La théorie du Big Five cybernétique (CB5T

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Où est l’individuel dans l’étude des
différences individuelles de
personnalité?
Jacques Juhel
Université Rennes 2
CRPCC (E.A. 1285)
Université de Rouen
20 novembre 2014
Plan
1. Bref retour sur le passé et quelques enseignements…
2. La structure des traits de personnalité : des taxinomies aux
théories
3. L’hypothèse de travail d’une complémentarité des approches
inter- et intra-individuelles : quelques illustrations
4. Vers une orientation plus idiographique?
Bref retour sur le passé et quelques
enseignements…
Le projet initial de la psychologie des différences individuelles
William Stern (1900 ; voir Lamiell, 2003)
Fin du 19ème siècle : l’expression « psychologie individuelle » est
synonyme de psychologie expérimentale générale.
→ Recherche de régularités scientifiques, de lois générales au sens de communes
à tous, par expérimentation sur des sujets uniques.
La psychologie différentielle naît du souci de ne pas négliger « les
particularités différentielles de l’esprit ».
→ Elle a pour domaines d’étude les domaines théoriques identifiés par la
psychologie expérimentale générale.
→ Elle doit « éviter les efforts prématurés en direction des applications
pratiques ».
Les doutes de Stern, très tôt exprimés…
« Le problème de l’individualité* » (1900 ; voir Lamiell, 2003)
L’individu est un unitas multiplex,
« une entité qui, bien que composée de multiples parties, forme une unité
singulière et constitue en tant que telle, en plus de ses unités en
fonctionnement, un être unitaire, auto-actif et dirigé par un but » (Stern, 1906,
p.16 ; Lamiell, 2003, p. 42).
L’unicité du système est due à des lois générales qui la rendent possible.
→ La psychologie différentielle peut aider à identifier certaines de ces lois
générales mais ne peut en elle-même permettre d’élaborer une
conception de l’individualité humaine.
* « de la personnalité de l’individu humain » (Lamiell, 2003, p. 46)
Une distinction irréductible entre individu et attribut
Individu : Unitas multiplex
Attribut : « Tout ce qui peut être identifié dans l’individu » : phénomènes
directement perçus par la personne, actes personnels, dispositions.
Concept
Focus
Schème
1 attribut
nombreux individus
Recherche
descriptive
plusieurs attributs
nombreux individus
Recherche
corrélationnelle
1 individu
nombreux attributs
Recherche
psychographique
plusieurs individus
nombreux attributs
Recherche
comparative
Attributs
Individus
Les schèmes de recherche de la psychologie différentielle
Le passage de l’individu au sujet moyen de la science
« Le triomphe de l’agrégation » (Danziger, 1990, chapitre 5)
Les régularités observées en moyenne au niveau des populations, des groupes
naturels ou expérimentaux témoignent de l’existence et correspondent à une
organisation au niveau des individus.
Francis Galton - Twelve Boston Physicians and
their composite portraiture, McClure's Magazine,
September 1894)
L’étude du sujet moyen en psychologie de la personnalité
LE paradigme dominant face aux questions d’une «science des
personnes» (Lamiell, 2006, p. 354).
Des prescriptions méthodologiques unificatrices
→ que peut-on espérer de l’agrégation d’observations entre
individus, entre conditions expérimentales ou entre moments ?
Une stratégie de recherche fonctionnaliste
→ risques d’émiettement des variables, de réductionnisme, de
mécanisme.
L’unification de la science et de la pratique
→ risque de confusion entre les niveaux épistémologique et
institutionnel.
La structure des traits de personnalité :
des taxinomies aux théories
Le fondateur de la psychologie de la personnalité
Gordon Allport (1937). Personality : a psychological interpretation
La partie importante de la personnalité est l'essence de l’unicité de l’individu
humain.
La personnalité est « l’organisation dynamique, interne à l’individu, des systèmes
psychophysiques qui déterminent son adaptation particulière à l’environnement »
(1937, p. 48).
