INTRODUCTION Chapitre MODÈLES CLINIQUES DES

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Chapitre
Manuel de la IACAPAP pour la Santé Mentale de l’Enfant et de l’Adolescent
INTRODUCTION
A.3
MODÈLES CLINIQUES DES TROUBLES
COMPORTEMENTAUX, ÉMOTIONNELS
ET SOCIAUX DE L’ENFANT ET DE
L’ADOLESCENT
Thomas M Achenbach & David M Ndetei
Edition en français
Traduction : Laure Bera, Elodie Smette
Sous la direction de : Priscille Gérardin
Avec le soutien de la SFPEADA
Thomas M Achenbach PhD
Professor of Psychiatry and
Psychology, University of
Vermont, Burlington, Vermont,
US.
Conflict of interest: President
of the nonprofit Research
Center for Children, Youth,
and Families, which publishes
the Achenbach System of
Empirically Based Assessment
(ASEBA).
David M Ndetei MD
Professor of Psychiatry,
University of Nairobi, Nairobi,
Kenya.
Conflict of interest: Director
of the nonprofit Africa Mental
Health Foundation, which
promotes mental health
services, training, and research
in Africa.
Cette publication est à destination des professionnels de la santé mentale, qu’ils soient en formation ou en exercice. Elle n’est pas destinée au grand
public. Les opinions exprimées sont celles des auteurs et ne représentent pas nécessairement le point de vue de l’Editeur ou de la IACAPAP. Cette
publication tente de décrire les meilleurs traitements et pratiques basés sur des preuves scientifiques disponibles au moment de sa rédaction, traitements
et pratiques qui pourraient donc évoluer en fonction des recherches à venir. Les lecteurs doivent mettre en perspectives ces connaissances avec les
recommandations et les lois en vigueur dans leur pays. Certains traitements pourraient ne pas être disponibles dans certains pays et les lecteurs devraient
consulter les informations spécifiques des médicaments car tous les dosages et les effets indésirables ne sont pas mentionnés. Les organisations, les
publications et les sites web sont cités ou mis en lien afin d’illustrer les résultats et de pouvoir rechercher davantage d’informations. Cela ne veut pas dire
que les auteurs, l’Editeur ou la IACAPAP endossent leurs contenus ou leurs recommandations, lesquelles pourraient être évaluées de façon critique par
le lecteur. De même, les sites web peuvent changer ou cesser d’exister.
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Citation suggérée : Achenbach TM, Ndetei DM. Clinical models for child and adolescent behavioral, emotional, and social problems. In Rey JM
(ed), IACAPAP e-Textbook of Child and Adolescent Mental Health. (édition en français; Cohen D, ed.) Geneva: International Association for Child and
Adolescent Psychiatry and Allied Professions 2017.
Modèles Cliniques
A.3
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Manuel de la IACAPAP pour la Santé Mentale de l’Enfant et de l’Adolescent
C
e chapitre présente des modèles permettant de distinguer les différents
types de troubles comportementaux, émotionnels et sociaux manifestés
par les enfants (nous utilisons les termes « enfant «, et « enfance « pour
désigner les âges de la naissance à 18 ans). Nous utilisons le terme « modèles » pour
désigner les nosologies officielles (A savoir, les classifications des maladies), telles
que l’Organisation mondiale de la Santé (1992), la Classification internationale des
maladies (CIM) et le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM)
de l’American Psychiatric Association (2000). Nous utilisons également le terme
«modèles» pour des nosologies alternatives, telles que la Classification diagnostique
des troubles mentaux et développementaux de l’enfance, version révisée (DC : 0-3, zéro
à trois, 2005), et également pour des modèles empiriques tirés des données sur de
grands échantillons d’enfants.
Le terme «modèle» est largement utilisé pour désigner des représentations
systématiques de phénomènes. Cela implique qu’un phénomène particulier peut
être représenté (à savoir, modelé) de multiples façons. Cela implique également
que les différents modèles correspondant à des phénomènes particuliers peuvent
être évalués quant à leur utilité pour des sujets particuliers, plutôt que de devoir
faire un choix entre le bon et le mauvais modèle. Ainsi, par exemple, le modèle
DSM peut utiliser des termes et critères différents du modèle de la CIM pour les
troubles de d’attention, mais les deux peuvent être utiles pour des sujets différents
et / ou dans des systèmes de soins différents.
Certains modèles sont conçus pour représenter les relations entre des
phénomènes particuliers sans représenter leurs causes. Alors que d’autres modèles
sont conçus pour représenter les causes des phénomènes. Au stade actuel de leur
développement, les modèles cliniques présentés dans ce chapitre ne comprennent
pas les causes spécifiques des problèmes comportementaux, émotionnels ou
sociaux. (Ce chapitre ne traite pas des retards mentaux ou de troubles tels que
le syndrome de Down, le syndrome de Prader-Willi, le Syndrome de Williams,
ou de la phénylcétonurie pour lesquelles les étiologies génétiques ou organiques
autres sont bien documentés - voir chapitre C.1). Bien que les étiologies génétiques
et organiques soient susceptibles d’affecter le comportement, les émotions et la
dynamique sociale, le manque de compréhension des voies causales spécifiques
signifie que les modèles cliniques doivent se concentrer sur les caractéristiques
phénotypiques que les praticiens peuvent identifier et avec lesquels ils peuvent
travailler. Collaborer avec les praticiens est nécessaire à faire progresser notre
compréhension des étiologies, et des effets des traitements, les chercheurs ont
également besoin d’utiliser les mêmes modèles phénotypiques pour faire le lien
entre leurs travaux de recherche et les cas cliniques rencontrés par les praticiens.
CIM ET DSM
Les classifications nosologiques de la CIM-11 et du DSM-5 sont encore en
cours de développement, et nous ne pouvons donc pas être précis sur les formats,
les catégories, ou les critères de ces classifications nosologiques. Par conséquent,
nous devons fonder notre présentation sur les aspects des versions actuelles de la
CIM et du DSM qui pourraient être les mêmes dans les éditions en attente.
Les classifications CIM et DSM se basent sur des données de comités
d’experts qui formulent les catégories diagnostiques à utiliser et les critères à
spécifier dans l’objectif de déterminer si les individus répondent aux diagnostics
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Manuel de la IACAPAP pour la Santé Mentale de l’Enfant et de l’Adolescent
Emil Kraepelin (1856-1926)
Le père putatif de la nosologie psychiatrique
Emil Kraepelin est connu comme le constructeur des modèles cliniques de
psychopathologie qui ont représentés les bases des classifications nosologies psychiatriques.
Au cours de sa formation médicale à l’Université de Leipzig dans les années 1870, Kraepelin
est devenu un disciple de Wilhelm Wundt, qui est considéré comme le fondateur de la
psychologie expérimentale. En utilisant les méthodes expérimentales de Wundt pour étudier
le fonctionnement psychologique des patients, il a inclus des caractéristiques psychologiques
dans ses modèles cliniques, et il a consacré sa thèse de doctorat sur la place de la
psychologie en psychiatrie.
Kraepelin a d’abord pensé que la documentation minutieuse des différents
phénotypes psychopathologiques engendrerait la découverte d’une maladie cérébrale
spécifique à chaque phénotype. En 1883, Kraepelin publié la toute petite première édition
de son Compendium Der Psychiatrie, qui a été suivie au cours des 43 années suivantes par
huit autres éditions progressivement de plus grande stature. Parmi ses autres réalisations,
Kraepelin est reconnu pour avoir brisé la catégorie unique des psychoses en des catégories
distinctes : troubles maniaco-dépressifs et dementia praecox (démence précoce), plus
tard rebaptisée : « la schizophrénie ». Dans les éditions ultérieures de son Compendium,
Kraepelin a ajouté les troubles psychogènes, ainsi que les troubles de la personnalité qu’il
considérait comme à la frontière entre la maladie et les particularités communes.
