M a l a d i e , m o rt… a cce p t e r la diffé re n ce

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dossier
L’AS et les soins interculturels
Céline Guerrand-Fresnais
Infirmière, réanimation, Marseille (13)
Maladie, mort… accepter la différence
Lors d’événements douloureux comme
la maladie ou la mort,la personne, plus
que jamais, doit être respectée. Sa culture,
sa religion, les rites qui constituent
son identité l’aideront, elle et sa famille,
à franchir cette épreuve. L’aide-soignante,
lors de sa prise en charge, doit être
à même d’accueillir les demandes
du patient avec de sa famille.
Mots clés
• Aide-soignant
• Culture
• Famille
• Religion
P
eurs mal formulées, m é co nn a i s s a n ce de l’autre culture ou
encore préjugés, sont autant d’obstacles qui empêchent les soig n a nts d’int é g rer dans leur pratique quotidienne les notions de
c u l t u re et de religion dans leur
re l ation à la personne soignée.
Précisions
• Il ne faut pas oublier
que si l’hôpital est
un lieu laïc, le libre
exe rc i ce du culte dans
les hôpitaux a été défini
lors de la loi de
séparation de l’Église
et de l’Ét at du 9
décembre 1905 .
• La charte du pat i e nt
hospitalisé nous
rappelle :
- Art.3 : L’information
donnée au patient doit
ê t re accessible et l oyale.
Le patient p a rticipe aux
choix t h é rapeutiques
qui le co n ce r n e nt.
- Art.4 : Un acte médical
ne peut ê t re pratiqué
qu’avec le
consentement libre et
éclairé du patient.
- Art.7 : La personne
hospitalisée est traitée
avec égards. Ses
croyances sont
respectées. Son intimité
doit être préservée ainsi
14
Accueillir l’autre
❚
Pour être en bonne santé, le
p at i e nt a besoin d’harmoniser
son corps, son esprit et son âme
et d’être accepté avec ses différences culturelles ou religieuses.
Il pourra ainsi être coopérant et
partenaire dans le soin.
données, ne peut être ignorée lors
de la planification des soins car
celle-ci constitue un aspect fondamental du déve l o p p e m e nt
humain.
❚
Intégrer la famille au soin
des techniques.
❚ La présence de la famille dans
Accompagner le malade
et la personne âgée
une structure de soins l’humanise et favorise une bonne part icipation du malade au processus
de soin. Le repère que constitue la
famille répond au besoin fondam e ntal de soutien du patient à
tous les âges de la vie et pour tous
les événements heureux ou malheureux.
Si la pre m i è re marque de
respect dû au pat i e nt ré s i d e
❚ Faire participer la famille c’est
dans la qualité des soins, le droit
à la diffé re n ce culturelle et re l igieuse doit être éga l e m e nt
reconnu.
prise en charge du patient. Elle est
ga rante des coutumes, des traditions et des rites culturels et religieux.Ce n’est pas forcément une
présence physique, mais plutôt la
possibilité au pat i e nt d’ê t re soigné le plus en acco rd possible
avec ses besoins. Si la plupart du
temps le besoin vital l’emporte
sur les traditions (les t rois principales religions monothéistes
re co n n a i s s e nt la primauté de la
vie sur les rites), il faut savoir laisser sa place à la famille et à sa culture dès que possible. Elle est sou-
❚
Cette reconnaissance néce ssite la connaissance de cette dif-
❚
fére n ce et une attitude tolérant e.
Cette “compétence culturelle”
consiste à attacher de la valeur à
la diversité, à connaître les mœurs
et les t raditions culturelles des
populations et à en tenir compte
dans sa pratique professionnelle.
La dimension spirituelle, souvent
i g n o rée lors de la co l l e cte des
a ccepter sa pré s e n ce dans la
vent plus attentive aux souhaits
du malade, les anticipe, et reconnaît les signes non verbaux qu’il
exprime.
