif du bilan de la BC : si les banques enregistrent des entrées de
devises étrangères supérieures aux sorties, la cession de l'excédent à la banque centrale accroît
la liquidité bancaire. A l'inverse, leurs achats de devises étrangères auprès de la banque
centrale correspondent à une diminution de la liquidité bancaire.
•
Les autres facteurs du bilan de la BC contribuent aussi aux fluctuations de la liquidité
bancaire. La composante la plus instable concerne l’encours des actifs en cours de
recouvrement.
Réserves
Les réserves (« avoirs des EC en compte courant ») sont composées des réserves
obligatoires et des réserves excédentaires. Les réserves obligatoires sont un instrument
permettant à la BC d'accroître les fuites en monnaie centrale des établissements de crédit. Ces
derniers doivent maintenir des dépôts en monnaie banque centrale sur des comptes ouverts
dans les livres de la BC (les encaisses en billets et monnaies détenues par les établissements
sont prises en compte). Ces dépôts sont rémunérés depuis septembre 1998. Ils constituent un
facteur de pression sur la liquidité bancaire s'ajoutant aux autres facteurs. Ce système permet
d'établir un lien relativement stable entre l'activité des EC et leur besoin de refinancement en
monnaie centrale. En effet, plus les banques distribuent de crédits et créent de dépôts, plus, du
fait du système des réserves obligatoires, elles doivent immobiliser de la monnaie banque
centrale sur leur compte à la BC. Elles facilitent la politique d'intervention de la BC. Les
autres facteurs de la liquidité bancaire sont plus erratiques et difficilement prévisibles. La
liquidité des banques peut varier très fortement selon les périodes. Avec le système des
réserves, on introduit un facteur de la liquidité bancaire dont l'importance et les variations
sont davantage prévisibles. La BC peut ainsi prévoir avec une approximation raisonnable la
demande de monnaie centrale au titre des réserves obligatoires.
7.2.2. Base monétaire et multiplicateur monétaire
Pour comprendre le mécanisme du multiplicateur monétaire, il convient de présenter les
concepts de base monétaire et d’expliquer le mécanisme de l’expansion monétaire.
Base monétaire et ses contreparties
La base monétaire est la monnaie émise par la banque centrale. Elle se compose de la
somme des billets en circulation et de la monnaie centrale, c’est-à-dire des avoirs détenus par
les titulaires de comptes, principalement les établissements de crédit, sur les livres de l’Institut
d’Emission. En ce qui concerne les comptes courants des EC, il est possible de décomposer ce
compte en 2 composantes : le montant des réserves obligatoires (RO) et le montant des
réserves excédentaires (RE) (ou en excès ou libres). La monnaie banque centrale apparaît au
passif du bilan de la BC. A l'actif de ce bilan sont représentées les sources de la création de la
base monétaire, c'est-à-dire les contreparties de la base.
Selon les institutions financières monétaires considérées, il est possible d’aboutir à des
définitions différentes de la base monétaire : base monétaire étroite ou base monétaire large.
Encadré 7.3
La base monétaire étroite et la base monétaire large
Dans les débats théoriques, il existe plusieurs concepts de base monétaire, la base monétaire étroite et la base
monétaire large. La base monétaire étroite comprend les billets détenus par les EC et le public auprès de la BC
ainsi que les avoirs des établissements de crédit à la BC (les réserves) et les dépôts à vue du public à la BC. La
base monétaire large comprend la base monétaire étroite plus de nouvelles composantes qui sont : les pièces
détenues par les EC et le public auprès du Trésor, les avoirs des EC à la Poste, et les dépôts à vue du public
auprès du Trésor, des caisses d’épargne et de la Poste.
Mécanisme de l’expansion monétaire
Pour comprendre le principe de multiplicateur monétaire, nous allons prendre deux
exemples où nous faisons intervenir les fuites monétaires hors du circuit bancaire créant ainsi
un besoin de monnaie centrale. Dans le premier exemple, la présentation se fait sous forme de
bilans tandis que dans le second, elle s’effectue dans un tableau synthétisant le processus
d’expansion monétaire.
Exemple 1 : La BC oblige la banque à détenir 20% du montant de ses dépôts à vue (DAV)
sous forme de réserves obligatoires.
