Les nombres transcendants

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Les nombres transcendants
Je me suis intéressé à la théorie des nombres transcendants, qui constitue un domaine de recherche
actuel, et comme je l'ai constaté par l'intermédiaire de mes contacts, il reste de nombreux problèmes
ouverts à ce jour. Pour ma part, j'ai essayé d'assimiler une partie de cette théorie, comprendre certains
résultats fondamentaux, et surtout en saisir les démonstrations. Je me suis rendu compte au fur et à
mesure de mes recherches et de mes échanges avec certains spécialistes qu'il n'existe pas réellement
une théorie des nombres transcendants, au sens où très peu de théorèmes traitent de cas généraux.
C'est pourquoi mon travail a plutôt consisté à expliquer diérents aspects de cette théorie, qui n'ont
pas nécessairement de liens immédiats entre eux.
Table des matières
1 Dénitions et premiers résultats
2
2 Le théorème de Lindemann-Weierstrass et ses conséquences
4
3 Théorème de Gelfond-Schneider
5
A Bibliographie
7
B Contacts
7
C Preuve du théorème de Lindemann-Weierstrass
8
1.1 Dénitions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1.2 La non dénombrabilité des nombres transcendants . . . . . . . . . . . .
1.3 Nombres de Liouville . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2.1 Théorème de Lindemann-Weierstrass . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2.2 Conséquences du théorème de Lindemann-Weierstrass . . . . . . . . . .
3.1 Le théorème de Gelfond-Schneider . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.2 Quelques nombres encore mystérieux . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
D Démonstration du théorème de Gelfond-Schneider
1
2
2
3
4
5
6
6
11
Lambert Victor
TIPE ENS
1 Dénitions et premiers résultats
1.1 Dénitions
Dénition 1 : On dit que α ∈ C est algébrique sur Q s'il existe P ∈ Q[X] tel que P (α) = 0, P 6= 0.
Dénition 2 : Un élément de C qui n'est pas algébrique sur Q est dit transcendant.
On notera Q l'ensemble des nombres algébriques, qui est un sous-corps de C.
Dénition 3 : Pour α nombre algébrique, Pα son polynôme minimal est le polynome unitaire de
plus petit degré tel que P (α) = 0 et P 6= 0.
Dénition 4 : Le degré d'un nombre algébrique est le degré de son polynôme minimal.
Dénition 5 : Les conjugués de α, nombre algébrique, sont les racines de son pôlynome minimal
Les trois dénitions suivantes seront utilisées seulement dans la preuve du théorème de GelfondSchneider.
Dénition 6 : On dit que α est un entier algébrique s'il est algébrique et si son polynôme minimal
est à coecients entiers
Théorème et Denition 7 : Soit α un nombre algébrique. Alors, ∃k ∈ N tel que kα soit un entier
algébrique. Alors, on appelle dénominateur de α, noté den(α) le plus petit entier positif k tel que kα
soit un entier algébrique.
On peut remarquer que pour un rationnel pq , den( pq ) = q .
Dénition 8 : Soit α un nombre algébrique de degré d et soient α1 = α, α2 , ..., αd les conjugués de
α, la maison de α est dénie par :
|α| = max |αi |
i
1.2 La non dénombrabilité des nombres transcendants
On peut montrer par diérents procédés que l'ensemble des nombres algébriques est dénombrable,
l'idée étant que l'on peut dénombrer les éléments de Q[X], qui ont eux-mêmes un nombre ni de
racines.
R étant non dénombrable, on en déduit en procédant par l'absurde que l'ensemble des nombres
réels transcendants est non dénombrable.
On sait alors notamment qu'il en existe, sans toutefois réussir à en exhiber de manière évidente.
Cantor a d'ailleurs montré l'existence des nombres transcendants en réussissant à en exhiber seulement
de manière implicite.
En eet, partant du fait que Q [0; 1] est dénombrable, on peut lister ses éléments en écrivant sur
chaque ligne d'un tableau inni leur développement en base 10 (par exemple) (à noter que si un nombre
admet deux développements diérents comme 0,1 et 0,0999... , chacun occupera une ligne distincte).
