Rev.
sci.
tech.
Off. int.
Epiz.,
1988, 7 (1),
81-89.
France (Nouvelle-Calédonie)
*
Considérations générales liées
à la
contamination
par
des
radioéléments
des
animaux
et des
produits animaux
destinés
à
l'alimentation humaine
:
propositions pour
une méthode simple
de
détection
de
l'irradiation
et
de l'évolution
de la
dose intégrée
(cas des
produits
de
fission)
Résumé
:
L'auteur indique
de
quelles manières
le
lait,
la
viande
et les
autres
aliments peuvent être contaminés
par des
produits
de
fission nucléaire
(en
particulier
les
radio-isotopes
de
l'iode,
du
strontium
et du
césium),
et
souligne
les difficultés
du
contrôle radiologique dans les pays
les
moins développés.
MOTS-CLÉS
:
Contamination
de
l'environnement
-
Inspection des aliments
-
Radioactivité
-
Radio-isotopes.
INTRODUCTION
Comme
on
croyait initialement que les produits radioactifs étaient introduits dans
l'organisme
en
priorité
par
voie respiratoire
ou par
absorption d'eau,
des
concentrations maximales admissibles (CMA)
ont
tout d'abord
été
fixées pour l'air
et pour l'eau.
Cependant,
à la
suite des essais nucléaires
ou
des accidents de centrales nucléaires,
il
est
apparu
que les
composants principaux
des
retombées étaient constitués
par un
mélange
de
produits
de
fission
(PF) qui pénétraient dans le corps presque exclusivement
par
l'alimentation
(Sr-90
et
Cs-137,
par
exemple).
Ainsi,
aux
alentours
des
installations nucléaires,
le
facteur préoccupant n'est
pas
la teneur
en
iode-131 dans l'air ambiant mais,
par
suite
du
dépôt rapide
du
1-131
sur
la végétation,
la
contamination humaine par les légumes
et
secondairement par le lait.
De même, quand
les
eaux
d'un
fleuve sont utilisées pour refroidir
des
réacteurs
nucléaires,
le
risque provient plus
des
poissons
de ce
neuve
que de
l'eau elle-même.
Par
sa
faculté
de
concentrer certains radioéléments, tels
que
P-32, Fe-59
et
Sr-90
par exemple pour les poissons
et
crustacés, l'être vivant va jouer
ici un
rôle essentiel.
Il conviendra donc
de
porter
une
attention toute particulière
à l'ingestion des
produits de fission
:
a)
en
effectuant
des
enquêtes alimentaires préalables pour connaître les habitudes
alimentaires
des
populations
et
leurs consommations moyennes
en
divers produits
considérés comme «sensibles»
;
* Service vétérinaire
et du
contrôle
de la
qualité
des
produits agro-alimentaires, Direction
du
développement
de
l'économie rurale,
B.P. 11,
Nouméa, Nouvelle-Calédonie.
82
b)
en déterminant la contamination moyenne de ces différents produits après un
incident nucléaire ;
c)
en proposant une méthode simple pour tenter de détecter le plust possible
l'incident nucléaire et d'évaluer ses effets sur les animaux et les produits animaux
soumis à l'irradiation ;
d)
en évaluant par une méthode «standard» la dose intégrée à la suite de l'ingestion
des produits de fission.
Les aliments et l'absorption des radioéléments
En premier lieu, et compte tenu des conditions dans lesquelles s'effectue la
contamination, c'est le lait qui revêt le plus d'importance pour l'absorption des
principaux radioéléments, en particulier ceux possédant une période brève
(1-131,
Ba-140 et Sr-89).
L'importance du lait tient aussi au fait qu'il constitue l'aliment unique des enfants
en bas âge qui en ingèrent tous les jours une très grande quantité par rapport au poids
de leur corps.
La viande, ensuite, a une grande importance pour l'absorption quotidienne de
césium dont la physiologie est très proche de celle du potassium.
Relativement, les œufs et les poissons n'ont qu'une importance minime.
Cependant, dans certains pays où les œufs entrent plus fréquemment dans
l'alimentation de l'homme, leur rôle ne doit pas être négligé.
Habitudes alimentaires
Le particularisme alimentaire de certaines populations doit nous obliger à
reconsidérer une approche traditionnelle de type européen, d'où des difficultés pour
établir des recommandations internationales.
Ainsi, au Japon, la population urbaine consomme des quantités excessivement
élevées de poissons ou d'autres produits de la mer. Dans ce cas, le Sr-90 peut être
considéré comme un radioélément préoccupant.
