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144 Démocratie et management local
un rapport de force, au « marché » des administrés-électeurs, jugé défavorable par
l'autorité en place (Flipo, 1983). La communication publique devient une communi-
cation d'influence, de relais et de réseaux. Elle oublie qu'elle est, avant tout, le mo-
teur central des relations sociales. Comme le soulignent Duncan et Moriarty (1998,
p. 2), « la communication est l'activité humaine qui relie les individus et crée des
relations. Elle est le cœur des activités signifiantes non seulement en marketing,
mais aussi dans un grand nombre de domaines politique, social, économique et psy-
chologique
1
». Le marketing politique doit s'inscrire dans cette perspective de la
théorie de l'échange relationnel
2
, avec en corollaire les problèmes d'identification
des partenaires de la relation et de leurs pouvoirs respectifs.
De manière identique, « l'objet du marketing interne est de supplanter les coor-
dinations internes, largement fondées sur la relation d'autorité, par des modalités
d'échange issues de l'espace marchand » (Seignour, Dubois, 1999, p. 21). De fait, la
distinction entre employés, actionnaires et clients s'estompe (Webster, 1992) et donc
une partie des différences entre les marketings externe et interne. Un même indi-
vidu peut occuper simultanément les trois positions dans l'entreprise. Une interdé-
pendance comparable peut exister aussi vis-à-vis des concurrents. Ainsi les offres
publiques d'échange de Total et Elf s'adressaient en grande partie à des actionnai-
res communs. L'enjeu était double : convaincre les actionnaires non seulement de ne
pas apporter ses titres au concurrent, mais de lui apporter les titres de ce dernier.
Cet impératif de communication, à la fois défensive et offensive, devrait déboucher,
en théorie, sur un affrontement de projets de création de valeur à long terme, et pas
seulement sur une opportunité de plus-value à très court terme pour l'actionnaire.
Cette confusion des rôles se retrouve aussi en marketing politique. Le citoyen
est à la fois l'actionnaire-décideur (électeur), le client-utilisateur (administré) et
l'employé-subordonné (justiciable). Il est aussi très souvent actionnaire du concur-
rent (électeur du parti adverse). Ici aussi, la distinction entre les marketings in-
terne et externe tend à s'estomper.
Avoir trois discours différents en fonction des opportunités ou des objectifs poli-
tiques (marketing management) des décideurs en place est inefficace, voire dange-
reux. Il est nécessaire de s'adresser, en continu, au citoyen lui-même et non, de
manière ponctuelle, à certaines de ses prérogatives. Tout candidat a ainsi été
confronté plusieurs fois à cette interpellation des électeurs : « vous ne vous intéres-
sez à nous qu'au moment des élections ».
En marketing politique, il n'y a pas, non plus, de partage clair et définitif des
pouvoirs entre les partenaires, comme le marketing management, issu de l'écono-
mie néoclassique, l'institue. D'un côté le client-roi dont il faut satisfaire les besoins
de consommation, de l'autre l'entreprise organisée pour détecter et répondre à ces
besoins. On ne saurait se satisfaire, dans le domaine public, d'une simple transcrip-
1. Communication is the human activity that links people together and creates relationships. It is
the heart of meaning-making activities not only in marketing, but also in a wide range of political, social,
economic, and psychological areas.
2. Cela constituerait même son fondement originel, le marketing management classique n'ayant lieu
d'être que dans le secteur concurrentiel. Si l'action se situe hors de ce domaine, le marketing doit plutôt
être pensé en terme de partenariat, c'est-à-dire de relation (A. Bartoli, Le Management dans les Organi-
sations Publiques, Dunod, 1997).