Patients souffrant de troubles psychiatriques sévères suivis par une

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L’Encéphale (2012) 38, 201—210
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
journal homepage: www.em-consulte.com/produit/ENCEP
CLINIQUE
Patients souffrant de troubles psychiatriques sévères
suivis par une équipe mobile : impact sur leurs
familles
Study of the impact of an assertive community program on the families of
patients with severe mental disorders
P. Huguelet ∗, V. Koellner , S. Boulguy , K. Nagalingum , S. Amani ,
L. Borras , N. Perroud
Service de psychiatrie générale, département de santé mentale et de psychiatrie, hôpitaux universitaires de Genève,
rue du 31-Décembre-36, secteur 1, Eaux-Vives, 1207 Genève, Suisse
Reçu le 16 mars 2011 ; accepté le 2 août 2011
Disponible sur Internet le 5 janvier 2012
MOTS CLÉS
Équipe mobile ;
Fardeau familial ;
Devenir ;
Facteurs prédicteurs ;
Trouble délirant
∗
Résumé Le suivi des patients atteints de troubles psychiatriques sévères par des équipes
mobiles a démontré son efficacité. Cependant, les familles de ces patients peuvent présenter
d’importantes souffrances en lien avec le contexte clinique et social de leurs proches. Le degré
et la nature de l’aide à apporter à ces familles restent donc à déterminer. Une équipe mobile de
psychiatrie a été mise en place à Genève afin de traiter des patients présentant d’importants
besoins de soins et de soutenir leurs proches. La présente étude vise à rapporter l’effet du suivi
mobile sur le fardeau des familles. Les patients suivis par le programme mobile s’améliorent
par rapport à la plupart des paramètres cliniques observés. Les familles voient leur fardeau soulagé, avec au premier plan, une diminution de la gêne financière et des coûts, de même qu’un
soulagement des besoins d’aide apportée au quotidien. La détresse émotionnelle est également fortement diminuée. Cette évolution est moins caractéristique dans le cas de familles de
patients souffrant de troubles délirants. Nos résultats suggèrent qu’un suivi mobile, par l’aide
directe qu’il peut fournir aux familles, par la mobilisation de ces dernières vers des structures
de soutien et d’entraide et par les conséquences indirectes de l’amélioration symptomatique
et sociale de leur proche, amène une forte amélioration du fardeau subi. D’autres recherches
devraient aider à déterminer quels sont les éléments susceptibles d’aider au mieux les familles
de ces patients.
© L’Encéphale, Paris, 2011.
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (P. Huguelet).
0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2011.
doi:10.1016/j.encep.2011.11.006
202
KEYWORDS
ACT;
Family burden;
Outcome;
Predictive factors;
Delusional disorder
P. Huguelet et al.
Summary
Objectives. — Assertive Community Treatment (ACT) is known to have a positive impact on the
number and length of inpatient stays. Yet, research is needed in order to help understand
how ACT programs may ease off families’ burden, e.g. in terms of economic expenditures.
Indeed, many families with siblings suffering from chronic mental illness, who disengaged from
psychiatric services, report needs related to ACT. This paper aims to describe the impact of a
new ACT program in Geneva on patients and their families’ burden.
Methods. — Out of 91 patients consecutively treated by the ACT program for at least 3 months,
55 consented to participate in the research. Twenty-one allowed us to contact their families
(out of 37 who had relatives in the area). Data were gathered on patients and families before
and after a 6-month-follow-up.
Results. — For the patients, after adjustment for the time spent during follow-up, most of the
studied variables evolved favorably, particularly for their symptoms. At baseline, most of the
family members felt overburdened by the financial cost (59.1%) related to their relatives with
severe mental disorder and experienced inconvenience at having to give them assistance in daily
life (68.2%) and to supervise them in daily activities (54.5%). Several variables evolved favorably
during follow-up. Notably the best changes were observed for the inconvenience relating to
assistance in daily life and relatives’ emotional distress. Families of patients with delusional
disorder featured less or no improvement during the ACT follow-up. The best correlate of
improvement in familial burdens was improvement in patient’s positives symptoms. Among
those patients, being a female and suffering from a schizo-affective disorder was known to
have had a higher impact on the number of interventions provided by families.
Discussion. — ACT should be recommended for patients who feature a poor outcome when treated in other settings. In addition, our results suggest that their families can also improve
considerably, particularly those confronted with patients with persistent and enduring disturbing behaviors related to positive symptoms which do not, however, warrant hospitalization.
Clinicians should pay particular attention to patients suffering from delusional disorder and
their families, as this disorder does not appear to be associated with improvement in family
burdens. These data do not allow definitely disentangling whether the improvement of families’
burden is directly related to ACT interventions with them, to the implementation of support
by other structures (such as peer support groups) or to an indirect effect related to patients’
improvement. To our knowledge no similar study on the effect of ACT on family burden exists.
Hence, such research needs to be replicated in other areas with different clinical and cultural
backgrounds.
© L’Encéphale, Paris, 2011.
Introduction
L’« Assertive Community Treatment » (ACT), ou suivi intensif dans la communauté, est une approche visant à assurer
la santé de patients souffrant de troubles mentaux sévères
par des interventions mobiles, notamment afin de réduire
le besoin en lits hospitaliers. Dès la fin des années 1970, la
mise en place d’équipes mobiles s’est avérée bénéfique [1].
