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L’espace vide
Ecrits sur le théâtre
Peter Brook
Notes de lecture par Gaëlle CABAU
Peter Brook, le 21 mars 1925 à Londres, est un metteur en scène,
acteur, réalisateur et écrivain britannique.
Artiste novateur dans ses interprétations des pièces du grand répertoire
international, et plus particulièrement des classiques de Shakespeare. Il est
le théoricien de L'Espace vide. Depuis le milieu des années 1970 sa
compagnie est en résidence à Paris au Théâtre des Bouffes du Nord.
Le théâtre rasoir
- Je peux prendre n’importe quel espace vide et l’appeler une scène.
Quelqu’un traverse cet espace vide pendant que quelqu’un d’autre
observe, et c’est suffisant pour que l’acte théâtral soit amorcé.
Pourtant quand nous parlons de théâtre, c’est à quelque chose d’autre
que nous pensons. Le rideau rouge, les projecteurs, la poésie, le rire,
l’obscurité.
- Quatre formes : théâtre rasoir, théâtre sacré, théâtre brut, théâtre
vivant.
- Théâtre rasoir car frappé de mort et ennuyeux.
Synonyme de mauvais théâtre
La forme la plus fréquente
Théâtre commercial
Souvent ne parvient même plus à divertir
Surtout dans les représentations de Shakespeare : rien n’aura
gêné ses théories pendant qu’il se récitait à mi-voix ses vers
préférés… satisfaction intellectuelle mais ce n’est pas le théâtre.
- Souvent les pièces ennuyeuses sont couronnées de succès car on
associe la culture à un certain sens du devoir… une dose d’ennui sert
de garantie au spectacle.
- Aujourd’hui pour la tragédie : le jeune acteur veut jouer de façon
réaliste… son jeu ne fait que s’appauvrir.
- Imiter les facettes extérieures du jeu perpétue seulement une
apparence qui n’est plus reliée à rien de valable.
- Œuvres de Shakespeare
Sons, pauses, rythmes
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Un mot n’est pas à l’origine simplement un mot : petite portion
visible de tout un univers caché.
- Il est vain de prétendre que les épithètes que nous appliquons aux
pièces classiques, telles que « musicale », « poétique », « noble »,
« héroïque »… aient une signification absolue.
- Dans un théâtre vivant, nous aborderions chaque jour la répétition en
mettant à l’épreuve les découvertes de la veille, prêts à croire que la
véritable pièce nous échappe une fois de plus. Mais le théâtre
traditionnel aborde les classiques avec l’idée que, quelque part,
quelqu’un a trouvé et défini la façon dont la pièce devait être jouée.
- Dès que nous essayons de fixer ce style une fois pour toute nous
sommes perdus.
- Le théâtre est un art autodestructeur. Il est écrit sur le sable. Une
mise en scène est établie et doit être reproduite mais, du jour elle
est fixée, quelque chose d’invisible commence à mourir.
- Pièces de musée.
- Au théâtre, toute forme, sitôt créée, est déjà moribonde. Toute forme
doit être pensée à nouveau, et sa nouvelle conception doit porter les
marques de toutes les influences qui l’entourent. Dans ce sens, le
théâtre est relativité.
- Différence avec la musique (opéra) qui se fait entendre toujours de la
même façon.
- La tradition est la barrière principale qui nous sépare d’un théâtre
vivant. Il y a partout des facteurs de mort : dans le contexte culturel,
dans les valeurs artistiques dont nous avons hérité, dans la structure
économique, dans la vie de l’acteur, dans la fonction du critique.
- Mais à l’intérieur même du théâtre rasoir on trouve souvent des
promesses de vie réelle avortées, qui peuvent être momentanément
satisfaisantes.
- Des masses d’argent de plus en plus grandes payées par des
spectateurs de moins en moins nombreux.
- Les prix sont trop élevés.
- Le bon théâtre dépend d’un bon public…mais il est difficile pour le
spectateur d’être conscient de sa propre responsabilité.
- Un public mal adapté ou un lieu mal adapté, ou les deux,
provoqueront chez l’acteur le jeu le moins subtil, sans qu’il y ait pour
lui le moyen de choisir.
- Autrefois les comédiens ambulants adaptaient tout naturellement leur
travail à chaque endroit différent.
- Ex avec un étudiant lisant un extrait de L’Instruction, de Peter Weiss.
- La qualité du silence provoqué par la lecture d’un morceau de ce genre
(Shakespeare) faite par un acteur inexpérimenté est proportionnelle au
degré de vérité qu’il y met.
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- Les grands succès d’Elia Kazan, de Tennessee Williams… ont attiré
ainsi des publics nombreux qui trouvaient dans ces œuvres des
sentiments, des idées qu’ils pouvaient partager, et c’est pour cela que
ce furent des événements importants.
- Stanislavski et l’Actor Studio : comédien entraîné à rechercher quelque
chose de plus vrai en lui. Il devait présenter une scène en la vivant, et
le jeu devenait ainsi une étude naturaliste.
