evaluation neurophysiologique du sommeil des patients atteints d

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EVALUATION NEUROPHYSIOLOGIQUE DU SOMMEIL DES PATIENTS
ATTEINTS D’INSUFFISANCE RENALE CHRONIQUE ET SOUS
HEMODIALYSE AU CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE SAINT-
LOUIS.
NEUROPHYSIOLOGICAL EVALUATION OF SLEEP IN PATIENTS WITH
CHRONIC RENAL FAILURE UNDERGOING HEMODIALYSIS AT THE
REGIONAL HOSPITAL OF SAINT-LOUIS.
1Fatoumata BA*, 2Ibrahima DIALLO, 3Ndèye Fatou Ndoye SALL, 3El Hadji Makhtar BA, 4
Aïssatou Seck
DIOP, 5Modou Oumy KANE, 6Sidy Mohamed SECK, 4Abdoulaye BA, 1Lamine GUEYE,
1Laboratoire de Physiologie, UFR des Sciences de la Santé, Université Gaston Berger de Saint-Louis du
Sénégal.
2Unité de Néphrologie et d’Hémodialyse, Centre Hospitalier Régional de Saint-Louis.
3Service de Neurologie, Centre Hospitalier National Universitaire de Fann.
4Laboratoire de Physiologie et d’Explorations fonctionnelles respiratoires, Faculté de Médecine, de
Pharmacie et d’odontologie Université Cheikh Anta Diop de Dakar.
5Laboratoire de Physiologie pharmaceutique, Faculté de Médecine, de Pharmacie et d’odontologie,
Université Cheikh Anta Diop de Dakar.
6Unité de Néphrologie et d’Hémodialyse, UFR des Sciences de la Santé, Université Gaston Berger de Saint
-
Louis du Sénégal.
*Auteur chargé de la correspondance : 1Fatoumata BA*, Tél : 00221 77 6502675, E-mail :
yapafa200341@yahoo.fr.
Journal des Sciences
I.S.S.N 0851 – 4631
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Résumé :
Les troubles du sommeil sont plus fréquents chez les patients atteints d’insuffisance rénale chronique et sous hémodialyse que
dans la population générale. Des travaux ont montré une prédominance de l’insomnie, du syndrome d’apnées du sommeil, de
la somnolence diurne excessive et du syndrome des jambes sans repos.
Nous avons mené une étude transversale et descriptive au sein de l’Unité d’hémodialyse et de Néphrologie du Centre
Hospitalier Régional de Saint-Louis du Sénégal. L’objectif était de faire une évaluation clinique et électro encéphalographique
du sommeil des hémodialysés.
Ce travail a concerné 21 sujets âgés en moyenne de 55,85 ans, avec une sex-ratio de 2,5 en faveur des femmes. Des plaintes
subjectives à type d’insomnie ont été retrouvées dans 85% des cas. La moyenne des scores obtenus à l’index de Pittsburg
était de 9,67. Seuls trois patients présentaient une somnolence pathologique à l’échelle de somnolence d’Epworth. Les tracés
EEG ont montré un sommeil stade I ou II chez la plupart. Des pointes et ondes lentes diffuses ont été notées chez 3 des sujets.
Ce travail montre aussi la nécessité de mettre en place des laboratoires de sommeil avec une polysomnographie, ce qui
permettrait de faire des recherches approfondies pour diagnostiquer et mieux prendre en charge les sujets atteints.
Mots-clés : électroencéphalogramme ; hémodialyse ; insuffisance rénale chronique ; Saint-Louis ; sommeil.
Abstract:
Sleep disorders are more common in patients with chronic renal failure undergoing hemodialysis than in the general
population. Studies have shown a prevalence of insomnia, sleep apnea, excessive daytime sleepiness and restless legs
syndrome.
We led a cross-sectional descriptive study in the Hemodialysis and Nephrology Unit of the Regional Hospital of Saint-Louis,
Senegal. The objective was to perform a clinic and electro encephalographic study of sleep disorders.
This work involved 21 subjects with a mean age of 55.85 years, with a sex-ratio of 2.5 for women. Subjective complaints such
insomnia was found in 85% of cases. The average PSQI score was 9.67. Only three patients had a pathologic scale Epworth
sleepiness. EEG showed sleep stage I or II in most. Spikes and diffuse slow waves were observed in three subjects.
Also, this work shows the need to set up sleep labs with polysomnography which would allow to make in-depth researches to
diagnose and better take care of the affected subjects.
Key words: chronic renal failure; electroencephalogram; hemodialysis; Saint-Louis; sleep.
INTRODUCTION
Le sommeil est un état physiologique périodique caractérisé par la suspension plus ou moins complète
et réversible de la vigilance et des rapports sensitivo-moteurs avec l’environnement. C’est un rythme
biologique, circadien, obligatoire, à déterminisme génétique et influencé par l’environnement. Les
besoins en sommeil varient avec l’âge, ils sont plus importants chez le nouveau-né et diminuent chez le
sujet âgé.