Bilan de la banque
Actif
Passif
Crédit :
+80
Compte BC :
+20
DAV :
+100
On suppose que la liquidité bancaire augmente en raison d'une entrée de devises étrangères
pour un montant de 20. Après avoir crédité le compte de son client, la banque cède ces
devises à la BC. Le compte de la banque à la BC est automatiquement crédité en monnaie
centrale.
Bilan de la banque
Actif
Crédit :
Passif
+80
DAV :
+100
Compte BC : +20
+20
+20
La banque doit conserver en monnaie centrale 20% des dépôts à vue (120 × 0.2 = 24). Un
excédent de monnaie centrale apparaît égal à 16 (=40-24). L’établissement peut donc accroître
les crédits pour un montant de 16 qui va engendrer des dépôts pour 16.
Bilan de la banque
Actif
Crédit :
Passif
+80
+16
Compte BC : + 40
DAV :
+120
+16
La banque dispose toujours d'un excédent de monnaie centrale pour un montant de 12,8 soit
40-27,2. En effet, elle détient 40 en compte à la BC alors que le mécanisme des RO l’oblige
uniquement à détenir 20% de 136 (DAV) ce qui représente 27,2. Elle n’a pas intérêt à détenir
des réserves en excés.
A la fin du processus, la banque distribue des crédits jusqu'à ce que le montant de monnaie
centrale (40) corresponde à 20% de leur DAV, soit 200.
Bilan de la banque
Actif
Crédit :
Passif
+160
Compte BC
DAV :
+ 200
+40
On constate par conséquent qu'un excédent de monnaie centrale de 20 a permis une
distribution supplémentaire de crédit de 80 et une création monétaire de 100.
Exemple 2 : La banque dispose ex ante de réserves excédentaires (RE) pour un montant de
100 auprès de la BC. Cette dotation en monnaie centrale peut lui permettre de développer ses
crédits, s’il y a une demande de la part de la clientèle. Elle décide par conséquent d’accorder
des crédits pour un montant de 100. L’ANF règle systématiquement une proportion b=20% de
leurs dépenses sous forme de billets. La banque respecte un taux de RO r=10% auprès de la
BC, calculé sur la base des dépôts de leur client. La banque va accorder des crédits
supplémentaires jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de RE. Le mécanisme entraîne donc des vagues
successives de fuites et de nouveaux crédits.
Vagues
RE
Crédits
Demande de
Retour de
(1)
Nouveaux
billets
Dépôts
(2)=(1)
(3)=0,2×(2)
(4)=(2)-(3)
RO
Total fuites
(5)=0,1×(4) (6)=(3)+(5)
1ère
100
100
20
80
8
28
2ème
72
72
14,4
57,6
5,8
20,2
3ème
51,8
51,8
10,4
41,4
4,1
14,5
4ème
37,3
37,3
7,5
29,8
2,9
10,4
5ème
26,9
26,9
5,4
21,5
2,2
7,6
0
357
71,4
285,6
28,6
100
…..
Total
A chaque vague successive de crédit, 28% de la monnaie créée fuit hors du circuit des EC.
Les fuites sont de 20% (b) en billets et 8% (r(1-b)) en RO, soit 10% (r) des 80% (1-b) des
retours de dépôts. A chaque vague, les RE représentent 72% (1-b-r(1-b)) de celles de la
période précédente. Le total des crédits accordés et donc de la monnaie créée (M) (357) est un
multiple des RE initiales (100). Ce total s’obtient en effectuant la somme des vagues
successives de crédits :
∑ ∆M = ∑ ∆C = 100 + 72 + 51,8 + .... = 100 + (0,72 × 100) + (0,72 × (0,72 × 100) + ....
= 100 + 0,72 × 100 + (0,72) 2 × 100 + (0,72) 3 × 100 + ...
C’est la somme des termes d’une suite géométrique de premier terme 100 de raison 0,72 et
qui comporte n termes (n → +∞ ) :
1
1
∑ ∆M =∑ ∆C = 100 × 1 − 0,72 = 100 × 0,28 = 100 × 3,57 = 357
La création de monnaie ex post est donc de 357 dont 285,6 sous forme de dépôts et 71,4 sous
forme de billets.
