HypopHospHatémie et FGF23 élevé
Rhumatos • Mars 2015 • vol. 12 • numéro 105 63
au total ont été enlevées : 6 his-
tiocytofibromes et un lipome.
L’analyse du FGF23 sur pièce s’est
révélée négative et le tableau clini-
co-biologique ne s’est pas amélioré.
Le diagnostic de diabète phos-
phaté a donc été retenu et, en
l’absence d’identification de
l’origine de l’hypersécrétion du
FGF23, un traitement sympto-
matique par phosphore per os et
calcitriol per os a été prescrit, ne
permettant qu’une stabilisation
de la phosphatémie autour de
0,5mmol/l sans amélioration sur
les douleurs.
En février 2015, lors d’une revue
de la littérature sur les hypophos-
phatémies, nous découvrons un
article japonais de 1982 rappor-
tant 9 cas d’hypophosphatémies
induites par du fer injectable (1, 2).
Ceci nous évoquant notre pa-
tiente, nous décidons d’arrêter ses
perfusions de fer injectable. Ce
traitement avait été mis en place
avant 2010 dans le cadre d’une
anémie ferriprive secondaire à sa
maladie de Rendu-Osler. Le trai-
tement initial de la patiente était
du fer per os (hydroxysaccharide
ferrique), puis a été remplacé par
du Ferinject® en janvier 2012.
L’évolution de la phosphatémie est
donnée en
figure 2
.
En mars 2015, à 2 mois de l’arrêt
du Ferinject®, les douleurs ont dis-
paru, la marche s’est totalement
normalisée et le phosphate est re-
monté à 0,9 mmol/l. Le principal
problème reste son anémie ferri-
prive qui, pour le moment, est trai-
tée par transfusions itératives et
pour laquelle nous envisageons la
reprise du fer per or sous surveil-
lance étroite de la phosphatémie.
DISCUSSION
Ce cas clinique soulève plusieurs
points importants.
D’abord, la confusion diagnostique
à laquelle peut parfois conduire
une hypophosphatémie. Eective-
ment, lorsque le tableau n’est pas
aussi franc qu’une ostéomalacie,
l’hypophosphatémie peut entraî-
ner une polyalgie avec un examen
clinique pauvre qui peut parfois,
à tort, faire porter le diagnostic de
fibromyalgie ou de spondyloar-
thrite (3, 4).
Par ailleurs, il nous semble im-
portant de souligner la nécessité
de conduire un interrogatoire et
un examen physique précis ainsi
qu’une analyse stricte du bilan
biologique afin de conclure à 1ou
2hypothèses diagnostiques.
Le diabète phosphaté oncogé-
nique est une cause, mais non la
seule, d’hypophosphatémie asso-
ciée à une élévation du FGF23.
Parmi les autres étiologies, un
rachitisme vitaminorésistant lié
à l’X, autosomique dominant ou
autosomique récessif, doit être
évoqué, même chez l’adulte, sur-
tout devant une petite taille. Ces
rachitismes sont liés à une ano-
malie congénitale du FGF23,
soit un excès de production,
soit une résistance de celui-ci à la
protéolyse (5). Comme cause rare,
il faut également, devant des lé-
sions cutanées évocatrices, penser
à un syndrome du nævus linéaire
sébacé (6).
L’hypophosphatémie induite par
le fer injectable est une cause rare
et probablement sous-diagnosti-
quée d’ostéomalacie. La première
description a été rapportée en 1982
(1). Depuis, une vingtaine de cas
ont été décrits. Au début des an-
nées 1980, avant que le FGF23 ne
soit identifié, Okada et al. consta-
taient que cette hypophospha-
témie était bien d’origine rénale
mais non liée à la PTH puisque
celle-ci ainsi que la calcémie
étaient normales (1). En 1994, Sato
et Shiraki ont montré que le com-
plexe associé au fer jouait un rôle
important: le fer chélaté à la chon-
droïtine sulfate n’entraînait pas
de diminution de la réabsorption
tubulaire du phosphate, contrai-
rement à l’hydroxysaccharide
de fer (7). Ils ont également mis
en évidence une diminution de la
0,3
0,4
0,5
0,6
0,7
0,8
0,9
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Phosphatémie
Début Ferinject®
Arrêt Ferinject®
Figure 2 - Évolution de la phosphatémie dans le temps.