Les troubles du sommeil demeurent un motif fréquent de consultation dans la population générale et
augmentent avec l’âge (10). Ils altèrent la santé, la qualité de vie et peuvent avoir des conséquences
néfastes sur les fonctions cognitives, sur la productivité et sur le maintien de la vigilance à l’état de
veille. Ils constituent une complication souvent rencontrée au cours de la maladie rénale chronique (4,
6), même s’ils sont peu diagnostiqués ou non pris en charge dans notre pratique quotidienne. Des
travaux ont montré une prédominance de l’insomnie, du syndrome d’apnées du sommeil, de la
somnolence diurne excessive et du syndrome des jambes sans repos.
Au Sénégal, peu d’études se sont intéressées aux modifications du sommeil chez les patients atteints
d’insuffisance rénale chronique et sous hémodialyse. Un travail, premier du genre au Sénégal, mené en
2012 au Centre Hospitalier Régional de Saint-Louis et portant sur les troubles du sommeil chez les
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patients hémodialysés chroniques, avait retrouvé une prévalence de 80% (thèse de médecine de Ndiaye
M) ; avec une prédominance de l’insomnie (64%), un risque élevé du syndrome d’apnée obstructive du
sommeil (72%) et du syndrome des jambes sans repos (24%).
L’objectif de cette étude était d’évaluer le sommeil des hémodialysés chroniques sur le plan clinique et
électroencéphalographique.
METHODOLOGIE
Nous avons mené une étude transversale et descriptive dans l’Unité d’Explorations fonctionnelles
neurophysiologiques du Centre Hospitalier Régional de Saint-Louis. Elle s’est déroulée du mois de
janvier à avril 2014 et a concerné 21 patients, atteints d’insuffisance rénale chronique et régulièrement
suivis à l’Unité de Néphrologie et d’Hémodialyse, depuis plus de trois mois. Le consentement libre et
éclairé a été requis et l’anonymat respecté. Les sujets pas assez coopérants pour permettre la réalisation
de tracés électro encéphalographiques interprétables étaient exclus de l’étude, de même que ceux sous
traitement hypnotique ou anxiolytique ou autre traitement pouvant interférer avec le sommeil.
Nous avons effectué un entretien avec chaque patient pour préciser :
- les caractéristiques sociodémographiques (âge, sexe, situation matrimoniale, profession) ;
- le début de la maladie ;
- le début et la fréquence des séances d’hémodialyse ;
- l’existence ou non de troubles du sommeil et
- la nature des troubles du sommeil.
Nous nous sommes aidés aussi des dossiers des patients pour nous renseigner sur l’étiologie de la
maladie rénale chronique, la date de début de l’épuration extra rénale, les traitements médicamenteux
en cours et le bilan biologique.
Nous avons utilisé l’Index de Qualité de Sommeil de Pittsburgh (PSQI) et l’échelle de somnolence
d’Epworth pour évaluer la qualité du sommeil. Enfin, nous avons réalisé des tracés EEG :
- de veille, avant et après hémodialyse, durant 15 à 20 minutes en moyenne avec des épreuves
d’activation (hyperpnée et stimulation lumineuse intermittente)
- de sommeil, de durée variable mais estimée à 45 minutes en moyenne. Pour de tels types de
tracés, nous avons procédé de trois manières : soit en tenant compte des habitudes de sommeil
des patients (horaires de sieste) ; soit en leur demandant de faire une privation totale de sommeil
la nuit qui précède l’enregistrement ou soit en faisant un enregistrement nocturne.
RESULTATS
Notre étude a concerné 21 sujets âgés en moyenne de 55,85± 13ans, avec des extrêmes de 26 et 84 ans.
La tranche d’âge la plus représentée était celle de [55-65 ans] (figure 1). Le sex ratio était de 2,5 en
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faveur des femmes. La majorité était mariée (2/3) et sans profession (2/3). Des antécédents de diabète
de type 2 et /ou d’hypertension artérielle ont été retrouvés. La néphropathie diabétique (40%) et la
néphro-angiosclérose (20%) constituaient les principales étiologies de la maladie rénale chronique. Les
séances d’hémodialyse étaient effectuées à raison de deux séances de quatre heures par semaine. Les
sujets avaient tous débuté leurs séances depuis plus d’un an.
Les plaintes subjectives de troubles du sommeil étaient très fréquentes et de nature variable. Seul un
sujet sur sept avait un sommeil normal. L’insomnie dominait largement le tableau, qu’elle soit à type
d’endormissement, de réveils multiples, de réveil précoce ou mixte (tableau I). Elle était souvent mal
supportée avec céphalées, irritabilité, sensation de fatigue ou de lourdeur du corps. Une somnolence
diurne compensatrice a été parfois signalée.
Le score moyen global obtenu au PSQI était de 9,67 ; avec des valeurs extrêmes de 3 et 16 (figure 2).