Elle ne re m p l a ce pas les soignants qui apportent un savoir et
La place du malade et de la
personne âgée au sein de la
famille varie selon les cultures.
❚
Le soin doit donc s’accompagner
d’une démarche personnalisée,
empreinte d’empathie et d’ouve rture. L’aide-soignante doit s’effo rcer d’é couter et de co m p re n d re
les besoins du pat i e nt et de sa
famille.
«Je ne comprends pas ! Cette famille
ne venait jamais s’occuper de Mme
L. et pourtant ils sont désemparés à
l’annonce de sa mort ! »,s’interroge
Christine, aide-soignante en longséjour.Or,en Afrique,par exemple,
le malade perturbe l’équilibre
familial, s u rtout s’il est chef et ne
peut plus assurer ses fonctions.
À l’inverse, dans d’autres cultures,
le malade est inclus totalement
dans la vie de famille qui para î t
“collante” : les proches apportent
linge, nourriture, re s t e nt n o m b-
SOiNS Aides-soignantes - n°9 - avril 2006
dossier
Pudeur et intimité
La pudeur n’est pas toujours
liée à la religion, c’est avant tout
un phénomène socioculturel.
Il est important de noter qu’aucune tradition ne tolère la
nudité totale (sans vêtements,
maquillage ou décorations) et
que les codes de regards diffèrent selon les traditions.
En Occident, nous apprenons
dès notre plus jeune âge à éliminer en se cachant d’autrui,
mettre un patient sur le bassin
devant sa famille serait une
atteinte à son intégrité.
En Afrique, par exemple, le
regard direct d’un individu
inconnu est une agression.
reux au lit du malade…). Pourtant
leur présence et leur soutien indéfe ctibles sont n é ce s s a i res au
patient.
De même, alors que dans nos
sociétés occidentales les personnes âgées sont exclues, elles ont
une place prépondérante au sein
de la famille dans beaucoup de
culture et de tradition.
C h ez les Roms, la famille ent i è re
ento u re le malade et il n’est pas
rare que les caravanes s’installent
sur le parking de l’établissement
de soins si l’hospitalisation doit
durer. Dans tous les cas pour les
Ro m s, le temps d’hospitalisation
est ré d u i t au strict n é ce s s a i re.
En A s i e, toucher la tête est un
manque de respect.
Chez les Musulmans, les femmes peuvent êtres voilées, alors
que, chez les Japonais, il existe
tout un ensemble de rituels de
la pudeur comme les gestes de
geishas ou le sourire de pudeur
de deuil.
Les Musulmans cachent la partie située entre les genoux et le
nombril, parfois aussi la tête est
couverte ou le torse ne peut pas
se montrer découvert.
Chez les Asiatiques comme
chez les Musulmans, les soins
prodigués au corps nu sont pratiqués par des personnes de
❚ Le rôle des équipes soignantes, particulièrement des aides-
soignantes, est d’accorder, dans la
mesure du possible, l’organisation
de soins avec ces besoins.
L’o b j e ctif est de proposer une prés e n ceet un accompagnement en
a ccord avec les principes de soins
(hygiène et sécurité notamment)
qui favorisentce soutien familial.
Deuil et rites funéraires
La mort marque une étape difficile pour une famille, et l’agonie
et le deuil sont s o u rces d’ango i s s e. Le soignant peut vivre la
mort d ’un pat i e nt comme un
échec. Il ressent alors culpabilité,
angoisse ou gê n e. Peuvent s’a j o uter des diffé re n ces culture l l e s
entre les familles et les soignants.
À ne pas faire lors
d’un décès ou
d’une agonie
❚ Ne pas imposer sa pro p re cul-
ture et ses pro p res opinions
(voir ou ne pas voir le corps…).
❚ Manquer de re s p e ct à la personne décédée et à sa famille.
❚ Ne pas prendre de t e m p s pour
la famille.
❚ Empêcher la famille d’exprimer
ses émotions.
❚ Ne pas respecter la vie jusqu’au
b o u t.
