2
Introduction
Depuis quelques années, on entend les producteurs français de tomates râler contre la tomate
marocaine, qui se plaint de la tomate chinoise. On entend les Fabulous Troubadors rire de la Star
Acedemy, qui adore Britney Spears. On entend le pêcheur de sardinesde Marseille qui se plaint des gros
chalutiers, qui se livrent une guerre navale à la concurrence des prix. On entend les paysans sans terre
d’Amérique du Sud protester contre les grands propriétaires terriens, les médecins qui crient la maladie
de l’Afrique, les écologistes qui s’alarment de l’état de la planète, ou encore quelques femmes et
hommes politiques qui refusent le système capitaliste mondial actuel et se posent en militants
altermondialistes. La mondialisation capitaliste est remise en cause par certains, dans tous les corps de
métier, dans chaque domaine de l’activité humaine, qui revendiquent l’élaboration d’un autre monde
avec un système plus juste, plus égalitaire.
«Le triomphe planétaire du capitalisme, bien plus affirmé aujourd’hui qu’il ne l’était au début
de ce siècle (le XXème), est en train de générer diverses manifestations d’un syndrome
idéologique pathologique face auquel tout intellectuel qui a un minimum de conscience
civique n’a d’autre choix que d’opposer la plus ferme résistance ».1
Les seuls que l’on n’entende pas sur le champ de « l’altermondialisation », ce sont les architectes.
L’architecte ne proteste pas, ne manifeste pas, il fait. Il se pose des problèmes d’architecture, et les
questions de mondialisation et d’altermondialisation lui sont quasiment étrangères. Il est alors légitime de
se demander ce qu’elles signifient pour lui, et quel peut-être son rôle pour elles.
Il va s’agir ici de poser la définition de ces réflexions dans le champ de l’architecture, ainsi que dans le
domaine de l’urbanisme, qui lui est intimement lié. Il faut tout d’abord, se rappeler la position de
l’architecte face au pouvoir, son rôle historique dans les sociétés, dans leur organisation, leurs rites. Ce
retour sur l’histoire permet de saisir comment y est lié l’histoire de l’architecture, et comment
l’architecture contemporaine est le reflet du monde contemporain globalisé.
Si dans la mondialisation, l’architecte est mondialiste, il va falloir alors identifier ce que pourrait signifier
son altermondialisation, identifier les différents modes culturels qu’il est capable de véhiculer s’il ne le fait
pas que pour le modèle occidental capitaliste, identifier les contre-modèles et les courants émergeants
de l’architecture contemporaine.
Et puis, il reste tout un pan de l’architecture, sûrement la plus grande partie de la construction mondiale,
qui se passe des architectes. Cette architecture est l’architecture dont ne parle pas l’histoire du monde,
elle a toujours été culturellement identifiable dans les mondes qui l’ont élaborée. Elle est aujourd’hui le
produit direct de la mondialisation, et reflète la position mondialiste, d’une part sur les questions de
conservation d’un patrimoine, et d’autre part sur l’humanité et ses iniquités sociales, comme le révèle la
condition de l’habitat mondial. Ces questions ont déjà leurs débats, et l’émergence du concept de
développement durable peut éclairer l’architecture,et la construction en général,sur sa relation au
monde. On verra ensuite la part des Etats dans ces volontés de régulation de l’action du secteur
économique privé, et pour finir, l’exemple le plus proche, puisqu’il va s’agir de la France, de son cadre
légal pour l’architecture, et de ses capacités de contrôle.
Cette définition de l’altermondialisation en architecture commence évidemment par une définition de
ce qu’est tout d’abord, la mondialisation, et de la place de l’architecte pour elle.
1STEVENS, Bernard, dans : COLLECTIF. Sld : BERQUE, Augustin. NYS, Philippe. « Logique du lieu
et œuvre humaine ». Ed Ousia, 1997. p.10.