Le trait est « un système neuropsychique focalisé et généralisé (propre à la
personne) ayant la capacité de rendre de nombreux stimuli fonctionnellement
équivalents, et d’initier ou guider des formes cohérentes (équivalentes) de
comportement adaptatif et expressif » (1937, p. 295).
Les « vrais » traits sont individuels : ce sont des dispositions psychophysiques
réelles, des attributs internes à l’individu.
L’hypothèse lexicale
L’hypothèse lexicale
Les attributs de personnalité peuvent être identifiés en classant les termes
employés dans le langage courant pour distinguer le comportement d’une
personne de celui d’une autre.
Première tentative : traits de personnalité, états temporaires, jugements évaluatifs,
caractéristiques physiques (Allport & Odbert, 1931).
De multiples taxinomies dans les années 50 et 60…une même méthode
d’analyse*.
- Unités de base: traits stables, facteurs, dispositions comportementales.
- Objectif fondamental : caractériser les individus à l’aide d'un ensemble fini
de dispositions propres, invariantes quelles que soient les situations et
déterminant un large éventail de comportements.
* « Aucune procédure statistique ne devrait être traitée comme un générateur de vérité mécanique »
(Meehl, 1992, p. 152).
Les critiques
Pêle-mêle, au cours des années 60 et 70…
- Psychologie clinique : doutes sur l’intérêt pratique d’évaluations trop
globales (Peterson, 1968).
- Psychologie différentielle : construits théoriques non opérationnels,
comportement trop variable au travers des situations pour être couvert par un
nombre limité de traits, circularité du raisonnement si les traits sont compris
comme des entités causales (Vernon, 1964).
- Psychologie sociale : les traits et la structure de la personnalité décrivent la
structure des perceptions sociales, sont des fictions cognitives, le résultat de
biais de perception, d’une erreur fondamentale d’attribution, d’erreurs
systématiques de jugement, etc.
Les critiques
Walter Mischel : Personality and assessment (1968)
Les hypothèses de la théorie des traits de personnalité sont « intenables » .
Le trait comme niveau d’analyse ne permet pas :
- d’appréhender la variabilité du comportement social ;
- d’expliquer la faible cohérence trans-situationnelle.
Le fonctionnement de la personnalité apparaît plus cohérent au travers des
situations quand le comportement est analysé en considérant la perception
qu’a le sujet de la situation.
Les critiques
Walter Mischel : Personality and assessment (1968)
Fréquence de certains mots-clés dans la première et la seconde partie du livre de Mischel
(Orom & Cervone, 2009, fig. 1, p. 229).
Quand « ce qu’on a dit du livre commence à remplacer ce que dit le livre » (Mischel, 2009, p.
283).
Les critiques
Toward a cognitive social learning reconceptualization of personality
(Mischel, 1973)
L’être humain attache une signification aux situations qu’il rencontre et se
comporte en cohérence avec cette signification.
Les variables socio-cognitives (attentes, croyances, évaluations, buts, etc.)
activées dans des situations particulières varient en fonction de la
signification que les situations prennent pour la personne.
Comprendre les échanges dynamiques et les transactions réciproques
entre les individus et les situations.
Inclure la situation telle qu’elle est perçue par la personne, analyser le
comportement dans ce contexte situationnel.
Un schéma de causalité complexe
Les systèmes de personnalité et les contextes sociaux ont des effets
interactifs et mutuellement dépendants sur le comportement.
Situation
Comportement
Des interactions cohérentes produisent des patterns distinctifs de cohérence et de
variabilité comportementale (Le modèle CAPS de la personnalité ; Mischel & Shoda,
1995)
L’émergence d’une nouvelle génération de taxinomies
Les Big Five
- Le Big Five lexical, à partir d’adjectifs représentant des attributs : représentation
strictement phénotypique (Goldberg, 1981, 1990).
- Le NEO Personality Inventory (Costa & McCrae, 1985).
