Expériences Pfeil n°1-12:nouvelles AFIC n°1vol5 03/05/12 14:04 Page15 E xpériences Francine Pfeil-Thiriet Cadre de Santé Centre de lutte contre le cancer Paul Strauss, 3, rue de la porte de l’hôpital, BP30042, 67065 Strasbourg, France Un exemple de mise en œuvre d’un programme d’éducation thérapeutique dans un Centre de lutte contre le cancer Introduction C’est pourquoi nous avons réfléchi à la mise en œuvre d’un programme d’éducation thérapeutique pour les femmes après le traitement d’un cancer du sein. La prise en charge de ces patientes ne s’arrête pas après les traitements de chimiothérapie ou de radiothérapie mais elle doit se poursuivre au-delà. C’est l’objectif du projet élaboré par un médecin oncologue, un cadre de santé et une diététicienne : « permettre une réinsertion familiale et professionnelle plus rapide et dans les meilleures conditions possibles. » La santé et le suivi thérapeutique des patients ont toujours fait partie des préoccupations majeures des soignants. Le cancer représente la première cause de mortalité en France, avec 320 000 nouveaux cas diagnostiqués dont 52 000 nouveaux cas de cancer du sein.1 Une femme sur 8 est traitée pour un cancer du sein avant l’âge de 75 ans. L’augmentation de la durée de vie des patients atteints de cancer contribue à donner à cette maladie les caractéristiques d’une maladie chronique à l’instar du diabète ou de l’asthme maladies pour lesquelles les patients bénéficient d’une éducation thérapeutique bien codifiée. La mesure 25 « Axe vivre pendant et après un cancer » du plan cancer 2009-2013 précise qu’il est nécessaire « de développer une prise en charge sociale personnalisée et d’accompagner l’après-cancer »2. Selon le rapport de l’OMS publié en 1996, l’éducation thérapeutique « vise à aider les patients à acquérir ou maintenir les compétences dont ils ont besoin pour gérer au mieux leur vie avec une maladie chronique. 1 2 Cadre législatif Situation des cancers en France en 2010. Inca, www.e-cancer.fr Bulletin Infirmier du Cancer 15 Plan cancer 2009-2011. Rapport d’étape, juin 2010. Vol.12-n°1-janvier-février-mars 2012 Expériences Pfeil n°1-12:nouvelles AFIC n°1vol5 03/05/12 14:04 Page16 E xpériences Elle fait partie intégrante et de façon permanente de la prise en charge du patient. Elle comprend des activités organisées, y compris un soutien psychosocial, conçu pour rendre les patients conscients et informés de leur maladie, des soins, de l’organisation et des procédures hospitalières, et des comportements liés à la santé et la maladie. Ceci a pour but « de les aider ainsi que leur famille à comprendre leur maladie et leur traitement, à collaborer ensemble et à assumer leurs responsabilités dans leur propre prise en charge, dans le but de les aider à maintenir et améliorer leur qualité de vie »3. En 2009, la loi portant réforme de l’Hôpital et relative aux Patients, à la Santé et aux Territoires (HPST) est consacrée à l’éducation thérapeutique du patient. Elle est reconnue pour la première fois à part entière avec son cadre, ses finalités et son mode de financement dans une loi de santé publique. Elle comprend des activités organisées, y compris un soutien psychosocial, conçu pour rendre les patients conscients et informés de leur maladie, des soins, de l’organisation, des procédures hospitalières, et des comportements liés à la santé et la maladie. Ceci a pour but « de les aider ainsi que leur famille à comprendre leur maladie et leur traitement, à collaborer ensemble et à assumer leurs responsabilités dans leur propre prise en charge, dans le but de les aider à maintenir et améliorer leur qualité de vie »4. L’éducation thérapeutique est un processus continu qui ne peut se résumer à la délivrance d’une information, fut-elle de qualité. Elle est multidisciplinaire, intégrée au traitement et permet au patient de prendre en charge sa maladie, ses soins et sa surveillance de manière active, en partenariat avec les soignants. Ce programme devrait concerner les femmes traitées au Centre Paul Strauss pour un cancer du sein après traitement chirurgical et/ou chimiothérapie et/ou radiothérapie. Le nombre de patientes potentiellement incluables serait de 50 par an. Contenu du programme Les traitements chirurgicaux, et médicaux sont responsables de troubles de l’image corporelle, aggravés par des symptômes tels que des douleurs articulaires et musculaires, bouffées de chaleur, troubles de l’humeur qui entraînent une diminution de l’activité physique engendrant une prise de poids. L’ensemble de ces symptômes peuvent également induire des difficultés sociales ou conjugales. Il a été constaté que les femmes pratiquant une activité sportive supportent mieux les effets secondaires des traitements. De nombreuses études démontrent que la prise de poids est un facteur favorisant les récidives5. Ainsi, des ateliers éducatifs ont été mis en place sur une durée de trois mois, soit 12 semaines consécutives. Ce programme sera reconduit quatre fois dans l’année. C’est le médecin coordonnateur du programme qui propose la démarche d’éducation thérapeutique aux patientes potentiellement incluables. Un diagnostic éducatif est établi suite à l’entretien effectué par l’infirmière avec la patiente afin de resituer la personne dans son contexte familial et social et de cerner ses besoins. Suite à cet entretien, une synthèse est faite avec l’équipe pluridisciplinaire. Un contrat de soins est établi avec la patiente et un consentement est signé par les patientes et les différents acteurs participant à la démarche. Les différents ateliers se sont déclinés ainsi : – un premier atelier animé par l’infirmière et la personne responsable de l’Espace Rencontre Information, pour reformuler le programme, présenter les différents intervenants et échanger sur leur maladie et leurs traitements et répondre à leurs questions ; Mise en œuvre du programme Pour la mise en œuvre de ce programme consacré aux femmes après le traitement d’un cancer du sein, un cadre de santé et une diététicienne ont bénéficié d’une formation adaptée en novembre 2010. Ceci dans l’objectif de développer des compétences spécifiques dans le respect des bonnes pratiques et recommandations de la Haute Autorité de santé. 