Chapitre 3 - Cours de linguistique théorique et descriptive

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Ce document a été rédigé à partir des chapitres du
livre Semantics de John Ibrahim Saeed, manuel de
référence du professeur de sémantique. Il ne remplace
pas le cours du professeur ni vos propres notes.
Envoyez vos remarques à : [email protected]
Sémantique 1
Chapitre 3
La signification du mot
Dans ce chapitre on s’intéressera à la signification du mot ou à la
sémantique lexicale dont les ambitions de la description traditionnelle furent (a)
de donner la signification de chaque mot de la langue (b) de montrer comment
les significations des mots dans une langue sont liées entre-elles. Ces ambitions
sont étroitement liées avec ce qui a été dit dans le chapitre 1que la signification
d’un mot est définie en partie par ses relations avec les autres mots de la langue.
On peut suivre le point de vue structuraliste et reconnaître que tout en étant en
relation avec d’autres mots d’une même ‘phrase complète’, un mot est
également en relation avec d’autres mots que l’on qualifiera d’absents.
1) Je viens de voir ma mère.
Dans cette phrase, sans aucune information complémentaire, on sait que le
locuteur parle d’une femme. Dans un premier temps, cette connaissance découle
de la relation entre le mot mère et le signifiant, et le mot absent femme
représente ce lien. L’autre approche est de dire que le mot mère contient un
élément sémantique femme qui est une partie de sa signification. On peut
conclure que la relation lexicale est centrale pour le locuteur et l’allocutaire dans
la construction d’une signification. Dans les exemples suivants, (3) découle par
implication de (2) mais (4) bien qu’il soit une interprétation raisonnable dans le
contexte ne suit pas de manière automatique (2).
2) Le directeur de ma banque vient d’être assassiné.
3) Le directeur de ma banque est mort.
4) Ma banque aura un nouveau directeur.
Cette relation d’implication entre (2) et (3) est importante car c’est une
réflexion de notre connaissance lexicale. L’implication dans ces ‘phrases
complètes’ découle de la relation sémantique entre les mots être assassiné et
mort.
La discussion dans ce chapitre s’articulera autour de ces points :
- En distinguant les mots comme des éléments isolés, on examinera les
problèmes rencontrés pour déterminer leurs significations.
2
- Analyse de quelques relations sémantiques entre mots et examen de la
structure en réseau que fournissent ces relations à notre lexique mental.
- Recherche des universaux lexicaux.
1-Les mots et les catégories grammaticales
Les catégories grammaticales bien que définies par la linguistique
moderne au niveau de la syntaxe et de la morphologie, reflètent des différences
sémantiques : différentes catégories de mots donnent différentes descriptions
sémantiques. Ainsi, les noms propres, les noms communs, les pronoms et les
connecteurs logiques révèlent différents références et sens. Les liens
sémantiques s’assemblent entre éléments d’une même catégorie et le croisement
entre différentes catégories est inexistant.
2-Les mots et les éléments lexicaux
On appelle un dictionnaire ou un lexique la liste de tous les mots
accompagnés de leurs informations idiosyncratiques1. En sémantique, on
s’intéresse aux lexèmes ou aux mots sémantiques. On examine d’abord ce
qu’est le mot en tant qu’élément isolé ; il peut être identifié au niveau de
l’écriture, séparé par un espace blanc, et on les appelle des mots
orthographiques. Ils peuvent également être identifiés au niveau phonologique
comme une chaîne de sons qui pourraient révéler une structure interne qui
n’apparaît pas en dehors du mot. Et au niveau de la syntaxe, où le même mot
sémantique peut être représenté grammaticalement de différentes manières à
travers des mots grammaticaux.
1) Il marche comme un canard.
2) Il marchait comme un canard.
3) Il marchera comme un canard.
En sémantique, on dira qu’il s’agit de trois instances du même lexème :
marcher. Ces trois mots grammaticaux partagent la signification du lexème.
