Magazine Judaïsme Nord - Judaïsme du Nord Pas-de

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‫ב''ה‬
Magazine Judaïsme Nord
Chabbath Vayichla’h
05/12/2014
13 Kislev 5775
1
Magazine Edité par Judaïsme Nord
Recueil d’articles publiés
sur Daf-Hagueoula.org et sur la version française de Chabad.org
Tous les textes sont protégés par le copyright
Composition par Rav Eliahou Dahan
Tous nos remerciements à Rav Emmanuel Mergui
rédacteur de la version française de Chabad.org
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Table des matières
Editorial............................................................................................................................................... 4
Libérér La Pénséé Juivé ..................................................................................................................... 4
Il était une Fois ................................................................................................................................. 6
La Tété dans lés Ciéux ét lés Piéds dans lé Plat ............................................................................... 6
La Paracha en Bref .......................................................................................................................... 7
Réflexions sur la Paracha de la Semaine ............................................................................... 8
Lés Juifs ét l’Argént ............................................................................................................................ 8
Yaakov – Israél : Un Juif – Déux Nivéaux ........................................................................................ 10
Le Midrash Raconte la Guéoula ............................................................................................... 12
Dés Richéssés Pour Un Mondé Méilléur......................................................................................... 12
Questions - Réponses ................................................................................................................... 13
Lés Patriarchés ét la Torah .............................................................................................................. 13
Regard sur la Chemita ................................................................................................................. 16
Judaïsmé ét Capitalismé .................................................................................................................. 16
‘Hassidisme ...................................................................................................................................... 19
Rabbi DovBér Chnéouri ................................................................................................................... 19
3
Editorial
Libérer La Pensée Juive
Ce jeudi 11 décembre, nous célébrerons l’anniversaire de
la libération de Rabbi Chnéour-Zalman de Liadi –
fondateur du ‘Hassidisme ‘Habad – des prisons
tsaristes. Il fut libéré le 19 Kislev 5559 (1798) après avoir
été arrêté, accusé et jugé suite à une machination. Il fut
accusé d’enseigner des principes antimonarchiques.
Tous ses enseignements furent minutieusement
examinés et la propagation du ‘Hassidisme en général et
de ses écrits en particulier était en danger. On l’accusa
aussi de coopération avec l’ennemi, qui était alors la
Turquie.
Rabbi Chnéour-Zalman expliqua à ses juges qu’il collectait et qu’il envoyait de l’argent
aux centaines de familles de ‘Hassidim qu’il avait encouragés à s’installer en terre
sainte. Cet argent n’était certainement pas destiné aux Turcs. Puis, il dut exposer et
expliquer, devant ses tortionnaires, les principes les plus profonds de la ‘Hassidouth et
de la mystique juive.
Aujourd’hui, le ‘Hassidisme fait partie intégrante du patrimoine culturel de notre
peuple et personne ne soupçonnerait que cette école n'est, en fait, pas si ancienne
qu'elle ne le paraît, tant elle est devenue inséparable du reste de la tradition. Combien
d’écrivains, de chercheurs, d’artistes et de poètes consacrèrent toute leur existence
pour conter, analyser, peindre ou chanter ce mouvement né en Europe de l’Est. Pour
beaucoup, il était voué à disparaître. Pour certains, c’était un souhait ; pour les autres,
c’était une crainte. Pourtant, en dépit de toutes prévisions, la ‘Hassidouth persista face
à tous les assauts et se développa à l’heure où, ailleurs, il n’y avait que régression ou
repli.
Certains aiment dire que, fort de son succès, la ‘Hassidouth devint rapidement un
mouvement populaire qui prônait, aux moments où régnait la terreur, la joie et l’amour
du prochain, les chants et les danses. Je dois avouer que je suis en total désaccord avec
cette définition simpliste du ‘Hassidisme dont ses détracteurs firent la promotion.
Le ‘Hassidisme ne se limite pas à des gestes folkloriques ou à une « tradition » évoquée
dans le refrain d’un violon sur le toit. La ‘Hassidouth est, avant tout, une philosophie
4
qui transfigura la pensée Juive dans sa totalité. C’est pour ses idées que Rabbi ChnéourZalman fut emprisonné et ce sont elles qu’il a défendues devant les représentants du
Tsar.
A la lumière de ses enseignements, des concepts tels que l’Unité de D-ieu, la
Providence, le libre arbitre, le bien et le mal, la Téchouva, le rapport à l’Autre, ainsi que
le but de la création, prirent des dimensions insoupçonnées et ils font aujourd’hui
l’unanimité dans les écoles de pensée Juive.
Les ‘Hassidim ont l’habitude de dire que le Baal Chem Tov enseigna que tout homme
a les moyens et le devoir de communiquer avec D-ieu, tandis que Rabbi ChnéourZalman démontra comment y parvenir. Encore faut-il faire l’effort de se pencher sur la
richesse de ce patrimoine. Car s’il existe une idée chère aux ‘Hassidim, c’est bien
l’effort, la Avoda.
Rabbi Chnéour-Zalman assura à ses disciples qu’en toute circonstance « l’œuvre des
‘Hassidim sera gagnante. » L’histoire n’a jamais démenti cet adage. Aujourd’hui, les
‘Hassidim s’obstinent à proclamer haut et fort que le temps de la Guéoulah est arrivé,
ainsi, puissions-nous voir se réaliser rapidement cette dernière prophétie du Rabbi.