5Maitre C. De l’importance de l’activité physique dans la prévention du cancer du sein. Bulletin du cancer 2009 ; 96 : 543-51. Tiernan A. MC, Irwin M, Von Grueninigen V. Weight, Physical Activity and Prognosis in Breast Gynecologic Cancers. J Clin Oncology 2010 ; 28 : 4074-80. Patterson RE, Cadmus LA, Edmond JA, Pierce JP. Physical activity, diet, adiposity and female breast cancer prognosis : a review of the epidemiologic litterature. PubMed 2010. 3 Rapport de l’OMS-Europe, publié en 1996. Therapeutic patient Education-continuing Education Programmes for Heath Care Providers in the field of chronic Disease. Traduit en français en 1996. 4 Loi n°2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé, aux territoires. Bulletin Infirmier du Cancer 16 Vol.12-n°1-janvier-février-mars 2012 Expériences Pfeil n°1-12:nouvelles AFIC n°1vol5 03/05/12 14:04 Page17 E xpériences – un atelier d’activité physique proposé trois fois par semaine adapté aux capacités physiques de chacune ; – un atelier diététique tous les 15 jours afin d’apprendre les bases d’une alimentation équilibrée avec un travail sur les représentations des aliments, les groupes d’aliments, les équivalences et l’élaboration de menus équilibrés ; la diététicienne prend en compte les besoins spécifiques liés aux personnes âgées selon les recommandations du Plan National « Nutrition et Santé » ainsi que les conditions de vie relatives à ce type de population (manque d’appétit, isolement social, petite retraite…) ; – une consultation de groupe réalisée avec la pharmacienne concernant l’observance des traitements per os avec une fiche d’information remise aux patientes ; – une consultation de groupe avec une gynécologue afin de répondre aux questions relatives aux symptômes de l’hypo-œstrogénie ; – deux ateliers avec la socioesthéticienne réalisés pour des conseils concernant le bien-être, l’apparence, et effets secondaires des chimiothérapies au niveau de la peau et des ongles ; – un atelier organisé en fin de programme avec une bénévole de l’association « Vivre comme Avant ». Vingt-six patientes se sont vues proposer ce programme. Sept patientes ont accepté d’y participer. • Dix-neuf patientes ont refusé : – car la distance était trop importante entre l’établissement et le domicile (5 femmes) ; – par manque de disponibilité car elles avaient la garde d’enfants ou de petits-enfants (3 femmes) ; – en raison de la prolongation du traitement (3 femmes) ; – elles n’avaient pas d’intérêt pour le programme (3 femmes) ; – elles reprenaient leur activité professionnelle (2 femmes) ; – pour un problème familial (1 femme). • Le profil de ces patientes est le suivant : – la moyenne d’âge est de 52,29 ans ; – la situation professionnelle : 4 patientes sont en arrêt de travail, 1 patiente est retraitée, 1 patiente est en recherche d’emploi et l’une d’elle est en reconversion professionnelle ; – la situation personnelle : 4 patientes ont entre 1 et 3 enfants. Évaluation du programme • Est en cours : Pour les patientes : – une évaluation à l’aide d’une grille de qualité de vie est réalisée à l’entrée et à l’issue du programme ; – une évaluation des connaissances concernant l’atelier diététique est réalisée en début et en fin de programme ; – un questionnaire de satisfaction concernant l’ensemble du programme et des différents ateliers est distribué lors de la dernière séance. Conclusion Cette démarche centrée sur le patient ne peut aboutir que si l’on tient compte de la dimension humaine et individuelle qui caractérise la démarche d’éducation thérapeutique. Pour les professionnels de santé qui accompagnent ces patientes afin de leur permettre de rebondir dans leur vie familiale et professionnelle, il ne s’agit pas de faire à leur place mais d’être à leur côté et de tenter de les aider à se créer un mode de vie porteur de sens et compatible avec leur état de santé. Accompagner signifie « marcher avec un compagnon ». « Or éduquer n’est pas convaincre, éduquer n’est pas prescrire, c’est accompagner (San Berthon 2001) Il s’agit d’admettre que la maladie chronique ressemble à un itinéraire complexe durant lequel le patient dessine luimême des changements et dénoue lui-même des blocages, dans un temps qui lui appartient (Lacroix 2007). »6 Pour les professionnels : – une évaluation du nombre d’entretiens effectués par rapport au nombre de patientes qui ont effectivement participé au programme ; – un bilan d’activité concernant le nombre de séances réalisées, le nombre de participantes aux différents ateliers, le nombre de consultations individuelles. Résultats de ce premier programme Ce premier programme s’est déroulé du 4 avril au 24 juin 2011. Bulletin Infirmier du Cancer 6 Former à l’éducation thérapeutique du patient : quelles compétences ? Sous la direction de Jérôme Foucaud et de Maryvette BalconDebussche : éditions Inpes, 2008 : p.53. 17 Vol.12-n°1-janvier-février-mars 2012