En effet, malgré un impact modéré sur le fonctionnement
social et la qualité de vie des patients, les programmes ACT
se sont montrés efficaces dans la réduction du nombre et
de la durée des séjours hospitaliers, dans l’amélioration de
l’autonomie, de la stabilité résidentielle et de la précarité
des sujets suivis [2,3].
Récemment, des études menées en Angleterre et
aux Pays-Bas sur des patients sans critères spécifiques
d’indication aux suivis mobiles, comparant l’ACT à des systèmes ambulatoires déjà très performants, ont remis en
cause le principe d’un effet significatif de ces programmes
[4,5]. Toutefois, en comparaison de structures ambulatoires
classiques, il reste acquis que la mise en place de suivis
mobiles peut jouer un rôle spécifiquement utile, comme en
atteste l’étude de Bonsack et al. [6] à Lausanne. Celle-ci
montre que l’ACT améliore tant les taux d’hospitalisation
que le devenir social et clinique. De même, l’étude de Zavradashvili et al. [7] met en évidence un effet très bénéfique de
l’ACT dans un pays en voie de développement, la Géorgie.
Un suivi intensif de type ACT est indiqué pour des patients
qui requièrent de manière répétée des séjours en milieu
hospitalier (revolving door patients), des patients qui restent à domicile dans un état clinique préoccupant, mais ne
requérant pas une hospitalisation d’office, ou des patients
sévèrement précarisés, parfois au point d’être sans abri.
De telles situations entraînent pour les familles concernées
une souffrance et un fardeau considérables. Bien que l’aide
apportée par les familles à leur proche soit a priori valorisante, cela se fait au prix d’importants coûts financiers, de
temps passé à assister le proche malade et d’une implication dans la gestion de crise extrêmement éprouvante [8].
Hanzawa et al. [9] ont ainsi montré que l’aide fournie par
les proches se paye de conséquences lourdes : baisse des
intérêts sociaux, résignation, évitement. Ces auteurs ont
Patients souffrant de troubles psychiatriques sévères suivis par une équipe mobile
associé le poids de ce fardeau vécu par les familles avec
les fréquentes hospitalisations des patients, une importante
altération de leur fonctionnement social et un besoin de
soins important. Assez logiquement, une étude japonaise
portant sur l’évaluation des demandes des familles par rapport aux programmes ACT met en évidence de grands besoins
pour le présent, mais aussi pour l’avenir [10]. Les parents
de patients recrutés dans cette étude évoquent un besoin
d’aide « aussi longtemps que nécessaire », tant pour leur
proche malade que pour une aide directe. Cette étude traduit l’inquiétude de parents parfois vieillissants confrontés
à un enfant souffrant de psychose chronique. L’aide qu’ils
apportent est souvent assumée de plus en plus difficilement
avec le temps.
Une équipe mobile de psychiatrie a été mise en place
à Genève en 2007 afin de traiter des patients sévèrement
atteints présentant d’importants besoins de soins. Dans
ce contexte, il a été prévu de fournir, si nécessaire, une
aide aux familles de ces patients, celle-ci faisant l’objet
d’un protocole de recherche prospectif. La présente étude
vise à rapporter l’effet du suivi mobile sur le fardeau des
familles. En particulier, les caractéristiques des patients
amenant une plus importante charge pour les familles sont
décrites, de même que les facteurs prédicteurs d’une évolution favorable du fardeau familial, tant par rapport aux
caractéristiques des patients, que par rapport à la nature
de l’aide apportée.
Méthode
Contexte
Une équipe mobile fonctionnant sur le mode ACT a été mise
en place à Genève — Suisse dès octobre 2007. Ses buts sont
d’atteindre des patients jusque-là dans l’incapacité de se
rendre dans des structures ambulatoires ordinaires et de
leur fournir des soins aussi longtemps que nécessaire. Les
raisons principales motivant le suivi de ces patients souffrant
de troubles sévères et persistants sont les suivantes :
• des hospitalisations répétées ou une incapacité à adhérer
aux soins ambulatoires ;
• le fait qu’ils vivent avec leurs proches (en général les
parents) la plupart du temps sans suivi, tout en restant
symptomatiques sans pour autant réunir les critères permettant une admission d’office en milieu psychiatrique ;
• leur grande précarité, les conduisant la plupart du temps
à être sans abri.
Une large information est régulièrement donnée aux
structures médicales, sociales et associatives locales afin de
permettre l’inclusion de patients répondant à ces critères.
Du fait du caractère particulier de ces suivis, qui débutent
la plupart du temps sans un accord explicite des patients,
la personne demandeuse du suivi (famille ou professionnel d’une structure sociale ou de soins) est présente lors
du premier rendez-vous qui a lieu dans l’environnement du
patient.
La fidélité au modèle ACT de ce programme a été évaluée à l’aide du Dartmouth index [11] avec un score de
3,82 correspondant à un degré de fidélité modéré.