Un autre exemple historique est constitué par les Lapons, qui consomment
principalement de la viande de renne. Or, cette viande contient bien plus de Cs-137
(environ 1 110 Bq/kg) que la viande courante de bœuf d'autres pays (5,5 Bq/kg
environ).
La quantité de Cs-137 absorbé dans ce cas peut atteindre 20 fois celle de la moyenne
des populations.
Matières fissiles
Les matières fissiles (uranium, plutonium, etc.) ainsi que les radioéléments induits
(tels que Zn-65, Co-60, Fe-56) sont de faible importance pour l'organisme des animaux
terrestres, les premiers étant même assez faiblement absorbés par le tractus gastro-
intestinal.
Nous verrons, par contre, que les seconds jouent un grand rôle pour les animaux
aquatiques.
83
Une attention toute particulière doit être portée au C-14 pour lequel on peut
s'attendre à un accroissement dans les aliments et dans le corps humain à la suite
des accidents nucléaires.
LE LAIT
Les radioéléments les plus importants pour ce produit sont le 1-131, le Sr-90, le
Sr-89,
le Cs-137, le Ba-140 et le Te-132. A côté du P-40 en petite quantité, d'autres
radioéléments absorbés par les vaches sont mal métabolisés et ne se retrouvent qu'en
faible quantité dans le lait.
Immédiatement après un accident, c'est le 1-131 qui, dans des conditions
d'alimentation normale, est véhiculé en quantité importante dans l'organisme humain
par le lait frais.
Le Te-132, le 1-131 et le Ba-140 possédant des périodes très courtes, ou le Sr-89
avec une période de 50,5 jours, ne jouent qu'un rôle mineur alors que plus tard le
Cs-137 et le Sr-90 devront être pris en considération.
L'absorption chez les herbivores
Pour les herbivores, l'incorporation du 1-131 se fait en priorité par ingestion de
fourrages contaminés, secondairement par l'air respiré ou l'eau de boisson.
Le stockage des fourrages entraîne naturellement l'élimination des radionucléides
à demi-vie courte (60 jours pour une élimination presque totale du
1-131).
Le lavage
diminue les contaminations de surface par le Sr-90 et le Cs-137.
Les brebis placées sur pâturage maigre vont brouter la tige et la base des plantes
alors que les vaches ne mangeront que les feuilles : le lait provenant des premières
risque d'être plus riche en 1-133 et en Sr-90 que celui des secondes.
Dans le cas d'une dose administrée d'une façon permanente (administration de 1-131
pendant 7 jours), on retrouve 50 à 80 % de l'absorption journalière dans la thyroïde.
La résorption de l'iode débute dans la panse. Elle a lieu très rapidement et très
complètement dans le tube
digestif.
Une corrélation entre la quantité de pluie et la teneur en Sr-90 du lait a également
été constatée. La poussière contribue à la contamination directe des plantes.
Le Sr-90 et le Sr-89 sont absorbés en quantités plus faibles et seule une petite
fraction se retrouve dans le lait. Une autre petite fraction se dépose dans les muscles,
la plus grande partie se fixant sur les os (partie minérale) où elle subsiste de nombreuses
années.
Le strontium se comporte en fait comme le calcium avec une certaine discrimination
en faveur de ce dernier. Ainsi, en augmentant la teneur en Ca du fourrage, on peut
diminuer la quantité de strontium absorbée par le tube digestif et donc sécrétée dans
le lait.
La vache n'absorbe que 5 % du Ba-140 ingéré, ce dernier se fixant sur le squelette
comme le strontium et le calcium. Son importance est relativement faible.
84
Le Cs-137 est bien absorbé par le tractus gastro-intestinal et se fixe plutôt dans
les muscles et autres tissus mous. Sa période biologique chez l'homme est de 100 à
140 jours, chez la vache 20 jours et la chèvre 2 à 3 jours seulement.
Le métabolisme du Cs-137 est proche de celui du potassium bien qu'il ne soit pas
dominé par ce dernier comme dans le cas du rapport calcium/strontium.
Modes de contamination
La sécrétion dans le lait des radioéléments considérés est liée au mode de
contamination qui peut intervenir soit en dose unique (accident d'un réacteur) soit
en dose permanente.
En dose unique, on retrouve 10 % au maximum de la dose de 1-131 dans la thyroïde
environ
3
à
5
jours après l'administration. Dans les 7 jours, 50 % environ sont sécrétés
dans les urines et 20 % dans les fèces.
Dans le cas d'une administration prolongée, la quantité de 1-131 dans le lait, l'urine,
les fèces et la thyroïde augmente rapidement mais plafonne après 5 à 10 jours.
