SYMPTÔMES NEUROPSYCHIATRIQUES
ET LOCALISATION
Selon leur localisation, les tumeurs peuvent se manifester par des
déficits sensorimoteurs focalisés, des altérations neuropsy-
chologiques isolées, des manifestations de nature plus
spécifiquement psychiatrique.
¶Localisation frontale
Les tumeurs de localisation frontale restent longtemps silencieuses
sur le plan clinique, se révélant souvent par des troubles du registre
comportemental. La lésion des lobes frontaux peut prendre
classiquement trois types de présentation clinique
[5]
:
–lesyndrome orbitofrontal est caractérisé par des modifications de la
personnalité avec irritabilité, labilité émotionnelle importante,
troubles du jugement et des conduites sociales, leur conférant un
caractère « pseudopsychopathique »
[13]
;
–lesyndrome préfrontal dorsolatéral se présente à l’inverse sous
forme d’une apathie majeure avec indifférence, ralentissement
psychomoteur. Sur le plan cognitif, ces patients montrent un déficit
attentionnel majeur associé à une difficulté d’initiation des activités
psychomotrices ainsi que des persévérations
[6]
. L’importance de
l’apathie, de l’aboulie qui accompagnent ce tableau peut faire poser
un diagnostic erroné de dépression ;
–lesyndrome cingulaire antérieur se caractérise par une akinésie, un
mutisme et une pauvreté des interactions sociales, selon une
présentation similaire à celle d’atteintes neurodégénératives ou
vasculaires [1, 2].
Sur le plan neuropsychologique, l’atteinte des fonctions exécutives
est souvent très importante. Des troubles phasiques (de type aphasie
de Broca) ou des aprosodies peuvent être au premier plan en cas
d’atteintes des zones postérieures des lobes frontaux
[19]
.
¶Localisation temporale
Les manifestations épileptiques sont extrêmement fréquentes en cas
de tumeurs de localisation temporale, en particulier sous forme de
crises partielles. Celles-ci se manifestent alors par des symptômes
de type hallucinations (olfactives, gustatives...), ou par des tableaux
plus complexes de type obscurcissement de la conscience,
comportement psychomoteur aberrant et automatique... Les
manifestations de type psychotique sont également fréquentes en
dehors de toute manifestation de crises partielles
[12]
. Elles peuvent
prendre la forme d’authentiques tableaux schizophréniformes avec
hallucinations visuelles, olfactives, tactiles, auditives
[18]
. Mais des
symptômes psychotiques atypiques sont aussi fréquemment
retrouvés avec fluctuations de l’humeur, modifications de la
personnalité, irritabilité, euphorie
[21]
. Sur le plan
neuropsychologique, les fonctions mnésiques, verbales et non
verbales, sont souvent affectées en cas de lésions temporales. Le type
de déficit dépend de la latéralisation ; ainsi, les atteintes du lobe
dominant sont souvent associées à des déficits d’apprentissage et de
mémorisation de l’information verbale, alors que les lésions de
l’hémisphère non dominant sont souvent associées à des déficits
d’acquisition et de restitution d’informations non verbales, en
particulier visuospatiales. Les atteintes du lobe temporal de
l’hémisphère dominant peuvent également être à l’origine
d’aphasies de type Wernicke.
¶Localisation pariétale
Ce type de localisation est moins fréquemment associé à des
modifications comportementales. Les tumeurs de localisations
pariétales peuvent rester silencieuses cliniquement pendant
longtemps. Elles sont en revanche plus fréquemment associées à des
déficits sensitivomoteurs focalisés, à des troubles gnosiques,
praxiques, des déficits des fonctions visuospatiales, une acalculie.
L’anosognosie est également extrêmement fréquente dans les
atteintes pariétales droites. L’indifférence et cette anosognosie
peuvent prendre des formes trompeuses évocatrices du tableau
psychiatrique, retardant le diagnostic de manière dramatique
[10]
.
¶Localisation occipitale
Les lésions du lobe occipital sont également peu fréquemment
associées à des tableaux psychiatriques francs. Les plus fréquents de
ces symptômes sont du registre hallucinatoire visuel. Ces
hallucinations sont souvent des hallucinations simples, peu
élaborées (couleurs, formes, lumière...). D’autres symptômes
psychiatriques moins spécifiques d’une atteinte occipitale,
probablement conséquence de l’hyperpression intracrânienne,
peuvent également se retrouver dans ce contexte. Sur le plan
neuropsychologique, les fonctions visuoperceptives sont altérées,
typiquement sous forme d’hémianopsie. Les gnosies visuelles
peuvent être altérées, prenant la forme de prosopagnosies
[14]
.
¶Tumeurs du diencéphale
Les tumeurs de la région diencéphalique (thalamus, hypothalamus
et structures périphériques du III
e
ventricule) sont souvent à l’origine
d’une interruption de la boucle limbique et de ses interactions
cortico-sous-corticales. Les présentations psychiatriques sont alors
fréquentes, à type d’instabilité ou labilité émotionnelle,
manifestations du registre psychotique ou dépressif avec akinétisme,
mutisme
[7]
. Les tumeurs de l’hypothalamus peuvent également
s’accompagner de troubles du comportement alimentaire
[4]
pouvant
poser un problème de diagnostic différentiel avec une anorexie
mentale
[3]
. Sur le plan neuropsychologique, les atteintes
diencéphaliques s’accompagnent fréquemment de déficits
mnésiques majeurs, en particulier dans les processus
d’apprentissage.
¶Tumeurs du corps calleux
Elles ont été décrites comme fréquemment révélées par des
symptômes psychiatriques, en particulier du registre dépressif
[15, 20]
.
¶Tumeurs hypophysaires
Ici, les manifestations psychiatriques prennent des formes
extrêmement variées, assez peu spécifiques de localisation
hypophysaire, et plus souvent la conséquence des modifications
neuroendocriniennes secondaires au processus tumoral.
¶Tumeurs de la fosse postérieure
Elles sont parmi celles qui ont le moins fréquemment d’expressions
psychiatriques. Des modifications de la personnalité, des syndromes
dépressifs, des manifestations psychotiques ont été décrits dans ce
contexte, mais semblent peu en relation avec une conséquence
directe de la lésion de la fosse postérieure.
Étiopathogénie
Les manifestations psychiatriques peuvent être la conséquence
directe de la lésion tumorale, mais également la conséquence
indirecte de l’effet de masse, de l’hypertension intracrânienne, du
processus inflammatoire, du traitement, de troubles métaboliques
secondaires de syndromes paranéoplasiques (syndromes de
sécrétion inappropriés d’hormone antidiurétique). La fréquence et
l’intensité des manifestations psychiatriques semblent associées à
une croissance rapide et un volume tumoral élevé, à la présence
d’une hypertension intracrânienne
[17]
.
Approche thérapeutique
Si les manifestations psychiatriques des tumeurs cérébrales
conservent un intérêt clinique majeur, c’est bien par la spécificité
des mesures thérapeutiques qu’elles imposent. Bien sûr, l’ablation
chirurgicale de la tumeur, l’effet anti-inflammatoire ou de réduction
37-545-A-16 Manifestations psychiatriques des tumeurs cérébrales : approche clinique et thérapeutique Psychiatrie
17-046-U-12 Neurologie
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