Un récif artificiel de type "boulder reef", modèle couramment utilisé en Floride (photo Sylvain Pioch)
Le temps est pris en compte de façon différente par les deux méthodes utilisées. Il intervient dans le
choix des espèces suivies pour évaluer le projet (le suivi d'espèces à courte durée de vie donne un
résultat rapide mais pas forcément significatif sur le long terme) et dans la capacité à effectuer un suivi
scientifique de durée suffisante. Les expériences de suivi à long terme ont montré qu'il n'y a jamais de
convergence naturelle et directe vers un "équilibre naturel", et que les premières conclusions peuvent
être trompeuses quant à l'évaluation du succès des mesures de compensation.
Par rapport à la surface impactée, la surface imposée pour la compensation sera d'autant plus grande
que l'habitat dégradé est plus riche, que la mesure de restauration est jugée comme peu adéquate, et
que l'incertitude est plus grande sur son succès. Faute la plupart du temps d'évaluation rigoureuse, la
surface devient dans les faits la variable d'ajustement permettant à tous les projets de développement
nécessitant la mise en place de mesures compensatoires en milieu marin, d'être acceptés, même si les
chances de succès des mesures de restauration sont très minces. Certes le coût de la compensation
(lié à sa surface croissante) pourrait fournir une forte incitation économique pour éviter ou prendre en
compte dès le départ l'impact d'un projet. Ainsi, dans le cadre de projets de compensation,
l'augmentation du coût des mesures et les rapports d'équivalence de surface ont toujours conduit au
rejet de l'option minimale de compensation qui est la simple préservation des habitats (sur une surface
environ 60 fois celle du site impacté), au profit d'options plus exigeantes (création d'un nouvel habitat
ou restauration d'un habitat dégradé), plus chères mais applicables sur des surfaces beaucoup plus
réduites (2 à 5 fois celle du site impacté). Cependant, l'incitation économique semble jusqu’à
aujourd’hui ne pas fonctionner pour inciter à éviter ou réduire les impacts : l'analyse des projets montre
que la compensation a posteriori est toujours préférée aux mesures préventives.
La logique de la compensation des dommages à l'environnement marin en Floride est guidée par le
seul critère de la surface, et repose toujours essentiellement sur l'implantation de récifs artificiels. Ceci
s'explique par l'existence d'un puissant lobby des groupes qui ont un intérêt à l'utilisation de ces récifs
(pêcheurs plaisanciers, plongeurs et fabricants de récifs) et par la préférence des tribunaux et des
services publics pour les solutions dépourvues de risque social. Enfin, et surtout, il n'y a aucun
"défenseur de l'environnement" militant pour que le consensus se fasse au profit d'objectifs
environnementaux et non d'intérêts particuliers. C'est donc le consensus politique, social et légal