Mémoire Master 2 - Samuel Michalik

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MASTER 2 RECHERCHE
INFORMATION, COMMUNICATION, ET MEDIATIONS SOCIO-TECHNIQUES
Appropriation et médiation dans un
dispositif d'enseignement à distance:
Enseigner avec les TICE
Michalik Samuel
sous la direction de :
Bourdin, Sylvie
Octobre 2007
UNIVERSITÉ PAUL SABATIER TOULOUSE III
Département Information-Communication – IUT « A » – 115 D rte de Narbonne – BP 67701– 31077 Toulouse cedex 4
tél. : 05 62 25 81 85 & 81 80 – fax : 05 62 25 81 97 – [email protected] - [email protected]
MASTER 2 RECHERCHE
INFORMATION, COMMUNICATION, ET MEDIATIONS SOCIO-TECHNIQUES
Appropriation et médiation dans un
dispositif d'enseignement à distance:
Enseigner avec les TICE
Michalik Samuel
sous la direction de :
Bourdin, Sylvie
Octobre 2007
UNIVERSITÉ PAUL SABATIER TOULOUSE III
Département Information-Communication – IUT « A » – 115 D rte de Narbonne – BP 67701– 31077 Toulouse cedex 4
tél. : 05 62 25 81 85 & 81 80 – fax : 05 62 25 81 97 – [email protected] - [email protected]
Remerciements:
Mme Bourdin, Mme Mayère, Mme Bazet, les étudiants du M2ICMST
pour leurs conseils, leur confiance et leur soutien moral.
Mes précieux, précieux amis et ma famille, Anaïs et les siens,
qui m'ont aidé et soutenu pour la réalisation de cette étude et le reste.
Les enseignants entretenus, la cellule Médi@TICE,
les organisateurs et participants du colloque MoodleMoot 2006,
pour les précieuses informations offertes et leur intérêt pour ce travail.
A ma grand mère Arlette,
à la vie qui s'en vient,
se construit et s'en va.
4
Table des matières
Introduction............................................................................................................................7
Une approche de la notion de dispositif pour l'étude de l'appropriation des TICE.........10
Partie 1: Appropriation d'un dispositif d'enseignement sous le regard de la notion de
médiation..............................................................................................................................13
Chapitre 1: Évolution des méthodes de l’enseignement et pendants théoriques...........13
Les « programmations » et la théorie behavioriste dans l'enseignement...................13
Évolutions issues de la psychologie cognitive et du socio-constructivisme...............17
Chapitre 2: Médiation et appropriation dans les dispositifs TICE...................................25
Définir l'appropriation...................................................................................................25
De la logique d'usage..............................................................................................27
De la logique de conception....................................................................................29
S'approprier: deux logiques entrelacées................................................................31
S'approprier le savoir dans un dispositif de lecture, d'écriture et de mise en scène.
.................................................................................................................................34
Médiations dans un dispositif TICE.............................................................................35
Une première approche de la médiation.................................................................35
Les quatre médiations.............................................................................................39
Fonctions et attributions de l'enseignant.................................................................41
Le rôle de la relation dans la médiation à distance.................................................43
Relation et pédagogie: mobiliser les concepts de Palo-Alto...................................45
Partie 2: Observation et analyse de l'appropriation d'un dispositif d'enseignement sous le
regard de la médiation.........................................................................................................51
Chapitre 1: Trois cas d'enseignement à distance............................................................53
Un exemple d'appropriation des TICE pour une pédagogie en cours théoriques......53
Un exemple d'appropriation des TICE en cours de langues.......................................57
Un exemple d'appropriation des TICE en cours de création multimédia....................62
Chapitre 2: Appropriation des techniques pédagogiques et étude des interactions.......64
Appropriation des techniques pédagogiques..............................................................65
Le rôle des interactions...............................................................................................67
Appropriation d'un dispositif technologique.................................................................70
Appropriation : affordance et méthode d’enseignement.............................................73
Chapitre 3: Médiation et rôles des enseignants tuteurs..................................................74
5
Rôle social...................................................................................................................75
Rôle de modérateur et d’organisation.........................................................................76
Rôle d’expert...............................................................................................................77
Rôle de facilitateur de l'appropriation technique du dispositif.....................................79
Conclusions Générales........................................................................................................82
Annexes...............................................................................................................................85
Annexe 1: Histoire des Technologies de l'Information – Communication pour
l'Enseignement................................................................................................................86
Annexe 2: TICE :..............................................................................................................89
Annexe 3: Développement des TICE dans l'IUT observé...............................................91
Annexe 4: Une formation.................................................................................................93
Annexe 5: Le portail.........................................................................................................94
Annexe 6: Une séquence en cours d'anglais sur Moodle...............................................99
Annexe 7: guide d'entretien...........................................................................................102
Bibliographie......................................................................................................................104
Ouvrages et articles.......................................................................................................104
Ouvrages et Articles en ligne.........................................................................................106
6
Introduction
L'introduction
progressive
des
Technologies
de
l'Information
et
de
la
Communication1 depuis les années 702 dans les milieux éducatifs, prolongée par le
développement de la micro informatique dans les années 80, puis des réseaux et
d'Internet depuis les année 90 ont marqué des étapes dans le renouvellement des
sciences de l'éducation. La création et le développement de formations à distance,
utilisant les TIC comme moyen de communication privilégié marquent un nouveau pas
dans ce phénomène. La mise à distance de l'enseignement ainsi que sa médiatisation
posent de nouvelles questions, tant dans le champ des sciences de l'éducation que dans
celui des sciences de l'information et de la communication.
Dans le cadre d'un précédant travail portant sur les usages et appropriations du
« chat » par des étudiants à distance3, nous avons mis en évidence que l'enseignement à
distance et l’utilisation des TICE cristallisent des interrogations importantes dans le
domaine de l’éducation:
−
Le passage de l'oral à l'écrit comme médium de transmission pose tout d’abord le
problème de la médiatisation de l’enseignement. Interactions et pédagogie se trouvent
bouleversées par le changement de support et les changements cognitifs que cela
implique pour l’apprenant comme pour l’enseignant par rapport à l’enseignement
traditionnel.
−
Depuis les années 40, les recherches sur l'apprentissage ont mis en évidence et
progressivement pris en compte de nombreux acteurs qui participent de la
transmission. Le cadre relationnel, les dimensions biologiques, psychologiques,
sociales sont des éléments qui ont entraîné des changements par rapport aux
pratiques pédagogiques en général.
−
Ces changements sont actualisés par les questions les questions liées à l'appropriation
des dispositifs techniques dans les formations utilisant les TICE qui sont à prendre en
compte pour considérer les évolutions actuelles de l’enseignement en général, et plus
particulièrement dans le cadre des enseignements à distance que nous observerons
qui partagent l’ensemble de ces considérations.
1 Nous utiliserons couramment l'accronyme TIC tout au long de cette étude.
2 Annexe 1: Histoire des Technologies de l'Information et de la Communication dans l'Enseignement
3 Michalik, S., Usage et appropriation des TICE : le cas des salons de discussion ou chats, UPS, 2006
7
Comment enseigner, à distance, et via un dispositif technologique ? Pour s'en
rendre compte, nous avons choisi de nous positionner dans le champ des sciences de
l'information et de la communication. Nous avons donc établit le postulat suivant:
l'enseignement est une médiation en général et en particulier avec les TICE, qui
mérite d'être étudiée comme communication spécifique, et qui peut être éclairée par
les théories de l'apprentissage et le concept d'appropriation. Ceci est illustré par
l'exemple du chat: en 2006, nous avions mené une étude sur les usages et l'appropriation
des salons de discussion éducatifs par des étudiants4. Au terme de cette étude, nous
avions mis en évidence l'importance majeure de la relation à distance dans
l'enseignement, mise en jeu dans la communication « analogique », comme contexte de la
part de transmission des savoirs et compétences représentée dans la communication
« digitale », selon le cadre d'analyse proposé par les chercheurs de l'école de Palo-Alto.
En conclusion de ce travail, nous nous interrogions sur l'appropriation de l'enseignant
dans un tel cadre. Nous avons cependant choisi d'élargir le cas du chat à l'ensemble du
dispositif technologique mis à disposition pour l'enseignement.
Dans ce contexte, les sciences de l'éducation sont pertinentes pour éclairer la
médiation spécifique à l'enseignement avec les TICE que la prise en compte de 3 facteurs
importants nous amène à étudier selon une approche épistémologiquement positionnée
en sciences de l'information et de la communication:
−
Il s'agit ici d'étudier une communication médiatisée. Ce travail sera guidé par une
volonté d'intégrer l'outil dans l'étude de la communication qui est en jeu, prenant ainsi
en compte la dimension socio-technique au coeur des questionnements centraux de
notre Master.
−
Le questionnement au départ de ce travail raccorde le niveau « macro » en situant les
formations étudiées dans le contexte socio-politique proposé dans l'agenda de
Bologne5,
décrétant
l'autonomie
des
universités6,
la
modularisation
des
enseignements, et l'individualisation des parcours de formation pour une meilleure
adaptation aux contraintes imposées par le monde du travail, et le niveau « micro » en
s'intéressant plus particulièrement aux interactions pédagogiques qui se déroulent
dans ce contexte.
−
Enfin, l'articulation de la médiation, de l'appropriation et des TIC s'inscrit dans la lignée
4 Michalik, S., Usage et appropriation des TICE : le cas des salons de discussion ou chats, UPS, 2006
5 Winkin, Y., La communication n'est pas une marchandise, résister à l'agenda de Bologne, Editions Labor/Editions
espaces de liberté, Bruxelles, 2003
6 Voir aussi annexes 3 et 4.
8
de travaux de recherches en sciences de l'information et de la communication à l'instar
de ceux de Millerand, Peraya ou Winkin sur lesquels nous nous appuierons pour ce
mémoire.
Afin d'étudier cette articulation, nous exposerons le cadrage théorique qui nous
permettra d'éclairer une étude de terrain que nous exposerons dans un second temps. Le
premier point d'entrée que nous développerons sera donc celui des méthodes
d'enseignement mises en pratiques dans le contexte de l'utilisation des TICE en prenant
l'exemple de trois courants qui nous éclairerons sur la place de la médiation dans
l'enseignement avec les TICE.