Comme l’a révélée une caricature dessinée par Kraepelin, il ne prenait pas les
diagnostics psychiatriques trop au sérieux. La bande dessinée reproduite ci-dessous à partir
du Bierzeitung (Beer Newspaper) de 1896 est sous-titrée “Psychiatres de l’Europe! Protégez
vos plus sacrés diagnostics!, “Kraepelin mis ainsi en garde contre le fait de devenir trop
impressionné par les diagnostics.
.
Modèles Cliniques
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Manuel de la IACAPAP pour la Santé Mentale de l’Enfant et de l’Adolescent
modélisées par chaque catégorie. Les experts couvrent un large éventail de la santé
publique dans le domaine clinique, administratif et de la recherche.
Des brouillons des catégories et critères proposés sont largement distribués
pour permettre des commentaires et sont secondairement révisés sur la base de ces
commentaires. Dans la version IV-TR du manuel DSM, les catégories diagnostiques
des enfants sont principalement définies en terme de troubles comportementaux,
émotionnels et sociaux (ex : troubles de l’attention, troubles des conduites, trouble
oppositionnel avec provocation, anxiété, dépression), les catégories comprennent
une liste de symptômes, et un diagnostic ne peut être posé que si l’on identifie chez
un patient un nombre suffisant de symptômes de la liste (Association Américaine
de Psychiatrie, 2000). Il existe des critères supplémentaires comme la durée des
symptômes, l’âge d’apparition, et le retentissement. Les critères sont similaires
quel que soit l’âge de l’enfant ou son genre. Les critères sont également similaires
quelle que soit la source d’information, cela peut être par exemple les parents, les
enseignants, les enfants, les échelles diagnostiques, ou les observations cliniques.
S’il y a des incohérences ou des contradictions entre les différentes sources (par
exemple, un enseignant signale des problèmes d’attention, mais le parent et enfant
ne le rapportent pas), c’est le praticien qui doit finalement évaluer la présence ou
l’absence des critères et poser ou non le diagnostic.
Les critères diagnostiques dimensionnels du DSM
Alors que le DSM-5 est en préparation, l’Association Américaine de
Psychiatrie a nommé un groupe de travail pour étudier la pertinence de critères de
diagnostic «dimensionnels» (à savoir, quantitatifs). Le groupe de travail a fait une
publication apportant son soutien à une composante dimensionnelle des critères
diagnostiques pour de nombreux troubles de l’enfant et de l’adulte (Helzer et al,
2008). Cependant, nous ne savons pas actuellement de quelle façon les critères
du DSM-5 pourraient être « dimensionnés ». L’une des possibilités semblerait être
que les critères pour les diagnostics cliniques conservent le même format que le
DSM-IV-TR, alors que les critères diagnostiques pour la recherche incluent une
sorte de dimensionalisation.
Les critères diagnostiques de recherche de la CIM 10
La CIM-10, Classification des troubles mentaux et du comportement: Critères
Diagnostiques pour la recherche (Organisation mondiale de la Santé, 1993), a
ajouté des critères pour la recherche aux critères publiés antérieurement qui ne
concernaient que les diagnostics cliniques (Organisation mondiale de la Santé,
1992). Les critères diagnostics de recherche de la CIM-10 ressemblent à ceux du
DSM-IV-TR dans le sens où il est demandé d’évaluer la présence ou l’absence
de chaque symptôme ou critère. Après l’évaluation de chaque symptôme en
particulier, l’évaluateur doit juger si le diagnostic global peut être posé pour chacun
des enfants.
Les différences entre les critères cliniques de diagnostic de la CIM-10 et du
DSM
La CIM 10 diffère du
DSM-IV car la CIM
10 n’a pas de liste
explicite de symptômes
spécifiques, d’autres
caractéristiques, et de
règles de décision pour
émettre un avis affirmant
ou infirmant le fait qu’un
enfant a un diagnostic
particulier.
Les critères cliniques de diagnostic de la CIM-10 (Organisation mondiale
de la Santé, 1992) diffèrent de ceux du DSM-IV-TR dans le sens où ils ne donnent
pas de description explicite des symptômes, des autres caractéristiques, et des
critères de jugements pour décider si un enfant est admissible à un diagnostic
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Manuel de la IACAPAP pour la Santé Mentale de l’Enfant et de l’Adolescent
particulier. La CIM 10 et le DSM-IV-TR diffèrent aussi considérablement dans la
description des catégories diagnostiques et dans certaines catégories elles-mêmes.
Par exemple, la CIM-10 a une catégorie diagnostique pour les troubles de la rivalité
fraternelle, les troubles des conduites hyperkinétiques, et les troubles désinhibés de
l’attachement que l’on ne retrouve pas dans le DSM-IV-TR.
La CIM-10 et le DSM-IV-TR diffèrent également dans leurs subdivisions de
certaines catégories diagnostiques. Par exemple, le DSM-IV-TR divise sa catégorie
du trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH) en 3 types : un type
avec une inattention prédominante, un autre type à prédominance hyperactiveimpulsive, et un type mixte. En revanche dans la CIM-10, la catégorie la plus proche
de TDAH est le trouble hyperkinétique, qui n’est pas subdivisé en type comme
dans le DSM-IV-TR. Par contre, la CIM-10 subdivise les troubles des conduites
en trois : troubles des conduites limitées à l’environnement familial, troubles de
conduite sans socialisation, et troubles des conduites socialisées. Bien que l’annexe
H du DSM-IV-TR liste les numéros de code la CIM-10 correspondant à beaucoup
de catégories diagnostiques du DSM, les praticiens ne doivent pour autant pas
attendre beaucoup d’accord entre les diagnostics du DSM et les diagnostics de la
CIM faits pour les mêmes enfants, et cela même lorsque les diagnostics du DSM
et de la CIM ont les mêmes numéros de code.
CLASSIFICATION DIAGNOSTIQUE POUR
L’ENFANCE ET LA PETITE ENFANCE
La classification diagnostique de la santé mentale et des troubles du
développement de l’enfance et de la petite enfance (DC: 0-3) a été publié pour la
première fois en 1994, suivie par une édition révisée (DC: 0-3R) en 2005 (zéro
à trois, 1994, 2005). L’un des objectifs clés était de répondre «à l’échec du
système DSM à traiter de façon large (1) des syndromes de la petite enfance qui
nécessitent une attention clinique ou (2) un examen précis des caractéristiques
développementales des troubles précoces » (Zero to Three, 2005, p4). Comme
le DSM et la CIM, la DC: 0-3 a été développé par des experts qui ont défini des
catégories et critères diagnostics.
Cliquez sur l’image pour
accéder au site internet
du DSM-5 qui détaille les
changements proposés
pour la classification et
leur motivation.
Les axes DC : 0-3 R
Le DC: 0-3R comprend les cinq axes suivants:
I. troubles cliniques
II. classification des relations
III. troubles du développement et les conditions médicales
IV. facteurs de stress psychosociaux
V. fonctionnement émotionnel et social.
Certains des troubles cliniques de l’Axe I, tels que l’état de stress posttraumatique, le trouble anxiété de séparation, ou le trouble anxieux généralisé, ont
leurs homologues dans le DSM-IV-TR. Cependant, comme ils sont conçus pour
les âges de 0 à 3 ans, les critères du DC : 0-3R sont très différents de ceux du DSMIV-TR et sont illustrés par des exemples cliniques pour les 0 à 3 ans. D’autres
troubles du DC: 0-3R n’ont pas d’homologues dans le DSM-IV-TR. On peut
citer par exemple le trouble de carence/mauvais traitements, qui « se produit dans un
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Manuel de la IACAPAP pour la Santé Mentale de l’Enfant et de l’Adolescent
contexte de carence ou de mauvais traitements» (p 17); le trouble deuil / réaction
prolongée de douleur /trouble mixte de l’expression émotionnelle, « qui se caractérise
par une difficulté de l’enfant à présenter une réaction émotionnelle adapté dans
son type et son intensité à son stade de développement durant une période d’au
moins 2 semaines «(p 27); et l’hypersensibilité, qui se réfère à une hypersensibilité
aux stimuli sensoriels. La catégorie diagnostique désignée comme trouble
développemental multi systémique est conçu pour les enfants âgés de moins de
2 ans qui manifestent des difficultés telles que celles présentées comme trouble
envahissant du développement dans le DSM-IV-TR.