En généralisant cet exemple, on obtient :
∑ ∆M =∑ ∆C = RE + (1 − b − r × (1 − b)) × RE + (1 − b − r × (1 − b))
2
× RE +....
1
∑ ∆M =∑ ∆C = RE × b + r × (1 − b) = RE × k
Où k représente le multiplicateur monétaire. Il dépend des coefficients caractéristiques b et r.
Ainsi, la création de monnaie augmente lorsque les habitudes de paiement en monnaie
fiduciaire diminuent et lorsque la BC réduit le taux des réserves obligatoires et inversement.
Relation entre la masse monétaire et la base monétaire
Compte tenu de l’exemple précédant, il est possible d’établir au niveau macroéconomique
une relation entre la masse monétaire et la base monétaire en termes de stock (et non plus de
variations) qui s’appelle le multiplicateur.
Encadré 7.4
Le multiplicateur, le diviseur et les coefficients caractéristiques
On suppose que la masse monétaire (M) est composée de billets (B) et de dépôts à vue (DAV). Les billets
représentent une proportion b de la masse monétaire. Le montant des réserves des banques à la BC est une
proportion r des dépôts reçus.
M = B+DAV
B = b×M et DAV = (1-b) × M.
R = r×DAV → R = r×(1-b)×M
La base monétaire comprend les billets et les réserves :
H = B+R
En remplaçant B et R par les expressions ci-dessus :
H = b×M + r×(1-b)×M
On peut réécrire cette équation :
H = [b+r×(1-b)]×M
Si on pose d = [b+r×(1-b)] alors :
H=d×M
1
ou M=
×H
b + r × (1 − b)
1
Si on pose k =
alors M = k× H
b + r × (1 − b)
d représente le diviseur et k le multiplicateur monétaire. Il existe par conséquent au niveau macroéconomique
une relation entre la masse monétaire et la base monétaire qui dépend des coefficients caractéristiques du
multiplicateur ou du diviseur.
Multiplicateur et Diviseur
Le sens de la relation entre la base et la masse monétaires a par conséquent fait l’objet de
deux formulations. La première postule que le lien de causalité va de la base monétaire (H)
vers la masse monétaire (M) : c’est l’approche du multiplicateur. La seconde, au contraire,
envisage que le lien de causalité va de la masse monétaire (M) vers la base monétaire (H) :
c’est l’approche du diviseur.
Quand les réserves excédentaires préalables préexistent à la distribution du crédit, il s’agit du
mécanisme du multiplicateur. La base monétaire représente la matière première à partir de
laquelle est créée la monnaie. Selon ce principe, chaque fois que la liquidité bancaire
augmente, les banques détiennent un excédent de monnaie centrale, encore appelé réserves
libres ou excédentaires (avoirs en compte des banques à la BC supérieurs aux besoins liés à la
réglementation des RO), qui leur permet de distribuer des crédits (et donc de créer de la
monnaie), en fonction de la demande, pour un montant multiple de l'excédent de monnaie
centrale. Dans cette optique, la BC garde une maîtrise de la création monétaire en contrôlant
strictement la base monétaire. Elle prend l'initiative d'injecter les liquidités en monnaie
centrale nécessaires pour permettre le développement du crédit et donc de la monnaie. Elle
module aussi le coefficient et l’assiette des réserves obligatoires. Ce cas de figure caractérise
essentiellement les économies des marchés des capitaux comme, par exemple, l’économie
américaine.
Quand les réserves sont collectées suite à la distribution de crédit, il s’agit de l’approche du
diviseur4. Dans cette optique, les banques disposant d’actifs mobilisables ex ante, n’hésitent
pas à satisfaire les demandes de crédits supplémentaires. Cependant, les crédits accordés
4J.
Le Bourva (1962), « Création monétaire et multiplicateur de crédit », Revue économique, n°13.
entraînent un accroissement des dépôts et simultanément, des prélèvements de billets, par
conséquent une diminution des avoirs en monnaie centrale. Dans ces conditions, les banques
sont obligées de se fournir en monnaie centrale en mobilisant les actifs ex post auprès de la
BC. Le sens de la causalité est donc inversé, il va de la masse vers la base. La capacité de
création monétaire est déterminée essentiellement par le montant des actifs mobilisables et
non par le volume de liquidités immédiatement disponibles. Ce mécanisme caractérise
essentiellement les économies d’endettement5.