Un second chapitre sera dédié à la définition des concepts d'appropriation et de
médiation tels qu'ils seront articulés dans cette recherche pour éclairer les usages des
enseignants dans un dispositif TICE analysés dans la seconde partie. Ainsi, nous nous
baserons notamment sur les travaux de De Certeau, Proulx, Jouet, Mallein, Toussaint et
Millerand sur l'appropriation, dont nous dégagerons la tension entre une « logique
d'usage » et une « logique de conception » qui contextualise dans l'usage la construction
du dispositif vécu par les utilisateurs. Nous serons ensuite à même d'analyser en quoi la
médiation, dans le contexte spécifique du monde éducatif, est un facteur primordial de
l'appropriation, en tant que relation permettant l'émergence de sens pour l'individu dans
son contexte social et matériel grâce au travail de Peraya. Les différents aspects de la
médiation, ou les médiations, se retrouvent dans les rôles et attributions de l'enseignant à
distance dans un dispositif TICE. Nous étudierons ensuite plus finement les enjeux de
cette relation particulière au niveau des interactions en mobilisant le cadre d'analyse
proposé par l'école de Palo-Alto. Nous verrons comment les modèles pédagogiques
peuvent être liés à des modèles de l'interaction.
Afin d'analyser comment ces tensions et ces articulations sont mises en œuvre
dans l'usage par les enseignants, nous commencerons notre analyse de terrain proposée
en deuxième partie par l'étude de trois « histoires » d'appropriation d'un même dispositif
TICE par des enseignants. Le choix de matières différentes et de « logiques d'usages »
différentes nous permettra d'analyser dans un second chapitre la friction de l'appropriation
de techniques d'enseignement, des modes d'interactions et de l'appropriation du dispositif
technologique dans le processus global d'appropriation. Nous observerons ensuite
l'influence de ce processus d'appropriation sur les rôles des enseignants dans un dispositif
TICE.
9
Une approche de la notion de dispositif pour l'étude de
l'appropriation des TICE.
Maurice Tardif, chercheur en sciences de l'éducation au CRIFPE, Université Laval et
Joséphine Mukamuera, Université de Sherbrooke, proposent ce rapprochement entre
communication, pédagogie et technologies: ils définissent la pédagogie comme « une
activité sociale et communicationnelle, c'est-à-dire un ensemble d'interactions médiatisées
par des langages et des symboles entre des éducateurs et des éduqués, ensemble plus
ou moins institutionnalisé selon les époques et les sociétés. »7. Si la pédagogie est
« l'ensemble des moyens utilisé par l'enseignant pour parvenir à ses fins dans le cadre
des interactions avec les élèves »8, elle peut être apparentée à une forme de
« technologie de l'interaction »9. Cette « technologie matériellement invisible » englobe les
moyens mis a son service, c'est à dire les techniques matérielles (vidéos, films,
ordinateurs, multimédias, etc.) et les techniques d'enseignement comme l'enseignement
en groupe, le tutorat, l'enseignement programmé, coopératif...
Dans les développements qui vont suivre, nous appellerons dispositif le système
formé par les ressources, techniques et technologies « visibles » ou « invisibles » qui est
mis au service des utilisateurs, ici plus spécifiquement les enseignant, pour enseigner.
Pour Peraya, « un dispositif est une instance, un lieu social d'interaction et de
coopération possédant ses intentions, son fonctionnement matériel et symbolique enfin,
ses modes d'interactions propres. L'économie d'un dispositif – son fonctionnement –
déterminée par les intentions, s'appuie sur l'organisation structurée de moyens matériels,
technologiques,
symboliques
et
relationnels
qui
modélisent,
à
partir
de
leurs
caractéristiques propres, les comportements et les conduites sociales (affectives et
relationnelles), cognitives, communicatives des sujets »10 .
7 Tardif, M., Mukamuera, J., La pédagogie scolaire et les TIC: l'enseignement comme interactions, communication et
pouvoirs, in Les technologies de l'information et de la communication et leur avenir en éducation, Volume XXVII ,
No 2, automne-hiver 1999.
8 Ibid.
9 Ibid, d'après (Cherradi, 1990; Dreeben, 1970; Hasenfeld, 1983; Hasenfeld, 1992; Tardif, 1993; Tardif et Lessard,
1999).
10 Peraya, D., Vers les campus virtuels. Principes et fondements techno-sémio-pragmatiques des dispositifs de
formation virtuels, in : G. Jacquinot-Delaunay , Monnoyer L. (Eds), Le dispositif. Entre usage et concept, Hermès,
n°25, 1999.
10
Cette définition s'applique parfaitement à une communication médiatisée telle que
l'enseignement à distance à travers les TICE. Celle-ci implique l'utilisation de medias.
Dans notre étude, nous nous intéresserons donc au dispositif informatique et à Internet.
La médiatisation de l'enseignement à distance est le « processus de scénarisation des
contenus d’enseignement à travers un artefact technique, un dispositif médiatique . »11
Si cette médiatisation se réfère à la transmission de contenu, elle doit être
complétée par une médiation de ces contenus. Le concept de médiation fait référence à la
composante relationnelle de ce type de communication. L'école de Palo-Alto nous
apprend en effet que toute communication est composée d'un aspect « digital », soit d'un
contenu informatif, et d'un aspect « analogique », soit un contexte relationnel.
Peraya explique cependant que ce découpage est modifié par le fait que la
médiation n'échappe pas aux contraintes du dispositif technique et que la médiation, au
point de vue sémiotique ne prends pas seulement en compte cette composante
relationnelle. Le dispositif, tel que nous l'appréhenderons tout au long de ce mémoire,
prend en compte autant les composantes technologiques que pédagogiques comme un
ensemble de techniques de médiation, et donc comme cadre relationnel.
Les différentes théories de l'enseignement décrites dans la partie suivante, issues
des méthodes d'enseignement en constante recréation par les enseignants mettent
chacune à leur niveau, et de façon de plus en plus prégnante, l'accent sur la nécessité de
l'interaction. Dans un enseignement de type « blended-learning » tel que celui sur lequel
nous effectuerons cette étude, celle-ci est permise par les phases d'enseignement en
présentiel, mais aussi à distance, via les fonctions d'Internet, des mails, de la plate-forme,
et du chat.
Ainsi, l'accent que nous mettons sur des préoccupations communicationelles, telles
que l'étude des processus de médiation des savoirs et compétences, autant que leur
médiatisation, inscrivent cette recherche dans le champ des sciences de l'information et
de la communication. Ce mémoire n'a donc pas la prétention d'être exhaustif pour ce qui
touche aux sciences de l'éducation. Les éléments que nous utiliserons nous servirons
d'éclairage pour étudier l'appropriation par des enseignants des TICE par la description de
modèles pédagogiques qui se dégagent des pratiques des enseignants dont la réflexion
s'organise dans leur domaine et sur le terrain pour effectuer au mieux la transmission des
savoirs et compétences, de façon mélangée, « bricolée », selon les objectifs et la
11 Idem.
11
personnalité des formateurs, mais aussi la perception qu'ils peuvent avoir de la réception
de leur public.
Afin de mieux comprendre les situations pédagogiques auxquelles nous allons être
confrontés durant cette étude, il est nécessaire de poser quelques repères théoriques
autour de l'introduction des TICE12, modèles et outils pédagogiques qui en découlent.
12 Annexes 1 et 2: Contexte du développement des TICE et définition.
12
Partie 1: Appropriation d'un dispositif
d'enseignement sous le regard de la notion de
médiation.
Chapitre 1: Évolution des méthodes de l’enseignement et
pendants théoriques.
Nous décrirons donc dans un premier chapitre une évolution des méthodes et
théories de l'enseignement. Dans cet exposé non-exhaustif, nous avons sélectionné
quelques méthodes qui ont inspiré enseignants et chercheurs pour développer des
applications TICE. L'évolution méthodologique et théorique dont il est question se base sur
le processus progressif d'individualisation de l'enseignement avec la prise en compte des
interactions de l'apprenant avec son environnement, puis celle de « sa cognition » propre,
et enfin de l'importance des aspects sociaux dans le processus d'apprentissage. Nous
faisons ce choix afin de rester tout au long de cet éclairage proche des notions qui seront
la colonne vertébrale de ce travail, c'est à dire les notions de dispositif, de médiation et
d'appropriation dont nous pensons à priori qu'elles sont intimement liées.
Nous commencerons par décrire l'enseignement par « programmation » qui a
donné lieu à certaines des premières méthodes d'enseignement avec des outils
technologiques précurseurs des TICE utilisées aujourd'hui, et basées sur une approche
behavioriste de l'enseignement. Nous verrons ensuite comment la prise en compte de la
psychologie de l'apprenant et de son environnement social à donné lieu à de nouvelles
pratiques, et à de nouveaux dispositifs et à une nouvelle conception de l'apprentissage.
Les « programmations » et la théorie behavioriste dans l'enseignement.
Le behaviorisme, théorisé dès 1913 par l'américain Watson, est issu d'un constat
empirique: toute action est une réponse à un stimulus de l'environnement, et on ne peut
travailler que sur l'observable. Tout fait social est associé à un réseau d'interactions qui
modèlent les partenaires. La pensée est conçue comme une « boîte noire », et la base de
l'observation reste le comportement. Dans les années 1940 et 1950, Burrhus F. Skinner a
étudié la notion de conditionnement opérant et en a défini les paradigmes opérationnels.
Cette théorie s'intéresse à l'apprentissage dont résulte une action, selon les
13
conséquences de celle-ci rendant plus ou mois probables la reproduction du
comportement. Pour cette notion, il s'est basé sur la loi de l'effet de Thorndike, c'est-à-dire
que le comportement est fonction de ses conséquences. L'apprentissage skinnerien
repose sur 2 éléments, soit le renforcement et la punition pouvant chacun être, soit positif
soit négatif. Ces termes doivent être pris dans le sens précis du conditionnement opérant :
•
Renforcement : Conséquence d'un comportement qui rend plus probable que le
comportement soit reproduit de nouveau.
•
Punition : Conséquence d'un comportement qui rend moins probable que le
comportement soit reproduit de nouveau.
Ce courant donne jour à la théorie de l’apprentissage stimulus-réponse, ou
situation-réponse: S------->R. L’enseignement programmé développé en laboratoire par le
psychologue Skinner (1950) et le formateur Crowder (1960) est fondé sur cette théorie. Ils
considèrent
alors
un
nouvel
environnement
offert
à
l’élève,
caractérisé
par
l’individualisation de l’apprentissage, le renforcement positif, la vérification immédiate de
ses résultats, et le traitement des erreurs. En amont, l’enseignement programmé met
l’accent sur la nécessité pour l’enseignant de se fixer des objectifs mesurables. Le principe
est basé sur une accumulation de savoirs linéaires, fixée par le formateur: ce sont les
contenus qui sont au centre de la formation. Cette conception de l'enseignement permet à
Skinner de concevoir des machines vouées à remplacer l'enseignant, en suivant ces
préceptes:
Figure 1: Machine pour l’enseignement de l’orthographe et de l’arithmétique, avec des
glissières, des lettres et des chiffres pour la composition des réponses
14
La figure 1 présente une machine à enseigner respectant la programmation linéaire.