L’axe II de la classification DC: 0-3R, Classification des troubles des relations,
n’a pas d’équivalent dans DSM-IV-TR, mais est considéré comme particulièrement
important pour les jeunes enfants. La DC: 0-3R fournit, comme base pour
classer les interactions, l’Echelle d’évaluation globale de la relation parent-enfant
(PIR-GAS), avec laquelle les cliniciens cotent les interactions parent-enfant. Un
niveau du PIR-GAS de 81-100 correspond à une relation adaptée, un niveau de
41-80 indique la présence de certaines propriétés d’une relation pathologique, et un
niveau de 0-40 correspond à une relation pathologique. L’Inventaire des difficultés
relationnelles (RCPL) présent dans le DC: 0-3R est conçu pour permettre aux
cliniciens d’évaluer les caractéristiques de la relation parent-enfant: sur-impliquée,
sous-impliquée, anxieuse / tendue, irritée / hostile, abusive verbalement, abusive
physiquement et abusive sexuellement. Pour chacune de ces caractéristiques, le
clinicien doit indiquer l’absence d’argument en faveur, la présence de certains
arguments nécessitant plus d’investigations, selon son évaluation de la qualité de
l’interaction, de la tonalité affective, et de l’implication psychologique.
La DC :0-3 a été
développée pour palier
au fait que le système
DSM n’inclut pas une
couverture suffisante
des syndromes de la
petite enfance et de leurs
autres caractéristiques
développementales
L’axe V du DC: 0-3R Le fonctionnement émotionnel et social pourrait être
considéré comme un analogue à l’axe V du DSM-IV-TR Evaluation globale du
fonctionnement. Cependant, l’axe V du DSM-IV-TR utilise une seule échelle de
100 points pour évaluer le fonctionnement psychologique, social et professionnel.
En revanche, l’axe V du DC: 0-3R comprend 6 différents points d’évaluation des
capacités émotionnelles et du fonctionnement social (p 62.) :
•
•
•
•
•
•
l’attention et la régulation
l’engagement mutuel
communication à double sens
gestuelles complexes et la résolution de problèmes
l’utilisation de symboles pour exprimer des pensées / sentiments
connexion logique de symboles / l’abstraction
L’axe III du DC: 0-3R Les Etats et les troubles médicaux et développementaux
et l’axe IV Les événement de stress psychosociaux sont à peu près analogues à l’axe
III du DSM-IV-TR « Conditions médicales générales » et à l’axe IV « Difficultés
psychosociales et environnementales », bien que le DC: 0-3R soit spécifique à la
tranche d’âge des 0-3 ans.
Pour les praticiens qui travaillent avec les nourrissons et les jeunes enfants,
le DC: 0-3R traite certainement d’aspects du fonctionnement, et des difficultés
plus pertinents que l’ICD ou DSM-IV-TR. Cependant, une utilisation correcte
de la DC: 0-3R en cinq axes nécessite une formation des praticiens, ainsi que des
temps d’évaluation suffisants avec chaque enfant et ses parents dans différentes
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Manuel de la IACAPAP pour la Santé Mentale de l’Enfant et de l’Adolescent
circonstances. D’autres travaux de recherches sont nécessaires pour déterminer la
façon de former les praticiens à utiliser le DC: 0-3R avec une fiabilité, validité et
utilité adéquates.
LES LACUNES ENTRE LES MODELES
NOSOLOGIQUES ET L’ÉVALUATION CLINIQUE
Les classifications nosologiques de la CIM, du DSM et du DC: 0-3R
sont destinés à classer les catégories de troubles systématisés par des experts. A
l’exception de l’utilisation de tests cognitifs standardisés pour poser les diagnostics
de déficience intellectuelle ou de troubles des apprentissages, les classifications
nosologiques ne précisent pas de procédures spécifiques sur lesquelles se baser
pour faire un diagnostic. Par d’exemple, les critères du DSM-IV-TR pour faire
le diagnostic de TDAH sont la présence de neuf symptômes d’inattention (par
exemple, «est souvent distrait dans les activités quotidiennes») associés à neuf
symptômes d’hyperactivité-impulsivité (par exemple, «parle souvent trop»). Pour
qu’un enfant réponde aux critères diagnostiques de TDAH, le praticien doit évaluer
au moins 6 des 9 symptômes de l’une des deux listes «ont persisté pendant au
moins 6 mois à une intensité inadaptée au niveau développemental». Le praticien
doit également montrer que certains symptômes étaient présents avant l’âge de 7
ans, et que les symptômes provoquent des difficultés dans au moins deux domaines
(par exemple, la maison et l’école), et qu’il existe «une de altération cliniquement
significative du fonctionnement social, scolaire ou professionnel « (American
Psychiatric Association, 2000, pp92-93).
Pour établir un diagnostic chez l’enfant, le praticien doit savoir quelles
informations rechercher pour étayer son diagnostic, mais également de quelle
façon et de quelle personne les obtenir. Dans la plupart des cas, les praticiens
voudraient interroger l’enfant et au moins l’un de ses parents. Cependant, le
temps d’entretien est précieux et rarement suffisant pour évaluer l’ensemble des
symptômes potentiels. Lorsque l’enfant et ses parents rapportent un symptôme
de TDAH au praticien, ils ne seront pas forcément en mesure de préciser si le
symptôme était présent avant l’âge de 7 ans ou s’il provoque actuellement une
répercussion dans au moins deux domaines.
Si un enfant est scolarisé, le praticien voudra généralement obtenir des
informations de son enseignant pour se représenter son fonctionnement à l’école.
En effet, pour évaluer si l’enfant répond aux critères diagnostiques de TDAH, le
praticien doit savoir si au moins 6 des 9 symptômes de l’une ou des deux listes ont
une répercussion dans le milieu scolaire. La contribution des enseignants peut être
utile de plusieurs façons, ils sont des références dans la mesure où les difficultés
de l’enfant impactent son fonctionnement à l’école, ils permettent d’évaluer quel
symptôme en particulier engendre un retentissement scolaire. Les praticiens sont
rarement en mesure d’interroger les enseignants, d’autres méthodes sont nécessaires
pour obtenir des informations de leur part.
Quelles que soient leurs modalités d’évaluation, les informations
rapportées par les parents, les enseignants ou les enfants, sont souvent différentes
des critères requis pour le diagnostic (De Los Reyes, 2011). Par conséquent, les
praticiens peuvent éprouver des difficultés à faire la synthèse de ces informations
de sources différentes pour effectuer un diagnostic.
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Manuel de la IACAPAP pour la Santé Mentale de l’Enfant et de l’Adolescent
Porteur de lettres en
uniforme avec un enfant dans
le sac postal (vers 1900)
Ce postier a posé pour une
photographie humoristique avec un
jeune garçon dans son sac postal.
Après que le service de colis fut
introduit aux Etats-Unis en 1913, au
moins deux enfants furent envoyés par
ce service. Avec des timbres attachés
à leurs vêtements, les enfants
voyagent avec les porteurs ferroviaires
et de la ville vers leur destination. Le
ministres des Postes a rapidement
publié un règlement interdisant
l’envoi d’enfants par courrier après
avoir entendu parlé de ces exemples
(Musée Postal National, Etats-Unis)
Les praticiens peuvent également être handicapés par l’échec des classifications
nosologies à être spécifique quant aux procédures d’évaluation des troubles du
comportement, des émotions et des difficultés sociales alors qu’ un écart est toujours
retrouvé entre ce que rapportent les parents, les enseignants ou les enfants. Les
praticiens doivent donc disposer de méthodes pratiques pour évaluer les troubles
de l’enfant selon plusieurs paramètres et pour faire face aux divergences entre les
différentes sources d’information.