203
L’équipe mobile est composée d’infirmiers (3 ETP), d’une
assistante sociale (1 ETP), d’une psychologue (1 ETP) et d’un
psychiatre (0,8 ETP). Les soignants suivent en général une
dizaine de patients, cinq jours par semaine aux heures
ouvrables, potentiellement extensibles en début de soirée.
Patients
Les patients inclus ressortent d’un bassin de population de
450 000 habitants. Les données concernant les patients et
leurs familles ont été collectées prospectivement dès le
début du programme. L’étude a été approuvée par le comité
d’éthique des hôpitaux universitaires de Genève. Les sujets
(patients et familles) qui ont signé un consentement informé
ont participé à la présente étude. Selon la demande du
comité d’éthique, les proches ont été contactés seulement
après l’accord spécifique du patient. Le recrutement a eu
lieu du 1er octobre 2007 au 20 août 2009.
Procédure
Tous les patients ont été évalués à l’inclusion par leur clinicien. Le recueil des données a eu lieu dès le premier
rendez-vous et a pu s’étaler sur plusieurs semaines lorsque
les patients mettaient en avant une certaine fatigabilité à la
passation des échelles. Une seconde évaluation a pris place
entre six et huit mois après le contact initial, ou à la fin du
suivi si celui-ci a duré entre trois et six mois. Les familles
étaient contactées après le consentement des patients et
également évaluées tant à l’inclusion qu’après six mois de
suivi.
Pour les patients, le nombre de jours d’hospitalisation a
été calculé pour l’année précédant celle-ci et pour la durée
totale du suivi.
Évaluation
Les familles des patients ont été évaluées avec le FEIS
(Family Experience Interview Schedule) [12] et le PSI
(Psychiatric Symptoms Index) [13], un instrument permettant d’évaluer la détresse psychologique des proches
par la mesure des symptômes de dépression, d’anxiété,
d’irritabilité et des problèmes cognitifs. Les coûts directs
et indirects pour les familles découlant du support de leurs
proches ont aussi été mesurés [8], de même que le temps
passé par les proches tant dans la gestion de la vie quotidienne que dans celle des crises. Les activités des cliniciens
avec les patients et leurs familles ont été mesurées par le
relevé quotidien des contacts (RQC) [14]. Cet instrument
décrit les modalités d’intervention auprès des patients :
pour chaque intervention le soignant précise le lieu et la
durée de cette dernière. De même, tous les acteurs présents lors de l’intervention sont indiqués (le patient, sa
famille, un tiers, d’autres intervenants des services psychosociaux ou juridiques ou encore un autre membre de
l’équipe mobile ou du service) ainsi que les domaines sur
lesquels l’intervention a porté (santé mentale, santé physique, médication, budget, activités de la vie quotidienne,
logement, travail ou école, loisirs et socialisation, relations,
justice et toxicomanie). Les symptômes des patients ont été
204
évalués par le Brief Psychiatric Rating Scale (BPRS [15]).
Le fonctionnement social a été évalué à l’aide du Health
of the Nation Outcome Scales(HoNOS [16]) et la qualité de
vie par le World Health Organization Quality of life (WHOQOL [17]). La satisfaction du patient, à l’égard des soins
psychiatriques reçus, à été évaluée par le Verona Service
Satisfaction Scale-54 items (VSSS-54F) [18], questionnaire
évaluant l’avis des patients au sujet des comportements et
capacités des professionnels, de l’accès aux soins et leur
efficacité, du type d’intervention utilisé par les soignants
ainsi que de l’implication des proches par les services.
Analyses statistiques
Des modèles linéaires mixtes [19,20] ont été utilisés pour
évaluer l’effet de l’ACT sur chacune des mesures continues
avec le sujet comme facteur de groupe pour prendre en
considération les valeurs rapportées à différents moments
de l’évaluation par un même individu. Ces modèles ont été
ensuite affinés avec un effet fixe linéaire et quadratique
du temps et ajustés sur l’âge, le genre et le score de base
des différentes variables, afin de mettre en évidence les
facteurs prédicteurs de réponse à l’ACT et permettre la
comparaison en termes de réponse entre les sujets ayant
leurs proches participants à l’étude et ceux ne les ayant
pas. À noter que pour toutes ces analyses, les temps de
suivi réel fut ajoutés comme variable d’ajustement afin
de prendre en compte le fait que les participants n’ont
pas tous le même intervalle de temps entre la première
et la dernière mesure. Les résultats de la régression sont
présentés en valeurs standardisées (␤) et sont comparables
aux effets de taille. Toutes les analyses ont été effectuées
en utilisant le logiciel STATA version 10.
Résultats
Données démographiques et cliniques des patients
à l’entrée dans l’étude
Cinquante-cinq patients pris en charge pendant la période
d’évaluation (sur un total de 91 patients) ont accepté de participer à l’étude. De ces 55 sujets, 22 ont donné leur accord
pour que leur famille et/ou leurs proches soient contactés et puissent participer à l’étude (sur 37 qui avaient de
la famille dans la région). Toutes les familles contactées ont
accepté l’étude. Le Tableau 1 décrit les sujets ayant accepté
que leurs proches participent et ceux qui ont refusé ou qui
vivent sans proche dans la région. La plupart des participants étaient des hommes, d’un âge moyen de 41,33 ans
(DS = 12,45), célibataires, vivant seuls, sans enfant ni travail
et au bénéfice de l’assurance invalidité. La plupart de ces
sujets souffraient de schizophrénie et présentaient en majorité une comorbidité de l’Axe I ou II du DSM-IV. Les sujets
dont les proches ont participé à l’étude vivaient significativement plus souvent en famille que seuls, en comparaison
des sujets dont les proches n’ont pas participé à l’étude
(p = 0,031). On ne notera pas d’autres différences entre les
deux groupes.