Les réponses sont construites en déplaçant des glissières marquées de chiffres et de
lettres. La machine compare la production avec une réponse codée : « La matière
apparaît dans la fenêtre rectangulaire; elle comporte des lacunes d’une ou de plusieurs
lettres ou chiffres. Lorsque les glissières ont été déplacées pour compléter le matériel
présenté, l’élève tourne une manivelle, comme l’indique le geste de l’enfant photographié
sur cette figure. Si la réponse est correcte, un nouveau fragment de matière prend la
place du précédent et les glissières reviennent à leur position de départ. Si la réponse est
incorrecte, les glissières reviennent à leur position de départ, mais le « cadre » reste
exposé et une nouvelle réponse doit être proposée »
Dans son texte fondateur de 1958, Skinner13 met en avant l’individualisation de
l’enseignement que permet la machine:
« Il
n’est
pas
excessif
de
comparer
la
machine
à
un
précepteur
privé.
1) Il existe, en effet, un échange continuel entre le programme et l’élève. À la différence
des exposés, des manuels et des aides audiovisuelles habituelles, la machine induit une
activité
soutenue.
L’élève
est
sans
cesse
en
éveil,
sans
cesse
occupé.
2) À la manière d’un bon précepteur, la machine insiste pour que chaque point soit
parfaitement compris avant d’aller plus loin. Les cours et les manuels développent la
matière sans s’assurer que l’élève suit, et Dieu sait s’il est fréquemment dépassé.
3) Comme un bon précepteur encore, la machine ne présente que la matière que l’élève
est préparé à aborder. Elle lui demande de faire le pas qu’il est, à un moment donné, le
mieux en mesure de faire.
4) La machine aide l’élève à produire la réponse correcte. Elle y parvient, en partie grâce
à la construction ordonnée du programme, en partie par la mise en œuvre de diverses
techniques d’amorce ou d’allusion, dérivées de l’analyse du comportement verbal.
5) Enfin, la machine, toujours comme le précepteur privé, renforce l’élève pour chaque
réponse correcte, utilisant ce feed-back immédiat non seulement pour modeler
efficacement son comportement, mais pour le maintenir en vigueur, d’une manière que le
profane traduirait en disant que l’on tient l’intérêt de l’élève en éveil. »
Une autre application de ces principes a donné lieu à la « programmation ramifiée »
de Norman Crowder, plus interactive, proposant plusieurs parcours d'apprentissages en
13 Skinner, B. F., The technology of teaching, New York: Appleton Century Crofts, trad. française : La révolution
scientifique de l’enseignement, Bruxelles, Dessart, 1968.
15
fonction des réponses de l'apprenant (explications complémentaires sur des points nonintégrés...). Elle mettait l'accent sur la nécessité de répondre à tout instant, aux besoins de
l'élève ce qui implique une analyse de ses réponses. L'individualisation ne concerne plus,
comme pour la programmation «linéaire », le seul rythme de l'apprenant mais aussi le
contenu : pour une même séquence il existe plusieurs cheminements possibles. Il s'agit
cependant toujours de permettre l'acquisition d'automatismes via des sanctions ou
renforcements.
Ces premiers exemples de machines à enseigner ont contribué à développer
l'utopie de l'enseignement sans enseignant. Les principes de la machine à enseigner de
Skinner ont avec le développement de la micro-informatique donné lieux à de multiples
logiciels de type « exerciseurs » sensés permettre à l'apprenant d'acquérir un savoir de
façon autonome, en interagissant uniquement avec la machine. On peut observer que ce
type de machine ne laisse aucune place à une appropriation des savoirs acquis, et que les
exercices et la progression dépendent uniquement de la programmation de la machine.
L'apprenant quand à lui est placé en mode réactif aux stimulations de la machine.
Le modèle behavioriste à donné lieux à deux types de critiques:
−
l'absence de considérations des stratégies propres de l'apprenant et de son activité
intellectuelle: l'esprit de l'apprenant est considéré comme une « boite noire », ce qui
est vu par les psychanalystes comme un argument rhétorique pour évacuer la question
de l'inconscient et celle du sujet. La pensée Freudienne est assez claire aujourd'hui sur
cet aspect conceptuel, elle est illustrée de la manière la plus visible: il s'agit de la
conversion hystérique. Le corps, quand l'inconscient ne peut ou ne veut s'exprimer par
des mots, se met à prendre la parole et ceci doit s'entendre comme un appel au
secours si l'on veut. Le corps a un discours.
−
Le fait qu'il se limite à l'évaluation de performances et non à l'acquisition de
compétences. J. Pocztar et M. Linard se sont appuyés sur les concepts de
« performance » et de « compétence » développés par Chomsky en 1965 pour
souligner l’ambiguïté de ce type d’enseignement que certains concepteurs de
didacticiels ont reproduit. Avram Noam Chomsky est professeur honoraire de
linguistique au Massachusetts Institute of Technology. Il est considéré comme le
fondateur de la grammaire générative et transformationnelle, qui se distingue par sa
recherche des structures innées du langage naturel, et qui est souvent décrite comme
la contribution la plus importante dans le domaine de la linguistique théorique du
16
XXe siècle. Les deux textes fondateurs de l'école générative sont : Syntactic Structures
(traduit par Structures syntaxiques) en 1957 et Aspects of the Theory of Syntax
(Aspect de la théorie syntaxique) en 1965. Pour lui, la « compétence » correspond à la
réalité mentale considérée inobservable par les behavioristes. La critique de Chomsky
envers la méthodologie de Skinner a posé les jalons de la révolution cognitive,
mouvement de la psychologie américaine des années 1950 à 1970 qui est passée du
comportementalisme à une approche cognitive. Dans son livre de 1966 Cartesian
Linguistics et dans d'autres travaux, Chomsky explique que l'étude des facultés du
langage humain est devenue un modèle pour les études dans d'autres domaines de la
psychologie. La majorité des nouvelles conceptions émises sur le fonctionnement de
l'esprit sont issues d'idées formulées par Chomsky. Parmi celles-ci, trois idées clés :
L'esprit est cognitif, c'est-à-dire qu'il contient des croyances, des doutes, etc. Chomsky
explique que la façon commune de comprendre l'esprit comme ayant des croyances
ou encore des états mentaux non conscients est l'approche à privilégier ; Une grande
partie de ce que l'esprit d'un adulte peut faire est innée. Même si aucun enfant ne naît
avec la capacité de parler directement, tous naissent avec la capacité d'acquisition du
langage qui leur permet d'apprendre le langage rapidement dans leurs premières
années; L'architecture de l'esprit est modulaire. L'esprit est composé d'un ensemble
d'interactions,
de
sous-systèmes
spécialisés
(modules)
avec
un
flot
limité
d'intercommunication.
Évolutions issues
constructivisme.
de
la
psychologie
cognitive
et
du
socio-
Une multiplicité de courants théoriques s'inspirant du champ de la psychologie
cognitive se développent en parallèle aux théories behavioristes entre les années 20 et
80, qui vont s'intéresser aux processus de construction des savoirs, et à la rupture avec la
« boite noire » des behavioristes en développant les postulats suivants: les connaissances
se construisent par une interaction entre les informations extérieures et les processus
cognitifs internes au sujet, l’organisation intellectuelle de la personne (opérations
mentales, schèmes, représentations). L'étudiant est donc considéré comme acteur
producteur de sens, de sa propre vision du monde. Apprendre correspond donc à
l'ajustement de « modèles mentaux » basé sur nos expériences: « On ne connaît un objet
17
qu’en agissant sur lui et en le transformant. »14 Il s'agit d'autre part de rattâcher la
construction de savoirs et compétences à des effets concrets en permettant un transfert
qui autorise la formation d'un point de vue sur la réalité.
Le langage de programmation Logo a été conçu en 1966 dans un laboratoire privé
de Cambridge, le BBN, par Wally Feurzeig et Seymour Papert, mathématiciens américains
travaillant sur l'intelligence artificielle. Logo est un langage complet, conçu spécifiquement
pour l'enseignement: sa syntaxe simple et proche du langage naturel répond à un des
objectifs de Logo qui est la manipulation des mots et des phrases.
En donnant des instructions, Logo permet à l'apprenant de faire évoluer une tortue
mécanique ou virtuelle (sur un écran d'ordinateur) afin de composer des figures
graphiques, faisant de cet outil un langage interactif puisque donnant un feed back
immédiat: le déplacement de la tortue et le dessin du parcours. En Logo, il ne s’agit pas
d’enseigner un contenu mais d’aider les enfants à maîtriser un langage qui leur permet de
réaliser les projets graphiques qu’ils ont eux-même conçus. L’objectif est d’amener l’enfant
à construire ses connaissances sur un mode proactif :c’est l’image de l’enfant bâtisseur de
ses structures intellectuelles. L'apprenant est ici au centre de la formation avec prise en
compte de sa motivation (objet ludique, tortue rassurante...), de ses besoins et désirs (il a
le choix du graphisme à réaliser), de son fonctionnement propre (plusieurs solutions
peuvent amener à la réalisation de ce graphisme)... Le formateur, en donnant des
explications sur sollicitation des apprenants ou en montrant des exemples que l'apprenant
pourra s'approprier pour son propre projet, est mis en position de révélateur dans la
construction des savoirs qui se fait cette fois par véritable interaction entre l'apprenant et
son objet dans un environnement proactif ou le dispositif laisse l'apprenant structurer ses
connaissances. Le langage Logo a été conçu selon les concepts que Papert découvre
avec Jean Piaget, avec qui il travaille à l'université de Genève.
14 Piaget, J., Psychologie et épistémologie, Paris, Gonthiers Denoël, 1970, p.85.
18
Figures 2-3-4: versions mécaniques et virtuelles de la tortue Logo.
L'œuvre imposante de Jean Piaget est tout entière consacrée à un thème : la
genèse de la pensée. Sa vision de l'intelligence humaine est d'inspiration biologique et
évolutionniste. La pensée est une forme d'adaptation de l'organisme au milieu. Elle se
développe par stades successifs. Piaget fut l'un des premiers psychologues à observer le
développement de l'intelligence de l'enfant. Son premier livre, Le Langage et la Pensée
chez l'enfant (1923), marque le début d'une longue série d'études où Piaget va explorer
toutes les facettes de l'intelligence (le nombre, l'espace, l'objet, la logique...) et leur
développement.