Entretiens diagnostiques standardisés
Divers types d’entretiens diagnostiques standardisés (EDS) ont été
développés afin de recueillir des données d’évaluation pour réaliser un diagnostic.
Il existe des versions parallèles des EDS avec d’une part ceux des enfants et d’autre
part ceux des parents, pourtant, le consensus diagnostic entre les deux type est
faible.
Parmi les EDS pour enfant, le Diagnostic Interview Schedule for Children
(DISC; Shaffer et al, 2000) est peut-être le plus largement utilisé. Le DISC est très
structuré. Cela veut dire qu’il se compose de questions ciblées sur chaque critère
des catégories du DSM. Etant donné que l’évaluation de chaque critère se base
sur les réponses précises à l’interrogatoire, les EDS très structurés tel que le DISC
sont appelés entretiens «basé sur la réponse». Aucun outil ou jugement clinique
n’est nécessaires pour utiliser le DISC. Cependant, une formation importante est
nécessaire pour apprendre à poser les questions correctement, à coter les réponses,
et de maitriser une certaine souplesse lorsque les réponses ne peuvent pas être
Modèles Cliniques
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Manuel de la IACAPAP pour la Santé Mentale de l’Enfant et de l’Adolescent
clairement cotées comme positives ou négatives. La DISC contient des milliers de
questions nécessaires à passer en revu l’ensemble des critères se rapportant à chaque
symptômes, déficience, circonstances d’apparition, durée, âge de début, etc., et
pour l’ensemble des diagnostics DSM relatifs aux enfants. Il existe des options
«skip-out» qui permettent de sauter certaines questions relatives à un diagnostic
s’il apparaît que l’enfant ne répond pas aux critères de ce diagnostic. Cependant, la
passation DISC prend habituellement au moins une heure pour chaque personne
interviewée (par exemple, chaque parent et l’enfant) et peut prendre plusieurs
heures dans les situations cliniques complexes.
En complément des EDS se basant sur la personne évaluée, telles que le
DISC, un second type d’EDS se base sur l’évaluateur. Ce type d’EDS doit être
réalisé par des évaluateurs cliniciens qui peuvent moduler les questions de manière
appropriée à chaque situation clinique. Les évaluateurs doivent également être en
capacité de dire si les réponses fournis par l’enfant répondent ou non aux critères
diagnostiques. L’EDS se basant sur l’évaluateur le plus largement utilisé est le
Kiddie schedule for affective Disorders and Schizophrenia (K-SADS; Kaufman et al,
1997).
Un troisième type combine les aspects des EDS basés sur la personne
évaluée et ceux basés sur l’évaluateur. Il s’agit par exemple de l’Echelle de
développement et de bien-être (DAWBA ; Goodman et al, 2000). Cette échelle
comprend des entretiens structurés pour les enfants de 11 à 16 ans et leurs parents.
Les entretiens de la DAWBA se composent de questions ouvertes qui suivent les
réponses des personnes interrogées aux questions structurées. Un questionnaire
court est utilisé pour obtenir des informations des enseignants. Les données
fournies par les parents, les enseignants, et les jeunes sont traitées par un programme
informatique qui génère des diagnostics possibles. Les évaluateurs consultent alors
les propositions générées par l’ordinateur et décident d’accepter ou de refuser les
différentes propositions diagnostiques.
Les rapports entre les entretiens diagnostiques standardisés et diagnostics
cliniques
Les EDS sont maintenant largement utilisés dans la recherche sur
les troubles de l’enfant et l’adulte. Par conséquent, beaucoup de publications
concernant les associations entre les diagnostics et d’autres caractéristiques sont
basées sur les diagnostics réalisés avec des EDS. Toutefois, en raison du coût et
du temps requis pour former les évaluateurs, et pour faire passer les EDS, ils sont
rarement utilisés dans la pratique clinique. Nous devons donc nous poser une
question : les enfants dont le diagnostic est réalisé grâce aux EDS recevraient ils le
même diagnostic grâce à l’évaluation clinique? Pour répondre à cette question, une
méta-analyse a été réalisée sur les données de 38 études qui rapportaient le degré de
correspondance entre les diagnostics réalisés à partir d’EDS et de la clinique pour
les mêmes patients (Rettew et al, 2009). Une correspondance a été retrouvée en
termes de pourcentage de cas qui ont reçu les mêmes diagnostics des EDS et des
évaluations cliniques. La statistique kappa (Cohen, 1960) a été utilisé pour corriger
les correspondances de hasard. La correspondance entre les diagnostics réalisés à
partir d’EDS chez les enfants et ceux réalisés à partir d’évaluations cliniques était de
39% après correction. En d’autres termes, les EDS et les évaluations cliniques ont
donné les mêmes diagnostics chez 39% des enfants, mais des diagnostics différents
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Manuel de la IACAPAP pour la Santé Mentale de l’Enfant et de l’Adolescent
chez 61% d’entre eux. Le pourcentage de correspondance variait considérablement
parmi les diagnostics, avec un minimum de 19% pour le trouble anxieux généralisé
et un maximum de 86% pour l’anorexie mentale (pour obtenir un nombre
suffisant de données, celles des enfants et des adultes ont été combinées lors du
calcul de ces pourcentages). Pour certains troubles, tels que l’anorexie mentale, la
correspondance élevée indique que les résultats obtenus avec des EDS peuvent être
appliqués à des diagnostics cliniques. Cependant, la faible correspondance pour
d’autres diagnostics, tels que le trouble anxieux généralisé, indique que les résultats
obtenus avec des EDS ne peuvent pas être appliqués à des diagnostics cliniques.
On retrouve dans la littérature des diagnostics établis grâce à des EDS
différents, il est donc nécessaire de se s’interroger sur la similitude du diagnostic
pour un même enfant selon l’EDS utilisé. Etonnamment, peu de recherche a été
publiée sur cette question importante. Dans ce qui pourrait être la seule étude
concernant cette question, seulement 3% des diagnostics réalisés grâce au EDS
DISC d’enfants et de leurs parents correspondaient aux diagnostics réalisés à partir
d’entretiens K-SADS des mêmes enfants et de leurs parents (Cohen et al, 1987).
Ainsi, pour de nombreux enfants, nous ne pouvons pas attendre des différentes
EDS de donner les mêmes diagnostics, et nous ne pouvons pas non plus attendre
des EDS de donner les mêmes diagnostics que les évaluations cliniques.
Instruments pour coter les troubles des enfants
Pour aider les praticiens à obtenir des informations auprès des parents, des
enseignants et des enfants, divers instruments de notations standardisées ont été
développés. Beaucoup de ces instruments sont conçus pour être auto-administré
par des gens qui peuvent lire, mais ils peuvent également être réalisés par des
tiers personnes qui lisent les articles à haute voix et entrent les réponses sur un
formulaire d’évaluation ou un ordinateur. Si un praticien examine les résultats des
instruments de notation complétés par les parents, le praticien peut alors consacrer
un temps précieux de l’entretien aux troubles révélés par les résultats et aux troubles
non explorés. En utilisant des instruments qui fournissent des informations
parallèlement recueillies auprès des parents, des enseignants et de l’enfant, le
praticien peut comparer les résultats pour identifier les accords et les divergences.
Le praticien peut alors utiliser des entretiens ou d’autres moyens d’explorer de façon
plus importante les troubles. L’utilisation d’instruments de cotation parallèles entre
les parents, les enseignants et les enfants permet aux praticiens d’obtenir et de
comparer un grand nombre d’informations à partir de plusieurs informateurs et de
façon moins chronophage. Les instruments d’évaluation sont également accessibles
aux personnels des crèches pour l’évaluation des jeunes enfants, et aux praticiens
qui proposent des tests d’aptitude standardisés (Achenbach, 2009).
