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« À force de couper, on détruit »
Mise en contexte
Nouvellement élu et fort d’une majorité, le gouvernement Couillard a clairement
l’intention de mettre en avant des réformes qui ont pour objectif proclamé de restaurer
un équilibre durable des finances publiques, mais surtout de redéfinir le le et la taille
de l’État. Prétextant que le régime fiscal québécois est caractérisé par des charges
fiscales plus importantes qu’ailleurs au Canada tant pour les particuliers que pour les
entreprises, le gouvernement a annoncé une révision des programmes existants et de la
fiscalité en vue de se rapprocher de la moyenne canadienne. À cette fin, il a mis sur pied
deux commissions :
La Commission sur la révision permanente des programmes (présidée par
l’ancienne ministre Lucienne Robillard) aura le mandat d’examiner et de
proposer des pistes de solution à l’égard de la pertinence, de l’efficacité, de
l’efficience et du mode de financement des programmes, ainsi que de la révision
des structures existantes. De plus, elle devra proposer une vision globale quant
au repositionnement de l’État et de la révision des programmes.
La Commission d’examen sur la fiscalité québécoise (présidée par le fiscaliste Luc
Godbout) aura pour mandat de dresser un état de situation de la fiscalité au
Québec et de proposer des mesures permettant de réduire l’ensemble des
dépenses fiscales afin de respecter les cibles fixées au budget 2014-2015; de
réviser le régime fiscal des entreprises afin de mieux soutenir la croissance
économique; d’optimiser la tarification des services tout en assurant une
distribution équitable de la richesse collective et enfin, d’assurer le financement
des services publics.
Le récent budget Leitao révélait que la Commission sur la révision permanente des
programmes doit réduire de 3,283 milliards de dollars les dépenses de programmes en
2015-2016. Cette réduction doit se traduire soit par l’abolition des programmes ou par
la réduction de leur portée (transformations qui sont déjà en cours puisque le budget
2014-2015 prévoit des compressions budgétaires de 3,266 milliards de dollars). La
Commission d’examen sur la fiscalité québécoise doit, quant à elle, identifier pour
l’exercice 2015-2016, des économies de 650 millions de dollars au chapitre des
dépenses fiscales. Compte tenu de l’engagement du gouvernement de ne pas
augmenter les impôts et les taxes, il apparaît peu probable que la commission identifie
des revenus additionnels qui contribueraient à refermer l’impasse budgétaire, à moins
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qu’il ne s’agisse de nouvelles tarifications. De plus, le ministre Leitao a indiqué dans son
premier budget que, dès le retour des surplus, ceux-ci seraient attribués pour 50 % à la
réduction de la dette et pour 50 % à la baisse des impôts et à l’élimination de la taxe
santé. Le message est sans ambiguïté aucune, rien avant longtemps pour les dépenses
de programmes.
Les mesures d’austérité du budget 2014-2015 donnent un avant-goût de ce que seront
les recommandations des deux commissions gouvernementales. Il est impossible de les
mentionner toutes ici, mais voici certaines mesures importantes :
Contrôle de la rémunération par le gel des effectifs dans le secteur public et
parapublic (effort budgétaire de 500 millions de dollars sur une année pleine, à
compter de 2015-2016).
Mesures administratives annoncées le 24 avril 2014 (305 millions de dollars) :
gain de productivité représentant 2 % de la masse salariale, réduction de 3 % des
dépenses de fonctionnement, resserrement des subventions.
Révision des engagements pris par le gouvernement Marois au chapitre de la
Politique nationale de la recherche et de l’innovation, de la Politique écono-
mique et de la Politique industrielle, du Sommet sur l’enseignement supérieur,
du financement gouvernemental accordé aux organismes communautaires.
Santé et services sociaux, la croissance des dépenses n’est que de 3 % en 2014-
2015 et de 2,6 % en 2015-2016, ce qui est beaucoup plus faible que la tendance
historique récente (les dépenses comprennent les dépenses de programmes et
les dépenses financées par la contribution santé). Le budget des agences de la
santé et des services sociaux diminue de 5,1 %. Par ailleurs, le gouvernement
Couillard abandonne le projet d’assurance autonomie mis en avant par l’ancien
gouvernement.