Les composantes les plus touchées, de manière constante, étaient la latence du sommeil, la durée du
sommeil et l’efficacité habituelle du sommeil.
Le score d’Epworth était normal dans 2/3 des cas, avec des valeurs en dessous de 8. Seuls 3 sujets
présentaient un score élevé, supérieur à 15 (figure 3).
Les tracés EEG de veille avant et après hémodialyse ne présentaient pas de différence. L’activité de
fond était normale avec un rythme alpha symétrique, bilatéral, synchrone et réactif pour la majorité (17
patients). Elle était ralentie chez trois de nos sujets avec un rythme thêta. Des pointes diffuses et des
bouffées d’ondes lentes ont été notées sur trois tracés, cependant aucun signe clinique en faveur d’une
épilepsie n’a été décelé (figure 4).
Les tracés de sommeil retrouvaient un sommeil normal stade I et II de la classification de Retschaffen
et Kales. Même chez ceux qui ont bénéficié d’enregistrements nocturnes (une nuit entière), le sommeil
était entrecoupé de réveils multiples, ne dépassant pas le stade II.
DISCUSSION
L’analyse des résultats montre que les sujets souffrant de maladie rénale chronique et sous hémodialyse
ont un sommeil léger et entrecoupé de réveils. Les données de la littérature montrent que les troubles
du sommeil sont fréquents chez cette catégorie de patients et affectent leur vie et leur activité
quotidienne (8). Les plaintes subjectives du sommeil sont évaluées entre 50 et 80 % (11, 8). Elles sont
plus élevées que dans la population générale et sont constituées par les apnées du sommeil, la
somnolence diurne excessive, les impatiences des membres inférieurs et les mouvements périodiques
des jambes (11).
Cependant, l’étiologie des troubles du sommeil chez les patients hémodialysés n’est pas complètement
connue. L’origine serait multifactorielle, liée à divers facteurs notamment la dialyse elle-même, les
médicaments, les anomalies métaboliques, la malnutrition, la fatigue, la soif excessive, le prurit, les
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douleurs, les crampes musculaires, les neuropathies périphériques, les problèmes émotionnels, les
difficultés socioéconomiques etc. (11). De plus, les troubles du sommeil seraient associés à une
altération de la qualité de vie et à une mortalité élevée chez les patients en hémodialyse (9).
Le sommeil était de mauvaise qualité pour près de 76% de notre population d’étude, comme en
témoignent les scores obtenus au PSQI. La plupart des patients sont surpris par le sommeil, longtemps
après s’être allongé sur le lit. Des taux variables ont été rapportés dans la littérature. Pour Masoumi (8),
la fréquence d’une mauvaise qualité de sommeil évaluée au PSQI se situait entre 57 et 88,5%. Joshwa
(7) retrouvait des troubles du sommeil au PSQI chez 68,1% de sa série. Des travaux antérieurs
intéressant respectivement une grande cohorte de patients taïwanais et un centre d’hémodialyse en
Arabie Saoudite avaient trouvé des scores moyens respectifs, au PSQI, de 5,4 ± 4,4 (3) et de 6,5 (7).
Mais ces deux valeurs sont largement en dessous de celles que nous avons observées.
Les scores obtenus à l’échelle de somnolence d’Epworth témoignent d’un état de somnolence
pathologique chez trois sujets, même si aucune plainte subjective d’hypersomnie n’a été notée. La
somnolence diurne excessive rencontrée au cours de la maladie rénale chronique résulterait de
l’hyperuricémie (5). Les patients dialysés s’endorment facilement durant les séances, phénomène
attribué à la lassitude et à la position semi-couchée (5).
Des anomalies de l’activité électrique cérébrale à type de ralentissement et de décharges paroxystiques
(pointes) ont été observées dans certains cas et ceci, en l’absence de signe clinique évocateur
d’épilepsie. L’intoxication urémique peut provoquer de courtes bouffées de décharges de pointes
prêtant confusion avec une activité épileptique (12). Les patients avec une concentration plasmatique
de créatinine élevée auraient également des ondes lentes (2). Des convulsions ont même été décrites
parfois au décours des séances d’hémodialyse (1). Le sommeil est léger, ne dépassant pas le stade II,
avec un temps de latence important, réduisant la durée effective du sommeil. L’architecture du sommeil
change globalement avec une diminution du temps total de sommeil, des cycles irréguliers entrecoupés
de longues périodes d’éveil (11).
CONCLUSION
Cette étude montre l’importance des troubles du sommeil chez les patients atteints d’insuffisance rénale
chronique et sous hémodialyse. Ces troubles sont souvent banalis dans notre pratique quotidienne du
fait du terrain particulier sur lequel ils surviennent. Mais quel que soit le stade de la maladie, ils doivent
être pris en compte dans les mesures thérapeutiques préconisées afin d’améliorer la qualité de vie de
ces patients et de réduire la morbi-mortalité. Il s’avère ainsi nécessaire de mettre en place de véritables
laboratoires de sommeil afin de mieux diagnostiquer ces troubles.
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