les hommes que les femmes (61 vs 56 %) et leur fréquence
augmente chez les patients âgés. Chez les hommes,
l’agitation concerne plus fréquemment la tranche d’âge
des 25-35 ans alors que pour les femmes la répartition est
bimodale (25-35 ans et 75 ans et plus). Elle serait plus
fréquente la nuit et le week-end. La part des étiologies
psychiatriques décroît avec l’âge.
Clinique.
Nous proposons une clinique descriptive des états
d’agitation. Pour un premier repérage, il est habituel de
distinguer les états d’agitation cohérents dits réaction-
nels, symptômes d’une crise, et les états d’agitation
incohérents, symptômes d’une affection médicale ou
psychiatrique sous-jacente (5).
La rencontre avec les soins peut se faire de plusieurs
manières. L’agitation est parfois manifeste et peut
constituer un trouble à l’ordre public. Dans ce cas, ce sont
souvent les forces de l’ordre qui sont mobilisées en
première ligne. Parfois, c’est l’entourage qui accompa-
gne le patient. Sa demande qui peut sembler en décalage
avec la situation clinique est toujours à prendre en
compte. En effet, il occupe une place d’observateur
privilégié du patient et participe fréquemment à
l’acceptation ultérieure des soins.
Dans le cadre des agitations cohérentes, l’agressivité
est souvent au premier plan, caractérisée par des actes
de violence dirigée sur soi, sur les objets ou sur les
personnes. Une hyper vigilance inquiète peut s’observer.
Les gestes sont brusques, les réactions posturales
exagérées. La colère, l’angoisse, la frustration peuvent
dépasser les capacités de contrôle du sujet. L’impulsivité,
une mauvaise régulation émotionnelle, une faible
anticipation de la conséquence de ses actes sont
retrouvées comme facteurs favorisants (6,7). La
dimension relationnelle est manifeste. L’entourage peut
accentuer un vécu de colère ou de frustration ou favoriser
une théâtralisation des troubles.
Dans les états d’agitations incohérents, des conduites
de déambulation sont parfois observées. De brusques
variations de l’activité motrice non inscrites dans une
dimension relationnelle et qui surprennent par leur
bizarrerie, peuvent occuper le devant de la scène. Sur le
plan psychique, l’angoisse est souvent majeure. Elle
peut accompagner un vécu onirique et menaçant
contemporain d’une désorientation temporo-spatiale
et d’une hypovigilance dans les états confusionnels.
Elle est toujours présente quand le délire, qui vient
perturber la relation habituelle au monde du sujet,
provoque dans un vécu catastrophique ou sous l’influence
d’une commande hallucinatoire, un passage à l’acte
surprenant par son imprévisibilité, comme on l’observe
dans les moments aigus des schizophrénies. Elle est
souvent massive dans les états dépressifs sévères lorsque
la culpabilité s’associant à la certitude d’être inaccessible
à toute intervention thérapeutique vient entraîner
une opposition butée aux soins. Elle est parfois moins
repérable dans les états maniaques, masquée par la
familiarité et l’hypersyntonie qui peuvent cependant
rapidement évoluer vers l’agressivité, la colère, voire la
classique mais néanmoins rare fureur maniaque. La
dimension relationnelle est plus ou moins conservée.
Parfois l’entourage permet de maintenir un lien ténu
avec un sujet délirant.
Les complications évolutives des états d’agitation
peuvent être liées à l’agitation elle-même avec un risque
de passage à l’acte auto ou hétéro-agressif. Elles sont
également liées au processus étiologique sous jacent
qui doit être pris en charge de façon spécifique.
Diagnostic.
Faire le diagnostic d’un état d’agitation nécessite une
démarche médicale rigoureuse. Trois situations cliniques
sont habituellement différenciées (8).
Les troubles liés au sevrage ou à l’abus de substances
psychoactives sont fréquents. L’alcool, le cannabis sont
souvent évoqués. L’abus de cocaïne peut s’accompagner
d’une grande instabilité thymique, d’attaques de
panique, voire de délire paranoïde. Les opiacées ayant
une action habituellement sédative provoquent plutôt
des états d’agitation en cas de manque. L’interruption
ou l’abus d’un traitement médicamenteux ne doit pas
être négligé. Enfin, l’anamnèse et l’examen clinique
peuvent orienter vers des causes plus inhabituelles :
intoxication au monoxyde de carbone, prise récréative
de datura ou de psilocybine.
Les états d’agitation peuvent être secondaires à une
affection médicale qu’il faudra rechercher puisque le
traitement spécifique apaise l’agitation. Il peut s’agir de
troubles métaboliques (hypoglycémie, troubles ioniques,
hyperthyroïdie, hypercorticisme, hypo ou hypercapnie),
neuroméningés (épilepsie, hématome sous-dural,
hypertension intracrânienne, tumeur cérébrale),
infectieux (septicémie, neuropaludisme, encéphalite).
Parmi les causes psychiatriques, on considère que
30 % des demandes de soins sont liées à un moment
aigu d’une pathologie psychiatrique alors que pour
70 % des passages aux urgences, le symptôme est
témoin d’une crise sous-jacente (9-11). Les affections
délirantes sont souvent les plus spectaculaires. Les
manifestations d’impulsivité, d’intolérance à la
frustration et d’agressivité fréquentes dans certains
troubles de la personnalité sont, par leurs dimensions
relationnelles, les plus difficiles à gérer par les contre-
attitudes qu’elles suscitent.
Les étiologies peuvent être intriquées. Une douleur
intense, témoin de l’affection sous-jacente, entraîne une
angoisse qui peut être considérée comme insupportable
chez un patient particulièrement intolérant à la frustration
ou chez un patient âgé confus.
Conduite à tenir (Annexe 1).
Buts.
En préambule, nous dirons que la prise en charge de
l’agitation est une urgence avec un risque important
d’aggravation et de désorganisation des soins en cas de
retard thérapeutique. Les buts du traitement sont de
diminuer la dangerosité du patient tant pour lui-même
que pour son entourage, permettre une meilleure
acceptation des soins et faciliter le bilan étiologique.
436 g. thomas