Rav Eliahou DAHAN
5
Il était une Fois
La Tête dans les Cieux et les Pieds dans le Plat
Rabbi Avraham, fils du Maguid de Mézeritch, était appelé le Mala’h – l’ange – car il
avait une tendance pour l’ascétisme ; il mangeait peu et il passait de longues heures à
prier. Cette ferveur lui venait de ses profondes connaissances en Kabbala. Le Maguid
proposa à son fils de se lier à son élève, Rabbi Chnéour-Zalman, qui avait, pour sa part,
de très grandes connaissances Talmudiques. Ainsi, les deux jeunes hommes
partageaient quotidiennement des moments privilégiés à échanger leur savoir
personnel.
Une fois, alors qu’ils s’étaient engagés dans une
profonde analyse d’un concept Kabbalistique,
Rabbi Chnéour-Zalman dit à son camarade :
« Arrêtons un peu ! J’ai besoin de repos. »
Rabbi Chnéour-Zalman se retira et se dirigea vers
la cuisine où il prit un Baguel avec du beurre.
Lorsque le Mala’h le rejoignit, il s’exclama : « Mais
comment peux-tu manger maintenant ? ! Nous venons juste de voir ensemble les
principes les plus élevés et les plus profonds de la mystique, et tu arrives à manger ?
! » Le Mala’h estimait certainement que le fait de manger était contraire aux principes
de la Kabbala.
Rabbi Chnéour-Zalman lui expliqua, alors, qu’il avait ressenti une telle élévation
durant l’étude de ces textes ésotériques que son âme allait soudainement quitter son
enveloppe corporelle pour se fondre dans le Divin. Aussi, c’est en mangeant ce Baguel
qu’il se rattrapa à l’aspect physique de ce monde où l’homme doit remplir sa mission.
6
La Paracha en Bref
Vayichla’h
Génèse 32, 4 - 36, 43
Yaakov retourne en Terre Sainte après 20 ans passés à
‘Haran. Il envoie des anges messagers vers Essav dans
l’espoir d’une réconciliation, mais les messagers lui
rapportent que son frère vient dans sa direction,
accompagné de quatre cents hommes armés. Yaakov se
prépare au combat, prie, et adresse à son frère un
important don de bétail dans l’espoir de l’apaiser.
Au cours de la nuit qui précède leur rencontre, Yaakov fait
traverser la rivière Yabbok à sa famille et à ses
possessions. Lui, cependant, reste en arrière et rencontre
un ange qui représente l’esprit de d’Essav, avec lequel il
lutte jusqu’à l’aube. Bien qu’atteint à la hanche, Yaakov
est vainqueur. L’ange lui donne alors le nom d’Israël, « Car, dit-il, tu as combattu
contre des puissances célestes et des hommes et tu es resté fort ».
Yaakov et Essav se rencontrent enfin. Les deux frères jumeaux s’embrassent puis
chacun reprend son chemin.
Yaakov acquiert un terrain près de Sichem dont le prince (qui s’appelle également
Sichem) enlève et viole Dina, fille de Yaakov. Ses frères, Simon et Lévi la vengent en
passant tous les hommes du lieu au fil de l’épée après les avoir rendus vulnérables en
les convainquant de se circoncire. Yaakov leur en fait le reproche.
Yaakov reprend son voyage. D.ieu lui apparaît à nouveau et le bénit. Il lui dit « ton nom
désormais ne sera plus Yaakov, ton nom sera Israël ».
Rachel meurt en donnant naissance à son second fils, Benjamin. Elle est inhumée au
bord de la route, près de Bethléem. Reuben perd son droit d’aînesse pour avoir
interféré dans la vie maritale de son père. Yaakov rejoint son père Isaac à Hébron, qui
décède plus tard à l’âge de 180 ans (Rebecca est décédée avant l’arrivée de Yaakov).
La Paracha s’achève par l’énonciation détaillée de la famille d’Essav, ses femmes, ses
enfants et petits-enfants, et les lignées familiales des habitants de Séïr parmi lesquels
Essav s’est installé.
© Copyright 2014, all rights reserved.
7
Réflexions sur la Paracha de la Semaine
Les Juifs et l’Argent
Dr Tali Loewenthal
Comment le Judaïsme envisage-t-il la richesse ?
Comment considère-t-il quelqu’un qui travaille dur
pour amasser une fortune ? Ne devrait-il pas
consacrer plutôt son temps à des occupations
spirituelles ?
La Paracha de cette semaine qui commence avec la rencontre fatidique entre Yaakov
et Ésaü jette la lumière sur cette question.
Des années auparavant, Yaakov s’était enfui d’Ésaü pour échapper à la colère de son
frère. Ésaü pensait qu’il avait été privé, à tort, de son droit d’aînesse et des bénédictions
de son père. Il voulait donc tuer Yaakov. Ce dernier s’était réfugié dans la maison de
son oncle Lavan, bien loin à l’est, à ‘Haran. Là-bas, il s’était marié, avait élevé une
famille et prospéré. Il avait amassé de gros troupeaux de moutons et de bétail. Il
revenait donc à Canaan, sa terre natale.
Sur le chemin du retour, il dut faire face à une confrontation avec son frère Ésaü. Y
aurait-il la paix ? Finalement c’est ce qui se produisit, mais pas d’emblée. Yaakov fut
tout d’abord informé qu’Ésaü avançait vers lui avec une armée hostile. Il prépara donc
des plans d’urgence, dont le plan de paix évoqué plus tôt. Son présent était accompagné
d’un message de conciliation : « J’ai vécu temporairement avec Lavan et j’y suis resté
jusqu’à présent. Je possède des bœufs et des ânesses, des moutons, des serviteurs et
des servantes et je t’ai envoyé ce cadeau, pour trouver faveur à tes yeux ».
Nos Sages demandent : pourquoi Yaakov mit-il l’accent sur le fait que son séjour chez
Lavan avait été temporaire?