La théorie de Piaget s'inscrit dans le champ de la psychologie cognitive. La
psychologie cognitive est une science expérimentale qui privilégie l'observation contrôlée
du comportement humain dans le but de construire des modèles du fonctionnement
19
cognitif. Selon Piaget, l'origine de la pensée humaine ne naît pas de la simple sensation,
elle n'est pas non plus un élément inné. Elle se construit progressivement lorsque
l'individu, et en particulier l'enfant, entre en contact avec le monde. Grâce à ces contacts
répétés l'enfant développe des unités élémentaires de l'activité intellectuelle, appelées
schèmes: Un schème est une entité abstraite qui est l'organisation d'une action (Ex. la
succion). Les schèmes se transforment en devenant plus généraux (succion d'autres
objets), plus nombreux et donc deviennent plus « mobiles ». Ils se combinent dans une
organisation de type moyen-but (ex. le râteau pour prendre un objet). Selon Piaget, les
schèmes sont un ensemble organisé de mouvements (sucer, tirer, pousser ...) ou
d'opérations (sérier, classer, mesurer, ...) dont l'enfant dispose (dans le premier cas), ou
qu'il acquiert et développe par son interaction avec le monde environnant.
L’apprentissage ou la « sophistication » des schèmes opératoires se fait à travers
deux processus complémentaires :
1. L’assimilation qui est une incorporation des informations de l’environnement au
sein de la structure cognitive de l’individu. L’individu ne transforme pas sa structure
cognitive mais y ajoute des éléments provenant de son environnement.
2. Lorsqu'intervient une résistance avec un objet ou une situation de son
environnement, le processus d’accommodation modifie la structure cognitive de
l’individu afin d’y incorporer les nouveaux éléments de l’expérience.
Pour que le mécanisme d’accommodation opère, il faut, dans un premier temps,
qu’une tentative d’assimilation ait lieu afin que les structures cognitives soient déjà
mobilisées. L’assimilation crée une perturbation au sein des structures cognitives que
Piaget nomme « conflit cognitif » qui sont elles-même régulées afin d’arriver à une
nouvelle forme d’équilibre. On considère à ce niveau qu’il y a eu une progression au sein
des stades ou des sous-stades de développement. De même que l'équilibrage, la
maturation physiologique des structures nerveuses, l’expérience acquise sur les objets
environnementaux, les interactions sociales sont autant de facteurs favorisant le
développement de l’intelligence.
L'apport de Piaget consiste dans l'élaboration d'une théorie de l'apprentissage qui
fait une véritable place à l'apprenant en tant qu'individu. En effet, l'élaboration des
schèmes se fait par contact avec l'environnement. La nature, la durée, le contexte de ces
confrontations est unique pour chaque individu, qui va donc construire des schèmes qui lui
sont propres. Les processus d'assimilation et d'accommodation servant à la consolidation
des schèmes « primaires » sont eux aussi propres à chacun: les éléments ajoutés à la
20
structure cognitive des individus provenant d'environnements différents produisent une
accumulation différente. Le transfert au réel décrit dans le processus d'accommodation se
fait de la même façon à partir d'éléments déclencheurs propres à l'expérience de chaque
individu.
Tout un courant de recherche va s’attâcher à poursuivre cette transposition du sujet
dans la réalité, et à donner une dimension sociale au développement cognitif. Avec
l'intégration d'une dimension sociale à l'apprentissage, on passe d'un modèle bipolaire
sujet-environnement à un modèle tripolaire intégrant un médiateur, faisant émerger la
notion de socio-constructivisme.
Le socio-constructivisme s’appuie sur les travaux du psychologue soviétique
L.S.Vygotsky15. Lev Semionovitch Vygotski est un psychologue russe connu pour ses
recherches en psychologie du développement et sa théorie historico-culturelle du
psychisme. Parallèlement aux travaux de Piaget, Vygotski travaille dès les années 20 sur
le développement de l'enfant et critique lui aussi l'approche behavioriste dans La
conscience comme problème de la psychologie du comportement. Vygotski élabore une
théorie des fonctions psychiques supérieures conçue comme une « histoire sociale »:
« les transmissions ne sont pas simplement d'ordre héréditaires mais aussi culturelles ».
Pour Vygotski, l'apprentissage est un processus d'appropriation de systèmes, un
processus d'appropriation d'outils. Il émet la théorie selon laquelle l'intelligence se
développerait grâce à certains outils psychologiques que l'enfant trouverait dans son
environnement et dont le langage serait l'outil fondamental; ainsi l'activité pratique serait
intériorisée en activités mentales de plus en plus complexes grâce aux mots, source de la
formation des concepts. Hors de l'union soviétique, Vygotski a été découvert dans les
années 1960.
Trois concepts régissent l'apprentissage médiatisé: la modifiabilité de la cognition
de l'apprenant, la zone proximale de développement qui décrit l’espace conceptuel entre
ce que l’enfant peut apprendre de lui-même et ce qu'il peut apprendre avec l'aide d’un
adulte. Cet espace est donc tout ce que l’enfant peut maîtriser quand une aide appropriée
lui est donnée. Vygotski pensait que les enfants peuvent réaliser et maîtriser des
problèmes difficiles quand ils sont guidés et aidés par une personne compétente,
généralement un adulte, au cours d’une collaboration. Ainsi, l'éducateur a bien une
fonction de médiation. La construction
en toute autonomie des savoirs, par une
maturation psychologique plus ou moins naturelle de l'apprenant ne peut égaler une
15 Vygotski, L.S., Pensée et langage., Paris, Messidor, 1985, . p.80.
21
construction en collaboration avec un tuteur de compétence supérieure.
Cette fonction de médiation est donc double et assurée par :
−
les instruments de pensée (langage, symbolisation)
−
un formateur ou médiateur qui facilite l’appropriation en régulant le sujet et en le dotant
des instruments nécessaires à son apprentissage (fonctions d’étayage).
Le socio-constructivisme met en avant le fait que le monde social d'un apprenant
inclut les êtres qui affectent directement cette personne, y compris les professeurs, amis,
étudiants, administrateurs, et les participants à toutes formes d'activité . Il faut donc tenir
compte de la nature sociale des processus locaux dans l'apprentissage collaboratif et
dans la discussion d'une collaboration sociale plus large pour un sujet donné, par exemple
la science. Dans ce sens, la théorie socio-constructiviste se rapproche de la théorie
piagetienne: la confrontation à l'environnement provoquant le processus d'accommodation
peut être une confrontation sociale. Ainsi, de la même façon, l'environnement social des
individus leur étant propre, le processus d'appropriation « médié » par les relations
sociales est propre à chacun.
Les notions apportées par le courant socio-constructiviste ont amené les
chercheurs en sciences de l'éducation spécialisés dans les TICE à proposer une nouvelle
modélisation de l'apprentissage. Il s'agit de prendre en compte les besoins biologiques,
l'activité mentale et les conditions de l'activité sociale des individus.
M. Linard16 s'inspire des théories de Leontiev, Bruner et Vygotski pour modéliser
une démarche de conception d'interfaces pédagogiques, et emprunte le modèle actanciel
de Greimas pour parvenir à un modèle générique de l'acte d'apprendre. Dans les années
soixante, Greimas a proposé le modèle actantiel qui est un dispositif permettant, en
principe, d’analyser toute action réelle ou thématisée (en particulier, celles dépeintes dans
les textes littéraires ou les images). Dans le modèle actantiel, une action se laisse
analyser en six composantes, nommées actants. Les six actants sont regroupés en trois
oppositions formant chacune un axe de la description:
- Axe du vouloir (désir): (1) sujet / (2) objet. Le sujet est ce qui est orienté vers un objet.
La relation établie entre le sujet et l’objet s’appelle jonction.
- Axe du pouvoir: (3) adjuvant / (4) opposant. L'adjuvant aide à la réalisation de la jonction
souhaitée entre le sujet et l’objet, l'opposant y nuit
16 Linard, M., Des machines et des hommes : apprendre avec les nouvelles technologies, Paris, L’Harmattan, 1996.
pp.243-246 et p.248.
22
- Axe de la transmission (axe du savoir, selon Greimas): (5) destinateur / (6) destinataire.
Le destinateur est ce qui demande que la jonction entre le sujet et l’objet soit établie. Le
destinataire est celui pour qui la quête est réalisée.
La modélisation de Linard aboutit à une représentation du processus dynamique de
l’acte d’apprendre, perçu comme une activité cyclique dans laquelle sujet et objet
interagissent. M. Linard aboutit à « un parcours canonique de l’action » organisé en sept
phases :
Parcours canonique de l’action proposé par M. Linard17
On peut lire ce schémas de la façon suivante, appliqué a la formation d'un étudiant:
−
L'orientation motivée peut être le choix de travailler pour gagner sa vie (but).
−
La formation d'intention et l'anticipation d'un but sera alors le choix d'un métier.
−
L'élaboration de plans et stratégies permettant de tendre vers ce but sera le choix d'un
parcours de formation, de modules de cours, de spécialisations...
−
La mobilisation des requis opératoires et routines correspondra au travail scolaire de
l'étudiant.
−
La réduction des décalages entre effets attendus et obtenus sera l'accentuation du
travail sur des points particuliers. Comme sur le schéma, ces points sont reliés au
17 L'écran de TIC, "dispositif" d'interaction et d'apprentissage : la conception des interfaces à la lumière des théories
de l'action, http://www.txtnet.com/ote/linard2.htm#p3
23
métier voulu.
−
L'auto-évaluation des résultats consistera à confirmer ou infirmer la correspondance
réelle entre le travail fourni, la satisfaction qu'il peut apporter, ainsi que les besoins et
attentes de l'étudiant.
−
En cas d'auto évaluation négative, le parcours n'est pas perdu, mais l'étudiant peut
reconsidérer son but en bénéficiant de l'apport de cette démarche. L'atteinte du but
provoque une auto-évaluation positive permettant de combler le besoin.
Les éléments théoriques exposés dans ce premier chapitre servent à modéliser, à
tenter d'éclairer des méthodes pédagogiques qui se dégagent des pratiques des
enseignants sur le terrain. On comprend donc que cette réalité ne peut se réduire
intégralement à ces modèles qui ne fournissent que des cadres, des étapes dans la
réflexion qu'un enseignant peut conduire dans le but de mener au mieux ses
enseignements. La réflexion théorique ou l'application de modèles n'est pas toujours un
acte conscient de la part de l'enseignant, qui ne possède pas le recul du théoricien, et ne
peut se référer qu'à ses propres pratiques, aux retours qu'il en obtient (les apprenants
réussissent, apprécient l'enseignement, disent atteindre leurs objectifs...). Ainsi les
enseignants tâtonnent sur le terrain, et s'approprient au fur et à mesure des méthodes
issues d'intuitions et de tests. Il peut exister de bons pédagogues méconnaissant les
modèles et approches théoriques qui en découlent, tandis que leur application ne fera pas
d'un enseignant un bon pédagogue.