P. Huguelet et al.
Données démographiques des proches à l’entrée
dans l’étude
La grande majorité des proches étaient des femmes (17/22
[77,2 %]), étaient le père/mère du patient (14/22 [63,6 %])
et étaient âgés de 51 ans en moyenne (SD = 15,3) (Tableau 1).
Si aucun des patients n’ont quitté l’étude durant le suivi,
huit proches l’ont abandonné en cours. Le meilleur prédicateur de drop-out était le fait d’être une femme.
Évolution des patients au cours du suivi
L’évolution des patients a été globalement très favorable
tant pour les sujets dont la famille participait à l’étude,
que pour les autres (Tableau 2). En effet, après ajustement sur l’âge, le genre et le temps de suivi, tant BPRS
totale que ses sous-scores ont diminué significativement
au cours du temps (BPRS totale : de 76,1 (DS = 24,7) à
45,6 (DS = 12,9), p = 5,74 × 10—11 et de 73,1 (DS = 19,1) à 51,9
(DS = 19,8), p = 1,63 × 10—7 autant pour les sujets ayant leurs
proches participant à l’étude que pour ceux dont les proches
n’y participaient pas). Une tendance similaire est observée
pour le fonctionnement social (score de HONOS). On notera
que si tous les sous-scores du WHOQOL (qualité de vie) ont
augmenté significativement dans le groupe de participants
dont la famille a pris part à l’étude, ce ne fut pas le cas
chez ceux dont la famille n’y a pas pris part, à l’exception
du WHOQOL environnemental. Toutefois, cette différence
n’était pas significative.
La plupart des dimensions du VSSS-54F ont tendance à
augmenter significativement au cours du temps, reflétant
une augmentation de la satisfaction globale des patients,
qu’ils aient ou non des proches participant à l’étude. De
façon non surprenante, les sujets n’ayant pas leurs proches
participant à l’étude ont une augmentation plus significative du VSSS-54F « implication des proches » et VSSS-54F
« implication des proches 2 » que les sujets ayant leurs
proches participant à l’étude (p = 0,05 et p = 0,017) ; les premiers ont des scores de base nettement plus bas que les
seconds.
Évolution des familles au cours du suivi
Le Tableau 3 montre les scores de base et de fin pour les
variables décrivant l’implication des familles dans le soin
au patient. Au début du suivi, la plupart des proches se sont
dit gênés par les coûts financiers engendrés par le patient
(13/22, 59,1 %) et souffraient de devoir aider et superviser
ce dernier dans la vie de tous les jours (15/22, 68,2 %). La
plupart des variables évoluent favorablement au cours du
suivi. Les changements les plus spectaculaires sont observés
pour le dérangement causé par l’aide dans la vie de tous les
jours et pour le PSI.
Corrélats entre l’évolution des proches et les
caractéristiques des patients
Un diagnostic de trouble délirant chez le patient est prédicateur d’une mauvaise évolution des coûts financiers et
de la gêne associée à ces coûts chez les familles (b = 1,12,
Caractéristiques sociodémographiques et cliniques à l’inclusion.
Sujets dont les proches
participent à l’étude (n=22)
Âge du proche
Âge du patient
Moyenne
DS
Moyenne
Sujets dont les proches ne
participent pas à l’étude
(n=33)
DS
51,8
38,4
N
15,4
10,9
%
NA
43,3
N
NA
31,1
%
p
NA
0,16
p
Genre du proche
Femme
17
77,2
NA
NA
NA
Lien de parenté
Père/mère
Frère/sœur
Enfant
Autre
Aucun
14
2
1
4
1
63,6
9,1
4,6
18,2
4,6
NA
NA
NA
NA
NA
NA
NA
NA
NA
NA
NA
NA
NA
NA
NA
Genre du patient
Femme
8
36,4
16
48,5
0,37
Diagnostic des patients
Schizophrénie paranoïde
Schizophrénie simple
Schizophrénie indiff
Trouble délirant
Trouble SZA dépr
BP type 1
Trouble dépr réc
TOC
6
1
1
5
2
4
3
0
27,3
4,6
4,6
22,7
9,1
18,2
13,6
0
11
5
0
6
2
5
2
2
33,3
15,1
0
18,2
6,1
15,1
6,1
6,1
0,81
État civil
Célibataire
Marié(e)
Divorcé(e)
Veuf(ve)
15
4
3
0
68,2
18,2
66,7
3
0
22
1
8
2
6,1
0,144
Style de vie
Seul
En famille
En couple
Autre
9
8
3
2
40,9
36,4