Notons aij les élements de ce tableau. Considérons alors b = 0, b1 b2 ...bn ... avec bi 6= aii . Alors b est
transcendant, car si l'on suppose le contraire, il existe k tel que le développement de b soit sur la k-ième
ligne, et donc cela contredit bk 6= akk . On a ainsi expliqué le procédé dit de la diagonale de Cantor.
T
2
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TIPE ENS
1.3 Nombres de Liouville
Le théorème de Liouville permet cette fois-ci de dénir une classe de nombres transcendants et d'en
construire de manière explicite et assez simplement, comme on le verra juste après la démonstration
de ce théorème.
Théorème de Liouville :
Soit α un nombre réel algébrique de degré d > 2 (donc irrationnel).Il existe alors C > 0 tel
que, pour tout rationnel pq , on ait :
α −
p C
> d
q
q
Preuve :
Soit P ∈ Z[X] obtenu après avoir multiplié le polynôme minimal de α par le PPCM de ses coecients.
P (X) = ad X d + ... + a1 X + a0
∀p ∈ Z, ∀q ∈ N∗ ,
P
Ainsi, q d P
p
q
d
p
p
p
= ad
+ ... + a1 + a0
q
q
q
∈ Z∗ , et on en déduit immédiatement :
P p > 1
q qd
Posons M = supx∈[α−1;α+1] |P 0 (x)|. M > 0 car deg P > 1. D'après l'inégalité des accroissements
nis entre α et pq ∈ [α − 1; α + 1] :
P
p
p 6 M − α
q
q
car P (α) = 0
On a alors, ∀ pq ∈ [α − 1; α + 1] , α − pq >
1
d
.
Mq
p
p
1
Et si q 6∈ [α − 1; α + 1], α − q > 1 > qd .
Posant C = min 1, M1 , on a bien
α − p > C , ∀ p ∈ Q
q qd q
.
Une idée importante qui ressort de ce théorème est qu'on approche moins bien les nombres algébriques que les nombres transcendants, par des nombres rationnels. Nous reviendrons sur ce point dans
la dernière partie car cette notion d'approximation par des rationnels tient une grande place dans la
théorie d'approximation diophantienne, qui a elle-même un lien très étroit avec l'univers des nombres
transcendants.
3
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TIPE ENS
Dénition : Un réel α est appelé nombre de Liouville s'il est irrationnel, et si ∀n ∈ N∗ , ∃ pqnn avec
qn > 0, tel que |α − pqnn | < q1n
n
D'après le théorème précédent, tout nombre de Liouville est transcendant.
Considérons par exemple
α=
∞
X
ak
10k!
k=0
où ak ∈ J0, 9K est à support inni. Admettons ici que ce nombre est irrationnel et montrons que ce
nombre est de Liouville. P
ak
n!
∀n ∈ N∗ , avec pn = 10n! k=0 n 10
, on a :
k! et qn = 10
06α−
∞
X
9
1
1
10
1
pn
ak
6
=
1
+
+
+
...
6
6
n
n
k!
(n+1)!
n!
n!
qn
10
10 100
(qn )
10
(10 ) 10
k=n+1
Donc α est un nombre de Liouville, donc transcendant.
Il s'agit d'un des rares critères de transcendance. En eet, il n'existe pas à proprement parler de
théorie des nombres transcendants, mais plutôt quelques techniques permettant d'obtenir des résultats
très partiels. Et cela a constitué une des dicultés majeures de mon TIPE.
2 Le théorème de Lindemann-Weierstrass et ses conséquences
Nous allons voir dans cette partie un théorème très fort d'indépendance algébrique, qui permet
d'en déduire de nombreux nombres transcendants, parmi lesquels e et Π pour les plus connus.
2.1 Théorème de Lindemann-Weierstrass
Théorème de Lindemann-Weierstrass :
Soient α1 , ..., αt , b1 , ..., bt des nombres algébriques avec les αi deux à deux distincts et les bi
non nuls ; alors
b1 eα1 + ... + bt eαt 6= 0
Une démonstration de ce théorème est donnée en annexe. Celle que j'ai décidé de présenter dans
ce dossier est due à F. Beukers, J. P. Bézivin et P. Robba ; ce n'est pas celle que l'on trouve le plus
souvent.
