MÉTHODOLOGIE Docteur Jean Cottraux Unité de Traitement de l’Anxiété Hopital Neurologique, 59 boulevard Pinel 69394, LYON, France Fax : (33) 4 72 35 73 30 Phone : (33) 4 72 11 80 65 e-mail : [email protected] Intervention, Arsi, Paris, le 27/1/2000 LES ÉCHELLES D’ATTITUDE INTRODUCTION : Au sens large : QU’ENTEND-ON PAR ATTITUDE ? Le sens étroit Dans un sens étroit on désigne par là l’opinion et ses préjugés. Le terme d’attitude a été utilisé dans les années trente par les psychologues américains pour évaluer et mesurer la distance sociale à savoir la proximité d’un groupe de sujets questionnés par rapport à un autre groupe social. La mesure des attitudes a donc été utilisée pour les enquêtes d’opinion sur des sujets comme le racisme, impérialisme, internationalisme etc. En général elle utilise des échelles de Likert (1929) qui posent une série de questions centrée sur un thème bien défini, que l’on appelle la variable d’attitude, ce qui permet la comparaison des attitudes de différentes populations. Les échelles de Likert sont des échelles de sept points qui vont de -3 à +3 en passant par le zéro, qui permettent de classer des énoncés sur une dimension : Accord-Désaccord. Certaines échelles utilisées en psychiatrie et psychologie sont fondées sur le même modèle ainsi l’échelle d’affirmation de soi de Rathus, qui comprend 30 items cotés de +3 à – 3 (pas de zéro) Elle est souvent présentée avec une cote qui va de 1-6 pour plus de commodité et de compréhension (validité faciale des items). Elle mesure la capacité à traiter les situations sociales sans passivité, ni agressivité : Bouvard et Cottraux (1996) Exemple d’items de l’échelle de Rathus 1. La plupart des gens me semblent plus agressifs et défendent mieux leurs droits que moi 2. Il m’est arrivé d’hésiter par timidité au moment de donner ou d’accepter des rendez-vous 3. Quand la nourriture dans un restaurant ne me satisfait pas, je m’en plains au serveur ou à la serveuse On désigne, au sens large, par attitude, le jugement personnel concernant : soi, les autres, le monde. Il s’agit d’un fonctionnement mental sous jacent aux comportements, tributaire plus des émotions que de la rationalité qui aboutit à une interprétation des faits, des événements, des relations interpersonnelles en fonction de croyances et de systèmes de croyances. Le terme attitude fait alors référence à une organisation mentale individuelle et/ou collective et aussi à un style cognitif : le traitement de l’information en fonction de schémas préétablis. LES MOYENS : QUELQUES ÉCHELLES D’ATTITUDE ÉCHELLES GÉNÉRALES Le moyen le plus simple est la Ligne de Scott qui est une ligne de 10 cm exactement. On invite le sujet à mettre une croix en fonction de sa proximité avec l’un des deux adjectifs ce qui permet une quantification. Exemple ligne de Scott : 10 cm - Je me sens bien - Je ne me sens pas bien Ces échelles sont souvent utilisées pour mesurer la douleur, mais elles peuvent s’adresser à un autre problème. ÉCHELLES DE DÉPRESSION A côté des échelles destinées à évaluer le comportement des patients en institution telles que l’échelle NOSIE destinée aux infirmiers, il existe des échelles à proprement parler d’attitude telles que l’échelle de Beck pour mesurer la dépression, ou l’échelle de 25 Recherche en soins infirmiers N° 62 - septembre 2000 M ÉTHODOLOGIE ÉCHELLES D’ATTITUDE désespoir de Beck dont un score (=>9) prédit le suicide et donc permet d’intervenir à partir d’une mesure de l’attitude subjective du patient vis à vis du futur. ÉCHELLES D’ANXIÉTÉ Dans le domaine de l’anxiété nous utilisons beaucoup le questionnaire des peurs bien validé et facile à passer (moins de 5 mn). Il mesure : les deux phobies principales (0-8) et donne aussi un score d’Agoraphobie (040) de peur du Sang et blessures (0-40), de Phobie sociale (0-40), d’anxiété-dépression (0-40), gêne phobique (0-40). Les données du questionnaire des peurs peuvent être corrélées à un test comportemental d’évitement. ÉCHELLES DE QUALITÉ DE VIE Les échelle de Qualité de vie mesurent aussi les attitudes du patient. Nous utilisons une échelle adaptée de I. Marks, qui mesure le niveau de perturbation dans 5 domaines de la vie du patient. Celui-ci doit donner une note