Les items de certains instruments de cotation ont pour objectif de
rechercher les symptômes énoncés dans les classifications nosologiques officielles.
Le ADHD Rating Scale en est un exemple (DuPaul et al, 1998), il compte 18
articles faisant référence aux neuf critères diagnostiques d’inattention et aux neuf
critères diagnostiques d’hyperactivité-impulsivité retrouvés dans le DSM-IV-TR.
Contrairement aux critères du DSM-IV-TR, chaque item de la ADHD Rating
Scale est coté 0 = Jamais ou rarement, 1 = Parfois, 2 = Souvent, ou 3 = Très souvent.
Les notes sont additionnées pour donner des résultats distincts pour les échelles
d’inattention et d’hyperactivité-impulsivité. Les Cut points cliniques ont été
Modèles Cliniques
A.3
10
Manuel de la IACAPAP pour la Santé Mentale de l’Enfant et de l’Adolescent
établis à partir des scores obtenus aux échelles des parents et des enseignants pour
des échantillons d’enfants aux États-Unis. Ainsi, bien que les items se rapprochent
des critères diagnostiques du DSM-IV-TR, les évaluateurs n’ont pas besoin de faire
une synthèse des éléments cliniques, et les praticiens peuvent comparer les scores
de l’échelle aux normes et aux cutpoints de distributions des différents scores de
l’échelle.
D’autres instruments de cotation s’intéressent à un diagnostic particulier
tel que le TDAH, mais en incluant aussi d’autres troubles, comme par exemple le
Conners Rating Scales-révisées (CRS-R; Conners, 2001). D’autres instruments de
cotation incluent quant à eux des items plus divers cotés sur des échelles construites
par la combinaison d’analyses statistiques et l’attribution d’un item à une échelle
particulière. Par exemple, l’échelle Strengths and Difficulties Questionnaire (SDQ;
Goodman, 1997), se compose de 25 items, qui sont notés sur cinq échelles
construites par l’auteur. L’échelle Behavior Assessment System for Children-2 (BASC2; Reynolds & Kamphaus, 2004) est un instrument beaucoup plus complexe qui
est coté sur de nombreuses échelles se basant sur une combinaison d’analyses
statistiques et de décisions des auteurs. Des échelles telles que la TDAH Rating
Scale, la CRS-R, SDQ et la BASC-2 sont utiles pour obtenir des cotations
concernant divers types de troubles, mais elles ne permettent pas de combler les
écarts entre les évaluations cliniques et les classifications nosologiques, pas plus que
les EDS ne le font.
LES MODÈLES CLINIQUES DÉRIVÉS DES
ÉVALUATIONS DES PROBLÈMES DES ENFANTS
Les modèles nosologiques ont été construits largement à travers des
procédures « de haut en bas ». En d’autres termes, la construction des modèles
nosologiques a commencé « en haut » avec les catégories diagnostiques proposées
par les experts. Pour chaque catégorie, les experts ont ensuite proposé des critères
pour déterminer si les problèmes d’un enfant entrent dans la catégorie. Bien que
la contribution d’autres experts et d’essais sur le terrain ont été utilisés pour ajuster
certains critères, les catégories diagnostiques et les critères n’ont pas été dérivés de
données sur des échantillons concrets d’enfants. De plus, les critères diagnostiques
sont les mêmes pour les garçons et les filles, quelque soient leur âge, la source
d’information, et la société.
Tout comme de multiples modèles nosologiques peuvent coexister, de
même, des modèles alternatifs peuvent coexister avec des modèles nosologiques.
Un modèle alternatif a impliqué l’utilisation de procédure « de bas en haut » pour
extraire des modèles cliniques des évaluations de nombreux enfants. Cela a été
réalisé en sollicitant les parents, enseignants, et enfants à noter divers problèmes
comme suit 0=pas vrai, 1= un peu vrai ou parfois vrai, et 2=très vrai ou souvent vrai
pour des milliers d’enfants adressés pour soins de santé mentale et des milliers
d’enfants issus de la population générale (Achenbach & Rescorla, 2000 ; 2001).
Les items ont été choisis de manière itérative et affinés sur la base des contributions
de praticiens dans les domaines liés à la santé mentale, de recherches sur les
problèmes rapportés pour les enfants adressés dans les services de santé mentale,
et d’analyses d’évaluations et des suggestions émanant des parents, enseignants, et
enfants sur les éditions pilotes successives des instruments d’évaluation. Plutôt que
d’être sélectionnés sur la base de concepts diagnostiques d’experts, les ensembles
Modèles Cliniques
A.3
11
Manuel de la IACAPAP pour la Santé Mentale de l’Enfant et de l’Adolescent
d’items finaux ont été sélectionnés sur la base de leur capacité à discriminer de
façon significative les enfants adressés pour les soins de santé mentale ou pour des
mesures éducatives spécialisées versus les enfants similaires démographiquement
non adressés pour des soins. Les critères importants pour retenir les items
problématiques sont (a) qu’ils doivent être compréhensibles et évaluables par les
parents, enseignants, et/ou enfants, et (b) qu’ils soient notés significativement plus
haut pour les enfants adressés que pour les enfants démographiquement similaires
non adressés.
Bien que de nombreux items ont des équivalents parmi les critères
nosologiques, d’autres items sont également utiles pour discriminer les enfants
visés des enfants non-visés même s’ils ne font pas partie des critères nosologiques.
Autre point important, les items ont été rédigés de façon à ce que les parents, les
enseignants, et les enfants puissent les coter plutôt qu’une rédaction en termes
de critères nosologiques que les parents, enseignants, et enfants n’auraient pas
comprise. Les versions finales des instruments d’évaluation peuvent être complétées
en environ 15 minutes et comprennent des évaluations des compétences autant que
des difficultés. Les instruments incluent la Child Behavior Checklist pour les tranches
d’âges 1,5-5 ans et 6-18 ans, le Caregiver-Teacher Report Form pour la tranche d’âges
1,5-5 ans, le Teacher’s Report Form pour la tranche d’âges 6-18 ans, et le Youth SelfReportpour la tranche d’âges 11-18 ans (Achenbach & Rescorla, 2000 ;2001).
Modèles syndromiques
Après que les instruments d’évaluation ont été développés, les évaluations
de milliers d’enfants ont été analysés statistiquement afin d’identifier les actuels
modèles (c’est-à-dire syndromes) de problèmes qui ont tendance à survenir
ensemble. Les syndromes ont reçu des noms récapitulant les problèmes qu’ils
regroupent. Pour la tranche d’âge 6-18 ans, les syndromes sont nommés Anxieux/
Déprimé, Replié/Déprimé, Plaintes Somatiques (sans cause médicale connue),
Problèmes Sociaux, Problèmes de Pensées, Problèmes d’Attention, Comportement Horsla-loi, et Comportement Agressif. Des équivalents de plusieurs de ces syndromes
ont été retrouvés pour la tranche d’âge 1,5-5 ans, mais les syndromes nommés
Emotivité et Problèmes de Sommeil ont aussi été trouvés. Les scores des enfants
pour chaque syndrome sont calculés en additionnant les notes 0-1-2 des items du
syndrome. Pour faciliter aux praticiens la comparaison d’un enfant avec ses pairs,
les scores syndromiques sont affichés en profils selon les normes pour le genre et
l’âge de l’enfant, pour le type d’informateur (parent, enseignant, lui-même), et
pour la société correspondante (qui sera expliquée plus tard).
