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La Lettre de l’Observatoire des Retraites Décembre 2014 - N°21
zzz Peut-on réduire les prix des établissements
pour personnes âgées dépendantes sans dégrader leur qualité ?
7 La tarification à la ressource a été codifiée à l’article L. 314-2 du code de l’action sociale et devait entrer en vigueur au 1er janvier 2010.
Le décret nécessaire à sa mise en œuvre n’est cependant pas encore paru.
8 Source : enquête EHPA 2011 (DREES).
9 Trois groupes d’EHPAD (Orpéa, DVD et Korian-Medica) dominent actuellement le secteur privé lucratif en France ;
ils représentent 45% des lits du secteur commercial en 2011.
Cécile MARTIN
Quelles conséquences peut-on
attendre d’une tarification
à la ressource ?
Notre premier axe d’analyse porte
sur les perspectives du projet de
réforme de la tarification7. Les
tarifs de la plupart des EHPAD sont
actuellement rétrospectifs, c’est-
à-dire fixés par les autorités de
tutelle en fonction de leurs coûts.
La réforme consisterait à passer à
une tarification à la ressource, avec
des forfaits fixés au niveau national
ou départemental en fonction
du degré de dépendance et des
pathologies des résidents. L’objectif
de ce projet, qui s’inspire de la
tarification à l’activité (T2A) mise
en place en 2004 dans le secteur
hospitalier, serait d’introduire une
concurrence fictive entre établis-
sements
(« une concurrence par
comparaison », Shleifer 1985 [10])
afin de les inciter à plus d’efficacité
en termes de coûts. Cette réforme
n’est néanmoins pertinente que
si elle incite les établissements à
réduire leurs coûts sans dégrader
leur qualité. Mais les gains en
efficacité semblent à première vue
limités car une grande partie des
coûts des établissements corres-
pondent à des charges de person-
nel. Or, l’encadrement en person-
nel constitue une dimension
importante de la qualité de la
prise en charge en EHPAD. Une
analyse approfondie de l’effet de la
qualité sur les coûts et sur l’ineffi-
cacité-coût des établissements est
donc nécessaire pour étudier les
conséquences que pourrait avoir
une telle réforme. Nous observons
que 5 % à 10 % des coûts des
établissements pourrait, à qualité
constante, être réduits avec la
réforme. Les gains à attendre sont
un peu plus élevés pour les EHPAD
publics rattachés à des hôpitaux.
Nous montrons cependant
que la qualité est coûteuse. Par
conséquent, le passage à une tarifi-
cation forfaitaire risque d’encoura-
ger les établissements à réduire la
qualité de leur prise en charge si
aucune mesure complémentaire
n’est mise en place pour éviter
cette dégradation.
La concurrence est-elle
insuffisante dans le secteur
des EHPAD privés lucratifs ?
Notre second questionnement
porte sur les effets du dévelop-
pement du secteur privé lucratif
en termes de prix et de qualité.
Les EHPAD commerciaux, bien
qu’étant encore minoritaires (ils
représentent 19,9 %8 des places
en EHPAD en 2011), sont en pleine
expansion. Ils se développent
dans un contexte faiblement
concurrentiel et peu contestable,
notamment en raison de barrières
légales formées par les procédures
d’autorisation des autorités de
tutelle. Celles-ci restreignent
fortement l’offre et génèrent
ainsi un excès de demande sur le
marché. La croissance des EHPAD
lucratifs s’accompagne en outre de
mouvements de fusions et d’acqui-
sitions qui renforcent la concen-
tration du secteur9. En utilisant
plusieurs mesures de concurrence,
nous analysons l’impact du faible
degré concurrentiel du marché
sur les prix et la qualité. Nous
montrons que lorsque les établis-
sements sont en concurrence, cette
dernière s’exerce à la fois en prix et
en qualité. Ainsi, accroître le degré
concurrentiel du marché pourrait
permettre de réduire les prix des
établissements tout en améliorant
la qualité de leur prise en charge, et
ce d’autant plus lorsque celle-ci est
observable par les résidents. Ceci
pourrait passer par un assouplis-
sement des procédures d’autorisa-
tion de création d’établissements,
mais également par un contrôle de
leurs regroupements.
Existe-t-il des contraintes
de qualité liées au marché
du travail dans le secteur
des services à la personne ?
Dans une dernière étude, nous
évaluons dans quelle mesure
la qualité peut être limitée
par des facteurs exogènes à
l’établissement, notamment par
le fonctionnement du marché du
travail dans le secteur des services
à la personne. Les EHPAD semblent
connaître en France des difficultés
de recrutement et de fidélisation
de leur personnel soignant, qui
peuvent expliquer une partie des
déficiences en matière de qualité.
On observe en effet dans ce secteur