Facteurs psychopathologiques [10-15]
Ne devient pas anorexique qui veut. La relation existant entre les troubles du
comportement alimentaire et les autres troubles psychiques a suscité des hypothèses
variées, dont aucune n’a été retenue. L’hypothèse consensuelle est que l’anorexie
mentale, ainsi que la boulimie, sont des troubles du comportement alimentaire
d’origine multifactorielle. Comme la plupart des troubles du comportement de
l’adolescent, la restriction alimentaire a une fonction de comportement adaptatif aux
réponses à un stress en lui-même peu spécifique. L’organisation de cette réponse
dépendrait, selon les cas, de dispositions génétiques, du tempérament, de
déterminants psychologiques familiaux, ainsi que du contexte socioculturel qui
favorise plus ou moins cette expression du malaise de l’adolescent. Le trouble
s’installerait chez des sujets prédisposés à l’occasion de facteurs déclenchants et
serait pérennisé par des mécanismes renforçant réalisant un véritable cercle vicieux.
La famille est ce premier cercle en gratifiant ce comportement régressif : « une cuillère
pour papa… ».
Les prédispositions, qui ont été très bien étudiées, font état de la fréquence de
l’anxiété, de la dépression, d’une fragilité psychologique, d’un sentiment d’insécurité,
d’envie, d’ambition, d’une mauvaise estime de soi, de besoins affectifs, et d’un habitus
angélique. En réalité, ces causes ne sont pas spécifiques et ne prédisent pas la
survenue d’une anorexie ou d’une boulimie à l’adolescence. Ils créent tout au plus,
par leur association, une vulnérabilité propice à la survenue de difficultés à
l’adolescence parmi lesquelles l’anorexie et la boulimie.
Les événements déclenchants ne sont pas non plus spécifiques : déception
sentimentale, désillusion, perte d’idéal, troubles en rapport avec l’apparition de la
sexualité, refus de la sexualité, deuil...
D’une certaine façon, les désordres du comportement alimentaire modifient les
sensations corporelles et la relation de l’adolescent à ces sensations. La sensation de
faim, comme la drogue, comme la fatigue, devient un moyen pour l’adolescent de se
sentir exister et d’avoir un contact avec lui-même.
Diagnostic
Le diagnostic clinique est relativement facile. Tout commence habituellement chez une
adolescente par un désir de “suivre un régime” quelquefois apparemment justifié du
fait d’un discret surpoids. Mais contrairement aux autres adolescentes qui
commencent un régime, les futures patientes ne “cèdent” pas au bout de quelques
jours ou de quelques semaines. C’est la perte de poids qui motive le plus souvent la
première consultation auprès d’un pédiatre ou d’un généraliste. Les parents réclament
cette consultation, alors que l’adolescente dénie son trouble. Elle ne demande rien et
ne se considère pas comme malade. C’est au médecin d’apprendre à reconnaître cette
maladie qui se résume à trois signes essentiels :
- la restriction alimentaire domine le tableau. Les repas familiaux deviennent
l’occasion de conflits et de tensions, les parents ayant les yeux rivés sur l’assiette
de leur fille. L’adolescente cache ses troubles, en particulier les vomissements
provoqués et répétés ;
- l’amaigrissement, insidieux au début, se révèle brutalement quand l’anorexie
mentale proprement dite s’installe, pouvant atteindre 20 % à 30 % et dans les cas
extrêmes jusqu’à 50 % du poids souhaitable ;
- l’arrêt des règles est un signe constant, qui peut être primitif ou secondaire.