13,6
9,1
25
3
2
2
78,8
9,1
6,1
6,1
0,031
A des enfants
5
22,7
13
39,4
0,197
A un représentant légal
6
27,3
16
48,5
0,116
Patients souffrant de troubles psychiatriques sévères suivis par une équipe mobile
Tableau 1
205
206
Tableau 1
(Suite)
Sujets dont les proches
participent à l’étude (n=22)
Moyenne
DS
Moyenne
Sujets dont les proches ne
participent pas à l’étude
(n=33)
DS
Assurance invalidité
14
63,6
24
72,7
0,475
N’a pas d’occupation
21
95,5
30
90,9
0,171
45,5
31,8
22,7
16
11
6
48,5
33,3
18,2
5
22,7
10
30,3
0
40,9
27,3
13,6
9,1
9,1
1
11
13
3
4
1
3
33,3
39,4
9,1
12,1
3
0,748
10,8
54,9
4,3
8,2
15,8
63,6
37,98
56,4
39,51
50,3
45,8
6,9
61,3
3
17,6
20,1
81,96
41,81
62,5
31,12
63,96
68,68
12,3
39,2
4,2
15,2
15,8
49,79
38,17
45,5
25,7
40,72
8,71
Comorbidités des l’Axe I ou II
Aucune
1
2 ou plus
0,918
10
7
5
Abus/dépendance aux drogues
Niveau d’éducation
École spéciale
École primaire
Apprentissage
École secondaire
Lycée
Université
p
0
9
6
3
2
2
0,537
Nombre et nature des interventions effectuées par l’équipe mobile
13,6
53,5
2,5
9,2
16,1
69,86
34,91
51,05
29,95
51,41
53,38
0,05
0,57
0,68
0,02
0,37
0,47
0,53
0,44
0,9
0,34
0,25
P. Huguelet et al.
Intervention auprès des proches
Intervention auprès du client
Intervention auprès du citoyen
Intervention auprès d’un AS/tuteur
Intervention de l’équipe mobile
Intervention sur symptômes
Intervention physique
Intervention sur traitement
Intervention sur budget
Nombre d’interventions (jours)
Heures d’interventions
Évolution des variables cliniques et sociales au cours du suivi mobile.
BPRS tot
BPRS pos
BPRS nég
BPRS ag-man
BPRS dépr-anx
HoNOS
WHOQOL phys
WHOQOL psy
WHOQOL rel soc
WHOQOL env
VSSS-54F hab/comp psychiatre
VSSS-54F hab/comp psycho
VSSS-54F hab/comp inf
VSSS-54F hab/comp AS
VSSS-54F info/acc aux serv
VSSS-54F eff des serv
VSSS-54F implic proches
VSSS-54F implic proches 2
Sujets dont les proches participent à
l’étude (n = 22)
Sujets dont les proches ne participent pas à
l’étude (n = 33)
Début du suivi
Fin du suivi
Début du suivi
Fin du suivi
Moy
Moy
Moy
Moy
73,14
2,93
2,64
3,64
2,98
21
21,36
18,76
8,2
23,36
21,67
18,67
21,25
20
8
13,67
8,92
8,17
DS
19,06
1,26
1,12
1,31
0,96
6,45
7,04
5,75
2,63
5,89
8,4
8,27
7,55
7,92
3,25
5,71
3,73
3,43
51,91
2,1
2,17
2,15
2,32
13,03
24,31
21,33
9,33
29,47
27,89
23,11
27,78
26,56
11,33
19,44
10,67
9,11
DS
19,82
1,11
1,23
0,9
0,95
8,01
6,39
3,58
2,06
5,36
3,76
8,18
3,8
5,32
1,87
2,24
4,03
3,33
b
—0,92
—0,65
—0,35
—1,12
—0,61
—1,03
0,39
0,5
0,38
0,52
0,82
0,53
0,79
0,83
1,07
1,17
0,37
0,23
p
−7
1,63 × 10
0,0001
0,039
3,94 × 10−8
0,0003
2,21 × 10−9
0,127
0,07
0,138
0,01
0,018
0,21
0,012
0,012
0,001
0,002
0,314
0,539
76,14
2,92
3,53
3,32
3,35
19,64
19,72
15,72
7,56
25,56
22
17,13
21,2
19,2
8,13
14,2
5,8
5,07
DS
24,68
1,45
1,62
1,36
1,23
5,39
6,78
5,82
3,82
6,76
5,77
5,79
8,25
7,86
2,56
3,75
4,09
3,73
45,59
1,69
2,14
1,89
2,13
10,36
24,59
19,29
8,82
28,53
27,57
19
30
29,71
10,86
19,14
9,71
7,43
DS
12,96
0,72
0,88
0,74
0,81
4,68
4,18
4,91
3,07
5,04
4,04
6,73
4,55
2,06
1,57
1,95
2,98
2,57
b
—1,32
—0,97
—1,06
—1,07
—1,13
—1,19
0,81
0,74
0,48
0,97
0,54
0,11
0,82
1,18
0,88
1,02
0,68
0,42
Comparaison des
deux groupes
p
−11
5,74 × 10
7,55 × 10−7
1,26 × 10−6
1,01 × 10−8
2,95 × 10-6
1,88 × 10−11
0,00002
0,00004
0,038
0,001
0,105
0,756
0,00004
2,19 × 10−6
0,007
0,001
0,0003
0,177
b
p
—0,13
—0,15
—0,11
-0,15
—0,11
—0,08
0,09
—0,03
—0,02
—0,03
—0,06
0,23
—0,14
—0,14
—0,06
—0,111
0,52
0,68
0,295
0,225
0,44
0,377
0,412
0,597
0,522
0,821
0,9
0,83
0,813
0,449
0,63
0,589
0,835
0,692
0,05
0,017
Patients souffrant de troubles psychiatriques sévères suivis par une équipe mobile
Tableau 2
BPRS : Brief Psychiatric Rating Scale ; HoNOS : Health of the Nations Outcome Scales ; WHOQOL : World Health Organization Quality of Life ; VSSS : Verona Service Satisfaction Scale —
54 items.