Ils répondent que par ces mots Yaakov était en train de dire quelque chose sur la nature
de la richesse qu’il avait amassée. Il est vrai qu’il avait travaillé très dur et était devenu
très riche. C’est pour cette raison, qu’il envoyait un cadeau important à son frère. Mais
il voulait également lui signifier quelque chose à propos de la façon dont il considère
cette richesse. Les choses de ce monde sont certes importantes. Mais elles ne sont que
temporaires.
Yaakov disait à son frère : le but principal de la vie n’est pas la richesse en soi, mais la
possibilité d'utiliser chaque détail de la vie dans le service de D.ieu.
En fait, « j’ai vécu temporairement » s’exprime dans le texte hébreu de la Torah par un
mot unique, garti, qui a la valeur numérique de 613. Yaakov disait : « J’ai vécu avec
8
Lavan, l’idolâtre, je me suis profondément consacré à pourvoir aux besoins de ma
famille et je suis devenu très riche. » Mais le véritable but en était d’observer les 613
Commandements.
Le Judaïsme nous enseigne que la richesse n’est pas le but, mais le moyen. Celui de de
créer la magnifique atmosphère d'un foyer juif, avec des enfants heureux et des invités
à sa table. D’être capable de donner du temps, de l'attention, de l'éducation juive, de la
charité. De savoir partager avec les membres de la communauté et de jouer son rôle
dans le bien-être de tous.
Voilà quel était le message de Yaakov à son frère Ésaü, parce que, finalement, c’est là
le message du Juif au monde.
© Copyright 2014, all rights reserved.
Dr Tali Loewenthal est maître de conférences en Spiritualité Juive au
University College de Londres et directeur du Chabad Research Unit. Il
est l'auteur de Communicating the Infinite: The Emergence of the Chabad
School.
9
Yaakov – Israël : Un Juif – Deux Niveaux
« Yaakov ne sera plus désormais ton nom, mais Israël… »
(Genèse 32 – 29)
Le Talmud affirme que celui qui appelle Avraham par le nom Avram transgresse le
commandement : « Tu ne seras plus appelé Avram… »
Le Talmud se demande alors : Si c’est ainsi, comment se fait-il que l’on puisse appeler
Yaakov par ce prénom même après qu’il fut nommé par l’ange et par D-ieu ?
Nos maîtres répondent que les deux cas sont bien
différents : en effet, nous constatons que la Torah ellemême n’utilise plus le prénom Avram pour désigner le
premier Patriarche. Tandis que pour Yaakov, le verset
utilise tantôt Israël, tantôt Yaakov.
Néanmoins nous devons, justement, comprendre
pourquoi la Torah continue à appeler le troisième
Patriarche du nom de Yaakov même après qu’il fut
nommé Israël ?
La ‘Hassidouth explique que les deux prénoms Yaakov
et Israël représentent, chacun, un niveau différent du
service de D-ieu. Aussi, il existe des moments où l’individu doit se conduire dans
l’esprit de Yaakov, et d’autres où il doit embrasser les caractères d’Israël.
Le nom de Yaakov fait écho à la bénédiction que son père lui donna dans le Eikev – le
subterfuge. C’est celui qui doit ruser pour surmonter les embûches posées par Essav.
Israël fait référence à un état plus noble de la réception des bénédictions.
Les étapes de la vie de nos Patriarches sont – selon nos sages – des indications pour la
vie de leurs descendants. Nous devons donc retrouver dans notre parcours personnel,
les deux étapes – niveaux – de Yaakov et d’Israël.
Nous observons que Yaakov devait – avec l’aide de sa mère – pour recevoir les
bénédictions, se dégrader spirituellement, se sacrifier en se déguisant en Essav et en
empruntant les vêtements du méchant Nimrod. Ces bénédictions concernaient l’avenir
matériel des enfants de Yits’hak, et c’est dans le but d’élever les étincelles Divines qui
habitent le monde que Yaakov entreprit une telle démarche.
10
Voici donc la leçon que nous pouvons tirer de l’expérience de Yaakov : l’approche que
le Juif doit avoir envers le manger, le boire et toutes les autres activités physiques n’est
pas dégradante. Elle peut paraître rusée puisque pour mener sa vie matérielle, le Juif
se vêt des habits de Essav ; pourtant, c’est avec une intention profonde qu’il s’investit
dans le monde afin d’élever les étincelles et de donner un sens aux choses.
Le niveau d’Israël est tout à fait différent : le rapport avec la matérialité n’est plus
ambigu. Les bénédictions sont directes et manifestement méritées.
A ce niveau, le Juif ne cache pas ses intentions de sanctifier le monde et il procède pour
cela à visage découvert.
C’est le cas de l’atmosphère qui règne durant les repas de Chabbath. A cette occasion,
le repas lui-même est une Mitsva. Les repas et la matérialité de la semaine sont
entrepris dans un but d’élévation de ceux-ci ; alors que le Chabbath, la sainteté habite
tellement ce jour que chaque activité – spirituelle ou physique – transpire toute la
sainteté symbolisée par le nom d’Israël.
Likouté Si’hoth III
11
Le Midrash Raconte la Guéoula
Des Richesses Pour Un Monde Meilleur
« Yaakov répondit : ‘Non, je t’en prie ! Si toutefois j’ai trouvé
grâce à tes yeux, tu accepteras ce cadeau de ma main…’ »
(Genèse 33 – 10)
Notre Paracha raconte la rencontre de Yaakov
et Essav qui se transforma en confrontation.
Cette rencontre anticipa la rencontre ultime
des deux frères à l’époque Messianique.
