Les ressorts de la radicalisation et de son traitement – Fethi Benslama – Observatoire de la fraternité 93 – 05/10/16
Transcription de la soirée débat
«
Fraternité, Parlons en !
»
Les ressorts de la radicalisation
et de son traitement,
animée par Fethi Benslama
Le 5 octobre 2016
Les textes ci-après sont la retranscription des interventions orales durant la soirée débat
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Les ressorts de la radicalisation et de son traitement – Fethi Benslama – Observatoire de la fraternité 93 – 05/10/16
ALLOCUTIONS D'OUVERTURE
ALINE ARCHIMBAUD,
SÉNATRICE DE SEINE-SAINT-DENIS
Bonsoir à tous, je vous souhaite la bienvenue au nom de l'ensemble de l'équipe de l'observatoire de
la fraternité. Bienvenue à Fethi Benslama, merci pour sa présence et merci à lui de bien vouloir
nous consacrer son temps et sa réflexion sur les ressorts de la radicalisation et sa prévention.
Merci aux CEMEA et à leur président Alain Sartori qui nous accueillent dans de superbes
conditions. Je rappelle que les CEMEA sont mobilisés aux côtés des signataires de l'appel de
l'observatoire. Enfin, merci aux membres de l'observatoire et aux amis de l'observatoire d'être
présents. Surtout, merci aux jeunes présents dans la salle et qui sont assez nombreux ce soir, je
crois que c'est quelque chose de très important.
Dans des débats comme ce soir, ce qui nous intéresse c'est de comprendre, expliquer, analyser. La
série d'événements tragiques qui nous a bouleversés, on ne peut pas en rendre compte avec le
langage ancien, avec des réponses simplistes prises dans l'urgence. Les réponses doivent être
partagées avec les experts d'une part, mais surtout avec ceux qui vivent quotidiennement ces
situations, et qui ont en une connaissance aiguë. Ce qu'on a constaté avec l'observatoire c'est cette
précipitation dans des débats fabriqués pour diviser, ces généralisations hâtives, ces leçons données
à l'emporte pièce, ces amalgames. Sur le plan législatif, les empilements de textes sont eux aussi
hâtifs et pas en phase avec la réalité. Ces défaillances, on essaye d'y remédier modestement.
Comprendre pour agir, c'est notre responsabilité ici, dans cette salle et ailleurs. Nous sommes
complémentaires pour construire un monde de la fraternité dans la vie quotidienne. Il faut qu'on
protège toutes les populations, y compris les plus stigmatisées, il faut qu'on construise des terrains
défavorables aux violences, aux extrémismes. La complexité de la situation ne doit pas paralyser
notre action mais nous emmener sur la voie de solutions multidimensionnelles.
Dans ces débats, il nous faut garder une atmosphère sereine, d'écoute et de respect. Abandonner nos
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jugements hâtifs et essayer de partir du concret pour essayer de comprendre.
ALAIN SARTORI,
PRÉSIDENT DES CEMEA ÎLE DE FRANCE
Bonsoir à tous. D'abord nous sommes très heureux au nom des CEMEA Île de France et des
CEMEA nationaux, dont les représentants sont dans la salle ce soir, d'accueillir cette initiative de
l'Observatoire de la fraternité.
La Fraternité est un beau mot, un pilier de la République. On parlait d'égalité, de liberté, mais dans
ce monde, ce qui tend à la fragmentation et à la division des personnes entre elles c'est l'absence de
fraternité. C'était urgent d'en parler et de redonner tout son sens à ce mot. Vous êtes ici dans un
espace de formation, dans une salle de nombreux étudiants et stagiaires du centre de formation
de l'ARIF des CEMEA sont présents parmi nous ce soir et j'en suis très heureux. Il faut que la
jeunesse participe à ces espaces, merci à vous d'être venus.
L'enjeu pour nous, c'est d'être un lieu de confrontation et d'appréhension du vivre ensemble : pas
seulement sur la question de la convivialité, mais surtout dans l'apprentissage du conflit. C'est un
espace de rencontre, d'expression de points de vus différents. Si on ne crée pas ces espaces, on crée
les conditions de la violence. Quand il n'y a pas de conflit, il y a de la violence. Une des ambitions
de l'observatoire de la fraternité, c'est de créer ces conditions et ce soir sur un thème pas simple.
Merci à Fethi Benslama d'avoir répondu à l'invitation de l'Observatoire.
Merci à vous tous d'être venus dans cette salle ce soir. A vous regarder, je vois un bel exemple de
cette France et de la République.