207
208
P. Huguelet et al.
Tableau 3
Impact du suivi mobile pour les familles des patients.
Début du suivi
Fin du suivi
Moyenne
DS
Moyenne
DS
b
p
Gêne financière
Nombre de fois que l’on a donné de l’argent
Coût financier (CHF)
Fréquence de l’aide quotidienne
Inconvénient de cette aide
Fréquence de supervision
Inconvénient de cette supervision
Nombre de crises observées
Fréquence de l’observation des crises
PSIa
1,45
2,45
967,9
15,18
8,13
4,38
4,33
6,58
2,11
35,14
n
1,5
2,08
1581,1
8,79
7,52
5,48
5,44
12,51
1,86
11,5
%
0,93
1,92
380
8,28
4,71
2,85
2,78
3,16
2,33
29,47
n
1,32
2,76
726,4
8,34
5,63
3,97
3,38
4,67
1,92
8,84
%
—0,71
—0,21
—0,56
—0,69
—0,66
—0,39
—0,36
0,19
0,27
—0,66
b
0,026
0,515
0,031
0,013
0,003
0,04
0,125
0,846
0,453
0,009
p
A observé une crise
14
82,3
8
72,2
—0,16
0,31
a
PSI : indice de détresse émotionnelle (Psychiatric Symptoms Index).
p = 0,02 et b = 1,49, p = 0,039). Un trouble de l’humeur
(trouble bipolaire ou trouble dépressif majeur) est, quant
à lui, associé à un mauvais pronostic en termes d’aide quotidienne donnée au patient et de l’inconvénient de cette
aide (les familles sont autant gênées par l’aide donnée à
leur proche au début qu’en fin de suivi et l’importance de
cette aide ne diminue pas avec le temps si le patient souffre
d’un trouble de l’humeur) (b = 1,22, p = 0,005 et b = 0,99,
p = 0,015).
Pour les patients, l’évolution du WHOQOL relations
sociales et celle du WHOQOL environnemental sont négativement corrélées aux dépenses faites par les familles au
cours du suivi. Ainsi, moins la famille va dépenser au cours
du temps, plus les WHOQOL relations sociales et environnemental vont augmenter (b = —0,14, p = 0,025 et b = —0,16,
p = 0,003). Une bonne réponse du patient en termes de BPRS
total et d’HONOS est significativement corrélée avec le fait
que les proches rapportent être moins exposés aux crises des
patients (b = —0,26 ; p = 0,0005 and b = —0,29 ; p = 0,0001).
Pour le BPRS cela est surtout le cas pour les symptômes
positifs (b = —0,18 ; p = 0,00001).
De façon intéressante, un score de base élevé pour la
gêne engendrée par l’assistance quotidienne au patient est
un facteur pronostique de bonne réponse au BPRS total
(b = 0,22, p = 0,019). Cela est essentiellement vrai pour la
BPRS symptômes positifs (b = 0,28, p = 0,0003) et n’est pas
significatif pour les autres domaines de l’échelle BPRS. De
même, plus haute est la fréquence de base de supervision par les proches ainsi que la gêne engendrée par cette
supervision, meilleure est l’évolution des symptômes positifs (b = 0,21, p = 0,019 et b = 0,22, p = 0,011).
Qualité et quantité des interventions mesurées par
le relevé quotidien des contacts
De manière non surprenante, on observe un plus grand
nombre d’interventions des soignants de l’équipe mobile
auprès des proches chez les sujets ayant leur famille
dans l’étude en comparaison de ceux ne l’ayant pas (13,6
[DS = 10,8] vs 6,9 [DS=12,3], p = 0,05) (Tableau 1). L’inverse
est constaté pour le nombre d’interventions auprès des
assistants sociaux/tuteurs (9,2 [DS = 8,2] vs 17,6 [DS = 15,2],
p = 0,02). De manière générale (mais pas à un niveau significatif), avoir un proche dans le suivi est associé à moins
d’interventions et moins de temps consacré à ces interventions (Tableau 1).