D’ailleurs, tous les présents que notre
Patriarche Yaakov a offerts à Essav seront
rendus par les nations lorsque le Machia’h
viendra, ainsi qu’il est écrit (Psaumes 72 –
10) : « Les rois de Tarchich et des îles – Yachivou – rendront des offrandes. » Il n’est
pas dit Yaviou – ils apporteront – mais Yachivou. Ils rapporteront les cadeaux que
Essav a reçus de Yaakov.
A la fin de la Paracha, la Torah énonce les descendants de Essav : « Voici les noms des
chefs de Essav…le chef Magdiel, le chef Iram. Ce sont les chefs de Edom selon leurs
résidences dans le pays qu’ils occupaient… » Rabbi ‘Hanina indique que les noms de
ces chefs sont en fait des qualificatifs sur la fonction et le rôle qu’ils tiendront dans
l’histoire. Aussi, Iram – dernier roi de la lignée de Essav – amassera des richesses pour
les projets du Machia’h. Iram découle de la racine hébraïque signifiant amasser. La
tradition raconte que l’un des rois de Rome qui dilapidait les trésors de l’empire a eu
droit à l’apparition d’Eliahou Hanavi – le prophète Elie – dans un rêve. Celui-ci lui
rappela que les trésors et les richesses amassés par ses prédécesseurs ne devaient pas
disparaître, car ils serviront, à l’époque de Machia’h à établir un monde meilleur.
Midrash Rabba
12
Questions - Réponses
Les Patriarches et la Torah
Tzvi Freeman
Question :
Pourriez-vous m’expliquer comment Yaakov pouvait étudier la Torah « dans les
tentes » si la Torah ne fut donnée à Moïse que plusieurs siècles plus tard ? Et pouvezvous m’expliquer comment Yaakov pouvait étudier la Torah de laquelle lui-même est
un personnage ?
Aucun rabbin ne m’a jusqu’ici fourni une explication satisfaisante.
Réponse :
Cette question est abordée dans de nombreux
endroits dans le Talmud et le Midrash. Ce ne sont
pas seulement Abraham, Isaac et Yaakov qui
connaissaient la Torah, mais également Noé et
même Adam. Concernant Noé, la Torah elle-même
écrit clairement que D.ieu lui dit de prendre sur son
arche « des animaux rituellement purs (tahor), tu
prendras sept couples ». Il semble qu’il fut censé
savoir que les cochons ne sont pas rituellement
purs et que les vaches le sont.
Quelle était la Torah avant qu’elle ne nous fût
donnée ? La Torah est la sagesse de D.ieu, tel qu’Il
Se considère, tel qu’Il nous considère et tel qu’Il
considère Son monde. Elle contient la sagesse avec
laquelle Il crée le monde et le dirige. Pensez à une esquisse de projet qu’un concepteur
pourrait écrire avant de développer un jeu vidéo ou un autre produit du même genre.
La Torah contient exactement tout cela (et beaucoup plus1). Chacune des âmes élevées
que nous avons évoquées fut capable de capter de cette sagesse et ainsi de connaître les
secrets les plus cachés de l’univers.
1
Voir Tanya, 5ème partie (Kountres A’haron), p. 160, où Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi explique que cet aspect de la Torah comme
source originelle de chaque détail de l’existence est seulement un aspect externe de celle-ci. Par rapport à la Torah essentielle, tous
les mondes créés ne sont que néant absolu
13
Moïse fut particulier à plusieurs égards. En premier lieu, Moïse put avoir de l’ensemble
de la Torah une vision parfaite et limpide.
Deuxièmement, Moïse fut chargé d’amener cette Torah à l’ensemble du peuple, de
sorte que chaque individu puisse recevoir toute la Torah, comme lui-même l’avait
reçue, chacun à son propre niveau, pour toutes les générations.
Troisièmement, au mont Sinaï, la Torah n’était désormais plus seulement une sagesse,
mais une loi. Jusqu’alors, c’était à l’individu de décider s’il voulait la pratiquer ou pas.
À partir de ce moment, il incomba à chaque Juif adulte d’accomplir toute la Torah.
Revenons à votre question : cela signifie-t-il que tous ces individus éclairés virent leurs
vies entières tracées devant eux ? Yaakov, par exemple, avait-il vu dans la Torah toute
l’histoire de Joseph étant jeté dans un puits et vendu comme esclave par ses frères ?
Isaac put-il voir qu’Ésaü tenterait de tuer Yaakov ?
Rabbi Yeshaya Horowitz (1560 ? - 1630, connu comme le « Chaloh ») traite ce sujet
dans son ouvrage classique, Chnei Lou’hot HaBrit2. Il donne la réponse suivante, sur
la base des paroles de Rabbi Moché ben Na’hman (« Na’hmanide, » 1194- 1270) :
Telle que la Torah existe dans les royaumes spirituels, elle a plus d’une application.
Après tout, la Torah n’est pas seulement la connaissance et la sagesse de D.ieu, elle est
Sa volonté et Son désir profond. Comment ce désir répond à ce monde dépend de
beaucoup de choses. Si, par exemple, les Israélites n’avaient pas toléré le culte d’un
veau d’or en leur sein quarante jours après avoir entendu les Dix Commandements, il
n’y aurait pas eu besoin d’un tabernacle. Chacun de nous aurait été un temple parfait
pour la Che’hina (la présence divine) et la Divinité aurait résidé sur terre d’une manière
beaucoup plus simple.
Si, pour un autre exemple, les espions étaient revenus de leur exploration de Canaan
et en avaient référé à Moïse et l’avaient laissé en faire le compte-rendu au peuple, nous
serions entrés sur la terre avec Moïse lui-même à notre tête et l’ère de Machia’h aurait
commencé à ce moment-là, avec Moïse dans le rôle de dernier libérateur.