L’inverse est parfois possible où plusieurs lexèmes peuvent être représentés par
un seul mot phonologique et grammatical : c’est le cas des relations sémantiques
d’homonymie et de polysémie. Il existe certainement un problème associé à la
caractérisation du lexème et du mot à différents niveaux, par exemple
l’existence d’éléments multi-mots comme les syntagmes verbaux et les idiomes2
en anglais (look after, kick the bucket) où une chaîne de mots ne correspond qu’à
une seule unité sémantique.
1
Tendance des sujets à organiser les règles générales de formation des mots d'une même langue de manière
différente selon leurs dispositions intellectuelles ou affectives particulières.
2
Ensemble des moyens d'expression d'une communauté considéré dans sa spécificité.
3
3-Quelques problèmes liés à la recherche d’une signification (définition) d’un
mot
Quand on demande la signification d’un mot d’une personne à une autre
alors elle est assez différente et cela nécessite qu’elles consultent un dictionnaire
pour découvrir la vraie définition du mot. L’une des difficultés premières serait
l’influence du contexte sur la signification d’un mot. Ainsi, il est facile de
trouver la signification d’un mot s’il est utilisé dans une ‘phrase complète’ ou
dans un syntagme. Le premier élément qu’on pourrait isoler de cette analyse est
l’influence stricte qui est la tendance de certains mots qui apparaissent
répétitivement ensemble : qu’on appelle collocation. Par exemple, on dirait en
anglais a strong tea au lieu de a powerfull tea, bien qu’ils ont une signification
similaire. Ces collocations seront fossilisées au cours du temps pour devenir
finalement des expressions fixées. Les idiomes subissent le même processus.
Les effets contextuels peuvent également donner à un mot une
signification inattendue laissant cours à l’interprétation ou à la variation
sémantique. On parle alors d’ambigüité. L’ambiguïté se manifeste sous trois
formes, l’ambiguïté lexicale polysémique, comme en (1), l'ambiguïté lexicale
homonymique, comme en (2), et l’ambiguïté structurale non lexicale, comme en
(3) :
(1) Pierre sent la rose.
(2) Cet ours a mangé un avocat.
(3) Sylvain a vu un homme avec un télescope.
En (1), il y a ambiguïté lexicale polysémique : le mot sent admet deux
sens, si bien que (1) peut se paraphraser comme Pierre hume la rose, ou comme
Pierre a l’odeur d’une rose. En (2), il y a ambiguïté lexicale homonymique : à la
forme avocat correspondent deux mots distincts, l’un désignant un fruit, l’autre
désignant un plaideur. En (3), il n’y a pas d'ambiguïté lexicale, mais il y a
ambiguïté structurale, car on peut assigner à (3) deux structures syntaxiques
distinctes :
(3a) Sylvain [SV a vu [SN un homme] [SP avec un télescope]]
(3a) Sylvain [SV a vu [SN un homme [SP avec un télescope]]
(3a) et (3b) ont d'ailleurs des interprétations différentes : (3a) nous dit que
c’est au moyen d’un télescope que Sylvain a vu un homme, tandis que (3b) nous
dit que Sylvain a vu un homme qui avait un télescope.
Etant donné ces observations, deux autres notions d’ambiguïté peuvent
être définies :
4
Ambiguïté sémantique : Une forme est sémantiquement ambiguë si on peut lui
faire correspondre au moins deux sens distincts.
Ambiguïté structurale : Une forme manifeste une ambiguïté structurale si on
peut lui faire correspondre au moins deux structures étiquetées distinctes.
Plusieurs tests ont été proposés pour tester si une forme est ambiguë :
1. Test des jugements alternatifs de valeur de vérité : Soit une forme
(graphique ou phonique) correspondant à une phrase déclarative, et soit un
état de choses vis-à-vis duquel cette forme est interprétée. Si cette forme
apparaît alternativement comme vraie et comme non vraie, alors la forme est
ambiguë.