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Les ressorts de la radicalisation et de son traitement
FETHI BENSLAMA
Bonsoir, je suis très heureux de venir parler sous ce titre d'Observatoire et de Fraternité qui
réunissent à la fois la volonté de comprendre mais aussi de savoir ce qui nous reste du mot de
fraternité une fois devant les difficultés. J'ai répondu très vite positivement à l'invitation car je
trouve que c'est ce type d'initiatives qui aujourd'hui doit contribuer à ce dont je parlerai, le
traitement de la radicalisation. Il y a plusieurs traitements mais il y en a un absolument nécessaire
qui est dans cette alliance entre la société civile et les politiques, sans laquelle on ne peut pas arrêter
ce qui nous arrive aujourd'hui.
Je vais vous parler de ce que j'ai compris, en tant que chercheur qui travaille sur l'Islam sous l'angle
particulier de l'évolution de la subjectivité, c'est à dire l'individualité des musulmans dans leur
intimité. On parle d'eux en groupe, en tant que masse, mais pas de ce qui se passe dans leur intimité,
de ce qui les conduit à être si différents. Je suis aussi un praticien et d'ailleurs je suis de chez vous.
J'ai travaillé en Seine Saint Denis, dans la cité des 4000 par exemple, et cela pendant 15 ans. Le
public d'ici je le connais, j'ai vu les jeunes, leurs enfants, leurs parents.
Cette question de la radicalisation, n'est pas aussi simple qu'on le dit. C'est quelque chose de très
complexe parce que la notion de radicalisation c'est celle des personnes qui adoptent des modes
d'être, des conduites extrêmes qui peuvent menacer la société, mais pas nécessairement. Tous les
radicalisés ne sont pas violents.
Aujourd'hui, la radicalisation prend un caractère épidémique, c'est bien la difficulté. Jusqu'à l'été
on comptait en France 12 000 signalés radicalisés (ce sont les chiffres du ministère de l'Intérieur).
Aujourd'hui, c'est beaucoup plus. Je vais y revenir.
La radicalisation, est devenue aujourd'hui un phénomène quasiment planétaire. Notion née en 2001
après les attentats aux États-Unis, les Américains l'ont imposée à travers les recherches qu'ils
mènent sur la radicalisation. Avant on parlait d'extrémisme, d'intégrisme, de fanatisme... tous ces
mots ont disparu, la radicalisation s'est installée pour désigner toutes formes de conduite extrême.
Les chercheurs en sociologie se sont mis à étudier comment ça se passe, le phénomène de
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radicalisation, quels trajets il emprunte... A partir de là, ce mot est devenu commun à tous les pays
et traduit dans toutes les langues.
On peut le récuser, mais dans la réalité il s'impose aux politiques, aux chercheurs, aux services de
sécurité.
Qu'est ce qu'on y met ? Quelles sont ces 12000 personnes signalées ? On n'en sait pas beaucoup de
choses. Depuis la constitution de ce fichier des « radicalisés », les chercheurs demandent d'y avoir
accès afin de savoir qui ils sont, d'où ils viennent... Le ministre de l'Intérieur a promis l'ouverture de
ce fichier, pour le moment nous n'y avons toujours pas accès.
Pour pouvoir penser la lutte la lutte contre la radicalisation, il faut savoir ce que c'est. Aujourd'hui
chacun a un petit bout de connaissance, mais personne n'en n'a de vision globale. Quels sont ces
gens ? Comment les a t on repérés ? Les populations sont différentes, il n'existe pas de profil de
radicalisé, il n'existe pas de profil psychologique. Bref, on ne peut pas lutter à l'aveugle. Nous
sommes en panne dans la compréhension et la recherche parce qu'on n'ouvre pas ce big data gardé
par le ministère de l'Intérieur. On ne peut pas mener une politique véritable de prévention et de lutte
contre la radicalisation violente, et je souligne violente, si nous ne connaissons pas le fait même.
Aujourd’hui, on ne connaît que l'expérience empirique. Et aujourd'hui, il n'y a pas de politique autre
que la politique sécuritaire. Je ne suis d'ailleurs pas compétent pour en parler, c'est le travail de la
police et heureusement qu'elle existe.
En revanche, la politique de la prévention ne relève pas que des compétences de la police. S'il existe
aujourd'hui une politique sociale, une politique de la ville, la politique de traitement de ce qui
apparaît comme la « radicalisation » n'existe pas. Certes, de nombreux spécialistes apparaissent,
j'appelle ça l'über-radicalogie. Ce sont des personnes qui n'ont jamais rencontré un jeune ! L’État
leur jette une manne financière, à l'aveugle, parce qu'il « faut bien faire quelque chose ». En avril
2014, l’État a commencé à pointer le problème alors me que cela faisait des années que les
praticiens tiraient la sonnette d'alarme. À ce moment, le ministère de l'Intérieur a chargé la
commission interministérielle pour la lutte contre la délinquance qui est devenue « commission
interministérielle pour la lutte contre la délinquance et de la radicalisation », de faire quelque chose.
Je ne mésestime pas les difficultés face à ce phénomène nouveau, mais les retards à agir sont
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