Mais le peuple juif choisit une autre façon de canaliser la Volonté divine. Et il en est
ainsi pour chaque situation dans laquelle nous devons exercer notre libre arbitre : nous
choisissons alors comment la volonté divine sera acheminée dans notre monde.
Ainsi, ce qu’Adam, Noé, Abraham, etc., savaient, contemplaient et étudiaient était la
Volonté et la Sagesse divines. C’est ce qu’ils savaient, ce qu’ils enseignèrent et ce en
conformité de quoi ils menèrent leur vie. Ce qu’ils ne savaient pas – et que Moïse savait
2
Toldot Adam, Beth HaBe’hira 4
14
– était de quelle manière la Volonté et la Sagesse divines seraient mises en œuvre dans
le plan matériel. Parce que cela n’avait pas encore eu lieu.
Rabbi Horowitz ne l’écrit pas, mais il semblerait d’après ce que lui et beaucoup d’autres
ont écrit que l’application ultime de la Torah est ce que nous avons ici dans notre
monde. En d’autres termes, comment les choses ont fini par se dérouler est exactement
la façon dont Il les avait prévues. Seulement, cela devait devenir réalité de cette façon
à travers notre libre arbitre3.
Par exemple : le Midrash de Rabbi Tan’houma4 contient une description poignante de
la façon dont Adam, alors qu’il est banni du jardin d’Éden, accuse D.ieu de tout avoir
planifié depuis le début. Sa preuve ? La Torah contient toutes les règles d’impureté
rituelle concernant un cadavre humain. « Cela faisait donc partie de Ton plan qu’il y
ait la mort dans le monde, accuse Adam. Seulement, Tu voulais T’essuyer les mains sur
moi ! »
La question est : Adam ne s’en était-il donc pas rendu compte avant, lorsqu’il étudia ce
concept dans la Torah ? Nous devons donc répondre que, oui, il savait qu’il y aurait la
mort. Mais celle-ci aurait pu se manifester de nombreuses autres façons. Là, il avait
découvert quel était le plan divin caché : que la mort survienne comme effet de son
propre libre arbitre. À ce moment, Adam parvint à une appréhension plus profonde de
la Torah.
Ainsi, le niveau le plus élevé de la Torah est la Torah que Moïse écrivit pendant les
quarante ans dans le désert5 : la mise en œuvre effective de la Torah dans notre monde.
Cette Torah était distincte de la Torah connue par les patriarches, parce qu’elle eut lieu
effectivement. Et celle-ci est la Torah qui est reliée à l’essence même de la sagesse de
D.ieu qui est une avec Lui.
Comme les maîtres kabbalistes disent souvent : « Ce qui est le plus élevé trouve son
expression ultime dans ce qui est le plus bas. »
Rav Tzvi Freeman dirige l'équipe de "Questions au Rabbin" de
Chabad.org. Il vit à Toronto, Canada et est l’auteur de nombreuses
traductions et synthèses de la pensée kabbalistique et ‘hassidique, parmi
lesquels « Bringing Heaven Down to Earth. »
3
Sur ce point et les concepts suivants, voir Likoutei Si’hot vol. 5, page 66, avec les notes et les références. Également Kountress
Youd Chevat 5751, notamment à partir du paragraphe 7
4
Parachat Vayéchev
5
Il y a à ce propos deux avis cités dans le Talmud (Guittine 60a) : l’un selon lequel Moïse écrivit des parchemins au fur et à mesure,
puis, au bout de quarante ans, il cousit tous les parchemins ensemble ; et un autre selon lequel il mit tout cela par écrit en une fois
à la fin des quarante ans, tout ayant été enseigné oralement jusque-là. Voir Na’hmanide dans la préface de son commentaire sur la
Torah pour une discussion complète de ce sujet.
15
Regard sur la Chemita
Judaïsme et Capitalisme
Le judaïsme est fondamentalement une
affaire d’unité : l’unité du D.ieu unique,
l’unité de l’univers et l’unité de toutes les
personnes créées à l’image de D.ieu. Et
pourtant, le judaïsme accorde aussi à
l’homme ordinaire un droit irrévocable à
la propriété, comme cela apparaît dans la
Torah dans la répartition de la Terre
d’Israël entre les tribus et les familles,
ainsi que dans le commandement de célébrer l’année du Jubilé (où tous les biens sont
restitués à leurs propriétaires d’origine tous les 50 ans). L’idée de la propriété foncière
est par définition facteur de séparation et de division au sein de la société, en
contradiction avec l’idéal d’unité. Comment pouvons-nous vivre avec ces idéaux
contradictoires dans notre philosophie et dans notre pratique ?
Le dernier jour de sa vie, Moïse est bien conscient de cette apparente contradiction
entre le droit de l’individu à la propriété privée et la notion d’unité. Son peuple
s’apprête à passer de la vie dans le désert, où il n’y a pas de propriété foncière, à une
vie agraire en Israël où, pour la première fois, ils deviendront des propriétaires
terriens. Moïse sait qu’il a une dernière occasion d’enseigner à son peuple comment
concilier ces idéaux opposés. C’est pourquoi, le dernier jour de la vie, il ordonne à sa
nation bien-aimée :
À la fin de chaque septième année, à l’époque de l’année de relâche, lors de la
Fête de Soukkot... quand tout Israël viendra paraître devant l’Éternel ton D.ieu
dans l’endroit qu’Il aura choisi, tu feras lecture de cette Torah en présence de
tout Israël, à leurs oreilles.