SOiNS Aides-soignantes
L’a i d e - s o i g n a nte doit s’informer
auprès de l’équipe et de la famille
pour connaître leurs souhaits et
éviter ainsi les impairs. « Nous
avons été prévenus de l’a gonie de
ma mère dans la nuit. Nous l’avons
veillée jusqu’à sa mort et avo n s
accompli les gestes nécessaires.
Cela a beaucoup apaisé notre
peine », apprécie Martha.
❚ Dans la tradition juive, il est
p r i m o rdial de prévenir la famille
qui ne quitte pas le mourant j u squ’à sa mort. Il ne doit pas être
touché et son corps doit être
recouvert entièrement. La toilette
est égalementfaite par la famille.
Il ne s’agit pas d’un rejet de l’aidesoignante, au co ntraire, il permet
l’a cco m p l i s s e m e nt de rituels
familiaux.
❚ Les Musulmans accomplissent
un rituel autour du mort : des
gestes de purification et d’o r i e nt ation du corps vers La Mecque.La
toilette doit ê t re effe ctuée par
une personne de même sexe , si
possible de la famille.
Les Bouddhistes “enco u ragent” le moura nt g râ ce à la
méditation et le corps ne doit
❚
pas être touché.
Les Pro t e s t a nt s, comme les
orthodoxes, veillent le mort lors
❚
de prières.
❚
L’assistanced’un ministre du
- n°9 - avril 2006
culte peut être
même sexe et sans présence de
proche. En revanche, le soin aux
e n fants se fait en présence du
père pour les garçons et de la
mère pour les fil l e s.
Un père peut tout à fait aimer et
soutenir sa femme sans assister
directement à la naissance de
son enfant, et telle autre femme
préfèrera être accompagnée
d’une parente. Le soignant se
doit de respecter les besoins de
cette femme et de cette famille
sans juger selon ses propres
repères culturels.
“
C. G.-F.
Le soin au malade ne peut
une aide prése faire dans l’ignorance de
cieuse pour l’éses besoins spirituels et
quipe. Il existe
de son sentiment
des aumôned’appartenance
ries dans tous
les hôpitaux et
les religions monothéistes principales y sont généralement re p résentées.
La ré a l i s ation des rites est une
étape primordiale du deuil pour Ré férences
les familles. Pour le mourant,c’est • Association des
Infirmières et Infirmiers
un ré co n fo rt de partir en
du Canada. “Le
confiance.
d éveloppement des soins
Coordination entre
patient, famille et équipe
Le soin au malade ne peut se faire
dans l’ignora n ce de ses besoins
spirituels et de son sent i m e nt
d’appartenance.Cela passe par un
travail en co o rd i n ation entre l’établissement de soins, l’équipe et
la famille.L’aide-soignante est au
premier plan, interlocuteur privilégié du patient et de sa famille,
elle est le lien entre les acteurs de
la prise en charge du malade.
Il ne faut pas oublier cette notion
de pratique du soin en milieu
m u l t i c u l t u rel et rester soignant
ava nt to u t sans pré j u ger d’un
re f u s, d’un re ga rd ou d’une pratique. ●
”
adaptés sur le plan
culturel”. Promoting
c u l t u rally competent c a re,
PS 7 3, mars 2004
• David A-M. Éthique et
soins infirmiers, collection
prépa DE, n°19, Éditions
Lamarre, 1 9 97
• Gaudreault N. “Les
patients suivis en soins
palliatifs et leurs familles
: que ve u l e nt-ils vraiment
s avoir ?”. L’actualité
médicale canadienne,
2 février 2005 : 30
• Levy I. La religion à
l’hôpital, Presses de la
Renaissance, 2 0 04
• Ndour Mbay M.
“Religion, politique et
pied diabétique au
Sénégal”. DiabètesVoices,
novembre 2005, v. 50 : 14
• www.aphp.fr/
s i t e/a ct u a l i t e/mag_droits
_malade_cultes.htm
15
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