LES MEILLEURS PLACEMENTS POUR 2015 : RISQUES, PERFORMANES ET FISCALITE Frédéric Durand Bazin, Rédacteur en chef du Particulier Christopher Dembik, Analyste financier chez Saxo Banque Henry Masdevall, Président d'Actualis Associés Gilles Artaud, Président de Planète Patrimoine Frédéric Durand Bazin remercie les participants venus nombreux – 400 personnes dans la salle, ère 1 600 inscrits – à la 1 édition des Rencontres patrimoniales du Particulier. Après la conférence, les participants auront la possibilité d’assister à des ateliers thématiques, de visiter les stands des partenaires de l'évènement et de rencontrer les journalistes du Particulier. FDB : Pouvez-vous nous faire un point sur la situation macroéconomique ? Henry Masdevall : Les marchés financiers évoluent dans un environnement économique et financier toumenté : la croissance des pays développés s'est construite sur la dette, les investisseurs anticipent un durcissement de la régulation et l'inflation – qui permettait de valoriser son patrimoine dans un laps de temps assez court par le passé – est quasiment inexistante. Trois grandes zones d’investissements peuvent être identifiées : - Les États-Unis ont été les plus rapides à sortir de la crise économique et financière. Les bonnes décisions de la Réserve Fédérale ont permis de restaurer la confiance des investisseurs et de réduire le chômage – on attend désormais une remontée de taux en 2015 qui devrait créer une distorsion avec l'Europe sur le marché obligataire et les devises ; - L'Allemagne a longtemps été un pays moteur de la zone Europe aux côtés de pays en difficulté comme la France, l'Italie et l'Espagne ; aujourd’hui, le ralentissement de la croissance allemande et les risques qui pèsent sur ses exportations interpelle les investisseurs. En l’absence de fondamentaux solides, ils attendent une intervention rapide de la Banque Centrale Européenne (BCE) – rachat de dettes, injections de liquidité – qui permettrait une reprise du marché sur le court terme ; - Le ralentissement de la croissance en Chine, en raison du faible niveau de la demande domestique et de la crise immobilière, devrait la pousser à conduire politique de liquidité afin de maintenir le niveau d'activité dans la zone émergente. 1 FDB : Quels sont les scénarios envisageables à court, moyen et long terme ? Gilles Artaud : Si le scénario déflationniste se confirme, le liquide et les produits à taux fixe – comme les obligations et les supports en euro – sont susceptibles de devenir très intéressants ; en revanche, une inflation même modeste devrait orienter les investisseurs vers l'immobilier, en particulier l'immobilier de bureau dont le niveau de valorisation est encore faible, ainsi que les matières premières et les actions. Néanmoins, il faut prendre en compte le poids de la fiscalité dans le cas des produits à faible rendement – 2 / 2,5% – dont la rémunération peut descendre en dessous du niveau de l'inflation. Les enveloppes à fiscalité douce comme l'assurance-vie ou le PEA sont à privilégier. FDB : Pourquoi les marchés actions ont décroché ? Quelle attitude adopter dans cette situation ? Christopher Dembik : Il y a de quoi être optimiste sur le court / moyen terme mais une crise est inévitable à long terme en raison de la fragilité de la zone euro – en l'absence de stratégie ambitieuse de la part de la BCE – et l'apparition de bulles spéculatives sur plusieurs segments de marché, en particulier les nouvelles technologies. Je suis plus pessimiste sur les marchés émergents comme la Turquie dont le niveau d’activité dépend de la politique monétaire américaine, mais je recommande – à condition d’être conscient du risque – l'investissement sur les « marchés frontières » comme le Koweït et le Nigéria dont le rendement est élevé, les fondamentaux solides et l'économie en phase de diversification. Henry Masdevall : Le prix des matières premières et la baisse de l'euro face au dollar constituent des thèmes d'investissement prometteurs à condition d'être sélectif sur les actions européennes. FDB : A-t-on toujours raison d’investir dans des contrats d’assurances-vie en euro ? Gilles Artaud : S'agissant des contrats d’assurance-vie investis en euro, on peut s'attendre à la poursuite de la baisse des rendements en comparaison avec le marché actions. Les investisseurs doivent donc être attentifs à l’évolution des taux d’intérêt à moyen terme. En revanche, les fonds multisupports apportent une grande liberté pour chercher un complément au rendement. Autre point de vigilance : la solvabilité de la compagnie d'assurance si la performance du fond est anormalement élevée par rapport à ses pairs ; parmi les « bons élèves », les fonds patrimoniaux prudentiels ont eu une gestion particulièrement consistante par le passé du couple rendements / risques. Autre alternative, les fonds en euro dynamiques – dont le capital est garanti avec un effet de cliquet annuel mais dont l'allocation d'actifs est plus offensive avec jusqu'à 30% d'actifs à risque – à condition d'accepter la forte variabilité du rendement au cours de l'année (6 / 7%). Henry Masdevall : A ce titre, les fonds « Euro-Croissance » – dont la création est liée à la réforme réglementaire Solvency II – constituent de belles opportunités d’investissement à condition de conserver les contrats pendant 8 ans. Absente du projet de loi de finances pour 2015, la fiscalité de l’assurance-vie est toujours dans le collimateur des pouvoirs publics qui réfléchissent à harmoniser le traitement fiscal des contrats conclus entre 1989 et 1993. FDB : Pouvez-vous faire un tour d’horizon sur l’immobilier en direct ou en pierre papier ? Gilles Artaud : Si l'immobilier d'habitation atteind la fin de son cycle, l'immobilier commercial propose de beaux rendements par rapport