Utopie pour briser la spirale infernale de la dette
La conjoncture actuelle offre une occasion exceptionnelle aux gouvernements des PED pour modifier
substantiellement ou même radicalement leur situation. Il est possible de réaliser le désendettement.
La Chine avec 600 milliards de dollars de change pourrait à elle seule, si son gouvernement autocratique le
souhaitait, modifier la situation internationale en faveur des peuples des PED. Que dire d'un front uni Chine-Russie
face aux gouvernements des principaux pays industrialisés ? Ces deux pays pourraient modifier la donne sur le plan
mondial s'ils avaient un projet commun alternatif. Plus largement, les gouvernements d'un nombre important de PED
répartis sur quatre continents (Asie, Amérique latine, Afrique et Europe orientale - si on inclut la Russie comme le
font le FMI et la BM) détiennent provisoirement la clé du changement. Ils sont créanciers nets de la principale
puissance mondiale et des banques privées du Nord pris globalement. Ils pourraient en principe se passer
totalement du FMI en remboursant ce qui lui est encore dû. Ils pourraient créer un fonds de soutien aux autres PED
moins bien dotés qu'eux en devises (à commencer par les 50 PMA) pour leur permettre de se désendetter très
rapidement (le montant à réunir pour désendetter les PMA est faible).
Jamais auparavant, la situation n'a été aussi favorable aux pays périphériques d'un point de vue financier. Et
pourtant, personne ne parle d'un changement des règles du jeu. C'est que les gouvernements de Chine, de Russie
et des principaux PED (Inde, Brésil, Nigeria, Indonésie, Mexique, Afrique du Sud...) n'expriment aucune intention de
changer dans la pratique la situation mondiale au bénéfice des peuples.
Et pourtant, sur le plan politique, s'ils le voulaient, les gouvernements des principaux PED, 50 ans après Bandoeng,
pourraient constituer un puissant mouvement capable d'imposer des réformes démocratiques fondamentales de tout
le système multilatéral. Ils pourraient adopter une politique modérée - rembourser de manière anticipée les dettes
avec une importante décote - ou une politique radicale - répudier la dette et appliquer un ensemble de politiques
rompant avec le néolibéralisme. Le contexte international leur est favorable car la principale puissance mondiale est
embourbée dans la guerre en Iraq, dans l'occupation de l'Afghanistan ; elle est confrontée à de très fortes
résistances en Amérique latine débouchant sur des échecs cuisants (Venezuela, Cuba, Equateur...) ou sur une
impasse (Colombie).
Je suis persuadé que cela ne se matérialisera pas : ni le scénario modéré, ni le scénario radical ne seront mis en
oeuvre à court terme. L'écrasante majorité des dirigeants actuels des PED sont totalement englués dans le modèle
néo-libéral. Dans la plupart des cas, ils sont tout à fait attachés aux intérêts des classes dominantes locales qui n'ont
aucune perspective d'éloignement réel (sans parler de rupture) par rapport aux politiques suivies par les grandes
puissances industrielles. Les capitalistes du Sud se cantonnent dans un comportement de rentier et quand ce n'est
pas le cas, ils cherchent tout au plus à gagner des parts de marché. C'est le cas des capitalistes brésiliens,
sud-coréens, chinois, russes, sud-africains, indiens... qui demandent à leurs gouvernements d'obtenir des pays les
plus industrialisés telle ou telle concession dans le cadre des négociations commerciales bilatérales ou
multilatérales. De plus, les concurrences et les conflits entre gouvernements des PED, entre capitalistes du Sud,
sont réelles et peuvent s'exacerber. L'agressivité commerciale des capitalistes de Chine, de Russie, du Brésil à
l'égard de leurs concurrents du Sud provoque des divisions tenaces.
Seule l'irruption des peuples sur la scène historique pourrait changer le cours des choses mais on ne voit pas encore
de signes solides allant dans ce sens.
Dans les PED, des luttes radicales se sont succédées ces dernières années : Equateur 2000, Bolivie 2000,
Argentine 2001-2002, Venezuela 2002-2003, Bolivie 2003, Chine 2004, Corée du Sud 2003-2004, Bolivie 2005,
Equateur 2005, Nigeria 2004-2005, Niger 2005... Sans parler des luttes de libération ou de résistance à l'occupation,
de la Palestine à l'Iraq en passant par l'Afghanistan. Ces peuples en lutte font preuve d'un courage extraordinaire.
Certaines de leurs luttes ont abouti à des succès partiels (Equateur, Bolivie, Argentine, Venezuela, Niger...) mais
elles n'ont pas dépassé le cadre local ou national.
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