(extrait de Plaisant et al., 2010, p. 484)
L’émergence d’une nouvelle génération de taxinomies
Les Big Five
Arguments de validité mis en avant par les « essentialistes »
- Prédiction du comportement lorsque celui-ci est agrégé entre situations,
- Stabilité temporelle de la structure des traits,
- Influence des facteurs génétiques,
- Relations entre traits et fonctionnement cérébral,
- Utilité prédictive,
- Universalité démontrée par les études trans-, intra- et inter-culturelles.
La Théorie des Cinq Facteurs (McCrae & Costa, 1996, 2006)
« Les traits n’ont aucun effet direct sur le comportement et ne sont
pas le produit de l’environnement » (2006, pp. 234-235)
(McCrae & Costa, 2006, p. 234).
La Théorie des Cinq Facteurs (FFT : McCrae & Costa, 1996, 2006)
« Les traits n’ont aucun effet direct sur le comportement et ne sont
pas le produit de l’environnement » (2006, pp. 234-235)
-
Traits organisés hiérarchiquement : tendances fondamentales générales
qui influent sur les pensées, les sentiments et les comportements ;
endogènes ; stables chez l’adulte.
- Adaptations caractéristiques contextualisées et influencées par la
culture : compétences, croyances, valeurs, façons préférentielles de penser,
de ressentir, se comporter.
- Concept de soi : schéma de soi, perception sélective des informations
représentées (compatibilité avec les traits, sentiment de cohérence).
-
Bases biologiques, influences extérieures.
-
Données de sortie : biographie objective (comportement, vécu de la
personne).
La théorie du Big Five cybernétique (CB5T : DeYoung, 2014)
Une théorie mécaniste de la personnalité basée sur l’étude de systèmes
autorégulés dirigé vers des buts
→ Mise en relation des approches centrées sur les différences interindividuelles et
les processus intra-individuels.
L’usage descriptif des traits de personnalité
Les traits sont des descriptions probabilistes de patterns relativement stables
d’émotions, de motivations, de cognitions ou de comportements, en réponse à des
familles de situations rencontrées par l’être humain au cours de son évolution.
-
Tendance à se trouver dans certains états émotionnel, motivationnel,
cognitif, comportemental.
-
Spécificité liée aux situations.
-
Universalité culturelle.
-
Organisation hiérarchique.
La théorie du Big Five cybernétique (CB5T : DeYoung, 2014)
L’organisation hiérarchique des traits
Deux méta-traits en tension dynamique qui renvoient aux adaptations
caractéristiques (buts, interprétations, stratégies, etc.) : le maintien d’un
fonctionnement stable et l’adaptation au changement, la tendance à l’exploration.
Croissance personnelle
Dynamisme
Accommodation
Dix facteurs de niveau
intermédiaire ou « aspects »
de la personnalité.
Socialisation
Autorégulation sociale
Assimilation
(DeYoung, 2014, p. 3)
La théorie du Big Five cybernétique (CB5T : DeYoung, 2014)
La possibilité d’un usage explicatif des traits de personnalité
Le trait décrit le niveau fonctionnel typique des processus psychologiques qui soustendent la génération des états émotionnel, motivationnel, cognitif ou
comportemental associés au trait.
Facteurs
génétiques
Facteurs
environnementaux
Paramètres
relativement stables
de mécanismes
psychobiologiques*
Traits de
personnalité
Résultats,
adaptations
caractéristiques
(D’après DeYoung, 2014, p. 4)
* Relation de supervénience entre mécanismes biologiques et psychologiques.
La théorie du Big Five cybernétique (CB5T : DeYoung, 2014)
Les adaptations caractéristiques
Les contenus relativement stables de la « mémoire » du système, mis à jour en
fonction des circonstances particulières de vie de l’individu :
-
des buts : représentation des états futurs;
-
des interprétations : composantes évaluatives et affectives des
représentations de l’état actuel du monde externe et interne;
-
des stratégies cognitives ou comportementales.
→ Caractéristique centrale : spécificité culturelle ou phénomène idiosyncrasique.