Structurellement, le système bancaire se rattache à l’une des deux approches développées
mais conjoncturellement, il peut s’approcher de l’un ou de l’autre des deux systèmes. Ainsi,
les deux mécanismes peuvent co-exister. Les banques conservent parfois volontairement des
réserves excédentaires auprès de la banque centrale ou peuvent avoir des actifs mobilisables
dans leur bilan.
L'approche mécanique du multiplicateur (ou du diviseur) constitue un point de repère
important pour l'analyse de l'offre de monnaie dans la théorie économique. Le grand débat sur
l'offre de monnaie porte essentiellement sur l'exogénéïté ou l'endogénéïté de cette dernière. La
conception d'une offre de monnaie exogène signifie qu’elle est indépendante de la demande
de monnaie et contrôlable par les autorités monétaires. Ce sont généralement les auteurs
classiques et néo-classiques, qui avaient une vision "quantitativiste" du rôle de la monnaie, et
également Keynes dans la théorie générale, qui partagent cette conception. En revanche, les
post-keynésiens considèrent l'offre de monnaie comme endogène6. La théorie de l'offre de
monnaie prend dès lors de l'ampleur. Les choix de portefeuille du public et des institutions
financières deviennent alors un facteur déterminant pour expliquer le mécanisme de l'offre de
monnaie. Cette dernière dépend désormais du taux d'intérêt. Dans les recherches récentes, les
institutions financières créant de la monnaie s'analysent comme des firmes bancaires qui
cherchent à maximiser leur profit.
Encadré 7.5
Création monétaire, multiplicateur et internationalisation des bases monétaires
Les mécanismes expliqués dans ce chapitre s'intègrent bien dans une économie peu ouverte sur l'extérieur. De
nos jours, il y a une forte mobilité internationale des capitaux et une intermédiation des flux de capitaux par les
banques centrales. Dès lors, « le multiplicateur monétaire n’a plus de sens au niveau national ou régional, mais
seulement au niveau mondial ». Auparavant, dans le cas d’une faible mobilité internationale des capitaux, un
5Cf.
6Se
chapitre 10, section 10.1.2.
référer au chapitre 2.
pays en excédent d’épargne (ex ante) rééquilibrait son économie en diminuant ses taux d’intérêt, ce qui entraînait
une augmentation de l’investissement. Aujourd’hui, les pays en excédent d’épargne ex ante comme les pays
émergents d’Asie et les pays exportateurs de matières premières, exportent cet excédent par l’intermédiaire des
banques centrales. En effet, ces dernières intermédient largement le placement de ce supplément d’épargne en
accumulant des réserves de change (actifs étrangers), ce qui explique la création de base monétaire. Elles
achètent principalement des obligations en dollars, en euros et en livre sterling concourant ainsi à empêcher une
appréciation excessive de leurs devises. Elles « créent de la monnaie banque centrale pour financer l'achat
d'actifs étrangers ». Ainsi, le mécanisme : dépôts bancaires et/ou achats de titres par les banques centrales des
pays à excédent d’épargne se traduit par une augmentation de la liquidité bancaire des pays de l’OCDE, comme
si ces pays appliqués une politique monétaire expansionniste. En effet, les achats de titres par les banques
centrales des pays à excédent correspondent à des ventes par les détenteurs d’obligations domestiques, ce qui
entraîne une augmentation de liquidité dans les pays développés. Les banques reçoivent des flux de capitaux à
court terme des non résidents, ce qui accroît leur liquidité et les poussent à offrir davantage de crédits.
En conclusion, « le fait que les flux internationaux de capitaux deviennent de grande taille peut transporter la
base monétaire d’un pays à l’autre ». Dés lors, les banques centrales contrôlent le coût de la base monétaire
(taux d’intérêt directeurs de court terme) mais pas la quantité de cette base. Ainsi les politiques monétaires
restrictives menées aux E-U, dans la zone euro et au Royaume-Uni n’ont pas tous les effets escomptés. On
observe bien une diminution de la base monétaire à partir de 2003 mais pas du montant des crédits.
Source: Flash économie, « Le multiplicateur monétaire (de crédits) : hier et aujourd'hui », Natixis, 23 février
2007.
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