Aujourd’hui les espaces périurbains n’évoluent pas seulement à travers la
destruction de sites par le « bulldozer » urbain mais aussi par la fragmentation et
l’isolement des espaces à caractère naturel. La « conservation » de milieux
« naturels » en zone urbanisée a débuté au milieu du 19ème siècle par la création
de parcs et de jardins publics ; elle s’amplifie et se poursuit actuellement au fur et à
mesure de l’avancée de l’urbanisation des territoires.
En effet, les nouvelles sensibilités et rapports à la nature s’expriment de plus en
plus à tous les niveaux, depuis les cadres législatifs (Directive habitat applicable
dans les PLU2.) jusqu’au souhait de nature de proximité par les citadins, en
passant par les décisions des services municipaux (faible entretien d’espaces
urbains non construits pour une biodiversité maximale).
Depuis plusieurs décennies, la création ou la conservation d’espaces à caractère
naturel au sein d’un environnement urbanisé aboutit à un ensemble de taches
d’habitat plus ou moins riches en espèces animales et végétales. Ce phénomène
de fragmentation débouchant sur l’isolement de populations animales ou végétales
est connu en milieu rural où le concept de métapopulation est aujourd’hui à l’étude
(Burel et Baudry, 1999). Mais peut-on poser les mêmes hypothèses dans le cadre
de l’urbanisation où (1) les espaces à caractère naturel subissent des contraintes
différentes (sol remanié, fréquentation humaine, sélection de certaines espèces,
introduction d’espèces exotiques…) et où (2) la matrice, espace entre les habitats
d’une espèce agissant souvent comme un frein à la dispersion ou à la survie de
celle-ci, est à la fois très stable (il n’y a pas de rotation des cultures) et très
répulsive (pavés, goudrons, bâtiments) ? On peut s’attendre à une réelle forme
d’insularité comme l’ont suggérée Davis et Glick (1978), l’isolement étant entretenu
par les difficultés de flux d’individus, par les comportements humains qui favorisent
ou repoussent certaines espèces, par des caractères climatiques particuliers
(température plus élevée, changements locaux de la vitesse et de la direction du
vent) (Sacré et Eliasson, 2002).
Si cet isolement est effectif sur plusieurs générations alors une possible évolution
des populations peut être attendue sur des traits d’histoire de vie3. C’est par
exemple ce qui a été observé dans une étude sur l’écologie d’une population
urbaine du mulot Apodemus sylvaticus (Cihakova et Frynta, 1996). On peut aussi
s’attendre à ce que l’écosystème urbain favorise et sélectionne certaines espèces
plutôt que d’autres et contribue à accentuer l’importance de certains groupes, par
exemple les oiseaux omnivores (Clergeau et al., 1998), les coléoptères les plus
petits (Sustek, 1987) ou des espèces végétales annuelles exotiques (Godefroid,
2001).
Du fait de la densité de structures urbaines réparties sur l’espace géographique et
de leur rythme d’évolution actuel, l’intérêt de l’étude des populations animales ou
végétales dépasse la seule caractérisation de populations adaptées (plasticité des
comportements, adaptation, évolution génétique) ou la traduction d’impacts
environnementaux liés à la ville (résistance à la pollution, accessibilité à des
2 Plan Local d’Urbanisme remplaçant les Plans d’Occupation des Sols.
3 Nous utilisons le terme ‘trait d’histoire de vie’ dans son sens le plus large, c’est à dire
intégrant l’ensemble des caractères comportementaux, morphologiques, phénologiques et
démographiques, etc.
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