Les ressorts de la radicalisation et de son traitement – Fethi Benslama – Observatoire de la fraternité 93 – 05/10/16
radicalisation, quels trajets il emprunte... A partir de là, ce mot est devenu commun à tous les pays
et traduit dans toutes les langues.
On peut le récuser, mais dans la réalité il s'impose aux politiques, aux chercheurs, aux services de
sécurité.
Qu'est ce qu'on y met ? Quelles sont ces 12000 personnes signalées ? On n'en sait pas beaucoup de
choses. Depuis la constitution de ce fichier des « radicalisés », les chercheurs demandent d'y avoir
accès afin de savoir qui ils sont, d'où ils viennent... Le ministre de l'Intérieur a promis l'ouverture de
ce fichier, pour le moment nous n'y avons toujours pas accès.
Pour pouvoir penser la lutte la lutte contre la radicalisation, il faut savoir ce que c'est. Aujourd'hui
chacun a un petit bout de connaissance, mais personne n'en n'a de vision globale. Quels sont ces
gens ? Comment les a t on repérés ? Les populations sont différentes, il n'existe pas de profil de
radicalisé, il n'existe pas de profil psychologique. Bref, on ne peut pas lutter à l'aveugle. Nous
sommes en panne dans la compréhension et la recherche parce qu'on n'ouvre pas ce big data gardé
par le ministère de l'Intérieur. On ne peut pas mener une politique véritable de prévention et de lutte
contre la radicalisation violente, et je souligne violente, si nous ne connaissons pas le fait même.
Aujourd’hui, on ne connaît que l'expérience empirique. Et aujourd'hui, il n'y a pas de politique autre
que la politique sécuritaire. Je ne suis d'ailleurs pas compétent pour en parler, c'est le travail de la
police et heureusement qu'elle existe.
En revanche, la politique de la prévention ne relève pas que des compétences de la police. S'il existe
aujourd'hui une politique sociale, une politique de la ville, la politique de traitement de ce qui
apparaît comme la « radicalisation » n'existe pas. Certes, de nombreux spécialistes apparaissent,
j'appelle ça l'über-radicalogie. Ce sont des personnes qui n'ont jamais rencontré un jeune ! L’État
leur jette une manne financière, à l'aveugle, parce qu'il « faut bien faire quelque chose ». En avril
2014, l’État a commencé à pointer le problème alors même que cela faisait des années que les
praticiens tiraient la sonnette d'alarme. À ce moment, le ministère de l'Intérieur a chargé la
commission interministérielle pour la lutte contre la délinquance qui est devenue « commission
interministérielle pour la lutte contre la délinquance et de la radicalisation », de faire quelque chose.
Je ne mésestime pas les difficultés face à ce phénomène nouveau, mais les retards à agir sont
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