Grâce au développement en série entière de l'exponentielle, on se ramène à un problème concernant
des séries. Puis, la théorie de Galois permet de nous ramener à des hypothèses plus favorables en
considérant des éléments dans Q. Comme dans toutes les preuves que j'ai pu rencontrée, on procède
par l'absurde pour parvenir nalement à une contradiction lorsqu'on obtient une égalité entre deux
fractions dont les pôles ne peuvent avoir mêmes ordres.
4
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TIPE ENS
2.2 Conséquences du théorème de Lindemann-Weierstrass
On peut alors citer quelques théorèmes qui découlent directement du paragraphe précédent, suivi
à chaque fois de quelques exemples de nombres transcendants.
Théorème de Hermite-Lindemann :
Soit α un nombre algébrique non nul. Alors eα est transcendant.
Preuve : Supposons b = eα algébrique alors, d'après le théorème de Lindemann-Weierstrass, eα −b 6=
0, ce qui est absurde.
√
√
On sait alors que e est transcendant, ainsi que e2 , e, e 2 , ... par exemple.
La transcendance de Π provient directement du théorème de Hermite-Lindemann. En eet : Supposons que Π soit algébrique, alors iΠ l'est également, donc eiΠ = −1, est transcendant, ce qui est
absurde. Donc Π est transcendant.
Théorème :
Si x > 0 et x 6= 1 alors l'un au moins des deux nombres x et ln(x) est transcendant.
Preuve :
Si x est algébrique, ln(x) est transcendant, faute de quoi eln(x) = x serait transcendant d'après le
théorème de Hermite-Lindemann. Sinon, x est transcendant.
Exemples : ∀n ∈ N, n > 2, ln(n) est transcendant. (ln 2, ln 3, ...)
Théorème :
Si a 6= 0 est algébrique, sin(a), cos(a)et tan(a) sont transcendants.
Preuve :
Supposons sin(a) algébrique alors d'après le théorème de Lindemann-Weierstrass, comme ia, −ia, 2i1
sont algébriques,
eia − e−ia
− sin(a) 6= 0
2i
ce qui est absurde. On utilise de même la formule d'Euler pour cos(a). Et si tan(a) est algébrique,
1 + tan 2 (a) = cos 12 (a) est algébrique donc cos(a) est algébrique, d'où la contradiction.
Exemples : sin (1) , cos (1) , cos
√ √ 2 , tan 1+2 5 , ...
3 Théorème de Gelfond-Schneider
Nous nous intéresserons tout d'abord un théorème dû à Gelfond et Schneider qui démontre la
transcendance
d'une nouvelle classe de nombres du type αβ qui satisfont certaines hypothèses (eΠ et
√ √2
2 par exemple). Ensuite, nous verrons quelques nombres qui restent mystérieux en ce qui concerne
leur caractère algébrique ou non, mais pour lesquels la théorie des nombres transcendants donnent
malgré tout des résultats intéressants.
5
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TIPE ENS
3.1 Le théorème de Gelfond-Schneider
Théorème :
Soit α ∈ Q ,α 6∈ {0, 1}. Soit β un nombre algébrique irrationnel. Alors, αβ est transcendant.
On utilise ici la détermination principale du logarithme complexe, que l'on dénit sur C∗ par :
Log α = ln |α| + i arg α
Ainsi, ∀α ∈ C∗ et ∀β ∈ C, on a :
αβ = eβ Log α
√
√
2
On peut en déduire immédiatement la transcendance de 2 . De plus, eΠ = e−i Log(−1) = (−1)−i
est transcendant car −1 est algébrique et −i est algébrique irrationnel. Je donne en annexe la démonstration de ce théorème que j'ai étudié et qui utilise une méthode dû à Schneider. Nous aurons tout
d'abord besoin de diérents théorèmes préliminaires qu'il m'a fallu étudier également, comme l'inégalité de la taille, le principe du maximum ou encore un lemme de Siegel pour les systêmes d'équation
linéaire, dont les démonstrations ne seront pas données ici.
3.2 Quelques nombres encore mystérieux
Malgré les diérents théorèmes que nous avons vu jusqu'ici, ceux-ci ne permettent pas de déterminer si certains nombres sont algébriques ou non.