La
description
des
processus
d'apprentissage
nous
apprend
que
c'est
l'appropriation de savoirs et surtout d'expériences qui peut amener à l'amélioration des
pratiques. L'enseignant, comme l'apprenant, se trouve dans ce processus perpétuel assez
bien décrit par le schéma de Linard. Ainsi, il ne peut y avoir de modèle ou de théorie
prédominante dans l'enseignement, mais une multiplicité d'appropriations, toutes
personnelles à chaque enseignant qui construit SA propre méthode.
Il sera donc tout aussi important d'être attentif à chacun des aspect des
enseignements observés:
−
on peut procéder lorsque c'est efficace à une méthode répétitive, tenant du
conditionnement.
−
on doit aussi prendre en compte les processus cognitifs internes à l'individu tels que
les mécanismes d'assimilation et d'accommodation par provocation du conflit cognitif.
−
de la même manière il peut être primordial de se préoccuper de l'environnement social
24
de l'apprenant et de le modeler au mieux.
Nous avons vu dans ce premier chapitre que la prise en compte de la psychologie
de l'apprenant, du contexte social à l'apprentissage et de l'introduction d'un dispositif
technologique a entraîné une réflexion sur l'acte d'apprendre, en introduisant le concept
d'appropriation des savoirs et compétences par l'étudiant, et en mettant en avant le rôle de
l'enseignant comme intermédiaire entre l'apprenant et la connaissance à acquerir. Le
chapitre qui va suivre sera dédié à définir les concepts d'appropriation et de médiation,
notamment dans le champ de l'enseignement, et en les replacant dans le contexte d'un
dispositif d'enseignement utilisant les TICE.
Chapitre 2:
TICE.
Médiation et appropriation dans les dispositifs
Pour tenter de comprendre les liens étroits qui se tissent entre l'enseignant,
l'apprenant, le dispositif d'enseignement et la connaissance qui forment un système
éducatif d'un point de vue communicationel, nous avons cherché à appréhender les liens
qui se constituent au sein de ce système. Dans ce but, les théories de l'appropriation et de
la médiation sont des outils que nous pouvons mobiliser: en effet il est ici question de
plusieurs appropriations. Celle d'un dispositif d'enseignement, tant dans ses aspects
technologiques que pédagogiques et l'appropriation des savoirs et compétences dans le
contexte particulier de la mise en œuvre de tels dispositifs. Nous pouvons ensuite montrer
en quoi la médiation est une communication, au sens de relation, qui permet
l'appropriation.
Définir l'appropriation.
La catégorie analytique de l'appropriation remonte aux préoccupations des
chercheurs ayant noyauté les premiers les recherches sur les usages des TIC (Chambat,
1994, Proulx, 1994.) Elle se constitue dans le cadre de la sociologie et consiste alors en
une « orientation idéologique »18 plus qu'en un domaine d'étude constitué. La notion
18 Proulx, S., Penser les usages des technologies de l'information et de la communication aujourd'hui: enjeux –
modèles – tendances, in Lise Vieire et Nathalie Pinède, éds, Enjeux et usages des TIC: aspects sociaux et culturels,
Tome 1, PUB, Bordeaux, 2005, p7-20
25
d'appropriation elle même est historiquement liée à la socio-politique des usages dans les
années 70-80, par extension de la problématique marxiste de l'appropriation des moyens
de production. L'appropriation se constitue dans les courants de l'autonomie sociale
comme un procès à la fois individuel et social. Jouët la problématise ainsi: « l'appropriation
est un procès: elle est acte de se constituer un soi »19.
Proulx précise ainsi la catégorie de l'appropriation comme « le processus
d'intériorisation progressive de compétences techniques et cognitives à l'œuvre chez les
individus et les groupes qui manient quotidiennement les technologies ». Il dégage ensuite
4 conditions à l'appropriation, hormis l'accès au dispositif lui-même:
- la maîtrise technique et cognitive de l'artefact;
- l'intégration significative de l'objet technique dans la pratique quotidienne de l'usager;
- l'ouverture de possibilités de création par l'usage répété de cette technologie;
- à un niveau plus collectif, l'appropriation sociale suppose que les usagers soient
adéquatement représentés dans l'établissement de politiques publiques et en même
temps pris en compte dans les processus d'innovation.
Cette approche de l'appropriation nous permet de distinguer quatre « niveaux » qui
s'entrelacent dans le processus d'appropriation:
- Un premier niveau « technique » fortement lié au dispositif lui même et aux possibilités
qu'il offre.
- Un niveau « cognitif » cette fois plus fortement reliable aux utilisateurs, aux
conséquences du dispositif sur leur manière de penser ce dispositif et ses usages et
réciproquement, aux conséquences des usages des utilisateurs sur le dispositif lui même.
- Un niveau « individuel » dans l'intégration de pratiques nouvelles liées à l'objet
technique.
- Un niveau « social » comme base réflexive sur les relations entre les individus liés par le
dispositif et ses usages.
D'autre part, il nous semble important de relier le processus d'appropriation au
« but » de cette appropriation pour les utilisateurs. Les recherches de Perriault ou
Paquelin20 mettent en évidence les différences observables entre des usages prévus et
des usages effectifs. Millerand, d'après les travaux de Toussaint21 reprend l'exemple du
19 Jouët, J., « Retour critique sur la sociologie des usages », Réseaux, 100, 2000, p.487-521
20 Paquelin, D., Le tutorat: accompagnement de l'actualisation du dispositif in Distance et savoirs volume 2 Énigmes
de la relation pédagogique à distance, Paris, CNED/Lavoisier, 2004, p.159.
21 Mallein, P., Toussaint, Y., "Diffusion, médiation et usages des TIC", dans Culture technique, n°24, 1992.
26
magnétoscope, conçu comme outil de création audiovisuelle et utilisé comme périphérique
de visionage associé au téléviseur, ou du Minitel censé permettre l'accès à des banques
de données puis approprié comme outil ludique, d'échange et de rencontres. Dans le
contexte spécifique de l'enseignement dans un dispositif TICE, nous pouvons donc
apréhender l'appropriation comme un jeu de « logiques » dans lequel l'utilisateur se
plonge et constitue ses propres usages.
De la logique d'usage.
Florence Millerand poursuit la définition d'une approche par l'appropriation en
précisant la situation de ce concept dans un contexte social22:
« À la différence de l'approche de l'innovation centrée sur le moment de la conception des
objets techniques, l'approche de l'appropriation situe ses analyses sur le plan de leur mise
en œuvre ou "mise en usage" dans la vie sociale. Par ailleurs, contrairement à l'approche
de la diffusion qui s'attâche à l'étude du processus de diffusion des technologies à travers
l'évolution d'un taux d'adoption, l'étude des usages dans les termes de l'appropriation
sociale des technologies renvoie à l'analyse de leur formation du "point de vue" des
usagers. »23
Jacques Perriault expose que les premiers utilisateurs d'un dispositif technologique,
face aux modes d'emplois prescrits par leurs concepteurs, proposent « des déviances,
des variantes, des détournements et des arpèges »24. A travers l'étude de ces déviances,
ces « pratiques qui sont autre chose que des erreurs de manipulation, et qui
correspondent à des intentions, voire à des préméditations », il a développé sa thèse sur
la « logique de l'usage ». Selon Perriault, « il y a de grandes convergences dans les
formes d'usage, de grands regroupements, ce qui permet de supposer l'existence d'un
modèle identique du fonctionnement chez les divers utilisateurs »25. En reprenant les
propos de Simondon sur les rapports entre magie et technique, il différencie plusieurs
alternatives dans l'usage: « certains appareils se trouvent cantonnés dans des pratiques
magiques, alors que d'autres en sont au stade instrumental, sans compter ceux qui ont été
22 Millerand, F., Usage des NTIC: les approches de la diffusion, de l'innovation et de l'appropriation (2e partie),
http://commposite.org/v1/99.1/articles/ntic_2.htm
23 Ibid.
24 Perriault, J., La logique de l’usage. Essai sur les machines à communiquer., Paris, Flammarion, 1989, p. 14.
25 Idem, p.203.
27
définitivement rejetés »26.
Didier Paquelin27 définit quand à lui 4 états du dispositif dans la conception de
l'apprenant dans le processus d'appropriation:
•
L'état
perçu est construit sur la représentation que construit l'utilisateur du
dispositif, de la tâche, et des besoins. Cet état conditionne l'action sur le dispositif
et l'acceptation de l'état prescrit.
•
Un état prescrit, qui est l'état dans l'esprit des concepteurs. Le dispositif propose
une intention d'usage.
•
L'état prévu est la projection que fait l'utilisateur de l'organisation, du processus
dans lequel il est engagé, du dispositif et des actions possibles tant au niveau
spacio-temporel que relationnel.
•
L'état vécu quand à lui consiste en la partie du dispositif qui est réellement utilisée.
Par actualisation de l'état prescrit au regard des autres états chez les utilisateurs du
dispositif, celui-ci fait l'objet d'une réévaluation des besoins par rapport à l'offre.
Ceci est particulièrement vrai quand les acteurs sont multiples sur un même
dispositif, car on a affaire à autant d'états perçus que d'utilisateurs.
La construction de l'état perçu est contextualisée par le dispositif qui possède un
certain degré de liberté d'action, mais aussi des points inamovibles. De la même manière
l'enseignant dispose d'un « déjà-là », d'une expérience, qui agit comme structure d'accueil
de nouvelles connaissances ou schèmes d'appropriation.
C'est le pouvoir de choisir doublé de la capacité à reconnaître une ressource
adaptée qui permet à l'enseignant de se forger son propre dispositif d'enseignement.
Les dispositifs offerts par les nouvelles technologies se veulent particulièrement
flexibles de manière à offrir à l'apprenant une base de ressources mais aussi des aires de
discussion qui permettent la formation du choix. Les forums et de manière encore plus
flagrante les chats et les conférences à distance, proposent un moyen de partager une
discussion suivie entre tous les utilisateurs. Le mode asynchrone utilisé par les forums
propose moins de réactivité que les chats ou l'audio/visioconférence qui se déroulent de
façon synchrone. C'est ici que le rôle du tuteur en interaction avec les apprenants permet
de construire un état perçu du dispositif commun, qui permet lui même d'optimiser l'état
26 Idem, p.203.
27 Paquelin, D., Le tutorat: accompagnement de l'actualisation du dispositif in Distance et savoirs volume 2 Énigmes
de la relation pédagogique à distance, Paris, CNED/Lavoisier, 2004, p.159.