Assemble le peuple : les hommes, les femmes et les enfants, et ton étranger dans
tes villes, afin qu’ils entendent et afin qu’ils apprennent et craignent l’Éternel
votre D.ieu, et s’appliquent à accomplir toutes les paroles de cette Torah.
Et leurs enfants, qui ne savent pas encore, entendront et apprendront à craindre
l’Éternel votre D.ieu, tous les jours que vous vivrez sur la terre, pour la
possession de laquelle vous allez passer le Jourdain.6
6
Deutéronome 31,10-13
16
Dans ces versets, Moïse décrit un moyen d’inculquer le message fondamental de l’unité
dans les cœurs et les esprits d’un peuple qui investira la plupart de son temps, de son
énergie et de ses efforts au travail de sa terre. Cela s’effectuera à travers deux
commandements : la Chemita, l’année sabbatique durant laquelle il nous est interdit
de travailler la terre, et le Hakhel, le rassemblement au Temple après l’année
sabbatique, lorsque le peuple se remet au travail pour les six prochaines années.
Pendant l’année de Chemita, la septième année, chaque propriétaire terrien prend une
pause d’un an de son travail agricole pour se consacrer à des activités spirituelles. Au
cours de cette année, tout ce qui pousse dans les champs est légalement sans
propriétaire et chacun est libre d’entrer dans n’importe quel verger ou champ pour
profiter de ses fruits. Cette Mitsva est, pour le peuple, un puissant rappel que le but de
la vie n’est pas seulement d’amasser des richesses, que leur véritable essence est l’âme
et non le corps et qu’ils doivent consacrer du temps à nourrir leur âme, tout comme ils
consacrent du temps à nourrir leur corps.
Et puis, à la fin de la longue année
sabbatique, au moment où tous sont
impatients de reprendre le travail de la
terre, arrive la Mitsva que la nation tout
entière se rassemble dans le Temple pour
entendre les paroles de la Torah. Moïse dit
au peuple que, s’ils veulent pouvoir conjuguer les bénédictions de la propriété privée
et l’existence unifiée qui est la vérité profonde du judaïsme, alors avant qu’ils
retournent dans les champs, ils doivent revivre le don de la Torah au Sinaï. Ils doivent
se rassembler – hommes, femmes et enfants – comme au Sinaï, lorsque tous les
Enfants d’Israël se tenaient autour de la montagne « comme un seul homme, avec un
seul cœur », unis autour des paroles et des enseignements de la Torah. Moïse comprit
que les enfants, les générations futures, devaient aussi faire l’expérience de ce puissant
sentiment d’unité qui vient à travers les enseignements unificateurs de la Torah, plutôt
que par des bénédictions matérielles qui peuvent parfois causer la division.
Grâce à ces commandements, ils apprirent que, bien qu’ils puissent tous posséder des
biens et des richesses matérielles, ils ne sont pas définis, et ne devraient donc pas se
définir, par leurs possessions et leurs réalisations matérielles. Moïse disait à chacun :
« Bien que ta maison puisse être plus belle que celle de ton voisin, vous êtes un. Vous
êtes un, parce que ton âme, l’essence de ton être, ne fait qu’un avec l’âme de ton voisin.
Les biens matériels qui vous séparent ne sont rien d’autre qu’un habillage extérieur. Ils
ne sont pas qui tu es et ne peuvent donc pas te séparer de ton ami. »
Et puis il y a nous.
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Nous, dont les corps ne se sont pas tenus au Sinaï, qui ne nous sommes pas pressés,
épaule contre épaule, avec l’ensemble de la nation d’Israël à la lecture de la Torah dans
le Temple, nous aussi nous devons méditer sur ce message. Nous devons fermer les
yeux et nous imaginer debout avec tous nos frères et sœurs au pied du Sinaï, écoutant
les paroles de D.ieu et prenant le message du Sinaï à cœur.
Si, avec toutes nos différences, nous pouvons nous définir comme des âmes envoyées
dans ce monde pour un but spirituel ; si la société que nous créons valorise l’individu
pour son essence spirituelle, alors nous pouvons avoir une société unifiée. Nos
maisons, nos champs, nos voitures et nos pensions de retraite peuvent être différents,
mais nous savons que nous sommes un, « comme un seul homme, avec un seul cœur ».
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‘Hassidisme
Rabbi DovBer Chnéouri
Nissan Mindel
Rabbi Dov-Ber fut l'illustre fils d'un père fort célèbre : Rabbi Chnéour Zalman de Liady,
fondateur de 'Habad et de la remarquable lignée des Schneerson, Rabbis de
Loubavitch. L'aîné des trois fils, Rabbi Dov-Ber, succéda à son père à la tête des
‘Hassidim de 'Habad. C'est lui qui fit de Loubavitch, petite ville de Russie Blanche, sa
résidence ; elle fut le centre de 'Habad pendant plus d'un siècle. C'est ainsi que les chefs
de 'Habad furent connus sous le nom de Rabbis de Loubavitch, et les ‘Hassidim sous
celui de ‘Hassidim de Loubavitch. Il adopta le nom de famille de « Chnéouri », d'après
le prénom de son père. Ce nom fut changé en « Schneersohn » ou « Schneerson » par
les générations suivantes.
Rabbi Dov-Ber naquit le 9 Kislev en l'an 5534 (1773) à Liozna (également en Russie
Blanche) où son père était le chef spirituel (Maguid) de la communauté, ainsi que de
nombreux ‘Hassidim de Russie Blanche, de Lithuanie et d'autres parties de la Russie.