Parmi les sujets dont les familles étaient impliquées
dans le suivi, un temps plus long d’intervention (b = 1,66,
p = 0,04) ainsi qu’un nombre d’interventions plus important (b = 1,86, p = 0,027), dont plus d’interventions en
présence d’un autre membre de l’équipe mobile (b = 1,75,
p = 0,027), dans le domaine de la médication (b = 2,13 ;
p = 0,013), était associé avec un diagnostic de trouble
schizo-affectif type dépressif. Être une femme était significativement associé à un plus grand nombre d’interventions
(b = 1,37 ; p = 0,003), plus d’heures d’interventions (b = 1,21 ;
p = 0,004), plus d’interventions en présence du client
(b = 1,49, p = 0,002), plus d’interventions en présence d’un
tiers (b = 1,03, p = 0,023) et plus d’interventions avec un ou
plusieurs membres de l’équipe mobile (b = 0,89, p = 0,041).
Ces interventions portaient de façon globale sur quatre
domaines d’intervention (santé physique, santé mentale,
médication et budget).
Vignettes cliniques
Pour illustrer les interventions mobiles décrites dans ces statistiques et l’aide offerte aux familles, deux situations sont
brièvement exposées. La première montre les moyens par
lesquels une famille a pu recevoir de l’aide. La seconde
illustre les résistances auxquelles les équipes sont parfois
confrontées lorsque le système s’oppose au changement.
Famille H.
Une demande de suivi mobile nous est adressée par la
mère de Mme H., une patiente de 45 ans qui a été hospitalisée à deux reprises ces dernières années pour troubles
psychotiques. La patiente ne se reconnaît pas malade et
refuse toute médication à la sortie de l’hôpital. Au début
de la prise en charge, la mère de la patiente fait appel
Patients souffrant de troubles psychiatriques sévères suivis par une équipe mobile
quotidiennement à l’équipe mobile pour exprimer son
angoisse et insiste pour que sa fille soit rehospitalisée,
sans que les critères légaux ne soient présents. Pour la
soutenir, nous discutons intensivement avec elle dans le
but de l’aider à comprendre et accepter les comportements « bizarres » de sa fille. Nous lui proposons également
de l’accompagner vers d’autres structures susceptibles de
l’aider à mieux gérer sa situation. Après quelques mois, la
mère de la patiente a pu intégrer un groupe thérapeutique
de soutien aux familles et une association de proches de
patients. Une prise en charge familiale est aussi mise en
place, incluant la patiente, sa mère et sa sœur. Au terme
de l’évaluation, tant la mère que la sœur disent être beaucoup plus tranquilles. Quant à la patiente, elle va mieux et
a fini par accepter le traitement médicamenteux. Elle prend
mieux soin d’elle-même et passe de bons moments avec sa
mère.
Famille M.
La demande de suivi est adressée par le père de monsieur M., un jeune homme de 25 ans enfermé depuis six
ans dans le salon de l’appartement de sa mère. Il souffre
d’une schizophrénie paranoïde et n’a aucun échange avec
ses parents. La rencontre avec l’équipe mobile est sa première confrontation avec le système de soins. Les parents
sont divorcés depuis plusieurs années, le conflit conjugal
est encore actif. La mère est réticente à l’idée d’un suivi
à domicile mais accepte qu’on passe rencontrer son fils
suite à la demande du père. Après quelques entretiens, le
patient décide d’interrompre le suivi mobile. Les soignants
sont inquiets pour ce patient dont les peurs de contamination l’empêchent de sortir et de vivre un quotidien normal.
Les soignants tentent alors de discuter avec les parents
afin de leur faire prendre conscience de la gravité de la
situation et d’obtenir leur collaboration pour aider leur
fils. La mère de ce dernier banalise néanmoins la maladie, le père est ambivalent. Ils souhaitent que la situation
change mais n’arrivent pas à supporter l’idée d’une intervention à domicile. Toute tentative échoue, le suivi est
interrompu.
Discussion
Notre étude met en évidence que les patients suivis par un
programme ACT s’améliorent par rapport à la plupart des
paramètres cliniques observés. Nous mettons également en
évidence une importante amélioration pour leurs familles.
Ces dernières voient leur fardeau soulagé dans de multiples dimensions, avec au premier plan une diminution de
la gêne financière et des coûts, de même qu’un soulagement des besoins d’aide apportée au quotidien. La détresse
émotionnelle est également fortement diminuée suite à
l’introduction du suivi ACT. Cette évolution semble moins
caractéristique dans le cas de familles de patients souffrant
de troubles délirants. Enfin, la comparaison des patients
avec familles contactées dans l’étude par rapport à ceux
dont la famille n’a pas pu être contactée montre que les premiers bénéficient assez logiquement de plus d’interventions
sur les familles alors que les autres, sans doute plus isolés,
vont nécessiter au cours du suivi plus d’interventions auprès
de partenaires de réseau (par exemple des tuteurs légaux).
209
Nous n’avons pas trouvé d’étude comparable, mesurant de manière prospective l’effet d’un suivi ACT sur les
familles. Comme mentionné plus haut [10], les soins ACT
sont largement susceptibles de satisfaire les demandes des
familles, dès lors qu’ils sont offerts aussi longtemps que
possible, à domicile et portent sur une mobilisation des
patients, un travail sur leur santé, de même qu’un support pour les hospitaliser si nécessaire. Chow et al. [21]
ont évalué l’effet d’une activité groupale destinée à des
proches de patients suivi par un programme ACT portant
sur les ressources pour faire face, un entraînement à la
résolution de problèmes, les connaissances sur les troubles
psychotiques et la manière de gérer le réseau de soutien.