28
vécu du groupe.
Ce travail propose d'appliquer une approche de l'appropriation à l'étude d'un
dispositif composé de « techniques » pédagogiques et de technologies de l'informationcommunication appliquées à l'enseignement et plus particulièrement à distance. La
« logique » surplombant à l'usage des dispositifs technologiques mis en œuvre pour une
telle forme d'enseignement sera pour tous les enseignants auquels nous avons été
confrontés de transmettre des savoirs et des compétences aux étudiants. Cependant,
nous observerons que selon les orientations pédagogiques intégrées au dispositif global et
l'appropriation par les enseignants est très différente d'un cas à l'autre.
De la logique de conception.
D'autre part, la tension sous-jacente à la catégorisation apportée par Perriault ou
Paquelin entre « logique de conception » et « logique d'usage » est renforcée lorsqu'on
envisage les niveaux techniques et cognitifs de l'appropriation, qui sont sans cesse
entrelacés: Florence Millerand, chercheuse en sciences de la communication, propose
une définition de l'appropriation au sujet des TIC, centrée sur les usages, que nous
utiliserons ici: « s’approprier, c’est précisément choisir parmi un ensemble de possibles
pour se réinventer son courrier électronique, ce qui sous-entend une démarche (plus ou
moins consciente) d’appropriation chez les usagers. »28 Cette définition souligne plusieurs
points importants qui peuvent être appliqués dans le contexte de cette étude:
un
ensemble de possibles met en avant la question de l'usage induit par le dispositif, la
réinvention réfère à un processus cognitif, quand à la démarche, elle renvoie a un
processus où l'usager est au centre du processus et actif.
Au sujet de cette démarche active, la sociologie des usages exprime vis a vis des
TIC l'avènement d'« une nouvelle posture de relation aux outils de communication »29.
Millerand constate à travers ses études sur l'appropriation du courrier électronique que
les TIC requièrent la présence continue et « active » de l’usager pour fonctionner, à la
différence d’autres dispositifs comme la télévision, la radio ou le magnétoscope. »30
Le fonctionnement de ces outils est en effet basé sur une « interactivité » de
28 Millerand, F. , La dimension cognitive de l’appropriation des artefacts communicationnels. In F. Jauréguiberry & S.
Proulx (Eds), Internet : nouvel espace citoyen, Paris, L'Harmattan, 2002, pp. 181-203.
29 Jouët, J., « Pratiques de communication et figures de la médiation », Réseaux, n°60, 1993, p. 117.
30 Millerand, op. Cit.
29
l'humain utilisateur et du dispositif technique. Celle-ci est assurée au travers d'un code, qui
se traduit « par une logique de fonctionnement spécifique, basée sur des principes
logiques (même si dans certains cas, cette logique peut paraître quelque peu
déroutante...). »31 Si nombre de ces dispositifs a un fonctionnement simple, qui peut être
saisi d'un regard ou grâce à une brève explication, la complexité des ordinateurs «
implique en réalité un véritable apprentissage de la part de l’usager , un apprentissage qui
(...) passe par l’acquisition des rudiments d’un langage d’interaction en termes de
séquences d’actions et de réponses – un langage par ailleurs relativement formalisé. »32
Mais cette acquisition de savoirs formels s'avère limitée, l’appropriation de l’ordinateur
passait par l’acquisition d’un minimum de connaissances, de savoirs et savoir-faire reliés à
la technique informatique. Plus que cela, c'est l'utilisation qui est primordiale, et qui amène
à une réelle acculturation au modèle informatique: « L’usage (...) des nouvelles
technologies relève essentiellement d’une démarche empirique qui comporte de facto une
dimension de cognition qui passe par une familiarisation avec les procédures imposées
par la machine et une acculturation sommaire à la logique algorithmique »33.
D'autre part si les usages s'insèrent dans un contexte social, il s'agit aussi de
recontextualiser l'apprentissage des savoirs et compétences acquises. Ainsi, nous
pouvons généraliser aux TICE cette conclusion de F. Millerand: « Le processus
d’appropriation du courrier électronique se traduirait donc d’une part par l’apprentissage
du mode opératoire de l’artefact qui passe nécessairement par le développement de
quelques habiletés d’ordre technique pour pouvoir le manipuler et d’autre part, par
l’acquisition de compétences proprement sociales et communicationnelles, pour pouvoir
en faire usage. »34
Ainsi, Millerand explique comment l'objet technique influe doublement sur
l'utilisateur. D'une part,
ses caractéristiques physiques intrinsèques permettent ou ne
permettent pas certains usages: c'est le concept d'affordance. D'autre part, en tant
qu'artefact cognitif, il participe à l'activité cognitive qui sert de cadre à l'appropriation et aux
usages. De plus, il impose des contraintes de nature logique et culturelle. Ces conventions
incorporées par le dispositif contribuent à encourager ou interdire certains usages.35
Le nouvel utilisateur d'un dispositif acquiert « dans l’usage » les compétences
(techniques, sociales, communicationnelles…) nécessaires à son usage, et effectue « des
31 Millerand, op. Cit.
32 Ibid.
33 Jouët, J., « Relecture de la société de l’information », in Chambat, P., (éd.), Communication et lien social. Usages
des machines à communiquer, Paris, Descartes, 1992, p. 186.
34 Millerand, op. Cit.
35 Ibid.
30
ajustements à la fois à l’artefact technique et à la situation de communication
médiatisée. »36 Michel de Fornel, sociolinguiste, et enseignant à l'école des hautes études
en sciences sociales, explique qu'il se forme une « solidarité » entre le dispositif et
l'usager, liée à ces ajustements et au contexte de l'utilisation de ce dispositif.37 Ainsi, le
processus d'appropriation doit être appréhendé en tant « qu’activité » de choix et de
redéfinition des fonctionnalités du dispositif qui donne un sens à son usage. Millerand
parles d'une « construction de l’usage dans la relation de l’usager avec le dispositif, qui
passe nécessairement par l’étape de l’expérimentation physique et concrète du
dispositif. »38
S'approprier: deux logiques entrelacées.
Plusieurs recherches ont souligné les modifications que les utilisateurs peuvent
effectuer sur des dispositifs technologiques pour faire prévaloir un usage conforme a ce
qu'ils souhaitent, et déborder ainsi les usages prescrits et affordances de tels dispositifs.
Akrich39 s'interroge sur les conséquences de la tension entre « logique d'usage » et
« logique de conception »en dégageant quatre cas de figures:

Déplacement
: l’utilisateur modifie le spectre des usages sans introduire de
modifications majeures dans le dispositif technique.

Adaptation
: l’utilisateur modifie le dispositif pour l’ajuster à son usage sans
changer la fonction originelle de l’objet.

Extension : on ajoute des éléments au dispositif permettant d’enrichir la liste des
fonctions.

Détournement : l’utilisateur se sert du dispositif pour un propos qui n’a rien à voir
avec les usages prévus.
De la même manière, Mallein et Toussaint se proposent d'analyser les différents
modes d'appropriation des objets techniques. Ils distinguent deux grands types de
rationalité à l'œuvre dans la construction de l'offre, qui témoignent d'une problématisation
centrée sur les usages: une « rationalité de la cohérence socio-technique » et une
« rationalité de la performance techniciste ». La première considère que « le nouveau
36 Millerand, op. Cit.
37 De Fornel, M., « Alors tu me vois ? Objet technique et cadre interactionnel dans la pratique visiophonique »,
Culture technique, n° 24, 1992, pp. 113-120.
38 Millerand, op. Cit.
39 Akrich, M., « Les utilisateurs, acteurs de l’innovation » , Education permanente, n° 134 , 1998.
31
dispositif et les produits/services qui lui sont associés doivent trouver leur place dans tout
cet
ensemble
social,
culturel,
technique,
organisationnel,
familial,
relationnel
[préexistant] »40; autrement dit, une « alliance » avec la demande est recherchée. La
deuxième en revanche – la rationalité de la performance techniciste - considère l'alliance
établie à partir du moment où il est fait table rase de l'existant: « [...] on désigne aux
usagers les places qu'ils vont occuper, les pratiques nouvelles qu'ils vont développer et les
représentations idéales auxquelles ils doivent tendre. »41; cette deuxième forme de
rationalité relève d'un coup de force, qui tente d'allier les usagers au projet de l'offre. Il
s'agit du « discours enchanté » sur les technologies présent dans de nombreux écrits
promotionnels ou journalistiques.
Sur les bases de ces deux types de rationalité, les auteurs distinguent quatre
groupes de concepts: banalisation contre idéalisation, hybridation contre substitution. Les
processus de banalisation et d'hybridation, relevant de la « rationalité de la cohérence
socio-technique », font état d'une vision « modeste » de la technique selon les auteurs. Il
s'agit d'intégrer au quotidien les nouveaux outils en greffant leurs usages aux usages
préexistants et dépendant d'outils appropriés et en valorisant l'utilité pratique de l'objet. A
l'inverse,
les
processus
d'idéalisation
et
de
substitution
relèvent
d'une
vision
« prométhéenne » de la technologie et d'une « rationalité de la performance techniciste ».
L'objet nouveau est considéré comme une distinction sociale un progrès immédiat, et son
introduction est présentée comme une « révolution ». De ces distinctions se dégagent la
formation d'une identité « active » dans un cas, ou l'usager invente son identité par rapport
à l'objet et à une identité « passive » d'autre part, où l'identité de l'usager est intrinsèque à
l'outil, ne laissant d'autre choix que d'accepter ou refuser l'outil.
La confrontation de ces catégorisation montrent des similitudes permettant
d'éclairer l'appropriation d'un objet technique au regard des « logiques » et « rationalités »
décrites et qui nous permettent d'envisager la perspective centrée sur l'usager, ici les
enseignants, qui est le centre de ce travail. Le processus de « déplacement » est à
rapprocher de la « substitution », et tient d'une forme d' « idéalisation » de l'objet
technique qui s'inscrit dans une identité « passive » qui nous semble presque inexorable
lorsque l'utilisateur se sent « dépassé » par la technique ou ne fait pas l'effort d'avoir une
attitude réflexive par rapport à l'objet technique et succombe donc à la « rationalité de la
performance techniciste » et à la « logique de conception ». Les trois autres processus
40 Mallein, P., Toussaint, Y., "L'intégration sociale des TIC : une sociologie des usage", Technologie de l'information et
société,1994, p.319
41 Ibid, p. 320
32
d'appropriation décrits par Akrich, « adaptation », « extension » et « détournement »,
relèvent à l'inverse d'une attitude active et réflexive par rapport à l'objet technique centrée
sur les objectifs propres de l'usager. Ces processus s'inscrivent plutôt dans la conception
d'une « hybridation » des objets techniques tendant vers leur « banalisation », et prenant
donc part à une « rationalité de la cohérence socio-technique » qui se rapproche d'une
« logique d'usage ».