La théorie du Big Five cybernétique (CB5T : DeYoung, 2014)
Fonctions « cybernétiques » des traits de personnalité
(Extrait de DeYoung, 2014, p. 10)
L’explication des traits dans le CB5T
Différences entre individus
Des variations entre individus dans les paramètres des nombreux mécanismes du
système peuvent être les causes multiples d’un trait ayant lui-même de multiples
indicateurs.
p1
p2
I1
Extraversion
I2
p3
I3
Variations au niveau du système
de récompense
(aire septale, mésencéphale)
Les indicateurs covarient parce
qu’ils réfléchissent à des degrés
divers la sensibilité à la
récompense
Différences de sensibilité à la
récompense
(Voir Kievit et al., 2012)
L’explication des mécanismes dans la structure causale intraindividuelle du CB5T
Processus intra-individuels
Les variations au cours du temps dans le fonctionnement du système produisent
une structure de covariance intra-individuelle.
Cette structure de covariance intra-individuelle est différente chez chaque
individu et dépend des mécanismes psychobiologiques qui sous-tendent les
traits.
Les traits ne peuvent expliquer cette structure que s’ils possèdent une structure
causale intra-individuelle (cf. fonctions cybernétiques des traits).
⇒ Explorer les adaptations caractéristiques qui sont des construits à la fois interet intra-individuels.
L’hypothèse de travail d’une complémentarité
des approches inter- et intra-individuelles :
quelques illustrations empiriques
L’approche des distributions de probabilité d’états
Un trait est une distribution de probabilités d’états
Le comportement peut être caractérisé par un niveau sur le trait qui
représente le degré avec lequel le comportement exprime le trait.
La variabilité intra-individuelle du comportement au travers des situations
peut être représentée par une distribution de probabilité d’états.
Méthode d’échantillonnage des expériences
(Fleeson, 2001)
- 46 participants, interrogés 5 fois/jour pendant 13 jours ;
- auto-description du comportement et des émotions 1 heure plus tôt ;
- adjectifs du Big-Five (4 adjectifs par trait).
L’approche des distributions de probabilité d’états
L’importante variabilité intra-individuelle des états.
Distributions des états chez le sujet moyen (Fleeson, 2001, p. 1016).
L’approche des distributions de probabilité d’états
Stabilité des différences individuelles dans les paramètres des distributions
de probabilité des états, notamment dans la moyenne intra-individuelle des
états (méthode d’estimation par bissection et randomisation).
(Fleeson, 2001, p. 1017)
L’approche des distributions de probabilité d’états
Résultats complémentaires d’une méta-analyse récente (Fleeson & Gallagher,
2009)
La corrélation entre le trait et la tendance centrale de la distribution des états varie
entre .42 et .56.
L’évaluation d’un trait par questionnaire n’est donc pas identique à ce que révèle
l’observation de la variabilité intra-individuelle des états associés au trait.
L’approche des distributions de probabilité d’états
La situation dans la signification de la variabilité intra-individuelle
comportementale
Effets, différents selon les traits, des caractéristiques de la situation (le moment de
la journée, la présence d’autres personnes).
L’effet des caractéristiques de la situation varie selon les individus (cf. la notion de
sensibilité différentielle ; Pluess et al., 2013; Whitsett & Shoda, 2014).
→ Deux types de cohérence : comportements individuels et comportements
agrégés.
→ Compatibilité entre variabilité intra-individuelle des états et stabilité des
paramètres de la distribution des états.
L’approche des distributions de probabilité d’états
Exploration de la facette « explicative » (motivationnelle et sociocognitive) des traits
→ Les états (manifestations comportementales des traits de personnalité)
pourraient être les moyens permettant d’atteindre les buts.