Cette étude n’est que partiellement comparable à la nôtre,
ces auteurs ayant développé un groupe spécifique pour
les proches. Cette recherche quantitative et qualitative
montre néanmoins une amélioration du stress des proches,
de même que de leurs sentiments négatifs. Les résultats
qualitatifs mettent en évidence que l’amélioration passe par
une meilleure compréhension des troubles mentaux et que
cette éducation aide à la collaboration avec le programme
ACT.
En ce qui concerne les caractéristiques associées au
fardeau pour les familles à l’inclusion, nous relevons
l’augmentation de celui-ci lorsque le patient concerné
souffre de troubles délirants, ce qui est bien compréhensible
compte tenu de l’évolution généralement plutôt négative
de ce type de troubles [22]. Hanzawa et al. [9] ont mis
en évidence une association du fardeau avec le nombre
d’hospitalisations, le fonctionnement social et le besoin de
soins des patients.
Une amélioration de la symptomatologie positive des
patients est fortement corrélée à la réduction du fardeau
des familles. Celles-ci rapportent avoir moins à faire face
aux crises de leurs proches. Un témoin possible de cet
effet réside dans le fait que les scores de base élevés à
la gêne engendrée par l’assistance quotidienne au patient
est un facteur pronostique de bonne réponse à la BRPS
« symptômes positifs », ce qui est logique compte tenu de
la gêne qu’occasionne pour les proches la présence de
symptômes positifs. L’autre corrélat de l’amélioration du
fardeau financier pour les familles est l’amélioration des
scores au WHOQOL « relations sociales et environnementales ». Ce résultat n’est pas plus surprenant, dès lors qu’il
reflète sans doute une amélioration de l’autonomie financière des patients au cours du temps. Enfin, le lien entre
les caractéristiques des patients et le degré d’intensité
du suivi (nombre d’heures d’interventions) reste difficile à
interpréter bien qu’il y ait une tendance à un plus grand
nombre d’interventions pour les femmes et les sujets souffrant d’un trouble schizo-affectif type dépressif et ce chez
les patients dont les familles sont dans le suivi. Ce résultat
pourrait correspondre à une tendance implicite des soignants à privilégier le suivi de patients moins agissant, soit
des femmes et des sujets plutôt déprimés. Aussi, il est possible que le plus grand nombre d’interventions, lorsque la
famille est impliquée dans le suivi, soit lié au fait que cette
dernière était là « pour ouvrir la porte » et mettre les soignants en contact avec le patient : les familles impliquées
ont en effet souvent rendu les patients plus accessibles,
soit en permettant de les voir soit en indiquant où ils se
trouvaient.
210
Limites
Cette étude présente plusieurs limites. D’abord, de nombreux patients ont refusé d’être rencontrés par les
chercheurs dans le cadre du suivi ACT (tous les patients suivis
par le programme ACT étaient sollicités). De plus, certains
d’entre eux ont refusé d’autoriser l’accès à leurs familles.
On notera toutefois que ce taux bas d’acceptation est relativement courant dans les études portant sur des patients
en grande précarité, qui, la plupart du temps, souffrent
d’importants symptômes positifs [21]. Aussi, les données
ont été récoltées par plusieurs cliniciens, dans des circonstances parfois difficiles compte tenu de la situation clinique
et sociale des patients. Les résultats obtenus sont susceptibles d’en avoir été altérés dans une certaine mesure.
L’étude porte sur le contexte particulier des soins offerts
dans un milieu développé à Genève et n’est, par conséquent, pas généralisable dans d’autres contextes culturels
ou thérapeutiques. Enfin, compte tenu de l’approche à
visée holistique offerte par le programme ACT, il n’est pas
possible de déterminer les facteurs ayant amené un effet
sur les familles : leur amélioration peut être due soit au
contact direct avec les soignants, soit à leur orientation
vers d’autres structures de soutien, comme par exemple des
associations de proches, soit indirectement à l’amélioration
symptomatique et sociale des conditions de leurs proches. Il
est toutefois fort probable que la corrélation observée entre
l’amélioration de la symptomatologie positive des patients
évoquée ci-dessus et la diminution du fardeau des familles
exprime le fait que la première de ces observations influe
sur la seconde.
Implication clinique
Les familles de patients atteints de troubles mentaux
sévères présentent d’importantes souffrances en lien avec
le contexte clinique et social de leurs proches. Nos résultats suggèrent qu’un suivi ACT, par l’aide directe qu’il peut
fournir aux familles, notamment par la mobilisation de ces
dernières vers des structures de soutien et d’entraide et par
les conséquences indirectes de l’amélioration symptomatique et sociale de leur proche, amène rapidement une forte
amélioration du fardeau subi. Ces résultats sont d’ailleurs
corroborés par les témoignages des cliniciens concernés qui
soulignent la complexité, mais aussi la nécessité de la prise
en charge des familles de ces patients. L’accord non systématique des patients à ce que leurs familles soient vues
témoigne en revanche de leur ambivalence par rapport à
cette perspective.
Remerciements
Cette étude a bénéficié d’un soutien privé (Monsieur
A. Engelhorn).
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