Le concept de dispositif que nous avons décrit et adopté dans l'introduction de ce
mémoire, comme système composé à la fois de composantes techniques et de
composantes pédagogiques en tant qu'ensemble de techniques d'enseignement,
n'échappe pas à cette tension des « logiques » et « rationalités ». En effet, Martin
Dougiamas, concepteur de la plate-forme éducative Moodle, utilisée par les enseignants
dont les pratiques seront étudiées dans le cadre de ce mémoire, décrit ce dispositif
technologique comme issu d'une philosophie de l'enseignement socio-constructiviste, et
favorable aux techniques pédagogiques auxquelles cette conception de l'enseignement
est rattachée. Ce discours sur la technique, très en phase avec les recherches les plus
récentes sur les TICE dans le champ des sciences de l'éducation (bien que remontant aux
années 20, les théories de Vygotski considérées comme fondatrices du socioconstructivisme sont étudiées et exploitées hors de l'Union Soviétique seulement dans les
années 60!), nous paraît tendre vers l'imposition d'une « logique de conception » visant à
« l'idéalisation » et à la « substitution » des objets technologiques et techniques
pédagogiques liées à cette théorie de l'enseignement. Cependant, les entretiens réalisés
montrent de réelles tensions « dans l'action » entre les objectifs sur le terrain des
enseignants, ceux prônés par cette « logique de conception » et des pratiques tenant
réellement d'une « logique d'usage » et d'une « rationalité de la cohérence sociotechnique » qui interfère avec des réalités sociales et des modes relationnels.
L'appréhension de l'appropriation sous le regard du travail de ces « logiques
entrelacées peut d'une certaine manière être généralisée à l'appropriation d'éléments
culturels. En effet, une étudiant lisant un livre ne saisit pas le texte dans le même esprit
que celui dans lequel il à été écrit. Le travail de Michel de Certeau sur la lecture nous
semble particulièrement pertinent dans le contexte d'un enseignement à distance qui fait
une nouvelle place à l'écrit par rapport à l'enseignement traditionnel.
33
S'approprier le savoir dans un dispositif de lecture, d'écriture et de mise en scène.
Les éléments culturels ne sont pas assimilés tels quels mais réinventés, appropriés
par le « consommateur ». Ce qui reste en lui résulte d'une production, c'est ce qu'il
fabrique en lui à partir des éléments à disposition. En s'intéressant à la lecture, que ce soit
de textes, d'images, de sons, Michel de Certeau décrit l'appropriation d'éléments culturels
par le lecteur de façon active, inventive, et non passive. Lire est en soi un acte de
production, un art actif. C'est un acte d' «invention » de mémoire, les mots deviennent
dans l'esprit du lecteur des histoires mémorables, comme moyens mnémotechniques de
joindre des éléments isolés.42 Dans notre étude, un cours devient un capital, sur lequel les
étudiants utilisateurs réalisent des opérations. La lecture est un « braconnage », il s'agit
d'une pérégrination dans un système imposé (texte, image, musique...). Le lecteur crée un
lectio, une production qui lui est propre, en combinant les fragments issus de SA lecture et
de SA culture, et invente autre chose que l'intention initiale du texte. « Toute lecture
modifie son objet », « Le livre est un effet (une construction) du lecteur »43. Le texte peut
être décomposé en deux éléments: un espace lisible, une littéralité, qui serait en fait le
support, et une démarche nécessaire à l'effectuation de l'œuvre, une lecture, propre à
chacun. L'un n'est rien sans l'autre et vice-versa: un texte non lu ne transmet rien, on ne
peut lire sans support. La proximité entre lecture et intention du texte dépend fortement du
contexte de la lecture: l'écrivain, qui lui même produit un reçu, une lecture, fait son propre
assemblage d'éléments culturels, avec ceux dont il dispose. Il est théoriquement
impossible qu'une autre personne, disposant d'autres éléments, en réalisant son propre
assemblage, produise la même lecture. La somme d'éléments concomitants, et la
ressemblance dans la structure d'assemblage fait la proximité entre la lecture/écriture de
l'écrivain et la lecture/consommation du lecteur. C'est l'institution sociale qui surdétermine
la relation avec le texte44. Il existe ainsi une lecture « conforme », orthodoxe, et des
lectures parallèles, issues d'une culture différente. « La lecture est un « bricolage », un
arrangement fait avec les « moyens du bord », une production « sans rapport à un
projet », et réajustant « les résidus de construction et de destruction antérieure. »45
Les supports de cours, les télétutorats par chat, la communication par emails
forment pour les étudiants un corpus de supports écrits. Ainsi, on peut véritablement
parler d'une composition de savoirs faites par les étudiants par le même processus de
42
43
44
45
De Certeau, M., L'invention du quotidien, 1. arts de faire, Gallimard, 1990, p. XLIX
Charles, M., Rhétorique de la lecture, Paris, Seuil, 1977, p. 83.
Kuentz, P., « Le tête à texte » in Esprit, décembre 1974, p.946-962
Lévi-Strauss, C., La Pensée sauvage, Plon, 1962, p. 3-47.
34
braconnage, d'appropriation que décrit précédemment. Et de la même manière, tout un
cadre social est nécessaire à l'interprétation de ces données.
Ceci implique plusieurs problématiques du point de vue de l'enseignant / tuteur:
−
comment gérer le «braconnage» des étudiants ? Un programme, un enseignement suit
une logique pédagogique. La multiplication des sources d'information, parfois peu
valables scientifiquement, des étudiants ne permet pas de savoir « ce que les
étudiants savent », ou s'ils sont sur de bonnes pistes pour acquérir les savoirs requis,
au risque qu'ils perdent de vue la logique de l'enseignement.
−
Ces sources, ainsi que les apports de l'enseignant, sont soumis au même processus
d'appropriation. Il s'agit pour l'enseignant / tuteur de proposer des points de vue, des
points particuliers, d'éclairer les « lectures » des étudiants pour faciliter l'appropriation
des enseignements dans les « bonnes » directions.
Médiations dans un dispositif TICE.
Faciliter l'appropriation, des savoirs et compétences, comme d'un dispositif
d'enseignement porteur pour l'étudiant de conséquences sur les aspects qui seront
développés en lui dans le système éducatif, lui permettre de devenir autonome, favoriser
la logique d'usage en permettant aussi un regard en surplomb, ces directions qui peuvent
être prises dans la constitution d'un enseignement nous ont amenés à nous intéresser à la
notion de médiation. Après une première approche tentant de définir ce concept, nous
verrons en quoi il nous est possible de resserrer les liens entre la notion de médiation et
celle que nous avons adopté de l'appropriation et du dispositif en parlant des médiations
qui trouvent leur place dans un dispositif comprenant les TICE tels que celui que nous
nous proposons d'étudier. Nous éclaircirons ensuite grâce aux concepts de l'école de
Palo-Alto les aspects relationnels qui éclairent la médiation en tant que relation et ainsi
l'importance de la relation dans l'appropriation.
Une première approche de la médiation.
Le dictionnaire Grand Robert Électronique définit ainsi le mot médiation :
1. (1561). Entremise destinée à mettre d’accord, à concilier ou à réconcilier des
personnes, des partis... – Arbitrage, conciliation, entremise, intermédiaire, intervention.
35
2. Par ext. (Didact.). Le fait de servir d’intermédiaire ; ce qui sert d’intermédiaire. - Philos.
Processus créateur par lequel on passe d’un terme initial à un terme final (dans la
dialectique de Hegel, de Marx...).
Le terme est utilisé dans le champ juridique pour désigner l'intervention d'un tiers
dans les différents de toutes nature entre deux parties, impliquant de la part de ce tiers
neutralité, indépendance et impartialité. Son objectif est de rétablir une communication
entre les parties en conflit, au sens habermassien du terme, c'est à dire une discussion
libre, égalitaire et tendue vers le consensus, plutôt que d'avoir recours à des solutions
impliquant un rapport de force, ou une décision rendue par un arbitrage contraignant.
Cette vision de la médiation comme communication permettant de faire émerger
une solution au sein d'une relation est présente dans la culture de la Grèce antique, avec
le courant philosophique visant à faire réfléchir les personnes sur leurs relations aux
autres et, conséquemment à soi-même. La maïeutique instrumentait cette recherche. La
maïeutique consiste, selon les croyances de cette époque et dans cette tradition, à faire
accoucher les esprits de leurs connaissances accumulées dans des vies antérieures. Elle
est destinée à faire s'exprimer un savoir caché en soi, alors que l'ironie vise à faire
identifier par l'interlocuteur une ignorance non identifiée. L'ironie s'adresse aux personnes
qui prétendent savoir alors qu'elles sont dans l'ignorance ; la maïeutique est appliquée aux
personnes qui ignorent qu'elles savent.
Le terme de maïeutique, laïcisé, englobe généralement les techniques de
questionnement visant à permettre à une personne une mise en mots de ce qu'elle a du
mal à exprimer, ressentir, ou ce dont elle a du mal à prendre conscience (émotions, désirs,
envies, motivation...). Il est ainsi utilisé en lien avec les techniques empathiques
développées par Carl Rogers, centrées sur l'affect (écoute active ou écoute bienveillante)
ou les techniques de médiation. L'outil maïeutique avait pour objectif de permettre à une
personne d'exprimer ses connaissances en soi - en l'occurrence qui auraient été acquises
dans des vies antérieures. Le philosophe mettait en pratique ce savoir-faire pour qu'une
personne puisse réfléchir et exprimer le meilleur d'elle-même. Cette pratique visait à
développer la responsabilité personnelle, par la maîtrise des passions, et à faire réfléchir
chacun sur ses relations maître-esclave de soi et avec les autres (cf. La République, Livre
IV, Platon).
Ainsi, le philosophe accompagnait une réflexion, permettait à une personne de se
36
positionner, de faire les choix avec lesquels elle allait pouvoir s'auto-déterminer, en visant
le passage à l'acte. L'enseignement qui était ainsi dispensé par les rhétoriciens devenait
antagoniste avec celui des sophistes qui se contentaient de la relation d'efficacité des
techniques de communication (avec leurs applications notamment dans les procès), moins
la dimension de ce que nous appelons aujourd'hui le développement personnel, soit la
contribution pédagogique de l'acte médiateur du philosophe.
