Ok ok ! Je m’en vais ! Un dernier regard aux fauteuils, au rideau et aux projecteurs, une
dernière pensée à tous ceux qui ont cru en moi, un jour. Le grand Morne vous salue.
Malgré mes déboires je ne suis pas fini et je reste persuadé que je remontrai sur les
planches, ne vous en déplaise.
Je suis sûrement un comédien imbibé je ne le nie pas, mais j’ai eu mon heure de gloire,
et à l’époque mon débit n’était pas que de boissons.
Oui c’est bon je pars, une chose est sûre c’est que je ne peux pas vous faire de
l’ombre, vous voulez savoir pourquoi ? Mais parce que vous n’êtes pas une lumière,
monsieur le directeur metteur en scène.
Ce n’est pas la peine de crier. Vous n’êtes qu’un imbécile, monsieur le directeur metteur
en scène. Si vous l’êtes, sinon vous ne diriez pas que je ne suis qu’un bouffon !
C’est un honneur d’être un saltimbanque, un baladin, je pensais en arrivant ici que vous
l’auriez remarqué. Un bon directeur metteur en scène aurait senti immédiatement que je
suis un artiste, certes décadent, mais un artiste.
Qu’est-ce que vous dites ? Et si on discutait pour un rôle éventuel ? Non merci pour la
charité. C’est vous le bouffon, hypocrite.
Je voulais revoir ce théâtre qui m’a fait tant vibrer avant de tirer ma révérence.
Je vais trinquer à moi, à ce que je ne suis plus. Alain Fournier vous salue bien. Vous
me demandez qui je suis vraiment ? Vous ne comprenez décidément rien.
Pas facile d’être un comédien qui a trop vieilli, et mal. Cette scène se passe de
commentaire alors je vais me taire et subir mon destin, celui d’une étoile qui s’éteint et
qui va essayer de briller ailleurs, dans une autre galaxie.
Sur scène chaque comédien donne une part de lui-même, mais certains dont vous
faites partie ne donne rien, que du négatif.
Je n’irai pas plus loin, car par trop de stress et d’alcools je ne me souviens plus de mon
texte.
Mais par contre avant de partir, j’aimerais vous dire que vous le vouliez ou non, je
demeure un véritable comédien de théâtre.