Etude de la relation entre buts poursuivis et variabilité des états
d’extraversion (McCabe & Fleeson, 2012)
- Méthode d’échantillonnage des expériences - 47 participants, interrogés 5 fois/jour
pendant 10 jours ; auto-description de l’état d’extraversion, des buts momentanés et
de l’état affectif 1/2h heure plus tôt ;
- Mesure à chaque occasion : a) des buts momentanés (plan en facettes sur le
modèle « Je me comporte intentionnellement (moyen) afin de (but) à un moment
donné »; 3 moyens x 6 buts) ; b) de l’état d’extraversion (2 adjectifs x 6 facettes du
domaine extraversion du Big Five); c) de l’état affectif (10 items de la PANAS).
L’approche des distributions de probabilité d’états
Résultats des analyses multi-niveaux
→ Variabilité intra-individuelle des états d’extraversion beaucoup plus importante
que la variabilité interindividuelle (.81 vs .20).
→ Le but sélectionné est un prédicteur de la variabilité intra-individuelle du score
d’état d’extraversion (agrégé individuellement à chaque occasion) : coefficient
médian de .40.
→ L’introduction des buts, pris ensemble, réduit la variabilité interindividuelle de
.20 à .04 et la variabilité intra-individuelle de .81 à .22.
Buts
momentanés
Etats
d’extraversion
Etats
d’extraversion
Affects
positifs
Buts
momentanés
Affects
positifs
(McCabe & Fleeson, 2012)
L’approche des distributions de probabilité d’états
Exemple de modèle ascendant du façonnage des traits de personnalité
L’intégration de construits et processus :
- intra-individuels (rôle, buts à court terme, état de personnalité, changement de rôle, etc.)
- interindividuels (construits et processus intra- agrégés, traits)
(Heller et al., 2009, p. 172)
Différences individuelles dans les signatures comportementales
Une signature comportementale si…alors… représente la probabilité
conditionnelle d’occurrence d’un comportement donné chez un individu donné
dans différentes situations.
Dimensions et signatures dans le domaine interpersonnel (Fournier et al.,
2008, 2009)
-
113 participants, chaque jour pendant 20 jours ; auto-description du
comportement personnel et de celui du partenaire après chaque situation
d’interaction sociale (6/7 par jour en moyenne). Le modèle de référence est
celui du circomplexe interpersonnel.
-
4 échelles comportementales (dominant, aimable, soumis, hostile), grille
interpersonnelle permettant de construire une taxonomie de 4 situations
interpersonnelles (hostile-dominant, hostile-soumis, amical-dominant et amicalsoumis).
-
Construction de profils individuels de variabilité comportementale à travers les
4 situations réfléchissant les patterns idiographiques de contingences situationcomportement.
Différences individuelles dans les signatures comportementales
1) Organisation idiographique des contingences situation-comportement
Autant de variabilité intra-individuelle qu’interindividuelle (après contrôle des
influences normatives des situations sur le comportement).
2) Structure dimensionnelle des dispositions et des signatures
Convergence relative de la structure intra-individuelle avec la structure du cercle
interpersonnel (idiosyncrasies).
3) Stabilité (bissection) des dispositions et des signatures
Comportements
Dispositions
Signatures
Patterns de variabilité intra-individuelle
au travers des 4 situations
Dominant
0,76
0,24
Aimable
0,77
0,39
Soumis
0,82
0,32
Hostile
0,83
0,52
(D’après Fournier et al., 2008, pp. 539-540)
Différences individuelles dans les signatures comportementales
Les individus diffèrent qualitativement dans la prise en compte des
ingrédients actifs de la situation (Vansteelandt & Van Mechelen, 2006).
Procédure :
16 situations formelles sur la base d’un plan en facettes :
Vous êtes dans une situation dans laquelle vous vivez un événement négatif qui vous affecte [peu,
beaucoup] et dans laquelle [aucune autre personne n’, une personne proche] est impliquée : la
cause de l’événement négatif est [une personne proche, vous-même, personne d’autre] et la
personne qui est la cause de l’événement négatif [a, n’a pas] de contrôle sur l’événement négatif.
« Individualisation » du contenu des 16 situations formelles (décrire pour chaque
situation formelle une situation vécue).