Rabbi Chnéour Zalman lui donna le nom de son propre maître, le célèbre Rabbi DovBer, Maguid de Mézéritch, lui-même disciple et successeur du Baal Chem Tov,
fondateur du mouvement 'hassidique.
Encore enfant, Dov-Ber montra des dispositions fort marquées pour l'étude. Il était
doué d'une intelligence et d'une mémoire exceptionnelles. Peu après avoir commencé
à fréquenter le 'hédère, son maître se plaignait déjà que le petit garçon le harcelât de
questions, et accaparât son attention au point que le maître avait beaucoup de peine à
diriger en même temps la classe. D'une précocité étonnante, il fallut le mettre dans une
classe supérieure avec des camarades nettement plus âgés que lui. Il n'avait pas encore
sept ans quand il commença à étudier la Michna et la Guémara.
La Bar Mitsva du futur Rabbi Dov-Ber fut l'occasion d'une grande célébration à Liozna.
Des centaines de ‘Hassidim vinrent de toutes les provinces de Russie participer aux
réjouissances et écouter les discours que le père et le fils prononcèrent devant
l'assemblée.
Déjà un Maître
Rabbi Dov-Ber poursuivit ses études avec la même diligence, la même ardeur. Outre le
Talmud, son père lui apprit le saint Zohar, et lui transmit les enseignements du Baal
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Chem Tov. À l'âge de seize ans, il avait acquis des connaissances si étendues et une telle
maturité d'esprit que son père lui confia la charge d'enseigner aux jeunes étudiants de
sa Yéchivah. Ce n'étaient pas des étudiants ordinaires, car ils avaient été choisis parmi
beaucoup d'autres pour leur piété et leur érudition, et Rabbi Chnéour Zalman en
personne s'occupait d'eux. En même temps, ce dernier continuait à donner des leçons
aux meilleurs de ses étudiants et à ses fils, accordant une attention particulière à l'aîné
de ceux-ci qui devait, le moment venu, lui succéder.
C'était une période critique pour le mouvement 'hassidique encore jeune et fragile. Il
se développait rapidement sous la direction de Rabbi Chnéour Zalman, et le nombre
de ses adeptes ne cessait de croître. Il y avait néanmoins beaucoup de Juifs qui, se
méprenant sur la signification profonde du nouveau mouvement — ce qui paraît pour
le moins étrange aujourd'hui —, nourrissaient la crainte qu'il éloignât de la Torah et de
la tradition ceux qui y adhéraient. Même quelques rabbins éminents s'y opposèrent.
Par deux fois, Rabbi Chnéour Zalman fut arrêté sous de fausses accusations, amené à
Saint-Pétersbourg, alors la capitale, et interrogé. Chaque fois, aucune charge ne put
être retenue contre lui ni contre son mouvement. Le 19 Kislev, jour de sa première
sortie de prison, devint, depuis, une importante fête 'hassidique annuelle.
Disparition de Rabbi Chnéour-Zalman
Après la seconde libération de Rabbi Chnéour Zalman, en l'an 5561 (1800), il se
transféra à Liady, qui devint le centre de 'Habad pendant douze ans, jusqu'aux guerres
napoléoniennes. Liady se trouvait sur le chemin de l'armée française d'invasion. Rabbi
Chnéour Zalman détestait le conquérant et incita ses adeptes à soutenir l'effort de
guerre du gouvernement russe, bien que les Tzars ne se fussent jamais montrés
amicaux à l'égard des Juifs. Quand l'armée de Napoléon fut proche de Liady, Rabbi
Chnéour Zalman, sa famille et un grand nombre de fidèles fuirent en hâte vers le sud.
On était en hiver ; les longues semaines de traîneau dans le froid rigoureux de Russie
mirent à rude épreuve la santé du Rabbi vieillissant. Il n'y résista pas. Le 24 Tévet de
l’an 5573, à Pyéna, petit village de la province de Poltava, Rabbi Chnéour Zalman
mourut.
Rabbi Dov-Ber, âgé alors de trente-neuf ans, fut reconnu comme son successeur. La
question du choix de sa résidence se posa alors.
Loubavitch : la capitale
La guerre se termina par la défaite de Napoléon, infligée par le Tzar Alexandre Ier (le
même qui, à son avènement sur le trône en 1800, rendit la liberté à Rabbi Chnéour
Zalman après sa seconde arrestation).
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Liady était en ruines. Le Prince Lubomirsky, à qui appartenait la ville, et qui avait été
un grand ami et admirateur de Rabbi Chnéour Zalman, offrit de la reconstruire pour
son successeur. En même temps, il proposa à ce dernier, pour le cas où il le préférerait,
une ville proche de Liady, la bourgade de Loubavitch, qui appartenait à son neveu.
Pour désintéressé qu'il fût, le prince ne perdait cependant pas de vue les grands
avantages économiques dont bénéficieraient la ville et les localités avoisinantes si cellelà devenait la résidence d'un Rabbi si illustre, avec le va-et-vient régulier de centaines
d'adeptes à l'occasion des Chabbats et des fêtes. Aussi fut-il ravi quand Rabbi Dov-Ber
consentit à s'établir à Loubavitch. Et il entreprit sans délai la construction des édifices
nécessaires à l'installation du mouvement et à son fonctionnement, des bureaux, aussi
bien qu'une synagogue et une école.
Ainsi Loubavitch devint la capitale des 'Hassidim de 'Habad, et le demeura cent deux
ans durant, jusqu'à la Première Guerre mondiale, en 1914. C'est à Loubavitch même
que Rabbi Chnéour Zalman avait commencé ses études avec, pour maître, Rabbi
Issakhar-Ber.
