Pour améliorer la pénétration intraoculaire des drogues il a été proposé d’injecter
directement par voie intra-artérielle la chimiothérapie dans l’artère ophtalmique. Les
premières injections ont été réalisées par les groupes japonais de Mohri et Kaneko, mais ces
injections n’étaient pas strictement hypersélectives car les microcathéters ne permettaient
pas à l’époque un cathétérisme hypersélectif de l’artère ophtalmique et l’injection se faisait
dans la carotide interne sous occlusion par ballon juste au dessus de l’origine de l’artère
ophtalmique. Les résultats de ces techniques ont été intéressants même s’ils étaient souvent
associés à une irradiation externe.
Avec le développement de nouveaux cathéters il est devenu possible de cathétériser
hypersélectivement l’artère ophtalmique à son origine en maintenant un flux antérograde
assurant la diffusion effective de la chimiothérapie.
Le cathétérisme est réalisé sous anesthésie générale sous fluoroscopie dans un bloc de
neuroradiologie interventionnelle. Après ponction fémorale, un cathéter est navigué dans la
carotide interne puis un microcathéter (1.5 F, environ 0.5 mm de diamètre) est navigué dans
l’artère ophtalmique.
Une dose d’héparine (fonction du poids de l’enfant) est injectée pour limiter le risque de
formation de caillots pendant le cathétérisme. L’injection sélective de la carotide interne
permet l’évaluation précise de l’origine, de la course et des branches de l’artère ophtalmique
(avec en particulier, l’analyse des branches ethmoïdales et des collatérales méningées).
Après cathétérisme de l’artère ophtalmique, le Melphalan est injecté de manière pulsatile
pendant 30 minutes. La dose de chimiothérapie injectée in situ est calculée en fonction du
poids et de l’âge de l’enfant. Cette dose peut être augmentée en cas d’anastomoses larges avec
les branches ethmoïdales et méningées.
En fin de procédure les cathéters sont retirés et le site de ponction fémoral est comprimé
manuellement pendant 5 à 10 minutes.
L’injection est répétée en général 3 fois à 1 mois d’intervalle.
Comme pour toutes procédures intracrâniennes il existe un risque inhérent de complication.
La plus grave de ces complications est l’ischémie cérébrale due à la formation d’un thrombus
pouvant compromettre la perméabilité d’une artère cérébrale avec déficit neurologique. Les
complications au point de ponction fémoral (thrombose, hématome) peuvent également avoir
des conséquences graves. Néanmoins, ces complications sont très rares dans les équipes
expérimentées. Des réactions locales péri oculaires peuvent être observées après injection in
situ de chimiothérapie. Aux doses utilisées, une neutropénie a été décrite dans environ 30%
des procédures, mais sans aplasie fébrile ou complication infectieuse.
Le premier essai de cathétérisme sélectif avec injection de melphalan pour le rétinoblastome,
a été publié en 2008 par DH Abramson et PY Gobin, et les résultats initiaux furent
encourageants et ont été confirmés dans un récent article sur une série plus large de patients
(Ophthalmology 2010). Cette technique semble permettre une bonne préservation de l’œil
sans énucléation, particulièrement pour les formes extensives de rétinoblastome, mais avec
moins d’efficacité pour les tumeurs récidivantes. Une très faible toxicité a été rapportée à ce
jour, notamment pas de décès, pas d’accident vasculaire et pas de complication sévère
hématologique.
Nous rapportons notre expérience conjointe à propos des 10 premiers cas traités par
chimiothérapie intra artérielle pour des formes extensives de Rétinoblastome (grade D).