Éducation, l’augmentation des dépenses de programmes n’est que de 2,2 % en
2014-2015, puis de 1,9 % en 2015-2016. En 2014-2015, les soutiens au transport
scolaire et aux partenaires en éducation diminueront respectivement de 2,6 % et
de 12,6 %. Le gouvernement a aussi annoncé l’abolition des directions régionales
du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport.
Services de garde à l’enfance, le gouvernement a annoncé la récupération d’une
partie des surplus cumulés des centres de la petite enfance (CPE) et des mesures
équivalentes pour les garderies subventionnées.
Aide sociale, le gouvernement Couillard nous annonce un contrôle plus serré de
la conformité des montants versés aux prestataires de l’aide de dernier recours.
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Le budget du ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale diminue d’ailleurs
de 2,1 % en 2014-2015.
Diminution de 19,5 % en 2014-2015 du budget du ministère du Développement
durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques.
Diminution de 1,3 % en 2014-2015 du budget de l’Agriculture, des Pêcheries et
de l’Alimentation (mais de 2,34 % par rapport au budget de dépenses qui était
prévu l’an dernier).
Réduction de 10 % du montant des subventions accordées de façon récurrente à
certains organismes à des fins de développement économique.
Réduction de 20 % des taux de crédits d’impôt pour les entreprises (économie de
35,5 millions de dollars en 2014-2015 et de 270,4 millions en 2015-2016).
Plusieurs secteurs sont touchés : salaires des chercheurs en recherche et
développement, production multimédia, développement des affaires
électroniques, production cinématographique ou télévisuelle québécoise, etc.
Pour certains secteurs d’activité, la philosophie sociale et économique du
nouveau gouvernement est inquiétante et s’inscrit dans une tradition le
gouvernement doit se contenter de créer un environnement favorisant les
entreprises du secteur privé et l’investissement, en évitant d’investir trop
lourdement dans l’économie. Une telle philosophie sonne évidemment le glas
d’une politique industrielle proactive, alors même que le Québec a un urgent
besoin de proposer et de développer de nouvelles sources durables de
croissance économique, ce qui rendrait moins aigu le problème des finances
publiques.
La nécessité d’agir
Le mandat donné à ces commissions, leur composition ainsi que les délais dans lesquels
elles devront produire leurs rapports sont inquiétants. De toute évidence, le gouverne-
ment Couillard veut procéder rapidement au détriment d’un réel dialogue social. Il nous
apparaît important d’agir collectivement pour souligner que l’exercice doit se dérouler
correctement. Se donner du temps pour quun débat public élargi sur la révision des
programmes et de la fiscalité ait lieu ne met pas le Québec en danger de décote ni ne
l’enferme dans l’inaction.
Nous pensons qu’en tant que société, nous avons le temps de débattre de ces questions
parce que (voir l’annexe pour plus de détails) :
- Le déficit budgétaire est faible en proportion du PIB québécois;
- La dette publique du Québec est sous contrôle;
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- Les politiques d’austérité ne sont pas la solution, ni sur le plan social, ni sur le
plan économique.
Si nous n’agissons pas, toutes les conditions seront mises en place pour que les gains
obtenus par la société québécoise pour établir plus déquité entre les individus, un juste
partage de la richesse, une économie plus respectueuse de l’environnement, des
services de santé et d’éducation gratuits et universels ainsi qu’une administration
publique qui réponde aux besoins exprimés soient remis en question.
Malgré les engagements du gouvernement Couillard et des gouvernements précédents
concernant la protection des missions essentielles de l’État québécois, le gouvernement
se désengage bel et bien de ses responsabilités depuis quelques années, comme en
témoigne la faible croissance du financement des services publics et des programmes
sociaux. Et la volonté du gouvernement actuel d’atteindre coûte que coûte l’équilibre
budgétaire en 2015-2016 ne va qu’accélérer le désengagement de l’État. Lors de son
allocution à la Conférence de Montréal en juin dernier, le premier ministre Philippe
Couillard a indiqué que « des politiques sociales à crédit, au-delà de nos moyens réels,
n'ont que l'apparence du progressisme ». Il a ajouté « qu’un gouvernement, peu
importe l'étendue de sa juridiction, doit vivre selon l'étendue de ses moyens pour
répondre aux besoins de la population ». Donc, pour le premier ministre, l’affaire est
entendue : le modèle québécois est caractérisé par des dépenses de programmes trop
élevées, un fardeau fiscal trop lourd et un endettement excessif.