En fait, la concentration de 1-131 est très variable dans le lait. Tout de suite après
l'accident, la concentration est généralement très forte, surtout dans les environs
immédiats de la centrale. Cette concentration décroît par contre relativement vite
(période biologique courte).
Après l'accident de Windscale, on a pu mesurer dans un même troupeau un
minimum de 1 036 Bq/litre et un maximum de 4 181 Bq/litre.
Ces variations rendent difficilement expliquables les corrélations entre l'activité
gamma du sol et la concentration en 1-131 dans le lait.
Ces corrélations changent, de plus, dans le temps. En Europe, on a pu observer
des valeurs allant de 3,7 à 22,2 Bq/litre dues à des retombées. Ces chiffres sont au-
dessus de la «moyenne» : 3,7 Bq/litre peut être considéré comme une valeur minimale
!
Il faut noter que le taux d'excrétion dans le lait du césium radioactif est environ
10 fois celui du strontium. Ce dernier est sécrété, par contre, beaucoup plus longtemps
(période biologique plus longue).
Les valeurs maximales peuvent être établies à 18,5 Bq/litre pour le Sr-89 et à
2,8 Bq/litre pour le Sr-90.
Aux Etats-Unis, la teneur du lait en Cs-137 était en général 2 à 10 fois supérieure
à la teneur en Sr-90. On peut donner comme valeur moyenne 1,85 Bq/litre.
En conclusion : les pourcentages d'absorption quotidienne d'une dose permanente
par litre de lait sont assez constants pour le Sr et le Cs radioactifs. On constate par
contre de grandes variations pour le 1-131 dont il faudra tenir compte dans certaines
circonstances (par exemple, accident de réacteur).
LA VIANDE
Les radioéléments importants pour les aliments d'origine animale se déposent de
préférence dans la thyroïde (1-131), les os (Sr-90, Sr-89, Ba-140) et la viande des
animaux (Cs-137).
85
Dans la viande, le césium reste donc le plus préoccupant pour l'homme, bien qu'un
certain pourcentage de 1-131 et de strontium radioactif puisse aussi s'y retrouver.
Dans la mesure où on utilise de la poudre d'os ou de viande pour l'alimentation
du bétail, la teneur en Sr-90 mérite d'être prise en compte.
Absorption
Les animaux exposés juste avant l'abattage à des retombées radioactives devraient
pouvoir être consommés sans risque. Par contre, la peau, le tractus gastro-intestinal
et l'appareil respiratoire doivent être saisis et détruits.
La vitesse d'absorption des aérosols de 1-131 est surprenante : 10 minutes après
leur absorption, la contamination des organes est notable. Cependant, bien que moins
rapide, l'absorption de 1-131 par le tube digestif est en général plus importante.
Modes de contamination
Comme pour le lait, l'absorption varie selon qu'il
s'agit
d'une dose unique ou
d'une dose plus étalée dans le temps.
Le Cs-137 a une période radioactive longue (11 000 jours) mais sa période
biologique étant courte, il en résulte une période effective également courte (140 jours
pour l'homme, 20 jours pour la vache et 2 jours pour la chèvre).
La dose «permanente» entraîne la forme la plus notable d'absorption de ce
radioélément, étant donné la durée de la période radioactive.
Bien que le facteur de discrimination utilisé pour le couple césium-potassium soit
moins net que celui que l'on rencontre entre le strontium et le calcium, le métabolisme
du césium n'est pas exactement semblable à celui du potassium.
En élevant la teneur en potassium du fourrage, il est possible d'augmenter
sensiblement l'excrétion de potassium et de césium
radioactif.
Cette observation est
importante pour la décontamination.
5,92 Bq/kg peut être considérée comme une valeur maximum de Cs-137 pour la
viande.
En conclusion, nous pouvons considérer que l'absorption quotidienne de
radioéléments dangereux pour la santé de l'homme provient de la viande : 20 % du
Cs-137,
3 % du Sr-90.
La viande et les produits dérivés viennent donc immédiatement après le lait et
les plantes dans le risque de contamination de l'homme.
Pour l'absorption par les bovins, la teneur en Cs-137 du fourrage est préoccupante.
Par contre, pour le porc, il conviendrait d'étudier les pommes de terre, les céréales,
les farines de viande, etc.
AUTRES ALIMENTS D'ORIGINE ANIMALE
Oeufs
A côté du lait, les œufs frais constituent une source de contamination
préoccupante. Ils apportent non seulement des radioéléments à période longue
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