Considérons par exemple la forme (3), Sylvain a vu un homme avec un
télescope, et l’état de choses suivant : Sylvain est un garçon et Fred est un
homme ; Sylvain a vu Fred au moyen d’un télescope ; Fred n’avait aucun
télescope quand Sylvain l’a vu. Interprétée vis-à-vis de cet état de choses, (3)
apparaît alternativement comme vraie et comme non vraie. En effet, elle
apparaît comme vraie quand la forme est interprétée avec la structure étiquetée
suggérée par (3a), tandis qu’elle apparaît comme non vraie quand elle est
comprise avec la structure étiquetée suggérée par (3b).
2. Test de l'anaphore : Je ne veux pas d’avocat, Julie m'en a déjà vendu un.
3. Test de aussi : Frédérique acheta un avocat, Vincent aussi.
4. Test de la même chose : La marmotte mangea un avocat, et l’ours fit la
même chose.
5. Test d'extraposition : C'est un avocat, celui que ma mère nous a offert, que
nous allons utiliser.
6. Test de réduction de la conjonction : Jonathan, avec dignité, et Cédric,
avec empressement, allèrent chacun acheter un avocat pour faire plaisir à
Pierre.
4-Les relations lexicales
Il existe un certains nombres de types de relation lexicale :
A. Homonymie
(Mot, signifiant) qui a une prononciation et/ou une graphie identique à celle d'un
autre mais un signifié différent.
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B. Polysémie
Propriété d'un signifiant de renvoyer à plusieurs signifiés présentant des traits
sémantiques communs.
C. Synonymie
Caractère, propriété qui unit deux mots, deux expressions synonymes ; relation
entre deux ou plusieurs signifiants, telle que ces signifiants sont
interchangeables, sans qu'il y ait variation concomitante du signifié.
D. Antonymie
Relation entre deux antonymes ou terme de sens contraire à un autre terme. On
distingue en particulier les antonymes simples [mort/vivant], les antonymes
quantifiables [riche/pauvre], les antonymes inverses [inflation/déflation], les
anonymes
converses
[employé/salarié],
les
sœurs
taxonomiques
[bleu/rouge/jaune/vert/violet/rose].
E. Hyponymie - hyperonymes
Relation sémantique d'un lexème à un autre selon laquelle l'extension du premier
est incluse dans l'extension du second (c’est une relation d’inclusion). [chien &
chat sont les hyponymes de animal qui est l’hyperonyme]
F. Méronymie
La méronymie est une relation partitive hiérarchisée : une relation de partie à
tout. Un méronyme A d'un mot B est un mot dont le signifié désigne une souspartie du signifié de B. [pneu, vitre, pare-brise, moteur sont des méronymes de
voiture]
5-Les relations dérivationnelles
A. Forme verbale causatif (~inchoatif)
Forme verbale susceptible d'exprimer que le sujet fait faire l'action au lieu de la
faire lui-même. On commence par utiliser un adjectif qui décrit un état : la route
est large. Le verbe suivant décrit un changement d’état ou un début : la route
s’est élargie. Le verbe suivant décrit la cause de ce changement : le conseil de
la ville élargit la route. Ces trois choix sémantiques peuvent être décrits comme
un état (adjectif), un changement d’état (verbe intransitif) et un causatif (verbe
transitif).
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B. Forme adjectivale résultative
Forme adjectivale utilisée au participe passé : liquide (adjectif d’état) – se
liquéfier (verbe inchoatif) – liquéfier (verbe causatif) – liquéfié (résultatif)
C. Les noms agentifs
Il existe différents types de noms agentifs. Les plus connus sont ceux qui
dérivent des verbes et auxquels on ajoute le suffixe –eur. Ces noms signifient
l’entité qui accomplit l’action du verbe [jouer→joueur]. On discutera du rôle
sémantique de l’AGENT au chapitre 6, où l’AGENT décrit le rôle d’un
initiateur volontaire d’une action alors que l’ACTEUR décrit une entité qui ne
fait qu’accomplir une action. Ainsi, les noms actants est plus approprié que les
noms agentifs dans le cas de la définition et de l’exemple précédents.
6-Les universaux lexicaux (HORS COURS)
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