Des analyses statistiques supplémentaires ont identifié des associations
parmi des sous-ensembles des syndromes nommés Intériorisé (anxiété, dépression,
repli social, plaintes somatiques) et Extériorisé (comportements hors-la-loi et
agressif ). Les scores pour Intériorisé et Extériorisé sont calculés en additionnant les
notes 0-1-2 aux items comprenant ces grands groupes. Un score Problèmes Totaux
est aussi calculé en additionnant les notes 0-1-2 de tous les items problématiques
d’un questionnaire. Les scores pour Intériorisé, Extériorisé, et Problèmes Totaux
sont affichés en profils selon les normes pour le genre et l’âge de l’enfant, pour le
type d’informateur, et pour la société correspondante.
Modèles Cliniques
A.3
12
Manuel de la IACAPAP pour la Santé Mentale de l’Enfant et de l’Adolescent
Echelles orientées DSM
Les items des instruments d’évaluation ont été sélectionnés parmi des
procédures de bas en haut qui commençaient par l’évaluation par les enfants
plutôt que des procédures de haut en bas qui commençaient par les catégories
diagnostiques. Néanmoins, certains items problématiques ont des correspondances
parmi les critères diagnostiques et certains des syndromes identifiés statistiquement
incluent des problèmes similaires à ceux de certaines catégories diagnostiques.
Par exemple, le syndrome Problèmes d’Attention inclut de nombreux items
problématiques analogues aux critères symptomatiques du TDAH. De plus, des
associations significatives ont été trouvées entre certains diagnostics et des scores
élevés de certains syndromes (Achenbach & Rescorla, 2001).
Afin d’aider les praticiens à voir les relations entre les catégories
diagnostiques et les données obtenues avec les instruments d’évaluation, des
psychiatres et des psychologues experts de nombreuses cultures ont été invités à
identifier des items d’instrument d’évaluation qu’ils considéraient être très cohérents
avec les catégories diagnostiques du DSM-IV-TR. Les items identifiés par une large
majorité des experts à des catégories diagnostiques particulières ont été ensuite
regroupés en échelles orientées DSM correspondant aux catégories diagnostiques.
Pour la tranche d’âge 6-18 ans, les échelles orientées DSM sont désignées comme
Problèmes Affectifs, Problèmes d’Anxiété, Problèmes Somatiques, Problèmes de Déficit
d’Attention Hyperactivité, Problèmes d’Opposition avec Provocation, et Problèmes de
Conduites. Pour la tranche d’âge 1,5-5 ans, l’avis des experts a abouti à plusieurs
échelles orientées DSM analogues à celles de la tranche d’âge 6-18 ans, mais
aussi à une échelle désignée comme Problèmes Envahissants du Développement
(Achenbach & Rescorla, 2000). Cette échelle a été faite pour identifier les enfants
diagnostiqués avec un trouble du spectre autistique (Muratori et al., 2011 ; Sikora
et al., 2008). Le score d’un enfant à chaque échelle orientée DSM est calculé en
additionnant les notes 0-1-2 des items problématiques inclus dans l’échelle. Pour
permettre aux praticiens de comparer les scores de l’enfant avec les scores des pairs,
les scores à l’échelle sont affichés dans des profils liés aux scores selon l’âge et le genre
de l’enfant, le type d’informateur, et la société correspondante, comme illustré
dans la figure A.3.1 pour les auto-évaluations de Richard 16 ans (faux prénom).
Les échelles orientées DSM, les échelles syndromiques, et leurs profils respectifs
fournissent ainsi des modèles alternatifs pour comprendre et utiliser les évaluations
des informateurs concernant les problèmes comportementaux, émotionnels, et
sociaux des enfants sur les mêmes instruments d’évaluation.
Comparaisons inter-informateurs
Parce que les parents, les enseignants, et les enfants sont conscients de
différents aspects du fonctionnement des enfants, des divergences sont souvent
retrouvées dans les problèmes rapportés par les différents informateurs. Quand des
divergences sont retrouvées, il est tentant de conclure que l’un des informateurs
a raison et l’autre tort. Toutefois, différents informateurs peuvent fournir des
informations utiles concernant les différences de fonctionnement de l’enfant selon
le contexte dans lequel il est et selon les personnes qu’il côtoie. Les divergences
entre les rapports des informateurs peuvent également refléter les différences de
perception et d’évaluation du fonctionnement de l’enfant entre les informateurs.
Ces différences doivent être prises en compte pour décider si l’enfant a besoin
Modèles Cliniques
A.3
13
Figure A.3.1
Profil de
Richard aux
échelles YSR
orientées
DSM (selon
Achenbach
& Rescorla,
2007)
Manuel de la IACAPAP pour la Santé Mentale de l’Enfant et de l’Adolescent
Modèles Cliniques
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Figure A.3.2 Comparaisons inter-informateurs des scores de Richard aux échelles de syndrome selon les normes de la société J pour le
CBCL et les normes de la société K pour le TRF et le YSR (selon Achenbach & Rescorla, 2007).
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Modèles Cliniques
A.3
15
Manuel de la IACAPAP pour la Santé Mentale de l’Enfant et de l’Adolescent
de services de santé mentale, quel type de service, et comment les parents, les
enseignants, et l’enfant peuvent participer à ces services.
Afin de faciliter pour les praticiens la détection des similitudes et des
divergences entre les problèmes rapportés par les parents, les enseignants, et les
enfants, le logiciel informatique d’utilisation les instruments d’évaluation affiche
côte-à-côte les cotations 0-1-2 pour chaque item problématique pour chaque
combinaison possible, et ce, jusqu’à huit informateurs. Cet affichage côte-à-côte des
items évalués permet au praticien d’identifier rapidement les problèmes retrouvés
par tous les informateurs, les problèmes non retrouvés par aucun des informateurs,
et les problèmes retrouvés par certains informateurs. A titre d’exemple, si certains
problèmes sont retrouvés uniquement par les enseignants, cela suggèrerait que ces
problèmes sont spécifiques au contexte scolaire. D’autre part, si certains problèmes
sont retrouvés uniquement par les parents, cela suggèrerait que ces problèmes sont
spécifiques au contexte familial.
Outre l’affichage côte-à-côte des évaluations de problème, le logiciel informatique
affiche également des graphiques pour les syndromes et les échelles orientées DSM
scorées pour chaque évaluation par l’informateur. A titre d’exemple, la figure
A.3.2 montre un graphique d’échelles orientées DSM scorées pour l’évaluation de
Richard 16 ans par sa mère, son enseignant, et par Richard lui-même. En regardant
ce graphique, le praticien peut rapidement voir si certains scores sont dans la
fourchette sub-clinique (entre les deux lignes en pointillés) ou dans la fourchette
clinique (au dessus de la ligne pointillée supérieure). Le praticien peut aussi voir
s’il existe d’importantes différences entre les scores obtenus par les différents
informateurs.
Applications multiculturelles
Les modèles de la CIM, du DSM et du DC:0-3R n’ont pas été testés
hors d’une poignée de sociétés. Par conséquent, il reste beaucoup à apprendre sur
la façon dont leurs critères symptomatiques, leurs seuils diagnostiques (c’est-àdire le nombre de symptômes requis pour poser le diagnostic), et les autres traits
s’appliquent aux enfants des nombreuses sociétés où les modèles nosographiques
n’ont pas été testés. Comme des changements significatifs sont probables dans
la CIM 11 et le DSM 5, il est à espérer que l’ébauche des nouveaux critères soit
soumise à des tests multiculturels avant l’adoption définitive des critères.
Cliquez sur l’image pour
accéder au site internet de
l’ ASEBA.
Pendant ce temps, les modèles cliniques issus des données concernant les
problèmes évalués pour la tranche d’âge 1,5-18 ans ont été testés dans 47 sociétés,
et les traductions des instruments d’évaluation sont disponibles dans 86 langues
listées dans le tableau A.3.1. Les modèles syndromiques ont été testés par l’analyse
statistique d’évaluations de dizaines de milliers d’enfants par leurs parents, leurs
enseignants, les professionnels pouvant en assurer la garde, et – pour les 11-18
ans – les enfants eux-mêmes (Achenbach &Rescorla, 2012). Presque toutes les
analyses allaient dans le sens des modèles syndromiques qui étaient à l’origine
issus d’évaluations d’enfants anglophones d’Australie, de Jamaïque, du RoyaumeUni, et des Etats-Unis. Les résultats signifient que les ensembles de problèmes
concomitants compris dans les syndromes notés par les parents, les enseignants
et les instruments d’auto-évaluation étaient également retrouvés dans les autres
sociétés.