Pour e + Π, e − Π, eΠ, Πe , Πe , ΠΠ , ee ou Πe , on ne sait pas s'ils sont algébriques ou non, d'ailleurs,
on ne sait même pas s'ils sont tous irrationnels.
Cependant, le fait que Q est algébriquement clos fournit des résultats intéressants.
Théorème :
Q est algébriquement clos.
Ce résultat permet d'obtenir le théorème suivant :
Théorème :
Soit a et b deux nombres transcendants, alors l'un au moins des deux nombres ab et a + b est
transcendant
Preuve :
En eet, supposons le contraire, alors P (X) = X 2 −(a + b) X+ab ∈ Q[X]. Or P (X) = (X − a) (X − b)
2
et Q est algébriquement clos, donc (a, b) ∈ Q
Ainsi, bien qu'on ne sache rien sur e + Π et eΠ, on peut être sur que l'un au moins de ses deux
nombres est transcendant.
Conclusion :
J'ai pu, grâce à mes contacts, m'informer et être orienté sur diérents aspects ou théorèmes intéressants relatifs aux nombres transcendants. Je me suis alors rendu compte de l'étendue d'un tel domaine
des mathématiques qui fait encore l'objet de nombreuses recherches. Bien que maitriser la théorie des
nombres transcendants nécessite une grande expérience dans ce domaine, j'ai voulu développer certains
théorèmes abordables qui conduisent à de remarquables résultats de transcendance.
6
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TIPE ENS
A Bibliographie
[1] Daniel Duverney, Théorie des nombres, 2° édition , Dunod, 2007.
[2] Hassan Boualem et Robert Brouzet, La planète R, Voyage au pays des nombres réels, Dunod,
2002.
[3] Michel Waldschmidt, Introduction to Diophantine methods : irrationality and transcendence,
http ://www.math.jussieu.fr/miw/coursHCMUNS2007.html, 2007.
[4] The American Mathematical Monthly, Volume 97, N°3, Mars 1990.
[5] Jean-Paul Delahaye, Le fascinant nombre Π.
[6] Pierre Eymard et Jean-Pierre Lafon, Autour du nombre Π.
[7] Sabah Al Fakir, Algèbre et théorie des nombres, théorie de Galois et codes géométrie et arithmétique, Ellipses.
[8] Nathan Jacobson, Basic algebra 1, second edition.
B Contacts
Michel Waldschmidt : Professeur à l'université Paris 6, membres de nombreuses institutions (European Mathematical Society, American Mathematical Society, ...), ancien président de la société mathématique de France jusqu'en 2004.
Daniel Duverney : Professeur de mathématiques spéciales au Lycée Baggio de Lille.
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C Preuve du théorème de Lindemann-Weierstrass
Théorème de Lindemann-Weierstrass : Soient α1 , ..., αt , b1 , ..., bt des nombres algébriques avec
les αi deux à deux distincts et les bi non nuls ; alors
b1 eα1 + ... + bt eαt 6= 0
Preuve :
Je vais ici commencer par présenter la trame générale de la preuve qui parait assez simple, mais
repose sur un lemme, beaucoup plus technique, que je démontrerais par la suite.
Considérons
∞
b1 eα1 x + ... + bt eαt x =
avec
un =
t
X
X un
xn
n!
n=0
bi αin
i=1
Considérons
vn = n!
n
X
ur
r=0
r!
On montre que :
Lemme (démontré plus loin) :
v(X) =
∞
X
vn X n ∈ Q(X)
n=0
Remarquons que
vn−1
un
vn
−
=
n!
(n − 1)!
n!
Ainsi :
vn − nvn−1 = un
D'où :
∞
X
(vn − nvn−1 )X n =
n=0
∞
X
n=0
un X n =
t
t
∞
t
∞ X
X
X
X
X
bi αin )X n =
bi
(αi X)n =
(
n=0 i=1
i=1
Cela signie que
n=0
i=1
bi
1 − αiX
t
−X 2
X
dV (X)
bi
+ (1 − X)V (X) =
dX
1
−
αiX
i=1
Or, V (X) ∈ Q(X) donc les pôles non nuls du membre de gauche ont un ordre au moins 2 tandis que
les pôles du membres de droite sont d'ordre 1 (les αi étant deux à deux distincts), d'où la contradiction
qui conclut alors cette preuve.
