Actulabo - Janvier 2013 11
naître un tournant »
une étude qui a coûté 20 M€. Un peu de bon sens !
Si nous avions précocement détecté la dangerosité de
ce produit, pourquoi l’aurions-nous maintenu sur le
marché en cachant ses effets nocifs ? Pour des raisons
mercantiles ? Savez-vous que ce médicament ne re-
présente que 0,7 % des ventes des laboratoires Ser-
vier ? La vérité scientifique, c’est que le Mediator a gé-
néré des effets indésirables discrets, peu détectables
et heureusement rares, qui ne sont intervenus
qu’après une assez longue période de traitement.
Par ailleurs, la prévalence de dysfonctionnements
préalables de valves cardiaques au sein de la popula-
tion traitée par Mediator est forcément plus impor-
tante qu’au sein de la population générale. Cette ca-
ractéristique introduit tout de même un biais
statistique remarquable.
Actu Labo : Pourtant, des médecins et notam-
ment des endocrinologues affirment avoir tiré
la sonnette d’alarme depuis des années ?
Lucy Vincent : Mais où sont les alertes de pharmaco-
vigilance à ce sujet ? C’est impressionnant le nombre
de personnes qui prennent la posture du « on le sa-
vait bien, on vous l’avait bien dit » et qui intervien-
nent après la bataille !
Actu Labo : Ceci vous amène donc à contester
le nombre de victimes citées qui oscille entre
500 et 2 000 ?
Lucy Vincent : Je ne sais absolument pas quel a été
le nombre de décès provoqués par les effets secon-
daires du Médiator. Un, c’est un de trop ! Ce que je
sais, c’est que cette évaluation est fondée sur des
données médico-économiques issues des bases de
données de la Cnam. Ce qui est d’une très grande ori-
ginalité ! Il ne s’agit en aucun cas de données venues
de la pharmacovigilance. Je tiens à signaler que cette
estimation a été réalisée à partir d’une méthodologie
dont nous ignorons tout. A de très nombreuses re-
prises, les laboratoires Servier ont demandé très of-
ficiellement aux dirigeants de la Cnam que soient
communiqués ces chiffres et cette méthodologie.
Sans aucun succès. Pourquoi autant de mystère et
aussi peu de transparence si ces données ne peuvent
souffrir d’aucune contestation ? Récemment, et ce fait
va sans doute constituer un autre rebondissement
majeur, la chambre de l’instruction a demandé à ce
qu’un expert épidémiologique soit désigné – et ceci
a été fait… – afin que les données soient auditées. Je
tiens à souligner que l’avocat de la Cnam a tenté de
faire casser cette décision. Nous sommes, pour notre
part, très impatients de connaître les conclusions de
cet expert.
Actu Labo : Quel a été l’impact du Mediator sur
l’activité commerciale et la réputation du labo-
ratoire
Lucy Vincent : Elle est très difficile à évaluer avec pré-
cision. Ce que je peux vous dire, c’est que notre chif-
fre d’affaires a beaucoup reculé en France cette année
à l’instar de toute l’industrie pharmaceutique tou-
chée par la baisse des prix et les déremboursements
en rafale. En revanche, nous progressons fortement
sur les marchés étrangers qui représentent au-
jourd’hui 92 % de notre volume d’affaires. Par ailleurs,
notre sérieux et notre crédibilité scientifique n’ont
souffert en aucune façon tant en France qu’à l’inter-
national. Je rappelle que depuis deux ans, Servier a si-
gné 16 accords de développement avec des biotechs
et des biopharms.
Propos recueillis par Jean-Christophe Savattier