Evaluation des 16 situations concrètes (6 items : sentiment de colère et tristesse,
dépression), N=249.
Analyse typologique : classification hiérarchique simultanée des personnes et des
situations.
Différences individuelles dans les signatures comportementales
Les individus diffèrent qualitativement dans la prise en compte des
ingrédients actifs de la situation (Vansteelandt & Van Mechelen, 2006).
Types de personnes caractérisées par des règles
si (caractéristiques de la situation) – alors (classe de réponse).
(Tableau 1, p. 881)
Différences individuelles dans les signatures comportementales
Les individus diffèrent qualitativement dans la prise en compte des
ingrédients actifs de la situation (Vansteelandt & Van Mechelen, 2006).
Les différences individuelles témoignent d’une sensibilité différentielle aux
caractéristiques saillantes de la situation.
-
Une même situation (formellement) peut provoquer des réponses agressives
ou dépressives.
La méthode appliquée permet d’obtenir, sous forme d’arbres, une hiérarchie des
classes de situations et une hiérarchie des classes de réponses.
-
Les situations négatives sont fonctionnellement équivalentes quand elles sont
semblables par rapport à l’agent et la cause. Elles se distinguent quand
l’agent est soi ou autrui.
-
Les sentiments de colère et de tristesse coexistent souvent. Se sentir
abandonné (réponse anaclitique) va avec réprimer sa colère. Etre déçu par
soi-même (réponse introjective) et ressentir de la colère ne sont pas à la même
classe.
Vers une orientation plus idiographique ?
Idiographique, dans quel sens du terme ?
1. Qui n’est pas vrai pour chaque être humain ou collectif (Windelband
(1894, 1998).
2. Qui poursuit une connaissance nomothétique au travers de la
singularité des phénomènes psychologiques et sociaux (Salvatore &
Valsiner, 2010).
3. Qui inclut des aspects sensibles aux idiosyncrasies (Orom & Cervone,
2009).
4. Qui se situe à un niveau individuel d’analyse intra-individuelle
(Molenaar, 2004).
5. Qui étudie des cas singuliers, chacun conçu comme un système unique
à modéliser (Gennaro et al., 2010).
Peut-on espérer pouvoir intégrer les niveaux inter- et
intra-individuels?
La relation entre les différences interindividuelles et les processus
intra-individuels est une relation de supervénience
- La signification des attributs interindividuels fait référence à des
contingences si…alors…
- Un même niveau sur le trait peut être réalisé de différentes façons par
des individus différents.
- Les différences interindividuelles sont dues à l’influence d’un très
grand nombre de facteurs disparates.
→ Et si Cronbach avait tort (Borsboom et al.,2010).
Peut-on espérer pouvoir comprendre au niveau
interindividuel…
- … les processus sociocognitifs qui interviennent, chez un individu
fabricant de sens, dans le déroulement de ses conduites,
- … les structures de la personnalité, indépendamment de certaines
caractéristiques psychologiques, plus ou moins saillantes selon les
individus, des contextes sociaux.
→ Appel à l’étude de la dynamique et la structure de la personnalité intraindividuelle (Cervone, 2005, 2006).
Si l’ambition est de rendre compte de…
… ce par quoi un individu est une unité dont chaque conduite n’a de
signification que par rapport à ses autres conduites,
la nécessité est double :
- prendre en compte certaines idiosyncrasies (par ex., mesures
individualisées),
- analyser les patterns de variabilité intra-individuelle qui réfèrent au
phénomène étudié.
Plusieurs approches méthodologiques envisageables :
- analyser simultanément les patterns de variabilité inter- et intraindividuelle (par ex., Caldwell, Cervone & Rubin, 2008),
- modéliser, sujet après sujet, le(s) pattern(s) de variabilité intraindividuelle, la généralisation de niveau interindividuel n’intervenant
qu’ensuite (par ex., Molenaar & Valsiner, 2005).
L’individualité humaine,
toujours un problème au 21ème siècle
mais des perspectives !
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