8
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TIPE ENS
Lemme :
v(X) =
∞
X
vn X n ∈ Q(X)
n=0
Soit
t
Y
(X − αi ) = X t − a1 X t−1 − ... − at
i=1
0
Grâce à la théorie de Galois, on montre que l'on peut se ramener à ti=1 bi eαi x avec bi et αi tels que ai et ui
soient rationnels. On peut alors se ramener à un ∈ Z, n ∈ J0, t − 1K et les ai ∈ Q.
On conservera abusivement les notations bi , ai , ui , et αi .
Ainsi ∀i, ∀n ∈ Z, αit+n = a1 αit+n−1 + ... + at αin
et on a alors
P
0
0
0
0
0
un+t = a1 un+t−1 + ... + at un
Soit alors D un dénominateur commun aux ai , i = 1, ..., t, cela implique Dn un ∈ Z, ∀n ∈ N.
Posons A = max(1, |αi |) et c1 = max(|bi |).
Il vient
|un | 6 c1 An , ∀n ∈ N
Considérons
vn = n!
n
X
ur
r=0
qui vérie
Or,
r!
n
∞
∞
∞
X u X u X
Ar
c1 An+1 X (n + 1)!Ar
r
r
|vn | = n! 6
= n! 6 n!c1
r! r! r!
n + 1 r=n+1 r!An+1
r=0
r=n+1
r=n+1
∞
∞
∞
X
X
X
(n + 1)!Ar
Ar
(n + 1)!Ar
=
6
= eA
n+1
r!A
(r
+
n
+
1)!
r!
r=0
r=0
r=n+1
On a donc
|vn | 6 c2
An+1
n+1
en posant c2 = c1 eA
Etant donnée l'équation diérentielle que l'on obtient à la n de la preuve du théorème de Lindemann-Weierstrass
(voir plus bas), on peut s'attendre à ce que v(X) soit du type
v(X) =
P (X)
(1 − a1 X − ... − at X t )k
où P est un polynôme.
Cela rend naturel le fait de s'intéresser alors à
∞
X
vn (k)X n = (1 − a1 X − ... − at X t )k v(X)
n=0
Remarquons que ∀n > t, k > 0, vn (k + 1) = vn (k) − a1 vn−1 (k) − ... − at vn−t (k)
Posant C = 1 + |a1 | + ... + |at |, cela permet de montrer les deux propriétés suivantes par récurrence, valables pour
tout n > kt :
(1) |vn (k)| 6 c2 An C k (2) Dn vn (k) ∈ Z
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TIPE ENS
Démontrons maintenant (3) k! divise Dn vn (k), ∀n > kt.
On a :
vn = un + nun−1 + ... + n(n − 1)...(n − k + 2)un−k+1 + wn
où
wn = n!
n−k
X
r=0
ur
= n!
r!
∞
X
r=n−k+1
ur
r!
Grâce à la première expression donnée de wn , on constate que Dn−k wn ∈ Z et que k! divise Dn−k wn .
Dénissons
∞
w(X) =
X
wn X n
n=0
Il s'ensuit
v(X) − w(X) =
∞
X
(un + nun−1 + ... + n(n − 1)...(n − k + 2)un−k+1 )X n
n=0
Or, ∀r tel que 0 6 r 6 k − 1,
∞
X
n(n − 1)...(n − r + 1)un−r =
t X
∞
X
r!αi−r (nr ) bi αin X n =
i=1 n=r
n=0
t
X
r!bi αi−r
i=1
∞
X
(nr ) (αi X)
n
n=r
Et
∞
X
n
n=r
∞
X
Qn−r−1
(r + 1 + k)
(n − r)!
n=r+1
Q
∞
n−1
X
(r + 1 + k)
= (αi X)r + (αi X)r
(αi X)n k=0
n!
n=1
= (αi X)r
Donc
∞
X
(nr ) (αi X) = (αi X)r +
(αi X)n
k=0
1
(1 − αi X)r+1
n(n − 1)...(n − r + 1)un−r =
n=0
P r(X)
(1 − a1 X − ... − at X t )r+1
avec P r(X) un polynôme de degré strictement inférieur à t(r + 1).
