révolue, les ouvriers continuent d’exister, et de représenter, il est toujours utile de le rappeler,
25,6% de la population active en 1999. Dès lors, plutôt que de spéculer sur la disparition des
ouvriers, il paraît bien plus pertinent et nécessaire de s’interroger sur l’actualité de la question
ouvrière, en s’intéressant tout à la fois à sa permanence et aux formes et aux réalités nouvelles
qu’elle recouvre.
C’est cette perspective qu’ont voulu privilégier les différents travaux qui ont cherché à
remettre à l’ordre du jour une analyse du monde ouvrier non plus tellement en termes de
classe sociale et de classe ouvrière, mais plutôt en termes de condition ouvrière
1
. En effet, ces
auteurs ne cherchent pas à nier que la classe ouvrière en tant que « groupe cohérent
mobilisé », porteur d’une conscience de classe, et muni d’organisations qui l’incarnent dans
l’espace politique soit en voie de déconstruction avancée. Mais ils ont en commun de montrer
que, pour autant, la classe ouvrière continue d’exister en soi, comme ensemble d’individus
partageant, pour l’essentiel, un même type de position sociale et de conditions d’existence.
Dans une certaine mesure, le dernier ouvrage de Michelat et Simon participe de cette
entreprise de réhabilitation scientifique du groupe ouvrier comme objet d’étude, mais aussi
comme concept toujours opératoire d’analyse du monde social, et plus précisément en ce qui
les concerne, comme variable toujours explicative du vote. Contre les tenants du paradigme
de l’électeur « rationnel », adossé au mythe de l’avènement d’une société post-industrielle
sans classe, et qui fait de l’électeur un acteur stratège, émancipé de toute forme d’emprise
sociale dans l’orientation de ses comportements politiques, tout le cœur de leur démarche
consiste au contraire à montrer en quoi l’électeur reste socialement déterminé par sa position
dans l’espace social. Et plus précisément, elle vise à démontrer en quoi la condition et/ou
l’origine ouvrière constituent encore une dimension structurante et discriminante des
comportements électoraux, tout en donnant à voir l’essentiel des mutations advenues dans la
relation entre position ouvrière et vote.
Dans cette perspective, il ne s’agit donc en aucune manière de contester les profondes
évolutions qualitatives et quantitatives des comportements électoraux des ouvriers, mais de
mieux cerner la réalité de leur étendue et de leurs modalités à travers une double
interrogation. La première porte sur les spécificités et les dynamiques actuelles de
différenciation du vote des ouvriers. La seconde cherche à rendre compte des ruptures mais
aussi des permanences qui ont affecté les comportements politiques ouvriers, contre la
1
Beaud Stéphane, Pialoux Michel, Retour sur la condition ouvrière, Fayard, 1999 ; Schwartz Olivier, Le monde
privé des ouvriers, PUF, 1990 ; Bouffartigue Paul (dir.), Le retour des classes sociales, La Dispute, 2004