Le régionalisme économique international est, avec la globalisation des marchés, l'un des
traits les plus marquants de l'économie mondiale d'après-guerre au point que, devant
l'ampleur que prend actuellement ce phénomène, certains se sont demandés s'il n'était pas
mieux adapté que le multilatéralisme aux réalités protéiformes de l'économie de cette fin
de siècle1. Il existe, à n'en pas douter, un lien entre la crise de légitimité que traversent
actuellement les grandes institutions économiques internationales et la prolifération
d'accords commerciaux de tous ordres depuis une dizaine d'années2, tout comme il existe
un lien étroit entre les processus intégratifs tels qu'ils se développent au niveau régional
et la nécessité dans laquelle se trouvent les pays de renouveler des formes de coopération
plus étroites à l'échelle internationale. Cela dit, on ne peut s'empêcher de s'interroger sur
la nature d'un phénomène qui a pris de court à peu près tout le monde, tant par son
ampleur que par l'intérêt qu'il suscite, à des degrés divers, dans toutes les parties du
monde3.
<< L'extension spectaculaire et inattendue des blocs commerciaux régionaux >>, pour
reprendre la formule de Krugman4, a donné lieu à de nombreuses études et
interprétations. Les positions sont, en la matière et de façon générale, bien arrêtées. Pour
les uns, on assisterait à l'émergence d'une nouvelle division systémique du monde en
blocs rivaux, à ceci près cependant que cette division ne serait pas comme la précédente
d'ordre idéologique, mais d'ordre économique5, Pour les autres au contraire, le
phénomène doit être relativisé, pour deux raisons : la première, parce que le régionalisme
économique répond à la préoccupation que peuvent avoir des pays qui partagent un
même espace géographique de vouloir coopérer plus étroitement entre eux ; la seconde,
parce que ces accords régionaux viennent compléter et élargir les accords signés à
l'échelle des grandes organisations internationales6. Quoi qu'il en soit, la question du
régionalisme économique est une question complexe. Cette complexité tient, selon nous,
à trois ordres de facteurs :
1) Tout comme le régionalisme politique, le régionalisme économique, du moins tel qu'il
s'est développé depuis la guerre, a ceci de particulier qu'il participe d'un double
mouvement : du mouvement général qui pousse les pays à se rapprocher et à coopérer
toujours plus étroitement entre eux sur le terrain économique, d'une part ; du mouvement
plus spécifique qui peut pousser certains partenaires à chercher à se rapprocher et à se
regrouper pour développer des relations plus étroites entre eux, promouvoir des valeurs
ou des intérêts qui leur sont propres ou encore se donner, individuellement et
collectivement, une plus grande marge de manoeuvre dans l'exercice de leur
souveraineté, que ce soit sur le plan intérieur ou sur la scène internationale, d'autre part.
2) Quelles que soient les motivations qui animent les acteurs étatiques sur le plan
économique, les accords régionaux ont toujours répondu à des ordres de préoccupation