Le Bâtisseur
Rabbi Dov-Ber fut le digne successeur de son illustre père. Il marcha sur ses traces,
continuant à enseigner le mode de vie 'hassidique de 'Habad, et enrichissant sa
littérature de nombreux ouvrages. Il fonda une Yéchivah à Loubavitch, qui attira de
jeunes érudits exceptionnellement doués. La direction en fut confiée à son gendre
Rabbi Ména'hem Mendel de Loubavitch,1 qui plus tard devait lui succéder.
Suivant l'exemple de son père, Rabbi Dov-Ber considéra comme un devoir sacré d'aider
les Juifs de Russie, ‘Hassidim aussi bien que non-'Hassidime, et non seulement
spirituellement, mais aussi matériellement. La situation des Juifs sous les Tzars n'avait
jamais été bonne ; elle empira beaucoup quand Nicolas Ier succéda à Alexandre Ier en
1825. Les restrictions imposées aux Israélites devinrent plus rigoureuses et se
multiplièrent. Ils furent confinés dans un ghetto où les conditions de vie devinrent
dramatiques.
Rabbi Dov-Ber entreprit une campagne (en 1822 ou 1823) pour inciter les Juifs à
apprendre un métier et, si possible, devenir ouvriers spécialisés dans les usines. Et il
pressa les communautés israélites d'ouvrir des écoles professionnelles où les jeunes
garçons juifs, particulièrement ceux des classes démunies, pourraient apprendre un
métier. De plus, il engagea ses frères juifs à se familiariser avec les travaux des champs,
leur rappelant qu'un jour, dans le passé, leurs ancêtres, vivant dans leur propre patrie,
formaient un peuple de fermiers, d'agriculteurs et de bergers. Il n'est pas jusqu'aux
garçons peu doués pour l'étude qui ne retinrent son attention. Il préconisa pour eux à
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partir de l'âge de treize ans, un programme où une partie de leur temps serait consacrée
à apprendre un métier ou aux travaux des champs ; du même coup, ils venaient ainsi
en aide à leurs familles.
Non content d'inciter par la parole, Rabbi Dov-Ber entreprit de fonder des colonies de
fermiers juifs. La première vit le jour à Kherson ; elle se composait d'une cinquantaine
de familles israélites. D'autres suivirent. Rabbi Dov-Ber pensa à collecter des fonds
dans ce but. Il visita personnellement nombre de fermiers juifs, les encourageant dans
cette œuvre de pionniers où ils s'étaient vaillamment engagés, et veillant à ce que les
besoins spirituels de leurs enfants ne fussent pas négligés.
Un décret cruel
Le règne de Nicolas Ier fut marqué par les tribulations constantes dont eut à pâtir la
population juive de Russie. Le but non avoué était de faire pression sur elle afin de
l’inciter à chercher un remède à ses maux dans l'assimilation et la conversion
religieuse. L'un des décrets les plus cruels de Nicolas fut le renforcement de la
souscription et de l'enrôlement forcé dans l'armée russe. Ce décret pris en 1827, connu
sous le nom de « décret des Cantonistes », rendait obligatoire pour chaque
communauté de fournir un quota de recrues, à partir de l’âge de douze ans, pour un
service militaire d’une durée de vingt-cinq ans. Les enfants juifs firent preuve d'un
courage admirable pour résister à la conversion où on les poussait par tous les moyens.
Mais le drame de leurs vies brisées et la douleur de leurs familles affectèrent
profondément Rabbi Dov-Ber, et finirent par compromettre sa santé.
Comme son père, il fut dénoncé par ses ennemis sous le prétexte que ses agissements
portaient atteinte à la sécurité de l'État. Arrêté, il fut relâché, l'accusation portée contre
lui s'étant révélée sans fondement. Le 10 Kislev, jour de sa libération, est célébré avec
gratitude par les ‘Hassidim de 'Habad.
L'écrivain et le musicien
Outre sa vaste érudition et ses remarquables
qualités de chef, Rabbi Dov-Ber avait,
particularité héréditaire, un grand amour de la
musique 'hassidique. Son père avait composé
dix mélodies (« nigounim ») d'une inspiration
ardente. Leur pouvoir exaltant, aussi bien sur
ceux qui les chantaient que sur ceux qui les
écoutaient, et la capacité qu'avait leur musique
d'élever les uns et les autres à un grand amour
de D.ieu, étaient connus de Rabbi Dov-Ber. Il
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encouragea la coutume de chanter ces mélodies et d'autres de sa composition à
l'occasion de rassemblements solennels et joyeux. Il organisa même un chœur de
‘Hassidim qui dirigeait les chants de l'assemblée des fidèles.
Rabbi Dov-Ber écrivit de nombreux ouvrages sur 'Habad et la Kabbalah, ainsi qu'un
commentaire sur le Zohar. C'était un penseur profond. Il écrivait sans peine, au point
qu'on raconte de lui qu'une fois terminée la dernière ligne de sa page, la première ligne
n'avait pas eu le temps de sécher. Une vingtaine de ses œuvres ont été publiées, la
plupart de son vivant.
Il mourut le 9 Kislev. Il était né, jour pour jour, 54 ans plus tôt. Il fut connu sous le nom
de « Mittéler Rebbe » — le « Rabbi d'entre deux générations », car il appartint à la
seconde des trois premières générations des chefs de 'Habad, lesquels sont considérés
comme les « pères », les édificateurs de 'Habad-Loubavitch. Ce mouvement a été
durant les deux derniers siècles l'une des forces déterminantes de la vie juive, et dont
l'influence s'est fait sentir dans presque toutes les communautés israélites à travers le
monde.
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Prochain Rendez-Vous du
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Janvier 2015
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