Modèles Cliniques
A.3
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Manuel de la IACAPAP pour la Santé Mentale de l’Enfant et de l’Adolescent
Table A.3.1 Traductions des formulaires du Système d’Achenbach
d’Evaluation Empiriquea
Afaan Oromo (Ethiopie)
Géorgien
Portugais (Brésil)
Afrikaans
Allemand
Portugais (Portugal)
Albanais (Albanie, Kosovo)
Grec
Créole Portugais
Langue des signes américaine
Gujarati (Inde)
Punjabi (Inde)
Amharic (Ethiopie)
Créole Haïtien
Roumain
Arabe
Hébreu
Russe
Arménien
Hindi
Samoan
Langue des signes
autralienne
Hongrois
Sepedi (Sotho du Nord, Afrique
du Sud)
Bahasa (Indonésie)
Islandais
Serbe
Bahasa (Malaisie)
Italien
Sesotho (Sotho du Sud, Afrique
du Sud)
Bangla (Bangladesh)
Japonais
Sinhala (Sri Lanka)
Bengali
Kannada (Inde)
Slovaque
Bosniaque
Khmer (Cambodge)
Slovène
Braille
Kiembu (Kenya)
Somali
Langue des signes britannique Kiswahili (Kenya)
Espagnol (Castilian)
Bulgare
Coréen
Espagnol (Caraïbes)
Catalan (Espagne)
Laotien
Suédois
Chinois
Letton
Tagalog (Philippines)
Croate
Lithuanien
Tamil (Inde)
Tchèque
Macédonien
Telugu (Inde)
Danois
Malais
Thaïlandais
Néerlandais (Pays-Bas, Flandres) Malayalam (Inde)
Tibétain
Estonien
Maltais
Turc
Farsi (Perse, Iran)
Marathi (Inde)
Ukrainien
Finois
Népalais
Urdu (Inde, Pakistan)
Français (Belgique)
Norvégien
Vietnamien
Français (Parisien)
Papiamentu (Curacao)
Visayan (Philippines)
Français (Québécois)
Pashto (Afghanistan, Pakistan) Xhosa (Afrique du Sud)
Ga (Ghana)
Polonais
Zulu
aLangues dans lesquelles au moins un formulaire ASEBA a été traduit(à partir de la publication
Achenbach & Rescorla, 2012).
Modèles Cliniques
A.3
17
Manuel de la IACAPAP pour la Santé Mentale de l’Enfant et de l’Adolescent
Pour fournir des normes adaptées aux enfants des 47 sociétés, les
distributions des scores de Problèmes Totaux ont été comparées entre des
échantillons d’enfants de chaque société. Grâce à ces comparaisons, les sociétés
ayant des scores bas, moyens ou élevés de problèmes ont été identifiées. Pour
permettre aux praticiens de comparer les scores d’un enfant aux scores de ses pairs
dans la société appropriée, les normes ont été adaptées aux sociétés selon qu’elles
ont des scores bas, moyens ou élevés de problèmes. Les trois ensembles de normes
multiculturelles sont disponibles dans un logiciel de score par ordinateur qui
permet aux praticiens d’afficher les scores de syndrome de l’enfant, orientés selon
le DSM, internes, externes et de Problèmes Totaux selon les normes de la société
appropriée, mais aussi selon l’âge de l’enfant, son genre et le type d’informateur.
APERÇU DES MODÈLES CLINIQUES
Nous avons décrit plusieurs modèles distinguant différents types de
problèmes comportementaux, émotionnels et sociaux. A ce stade d’évolution de
la science de la santé mentale, nous ne pouvons pas considérer un modèle comme
totalement correct et exclure les autres. Au lieu de cela, les différents modèles
peuvent avoir différents points forts et différents points faibles en fonction des
différents objectifs visés. Par conséquent, à l’avenir, il pourrait être utile de prendre
en compte plusieurs modèles pour guider le recueil et l’utilisation des données
cliniques pour la pratique fondée sur des preuves.
Les modèles de la CIM et du DSM pour les problèmes comportementaux,
émotionnels et sociaux de l’enfance font partie de nosologies qui couvrent de
nombreux types de problèmes pouvant survenir tout au long de la vie. Comme
les modèles pour les autres groupes d’âges, les modèles pour les problèmes des
enfants comprennent des catégories diagnostiques proposées par des experts qui,
ensuite, énumèrent les critères à retrouver en clinique pour entrer dans telle ou
telle catégorie diagnostique. Les critères doivent être applicables à tous les enfants
quel que soit leur genre, leur âge, leur culture d’origine ou encore la source des
informations recueillies. Lors de son évaluation du DSM-IV et de la CIM 10, le
plus célèbre pédopsychiatre du monde, Sir Michael Rutter (2011), a conclu que «
il y a beaucoup trop de diagnostics, et un taux ridiculement élevé de comorbidités
présumées » (p.647), et que « l’utilisation des dimensions pourrait réduire l’ampleur
de la trompeuse comorbidité présumée » (p.655).
“Il y a beaucoup trop de
diagnostics, et un taux
ridiculement élevé de
comorbidités présumées”
“L’utilisation des
dimensions pourrait
réduire l’ampleur de la
trompeuse comorbidité
présumée”
Sir Michael Rutter (2011, p
655)
Comme la CIM et le DSM, le DC:0-3R est une nosographie dont les
catégories ont été proposées par des experts qui ont ensuite énuméré les critères à
retrouver en clinique pour entrer dans telle ou telle catégorie diagnostique. Mais
contrairement à la CIM et au DSM, le DC:0-3R a été fait pour mieux couvrir les
syndromes de la petite enfance ainsi que les aspects développementaux. Toujours
contrairement à la CIM et au DSM, le DC:0-3R fournit des échelles d’évaluation
des relations parents-enfants, qui sont considérées comme particulièrement
importantes pour comprendre les problèmes des très jeunes enfants.
Le fait que la CIM et le DSM ne précisent pas les procédures pour évaluer les
problèmes comportementaux, émotionnels et sociaux a conduit au développement
de nombreux types d’EDS. Reconnaissant le besoin de données provenant aussi
bien des parents que des enfants, les EDS visant à diagnostiquer les enfants incluent
un entretien parental. Certains EDS comprennent également des questionnaires
pour les enseignants. Toutefois, les différences d’informations recueillies auprès
Modèles Cliniques
A.3
18
Manuel de la IACAPAP pour la Santé Mentale de l’Enfant et de l’Adolescent
des parents, de l’enseignant et de l’enfant rendent difficile l’élimination ou la
confirmation de la présence de chacun des critères diagnostiques.
Etant donné que les EDS sont largement utilisés pour poser des diagnostics
dans le cadre de la recherche, de nombreuses publications rapportent des résultats
pour des diagnostics posés à l’aide des EDS. Toutefois, la formation complète et les
larges créneaux horaires requis pour faire passer les EDS limitent leur utilisation
dans la pratique clinique. Par conséquent, on peut se demander si les résultats de
recherche basés sur des diagnostics faits à l’aide des EDS peuvent être généralisés
aux diagnostics faits par évaluation clinique. Des méta-analyses montrent un bon
recoupement entre certains diagnostics – comme l’anorexie mentale – faits grâce aux
EDS et aux évaluations cliniques, mais un mauvais recoupement est retrouvé pour
certains diagnostics communs, comme le trouble anxieux généralisé. Parmi tous
les diagnostics des méta-analyses, les EDS et les évaluations cliniques aboutissent
aux mêmes diagnostics pour 39% des patients pédiatriques mais rapportent des
diagnostics différents dans 61% des cas, après correction des biais.