aux autres classes d'actifs – sauf si la déflation provoque une baisse des loyers nuisant mécaniquement à la valeur des actifs. En revanche, il est difficile d'y investir sans passer par un intermédiaire. Le dispositif Pinel ne devrait pas révolutionner le marché qu'il faut appréhender dans l’optique de diversifier son patrimoine en tirant parti des 2 souplesses fiscales, sans négliger la valeur du produit sur le long terme... quitte à investir davantage à l’achat. FDB : Quel est le cadre fiscal du financement participatif ? Christopher Dembik : Le crowdfunding est susceptible de révolutionner le monde bancaire à terme. Avec l’entrée en vigueur de la loi 1er octobre 2014, le crowdfunding jouit d'un cadre fiscal intéressant pour diversifier son portefeuille. Les investisseurs financent directement les projets au travers d’une plateforme en ligne via un prêt rémunéré ou en devenant actionnaire avec des déductions importantes : jusqu'à 90 000€ pour un couple asujetti à l'ISF. Il met en garde les investisseurs contre les « fausses plateformes » dont il faut vérifier l'agrément auprès de l'ACPR, et le « facteur émotionnel » qui ne dois pas occulter le rendement dans le choix des projets, car toutes les plateformes ne sélectionnent pas les projets. Échanges avec le public Q : La crise en Ukraine, la propagation du virus Ebola ou la guerre avec ISIS constituent-elles des thèmes d'investissement ? Christopher Dembik : Il s'agit de phénomènes complexes dont il est difficile de prévoir les conséquences sur le long terme. En revanche, à court terme, les prix des matières premières sont susceptibles de fluctuer - comme le cours du cacao pour le virus Ebola. Q : Quelle est la différence entre le financement participatif et les business angels ? Christopher Dembik : Les montants ne sont pas les mêmes : si le financement participatif s'adresse à tous les épargnants, le ticket d'entrée pour devenir business angel est de l'ordre de 100 000 €. Q : Quel est l'avenir du rapport Berger-Lefebvre sur l'assurance-vie ? Gilles Artaud : Le volet fiscal du projet de Karine Lefebvre a été abandonné par le Gouvernement pour ne pas déstabiliser l'économie et les compagnies d'assurance, qui détiennent de nombreuses obligations d'États. En revanche, l’évolution de la fiscalité sur la transmission est à suivre de près. Q : Les assureurs sont-ils contraints de rembourser les souscripteurs dans un temps limité ? Henry Masdevall : En cas de faillite, la loi prévoit un plafond de 70 000 € par souscripteur ; en revanche, le temps du remboursement dépend du contrat signé par le souscripteur. La réforme réglementaire Solvency 2 – en renforçant le niveau des fonds propres des compagnies d’assurance – induit l’obligation pour les assureurs de rembourser les montants. Gilles Artaud : Le délai légal est de 30 jours en France mais il peut être beaucoup plus long pour les compagnies d’assurance étrangères. Q : L’hebdomadaire « The Economist » estime que le marché de l’immobilier en France est surévalué de 35 % - qu’en pensez-vous ? Gilles Artaud : La corrélation est habituellement forte entre les prix de l’immobilier à long terme et l’évolution du pouvoir d'achat ; or, on constate un décrochage depuis plusieurs années avec un écart entre 30 et 40 %. En conséquence, le risque est élevé de voir le marché se retourner à l'image de ce qui s'est passé dans les années 1990. Q : Les contrats d’assurance-vie luxembourgeois sont ils préférables aux contrats français ? Henry Masdevall : Il existe certains avantages exclusifs aux supports luxembourgeois qui sont plus souples que les contrats français mais il n’y a pas de réel gain financier. 3 Q : Quid d’investir dans l'or ou dans les actions des sociétés foncières cotées pour aborder l'immobilier ? Gilles Artaud : L’or est un placement intéressant en situation de déflation. Henry Masdevall : D’autant que la valeur de l'or est liée aux cours des matières premières, au niveau des taux d'intérêts et à la masse monétaire en circulation et qu’en vertu de ces paramètres, la tendance est baissière à moyen terme – sauf dans le cas d’une crise géopolitique majeure où l’or deviendrait une valeur refuge. Gilles Artaud : S’agissant des sociétés foncières cotées, le rapport rendement / risque est défavorable compte tenu de la volatilité du marché immobilier – il est en effet très sensible à l’évolution des taux d'intérêt et au niveau d'endettement des sociétés. En revanche, c’est une piste intéressante pour les investisseurs qui souhaitent diversifier leurs portefeuilles d’actions. Q : Les rumeurs circulent sur le projet du gouvernement imposer loyer fictif pour les particuliers ayant remboursé leur prêt immobilier ? Gilles Artaud souligne que le « loyer fictif » est un dispositif qui existait encore dans les années 1960. En effet, un locataire doit avoir un revenu fiscalisé pour payer son loyer à la différence du propriétaire occupant – cela constitue donc une inégalité fiscale et un manque à gagner pour l’État. Un projet de loi sur le sujet est évoqué de façon récurrente mais il est généralement abandonné en raison de l’opposition naturelle de l'opinion publique. Q : Dans l’hypothèse d’un krach obligataire, les compagnies d’assurance sont elles en mesure de rembourser l’intégralité de leurs souscripteurs ? Gilles Artaud : Il existe en France un fond de remboursement « modique » pour faire face à la faillite d'une compagnie d’assurance. En revanche, si le krach touche l’ensemble des acteurs, il est insuffisant – bien qu’une telle hypothèse suppose que d’autres dérèglements plus graves existeraient par ailleurs. Dans ce cas de figure, les épargnants doivent s’attendre à des mesures de limitation de la liquidité de la part du Gouvernement pour éviter la panique et les retraits massifs. 4