Devant une telle conjoncture, il serait souhaitable que l’ensemble des forces progres-
sistes du Québec, malgré certaines divergences, puisse parler d’une seule voix pour
s’opposer aux initiatives gouvernementales visant le démantèlement des services
publics et des programmes sociaux. Un front social large contre l’austérité, qui
regrouperait les organisations syndicales, les associations étudiantes, les groupes
sociaux et les groupes environnementaux, aurait tout avantage à identifier les
revendications qui font consensus et à les faire connaître dans le cadre d’une
déclaration ou d’un manifeste qui permettrait d’interpeller le gouvernement Couillard
sur la place publique. Un front social contre l’austérité pourrait également envisager des
actions communes pour faire entendre les voix de celles et de ceux qui s’opposent aux
politiques du gouvernement Couillard. L’union de l’ensemble des organisations
progressistes autour d’une vision partagée du rôle de l’État dans la société québécoise
améliorerait sans contredit les chances d’influer le cours des choses.
Des solutions existent pour assainir les finances publiques tout en
finançant adéquatement les services publics et les programmes sociaux
Chacun des groupes susceptibles de joindre le front social contre l’austérité a des
solutions qui permettent tout à la fois d’assainir les finances publiques et de financer
adéquatement les services publics et les programmes sociaux que la population a choisi
de se donner. Compte tenu de l’enjeu majeur que pose la volonté du gouvernement
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Couillard de procéder à une réforme structurelle des finances publiques québécoises
dans l’année qui vient, il serait tout à fait important qu’un éventuel front social contre
l’austérité puisse mettre en avant des revendications auxquelles adhère l’ensemble des
groupes. Pour qu’elles portent, nos revendications doivent d’être limitées en nombre,
rigoureuses, crédibles et bien vulgarisées. Elles pourraient concerner tant la fiscalité des
particuliers que celles des entreprises, la gestion des dépenses publiques et la gestion
de la dette publique. Par ailleurs, nous devrions travailler prioritairement à trouver une
réponse à court terme pour laisser une réelle place au débat public plutôt qu’aux
simulacres de consultations auxquelles nous serons invités à participer cet automne.
À court terme
Un certain nombre de mesures sont envisageables à court terme pour assainir les
finances publiques sans recourir aux compressions budgétaires.
Reporter l’atteinte du déficit zéro
L’équilibre budgétaire ne peut être réalisé de façon systématique en faisant
abstraction de la conjoncture économique. Compte tenu des difficultés de
l’économie, le gouvernement Marois a reconnu que l’atteinte de l’équilibre
budgétaire en 2013-2014 n’aurait pu se faire qu’au prix de mesures qui
auraient nui à la croissance économique. Il a conséquemment reporté
l’objectif de déficit zéro à 2015-2016. Pour des raisons analogues, le
gouvernement Couillard a lui aussi décidé de reporter l’équilibre budgétaire à
2015-2016.
Si la croissance économique n’est pas au rendez-vous en 2014 et en 2015, le
gouvernement du Québec a la marge de manœuvre nécessaire pour reporter de
nouveau l’atteinte de l’équilibre budgétaire, de façon à protéger les missions de
l’État et à ne pas ajouter au ralentissement économique par le biais de
compressions budgétaires.
Suspendre les versements au Fonds des générations
Actuellement, la mécanique du Fonds des générations agit de façon à
contraindre les dépenses de programmes, puisque son financement est
considéré comme prioritaire, même en période de récession. Ainsi, sans le
versement au Fonds des générations, le déficit budgétaire serait de 1,979
milliard de dollars en 2013-2014 plutôt que de 3,1 milliards; en 2014-2015, les
projections du gouvernement nous indiquent qu’il serait de 1,049 milliard de
dollars plutôt que de 2,35 milliards de dollars. Dans les prochaines années,
l’écart ira grandissant entre le solde budgétaire au titre des opérations courantes
et le solde budgétaire au sens de la Loi sur l’équilibre budgétaire, qui comprend
les versements au Fonds des générations : en 2018-2019, pour obtenir un
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