- Meyerhold remet en cause Stanislavski en proposant un jeu différent,
de façon à capter d’autres éléments de la réalité.
- Le mot théâtre a de nombreux sens mal définis.
- Dans la plus grande partie du monde, le théâtre n’a pas de place
déterminée dans la société. Il n’a pas de but précis, il n’existe pas en
soi : tel théâtre cherche le profit matériel, tel autre la gloire, tel autre
l’émotion, tel autre enfin l’amusement.
- Quand il a acquis une certaine notoriété, l’acteur ne se livre plus à
aucune recherche.
- L’acteur se limite de plus en plus à faire le même travail.
- Progresser en tant que comédien, ce qui implique de progresser en
tant qu’homme.
- Impossibilité de se défaire, ne fût-ce que momentanément, de l’image
d’eux-mêmes, cristallisée autour du vide qui les habite.
- S’ils n’appartiennent pas à une compagnie permanente, peu d’acteurs
peuvent réussir longtemps. Il faut pourtant reconnaître que même une
compagnie permanente est, à la longue, vouée à la sclérose, si elle n’a
pas de but, pas de méthode, donc pas d’école.
- On enferme les acteurs pour exercer leurs muscles. Les gammes ne
font pas un pianiste, pas plus que les exercices du poignet n’aident le
pinceau du peintre.
- Le critique a un rôle essentiel, puisqu’un art sans critique serait
menacé de périls bien plus grands.
- Le théâtre est sans pitié, il ne laisse place à aucune erreur, à aucun
gâchis. Un roman supporte que le lecteur saute des pages. Deux
heures, c’est court et c’est une éternité.
- Un critique trouvera au théâtre bien plus d’incompétence que de
compétence.
- Le critique qui n’aime plus le théâtre est de toute évidence un critique
inutile. Le critique qui aime le théâtre mais qui ne sait pas ce que
signifie le théâtre est tout aussi inutile. Le critique vivant est celui qui
a déjà trouvé pour lui-même ce que pourrait être le théâtre et qui a
l’audace de remettre en question cette formule chaque fois qu’il
participe à un événement.
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- Le travail qui consiste à donner vie à chaque personnage est vraiment
une tâche surhumaine.
- Peu de bonnes pièces
// au cinéma
Lorsque de nouvelles pièces essaient d’imiter la réalité, nous
sommes plus conscients de ce qui est imitation que de ce qui est
réalité.
Si elles explorent la psychologie, il est bien rare qu’elles
dépassent les stéréotypes.
Si elles visent une critique sociale, elles atteignent rarement le
cœur de la cible.
- Grande liberté de l’homme de théâtre : il peut évoquer l’univers entier
sur la scène.
- Shakespeare utilisait ce court laps de temps à entasser
minutieusement une profusion de matériaux pris sur le vif, d’une
incroyable richesse.
- L’auteur contemporain est encore prisonnier de l’anecdote, de la
cohérence et du style.
- Il n’explore pas assez profondément divers aspects du théâtre. Son
indispensable solitude est aussi une prison.
- Une scène de théâtre est une scène de théâtre et non pas un endroit
destiné à la lecture d’un roman, d’un poème, à une conférence, ou au
récit d’une histoire quelconque…
- Les mots que l’on dit sur cette scène-là parviennent ou non à
exister en fonction des tensions qu’ils créent sur cette scène.
- Le théâtre n’est pas une tour d’ivoire. Le choix qu’il fait et les valeurs
qu’il exalte n’ont de force qu’en fonction de leur théâtralité : ceci est
particulièrement vrai quand un auteur veut faire d’une pièce le
support d’un message, à des fins morales ou politiques.
- Au début : s’attaquer à la nature même de l’expression théâtrale. Il n’y
a pas moyen d’y échapper, à moins que l’auteur accepte d’enfourcher
un véhicule d’occasion.
- Si on laisse la pièce s’exprimer toute seule, on peut très bien ne rien
entendre du tout. Si l’on veut que la pièce soit entendue, alors il faut
savoir la faire chanter.
- C’est un rôle étrange que celui de metteur en scène. Il ne demande pas
à être Dieu, et pourtant il lui ressemble.
- Il est toujours un imposteur, un guide dans le noir, qui avance sans
connaître le terrain, et pourtant, il n’a pas le choix : il doit guider, tout
en découvrant son chemin au fur et à mesure.
- Un metteur en scène sclérosé est celui qui ne renonce pas aux réflexes
auxquels on a trop facilement recours dans toutes les spécialités.
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- Je suis moi-même souvent au théâtre pour des motifs sensuels et
souvent irréfléchis. Se divertir est une excellente chose.
- La majeure partie de ce qu’on appelle aujourd’hui le théâtre n’est que
la caricature d’un mot jadis riche de signification.
- Le théâtre est-il un anachronisme, une survivance bizarre qui reste
debout comme un vieux monument, une habitude surannée ? Quelle
fonction pourrait-il remplir ?
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