Finalement,
v(X) − w(X) =
P (X)
(1 − a1 X − ... − at X t )k
avec P (X) un polynôme de degré strictement inférieur à tk. Ainsi, posant
∞
X
wn (k)X n = (1 − a1 X − ... − at X t )k w(X)
n=0
on a ∀n > kt, vn (k) = wn (k).
On a vu que par ailleurs k! divise Dn−k wn donc a fortiori k! divise Dn wn (k) = Dn vn (k). On a donc démontré (3).
Il résulte de (1), (2) et (3) que si vn (k) 6= 0 et n > kt,
k! 6 |Dn vn (k)| 6 c2 (AD)n C k
Ainsi, k! > c2 (AD)n C k et n > kt ⇒ vn (k) = 0. Choisissons alors k0 tel que k! > c2 (AD)10kt C k , ∀k > k0 . Alors,
vn (k) = 0∀k > k0 , kt 6 n 6 10kt. Ensuite, pour conclure, un dessin permet de mieux visualiser les diérentes
zones, et utilisant vn (k + 1) = vn (k) − a1 vn−1 (k) − ... − at vn−t (k), on en déduit que vn (k0 ) = 0, ∀n > k0 t, donc
10
∞
X
vn (k0 )X n ∈ Q[X]
n=0
Le lemme est alors démontré.
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D Démonstration du théorème de Gelfond-Schneider
Quelques théorèmes préliminaires, dont les démonstrations ne seront pas donnés ici seront nécessaire
à la preuve du théorème de Gelfond Schneider.
Soient α et β deux nombres algébriques. Alors :
|α + β| 6 |α| + |β|
|αβ| 6 |α||β|
Inégalité de la taille :
Soit α un nombre algébrique non nul, de degré d, alors :
(|α|)−d+1 (denα)−d 6 |α|
On dénit (S) par :
A11 x1 + ... + A1n xn = 0
A21 x1 + ... + A2n xn = 0
Am1 x1 + ... + Amn xn = 0
Lemme de Siegel :
Soit K un corps de nombres de degré d. Soient (Aij ), 1 6 i 6 m, 1 6 j 6 n, des entiers de K,
avec n > dm. Soit A ∈ N, tel que :
max(|Aij |) 6 A
i,j
Alors, il existe (x1 , ..., xn ) ∈ Zn , et un réel M > 0 indépendant de n et m, tels que :
dm
0 < max |xi | 6 (nM A) n−dm
i
tel que (S) soit vérié.
Principe du maximum :
Si f est analytique dans D = {z ∈ C/ |z| < R} et si 0 < r < R, alors :
|x| 6 r ⇒ |f (x)| 6 max |f (z)|
|z|=r
11
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Théorème de Gelfond-Schneider :
Soit α ∈ Q , α 6∈ {0, 1}. Soit β un nombre algébrique irrationnel. Alors, αβ est transcendant.
Preuve :
Supposons au contraire γ = αβ algébrique. Notons K = Q(α, β, γ), de degré d. Soit M le nombre
déni par le lemme de Siegel, λ = den(α)den(β)den(γ), µ = |α| |γ|(1 + |β|), ν = e2|Log α| .
Tout d'abord, ∃N tel que ∀n > N :
1 7
n
2
(1 + |β|)(n + 1)5 6 n6 6
10
(4ν)n n−n
8
10
10
8
6 e−n
8
(λµ)n n5n 6 n6n
8
d
; (M n11 n6n ) n−d 6 en
8
8
8
; n11 en µ(n+1) (n + 1)5n 6 en
8
8
; n11 en e7n
8
9
λ(n+1) 6 en
Etape 1 (Construction d'un polynôme) :
Soit
P (x, y) =
8
Log n n10 |Log α|
e
6 νn
9
10
; (2d − 1)n9 < n10
8
3
NX
−1 NX
−1
i=0
aij xi y j
j=0
On souhaite trouver des aij de telle sorte que :
F (z) = P (z, αz ) verie F (k + mβ) = 0
∀k, m tels que 0 6 k, m < N 5
La condition F (k + mβ) = 0 se traduit par le système suivant de N 10 équations à N 11 inconnues
8
aij , dont les coecients sont entiers après avoir multiplié chacune des équations par λN :
8
3
NX
−1 NX
−1
i=0
8
aij λN (k + mβ)i αjk γ jm = 0
j=0
Donnons alors une majoration des coecients du système :
8
λN (k + mβ)i αjk γ jm 6 λN 8 (1 + |β|)N 8 N 5N 8 (|αγ|)N 8 6 N 6N 8
D'après le Lemme de Siegel, il existe des aij satisfaisant à ce système et tels que :
8
d
0 < max |aij | 6 (N 11 M N 6N ) N −d 6 eN
8
i,j
Deuxième étape :
On montre les deux propriétés suivantes ∀n > N :
(I)n
F (k + mβ) = 0
0 6 k, m < n5
(II)n max6 |F (z)| 6 e−n
10
|z|6n
(I)N est la conclusion de la première étape.