Outre les EDS permettant une décision tranchée pour les critères
diagnostiques, de nombreux instruments destinés à évaluer les problèmes des
enfants ont été développés. Certains de ces instruments d’évaluation comprennent
des items proches des critères symptomatiques d’une catégorie diagnostique
particulière, comme le TDAH. D’autres présentent des items plus variés qui
pourraient se rapprocher de certains critères diagnostiques mais qui ne sont pas
strictement équivalents aux critères des catégories diagnostiques.
Une autre approche de construction de modèles cliniques est de travailler
du bas vers le haut en commençant avec l’évaluation par les informateurs des
divers items problématiques pour des milliers d’enfants. Ces évaluations sont
ensuite analysées statistiquement afin d’identifier des syndromes de problèmes
Modèles Cliniques
A.3
Clinique pédiatrique au Kenya
19
Manuel de la IACAPAP pour la Santé Mentale de l’Enfant et de l’Adolescent
Un enfant Kenyan de 8 ans a été amené à la clinique
médicale locale par sa mère. Environ 2 ans auparavant, elle
avait remarqué qu’il semblait très agité et les autres enfants
refusaient de jouer avec lui. Il était très distractible et devait
être surveillé attentivement. Les aidants à domicile engagés
par la mère démissionnaient souvent car ils ne pouvaient plus
le supporter. Il a subi de nombreuses blessures, dont des
contusions, des fractures, et des brûlures. Ses enseignants
se plaignaient qu’il était peu soigneux, qu’il avait une écriture
de mauvaise qualité, et qu’il ne faisait pas l’intégralité de
son travail. Il donnait les réponses sans attendre son tour
et avait un comportement perturbateur en classe. Bien qu’il
semblât intelligent, il était facilement distrait et querelleur à
la récréation, voulant être au centre de toutes les activités
des autres enfants. Il perdait souvent du matériel scolaire
important, obligeant sa mère à aller à l’école pour récupérer
le matériel perdu et assister aux réunions disciplinaires.
Pour fournir des données d’évaluation basée sur un
modèle, la mère a été amenée à passer l’échelle de Conners
version parents (ECP). Aux vues des scores élevés dans
de multiples échelles de problème de l’ECP, du rapport
d’entretien avec la mère, et d’une brève entrevue avec
le garçon, le pédiatre de la clinique a recommandé que le
garçon soit vu par un psychiatre pour une évaluation plus
poussée que ce que la clinique médicale locale pouvait faire.
Quand le psychiatre l’a évalué, celui-ci a remarqué que
le garçon était bien soigné mais qu’il présentait de multiples
contusions à différents stades de guérison. Les contusions
semblaient être le résultat de chutes et de chocs contre des
objets plutôt que de blessures infligées par un tiers, toutefois
il disait qu’il était souvent puni à la maison à cause de son
comportement et il a demandé au médecin de discuter de ces
punitions avec ses parents. Un examen de son état mental a
révélé qu’il était bien orienté dans le temps et l’espace, que sa
mémoire était bonne, et qu’il n’y avait pas de signe de trouble
de la perception. Toutefois, il était facilement distractible et
produisait de nombreux bruitages inappropriés. Il ne pouvait
pas rester assis tranquillement, il déambulait dans la pièce,
et questionnait le médecin à propos de photos affichées
aux murs du bureau. Ses capacités langagières étaient
peu développées, et il n’exprimait pas ses idées clairement.
En regardant les résultats de l’ECP transmis par
le pédiatre de l’enfant, le psychiatre vit que les scores
étaient élevés dans de multiples échelles, avec des scores
particulièrement élevés dans l’index TDAH. Bien que le
garçon ait eu clairement besoin d’aide dans de multiples
domaines, le psychiatre conclut que les scores élevés pour
le TDAH justifiaient l’essai d’un traitement médicamenteux
afin de voir si cela réduirait suffisamment les problèmes
d’inattention et d’hyperactivité pour que le garçon soit
réceptif à la prise en charge de ses autres problèmes.
Au moment de parler de ses conclusions avec la
mère du garçon, le psychiatre se rendit compte qu’elle avait
déjà des informations sur le TDAH grâce à une amie dont
l’enfant avait des problèmes similaires. Par conséquent, la
mère ne fut pas surprise des conclusions du psychiatre et
était d’accord pour essayer le traitement médicamenteux.
Avec l’autorisation de la mère, le psychiatre communiqua
également ses conclusions et sa prise en charge à l’enseignant
de l’enfant, qui était aussi inquiet de son comportement. Le
psychiatre prescrivit 10mg de méthylphénidate deux fois par
jour et demanda à la mère et à l’enseignant de compléter
l’ECP à intervalle régulier d’un mois pour évaluer la réponse
au traitement et pour avoir une base de décision pour
d’éventuelles futures interventions. La mère fut également
informée sur le TDAH et sur les mesures éducatives adaptées
concomitants. En vue de l’utilisation dans les évaluations cliniques, les scores de
syndromes pédiatriques sont calculés en faisant la somme des évaluations des items
de chaque syndrome. Pour permettre aux praticiens de déterminer si les scores
sont dans la fourchette normale, sub-clinique ou clinique, les échelles de syndrome
recouvrent différents profils en fonction des normes selon l’âge et le genre de
l’enfant, mais aussi en fonction du type d’informateur, comme par exemple les
parents, les enseignants, et les enfants eux-mêmes. Pour prendre en compte les
différences de problèmes rapportés chez les enfants dans différentes sociétés, le
praticien peut sélectionner les normes basées sur des données multiculturelles
de nombreuses sociétés. Et pour aider le praticien à faire des comparaisons entre
informateurs, les scores des items et des échelles de plusieurs informateurs peuvent
être affichés côte-à-côte. Les scores des échelles de chaque informateurs sont
standardisés selon l’âge de l’enfant, son genre, le type d’informateur et les normes
multiculturelles du groupe sélectionné par le praticien.
Les syndromes issus des statistiques fournissent les modèles de bas en haut
pour comprendre les problèmes des enfants. Toutefois, les modèles de haut en
bas sont aussi fournis pour remplir les mêmes instruments d’évaluation en terme
d’échelles orientées DSM et basées sur l’avis clinique d’experts de nombreuses
cultures.
Modèles Cliniques
A.3
20
Manuel de la IACAPAP pour la Santé Mentale de l’Enfant et de l’Adolescent
LE BESOIN D’ÉVALUATION BASÉE SUR UN MODÈLE
DANS LES PAYS EN VOIE DE DÉVELOPPEMENT
Les besoins des services de santé mentale dans les pays pauvres ou en voie
de développement sont susceptibles d’être au moins aussi importants que dans
les pays développés, mais les pays pauvres ont beaucoup moins de personnels
qualifiés en santé mentale. La photo montre l’un des auteurs dans une clinique
d’un pays pauvre où les enfants attendent pour être vus par un infirmier – qui est
dépassé par le grand nombre de patients. Il y a donc un besoin urgent d’utiliser
des instruments d’évaluation pouvant aider les fournisseurs de soins de santé
surchargés de travail. Ces instruments devraient pouvoir recueillir des informations
fiables des parents et – quand cela est possible – des enseignants et des enfants euxmêmes. Ce type d’instrument peut servir, au moins, aux objectifs suivants : (a)
augmenter la conscience des troubles mentaux chez les enfants ; (b) intégrer les
données concernant ces problèmes aux systèmes d’informations sanitaires ; et (c)
aider à identifier les cas à adresser à un spécialiste, si besoin. La vignette clinique
ci-dessus illustre une évaluation basée sur un modèle dans un pays en voie de
développement.
Modèles Cliniques
A.3
21
Manuel de la IACAPAP pour la Santé Mentale de l’Enfant et de l’Adolescent
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