comprise entre 0 et 8 pour chacun des cinq items ; score total 0 à 40 (plus le score est élevé plus la qualité de vie est faible.) DOMAINES : 1. TRAVAIL OU TACHES MÉNAGÈRES (si elles représentent le travail habituel) 2. LOISIRS EN COMMUN 3. LOISIRS INDIVIDUELS 4. VIE FAMILIALE 5. SEXUALITÉ Attentes thérapeutiques et relation thérapeutique 1. Les attentes thérapeutiques représentent une dimension importante à étudier pour l’interprétation des résultats d’un traitement ou d’un essai thérapeutique. Dans l’exemple suivant le patient doit indiquer son attente par rapport à sa prise en charge psychologique, puis pharmacologique etc. 2. Échelle d’évaluation de la relation thérapeutique (ERT) Cette échelle (Cottraux, 1995) propose 24 qualificatifs présentés par paires et qui s’opposent l’un à l’autre. Entre chaque paire de qualificatifs opposés figure une échelle de 1 à 6 à l’intérieur de laquelle le sujet doit se positionner. L’ERT comprend deux échelles l’une est à remplir par le thérapeute qui évalue sa relation à son patient, la seconde est à remplir par le patient qui évalue sa relation au thérapeute. Mesure de la personnalité La personnalité est sous-jacente aux attitudes. On peut la définir selon Cottraux et Blackburn (1995), comme : « L’intégration stable et individualisée d’un ensemble de comportements, d’émotions et de cognitions... modes de réactions émotives, cognitives et comportementales à l’environnement qui caractérisent chaque individu » La personnalité a pour fondements à la fois des bases génétiques et biologiques, l’apprentissage et le développement affectif et cognitif. Elle se fonde sur l’hypothèse de stabilité des traits de personnalité qui sont différents des états psychologiques qui sont instables et labiles. On parle par exemple d’anxiété trait et état. On peut mesurer des traits de personnalité telle que le neuroticisme (ou névrosisme), le psychoticisme et l’extraversion (PEN) ou les 5 grands facteurs de personnalité : Ouverture, Contrainte, Extraversion, Altruisme, Neuroticisme = anxiété et tristesse : c’est le modèle dit OCEAN. On peut aussi mesurer les schémas cognitifs qui sont des structures mentales dont les propriétés hypothétiques sont les suivantes : Situés dans la mémoire à long terme ÉCHELLE : Filtrent l’information en fonction d’expériences préalables De 0 : « m’aider beaucoup » à 8 : « m’aggraver » Interprétations automatiques (inconscientes) Score total : un score unique de 0 à 8 Action du passé sur le présent et le futur Plus le score est élevé plus les attentes sont négatives Systèmes de croyances 26 Recherche en soins infirmiers N° 62 - septembre 2000 Postulats bipolaires ou dichotomiques : bien-mal, vraifaux tester des hypothèses de recherche et la démarche de qualité. Postulats inconditionnels, et conditionnels (si... alors) Les échelles d’attitude permettent la mesure des symptômes, des syndromes, des interactions patients-thérapeutes, de la personnalité, de la qualité de vie, et des opinions sur les soins. Règles de comportement Activés par les émotions et les situations qui les ont imprimés Le questionnaire de Young traduit par Cottraux in Cottraux et Blackburn (1995) permet de mesurer ces schémas. RÉFÉRENCES Bouvard M. et Cottraux J. Protocoles et échelles d’évaluation en psychiatrie et en psychologie. Masson, Paris, 1996, 280 pages, un volume. CONCLUSION : Utilisés depuis longtemps en psychologie et psychiatrie, les questionnaires et les échelles d’attitudes représentent un outil pour les infirmiers qui peuvent construire des mesures originales, selon les besoins, avec l’aide des psychiatres et des psychologues. Les domaines d’application sont nombreux. Citons : évaluer les problèmes cibles, les effets des traitements, Cottraux J., Note I. D., Cungi C., Légeron P., Heim F., Laurent Chneiweiss L., Geneviève Bernard G. & Bouvard M. A controlled study of Cognitive-Behavior Therapy with Buspirone or Placebo in Panic Disorder with Agoraphobia. A one year follow-up. British Journal of Psychiatry, 1995, 167, 635-641. Cottraux J. et Blackburn I.M. : Thérapies Cognitives des troubles de la personnalité, un volume, Masson, Paris, 1995, 244 pages, un volume. 27 Recherche en soins infirmiers N° 62 - septembre 2000