∀n > N, (I)n ⇒ (II)n :
max |F (z)| 6
|z|6n7
8
3
NX
−1 NX
−1
i=0
j=0
12
|aij | n7i ejRe(z Log α)
Lambert Victor
TIPE ENS
Or, maxi,j |aij | 6 eN et Re(z Log α) 6 |z Log α| 6 n7 Log α, donc on parvient après simplication
et utilisation des inégalités préliminaires :
8
max7 |F (z)| 6 ν n
10
|z|6n
Introduisons alors la fonction :
F (z)
G(z) = Qn5 −1 Qn5 −1
k=0
m=0 (z − k − mβ)
β étant irrationel, les k + mβ sont deux à deux distincts et ce sont des zéros de F . La fonction G
est donc entière et on peut lui appliquer le principe du maximum dans le disque |z| 6 n7 , il vient :
10
νn
|z| 6 n6 ⇒ |G(z)| 6 max7 |G(z)| 6 Qn5 −1 Qn5 −1
7
|z|6n
k=0
m=0 |n − |k + mβ||
Ainsi, ∀ |z| 6 n6 , on a :
|F (z)| 6 ν
n10
Qn5 −1 Qn5 −1
(n6 + |k + mβ|)
Qn5 −1 Qn5 −1
|n7 − |k + mβ||
Qn5 −1 Qn5 −1
(n6 + (1 + |β|)n5 )
Qn5 −1 Qn5 −1
(1 + |β|)n5 |
k=0
m=0
k=0
6 νn
10
6 νn
10
m=0
k=0
m=0
7
k=0
m=0 |n −
5
5
Qn −1 Qn −1
6
k=0
m=0 (2n )
Qn5 −1 Qn5 −1 n7
k=0
m=0 2
Finalement, on a donc bien max|z|6n6 |F (z)| 6 (4ν)n n−n 6 e−n Donc (I)n ⇒ (II)n
Montrons (II)n ⇒ (I)n+1 . Soient 0 6 k, m < (n + 1)5 .
10
On a |k + mβ| 6 (1 + |β|)(n + 1)5 6 n6 donc |F (k + mβ)| 6 e−n (par (II)n ).
On a en outre les majorations suivantes du dénominateur et de la maison de F (k + mβ) :
10
8
den[F (k + mβ)] 6 (denβ)N (denαdenγ)N
8
10
3
10
(n+1)5
8
8
|F (k + mβ)| 6 N 8 N 3 eN (1 + |β|)N (n + 1)5N (|α| |γ|)N
8
8
8
8
6 λ(n+1) 6 en
3
9
(n+1)5
9
6 n11 en µ(n+1) (n + 1)5n 6 en
Supposons un instant F (k + mβ) 6= 0, alors l'inégalité de la taille s'écrirait e(1−2d)n 6 e−n , ce
qui fournit une contradiction, donc (II)n ⇒ (I)n+1 .
Ainsi, (I)n et(II)n sont vériés ∀n > N .
10
Soit z ∈ C ; alors ∀n > N tel que n6 > |z|, |F (z)| 6 e−n donc en passant à la limite F (z) = 0,
cela signie que h(z) = αz est algébrique, ce qui fournit une contradiction.
Le théorème de Gelfond-Schneider est alors démontré.
9
13
10
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