N°119 – Février 2008
2
Eclairages
1.
Taux d’appel hors condi-
tions de marchés, révisables
après une période de grâce,
différés de paiement du prin-
cipal et/ou un mix des deux.
2.
Asset backed Commercial
Paper
, soit des émissions de
billets de trésorerie garantis
par des actifs de toutes natu-
res (créances commerciales,
crédits immobiliers résiden-
tiels…).
distribution. Un opérateur bancaire ou financier
origine le crédit puis le cède, ce qui lui permet
de poursuivre ses opérations, avec une base en
fonds propres faible.
En théorie, cette marchéisa-
tion des crédits est censée améliorer l’efficience
du système financier dans son ensemble, en per-
mettant une meilleure dissémination du risque.
En pratique, ce découplage entre l’originateur
du crédit et le porteur final du risque réduit l’in-
citation à l’évaluation et au suivi (
monitoring
)
des risques.
La quantité de crédits distribués aug-
mente, et leur qualité moyenne se dégrade, tan-
dis que les fonds propres bancaires censés les
garantir sont réduits.
La crise du
subprime
est l’illustration exemplaire
de cette marchéisation à grande échelle de cré-
dits risqués.
Au moment du boom immobilier, la
croyance communément partagée que les prix ne
pouvaient que monter a poussé les acteurs finan-
ciers à faire la course aux parts de marchés, en
étendant l’offre de crédits à des ménages de plus
en plus fragiles. Pour solvabiliser ces clientèles
risquées, les critères d’octroi de prêts ont été ex-
cessivement relâchés, avec le développement de
crédits dits « exotiques »
1
. Ensuite et très schéma-
tiquement, ces
pools
de crédits constitués à partir
de sous-jacents précaires, ont été coupés en tran-
ches et logés, parfois au côté d’actifs de meilleure
facture, dans des structures hors bilan des ban-
ques, l’ensemble étant financé par l’émission de
papiers courts. L’accélération de ce processus a
été considérable, puisqu’on a vu très rapidement
naître un marché, celui des ABCP
2
, de plus de
1 200 milliards USD.
Des canaux de transmission nouveaux,
une contagion à multiples facettes…
Lorsque le marché immobilier américain a fini
par se retourner, les défauts sur ces cohortes de
crédits risqués se sont envolés, notamment pour
les derniers prêts accordés. Ils ont contaminé les
différentes tranches de titrisation, avec en corol-
laire un effondrement de leur prix. Les structures
n’ont pu alors refinancer le papier arrivant à
échéance.
Les lignes de crédit contingentes des
banques ont dû être activées, concourant à une
explosion soudaine de la demande de liquidité,
alors même que le marché monétaire entrait en
phase de paralysie. C’est le point de départ de la
crise de liquidité qui s’est enclenchée le 9 août.
Les banques centrales n’ont alors eu d’autres choix
que d’assurer, coûte que coûte, cette liquidité, en
menant des interventions de prêteurs en dernier
ressort exceptionnelles par leur montant, leur ma-
turité et l’étendue des collatéraux acceptés.
Mais, rapidement, le mouvement de défiance à
l’égard de la finance titrisée s’est généralisé. Le
doute s’est installé quant à la capacité des ban-
ques à faire face à des pertes encore inconnues.
Pour faire renaître la confiance, on a alors appe-
lé à davantage de transparence.
De ce point de
vue, les banques ont déjà fait un gros travail, en
dépréciant un large montant de leurs actifs non
performants (près de 100 mds USD), en même
temps qu’elles « réintermédiaient » à marche for-
cée une part de leurs actifs, logés hors bilan.
Et pourtant la confiance n’est pas encore revenue
du fait notamment de la dynamique destructrice
qu’implique la valorisation des actifs au prix de
marché (
mark to market
). Il s’ensuit un effet de
procyclicité et de volatilité que l’arrivée en force
des fonds souverains est censée calmer. Aujour-
d’hui, la crise déborde le cadre pur et simple du
subprime
.
A mesure que le temps passe, la ques-
tion de la transmission du choc financier à l’éco-
nomie réelle se pose avec plus d’acuité, faisant
resurgir le spectre du
credit crunch
et de la réces-
sion mondiale. Les marchés se demandent si d’au-
tres segments de crédits, déjà fragilisés (le
consu-
mer
finance en général) ne risquent pas à leur tour
de déraper. L’inquiétude porte également sur les
stratégies de couvertures,
via
les CDS et les assu-
reurs
monoline
, ces assureurs qui garantissaient la
qualité des actifs et des montages. De quoi se
faire très peur et nourrir les scénarios les plus
noirs…
Les réponses (baisses de taux, injections massi-
ves de liquidité, interventions supplémentaires
de fonds souverains) ou tentatives de réponses
(Mlec ou le Superfonds européen) n’ont pas suffi-
samment convaincu pour ancrer les anticipations
autour de l’idée que la sortie de crise était pro-
che. Il faudra donc compter sur la prise de cons-
cience et la réactivité des banques centrales et
des gouvernements, pour éviter de nouvelles dé-
gradations.
L’idée d’une structure de
defeasance
à large échelle fait progressivement son chemin,
à l’image de la RTC (
Resolution Trust Corpora-
tion
) qui en son temps avait réglé, dans la durée,
une phase de surinvestissement immobilier…
aux Etats-Unis… En son temps : il y a moins de
vingt ans, au siècle passé.
Jean-Paul BETBÈZE
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