Le rapprochement de ces deux concepts, médiation juridique et maïeutique,
permettent d'approcher une définition de la médiation dans le domaine éducatif:
Pour Avanzini, la médiation c’est « l’action de celui qui, lors d’un conflit, s’efforce de le
résoudre en rapprochant ou en conciliant les points de vue des adversaires ou qui met en
relation des personnes étrangères l’une à l’autre »46. Aumont et Mesnier définissent ainsi
ce qu’ils appellent le « sens commun » de médiateur : « [...] le médiateur est celui qui
favorise la « négociation » dans un conflit tel que peut le vivre tout apprenant dans une
relation parfois difficile à un objet de savoir qui lui résiste et le malmène »47.
La médiation est donc à interpréter comme une relation. D'autre part, ce « concept
de médiation pose et risque aussi la problématique des actes de parole qui font sens dans
le projet de formation du sujet », comme l'écrit Jean Caune dans Pour une éthique de la
médiation48. Dans ce livre, il s'attâche particulièrement à la question de la construction de
sens dans des pratiques de médiation culturelle ; il y montre que la spécificité de la
médiation culturelle tient à ce qu'elle « est donnée par le fait qu'elle permet à un sujet
d'entrer en relation avec d'autres par le biais d'une expression qui lui donne une place
dans une communauté. » 49
Jean-Jacques Morne précise que ce sont les situations proposées qui constituent
un terrain d'implication dans lesquels les formateurs jouent un rôle de médiation : il s'agit
de caractériser l'action spécifique du pédagogue dans ce qu'il fait « des situations où il agit
pour une autonomie émancipatrice de celui dont il a la charge », en opposition aux limites
des modèles pédagogiques plus traditionnels « qui privilégient une logique de la
conservation, du renforcement ou de l'adaptation à un état de fait ». La pédagogie devient
« un art au service de la vie » où les relations qui se développent entre les personnes se
font sur le terrain même des opérations et des interventions du pédagogue ; celui-ci doit
se donner les conditions pratiques et méthodologiques pour libérer les énergies de
46 Avanzini, Médiation éducative et éducabilité cognitive, 1996, p. 14.
47 Aumont, B., Mesnier, P.M., L'acte d'apprendre, PUF , Paris, 1992
48 Caune, J., cité par Sérandour, F., Parler, lire, écrire L'invention des écritures en terrains français, portugais et
marocain , 2005, http://pierre.campion2.free.fr/serandour1.htm#_ftn90
37
création, pour promouvoir les capacités à « s'autoriser à faire un pas de côté ».50 De ce
point de vue, la médiation devient donc une posture pédagogique qui favoriserait, par la
mise en place d'un contexte et d'une relation, le développement de l'autonomie de
l'apprenant.
Ces différentes considérations autour de la définition du concept de médiation dans
un contexte pédagogiques nous permettent de relier la médiation aux autres objets
centraux de cette étude que sont le dispositif et l'appropriation. En effet, le dispositif dont il
est question ici, pris comme ensemble de technologies de communication (TICE) et de
techniques de communication (méthodes pédagogiques), est un cadre à la médiation mais
aussi un élément médiateur à part entière. D'autre part, nous pouvons considérer que la
médiation, visant à développer l'autonomie de l'apprenant et participant d'une relation
sociale entre apprenant, médiateur et objet « connaissance » est au centre du processus
d'appropriation, qui, comme nous l'avons vu précédemment, se révèle dans un contexte
social, par les usages et les interactions sociales autour de l'objet.
La mise à distance de la formation et le choix de l'utilisation des TICE comme
« canaux » de communication, le passage de l'oral à l'écrit comme support privilégié de
l'enseignement, l'individualisation de l'enseignement comme concept important dans les
méthodes de formation qui ont donné lieux à des applications TICE sont autant de
facteurs susceptibles de favoriser un enseignement ou la part de médiation serait
grandissante par rapport à l'aspect transmissif.
Deux aspects sont donc à développer pour mettre en avant le rôle de la médiation
comme
un
« faire
approprier »
dans
le
sens
de
la
relation
pédagogique
enseignant/apprenant/savoirs et compétences, mais aussi comme élément nécessaire à
l'appropriation du dispositif et contextualisé par lui par les enseignants:
−
le rôle de la relation dans la médiation à distance.
−
la médiation dans un dispositif TICE.
Au regard de ces considérations on peut détailler plusieurs relations dans un
contexte d'enseignement avec un dispositif TICE: relation enseignant-étudiant, étudianttechnique, relation au sens de l'enseignement... Ces rapprochements décrivent alors
plusieurs médiations qui s'entremêlent.
49 Ibid.
50 Morne, J.-J., « Autoformation critique et critique de l'autoformation : De la manifestation des "pédagogies de
situation" », in Études dirigées et aides à l'autoformation, Actes de l'Université d'été de Rennes, 1996, dir.
Ch. LERAY et E. LAGADEC, Rennes, CRDP-CNDP, 1998.
38
Les quatre médiations.
Peraya définit quatre formes de médiation qui, appliquées aux TIC, permettent de
comprendre les mutations qu'elles impliquent et donnent un sens au processus
d'appropriation:
ce
sont
les
médiations
technique,
sensori-motrice,
sociale
et
sémiocognitive.

La médiation technologique est celle propre à l’outil, à l’objet technique, qui
prologue nos actions.

la médiation sensori-motrice est la projection de notre expérience pragmatique
permettant l'emmergeance de nos concepts.

La médiation sociale représente la faculté à construire une activité cognitive par
intériorisation des relations sociales.

La quatrième forme de médiation envisagée est médiation sémiocognitive.
Quelles sont les spécificités de la médiation qui a lieu dans le cadre de
l'enseignement et plus spécifiquement à distance et via les TICE ? Les quatre médiations
décrites par Peraya sont bien présentes dans notre objet:
−
la médiation sociale est une des plus évidente quand on pense à l'enseignement
traditionnel: la présence d'un formateur, d'un groupe d'élèves place l'apprenant dans
un contexte de relations sociales où son expérience quotidienne - cours, discutionspermet l'assimilation et l'accommodation décrits par Piaget. Elle est moins évidente
quand on parle d'enseignement à distance: un étudiant par correspondance n'aura que
très peu de relations sociales directement dans le cadre de ses études. La médiation
sociale dépendra alors du contexte relationnel dans lequel il se place seul, sans
intervention de l'institution scolaire. L'introduction des TICE est un pas en avant vers le
rétablissement de la médiation sociale: en effet des outils tels que l'email ou les forums
permettent, par la réactivité du support et donc l'accroissement potentiel des contacts
entre les interlocuteurs, une relation sociale qui peut servir de contexte à cette forme
de médiation. Cet effet est encore plus développé dans le cas de l'utilisation d'outils de
communication synchrones tels que le chat, l'instant messaging ou la visio-conférence
qui permettent un retour à la discussions, à une interactivité proche du face à face,
avec la possibilité de travail en groupe dans un même espace.
39
−
La médiation technologique est un élément prépondérant dans cette étude. La
conception des outils est effectuée selon une représentation des tâches qu'ils vont
permettre d'effectuer et vont donc, pour l'utilisateur, posséder une certaine affordance,
c’est-à-dire permettre de deviner leur usage en fonction de leurs caractéristiques.
Cette qualité, par le biais du processus d'appropriation, sera acceptée et détournée par
l'utilisateur selon sa représentation propre des tâches que lui effectue. Il s'agit d'une
notion clef pour comprendre l'appropriation du dispositif par les enseignants, mais
aussi la médiation sociale qui se met en jeu pour que les étudiants s'approprient le
dispositif et les savoirs et compétences enseignées. En d'autres termes, cette forme de
médiation joue un rôle dans la double appropriation du dispositif par les enseignants
(s'approprier), les étudiants (faire approprier), et la pédagogie utilisée.
−
La médiation sémiocognitive telle qu'elle est mise en jeu dans le cadre de cette étude
représente la façon dont le discours de l'enseignant est mis en scène lors de la
transmission des savoirs et connaissances. Il s'agit d'observer comment, selon les
matières, selon les enseignants, cette composante est reliable à un modèle
pédagogique, et comment elle est appropriée par chacun.
−
La médiation sensori-motrice agit de façon subtile dans cette étude. En effet, dans le
contexte de l'utilisation de dispositifs TICE, l'expérience pragmatique est limitée par
rapport à l'enseignement en présentiel. Cependant il est intéressant de voir comment
cette limitation est « compensée », provoquant un glissement vers d'autres types de
médiation. D'autre part, l'ergonomie du dispositif est une frontière entre médiation
technologique et médiation sensori-motrice: la disposition des supports dans l'interface
du dispositif, le cheminement induit pour parvenir à l'information ne peut être ignoré
dans le processus de structuration de la pensée.
A la suite de la description de ces formes de médiation dans un dispositif
d'enseignement à distance utilisant les TICE, nous pouvons nous interroger sur la façon
des enseignants de prendre en charge différents « rôles », c'est à dire de mettre en scène,
en pratique la considération de ces différentes formes d'attributions.
40
Fonctions et attributions de l'enseignant
La question des rôles du tuteur est un sujet de recherche actuel, toujours en
avancée. Il nous semble pertinent de préciser ces fonctions, en tenant compte du contexte
spécifique de notre étude, qui entraîne des rôles spécifiques à un enseignement qui
propose un mélange de périodes d'enseignement en présentiel, et de périodes
d'enseignement à distance via un dispositif TICE51.
« Le tuteur est un adulte qui assume une tutelle c’est-à-dire qui a la charge,
conformément à la loi, de prendre soin d’un mineur ou d’un interdit. Ce mot de tuteur
suggère donc une relation inégale entre une personne adulte, socialement reconnue pour
ses compétences, et une autre personne nécessitant un étayage, une aide. La relation
n’est donc pas définie en terme de réciprocité. (…) Le tutorat à l’école se veut le soutien et
l’accompagnement d’enfants de tous milieux nécessitant une aide adaptée. »52 Outre
l'aspect légal du tutorat, cette définition insiste sur le statut « supérieur » du tuteur face à
l'apprenant.
On peut ensuite dégager plusieurs fonctions du tuteur comme la prise en charge du
tutoré, de son accueil (établissement des statuts, explicitation des objectifs, motivation), le
diagnostic du travail fournit par l'apprenant (évaluation, correction), et l'accompagnement
(conseil, réponse aux interrogations, proposition de ressources, encouragement...).
Donnay et Dreyfus53 proposent quatre rôles essentiels et récurrents caractéristiques
du tuteur, qui sont : facilitateur, modérateur, expert, soutien affectif.
A. Daele et F. Docq54 recensent quatre niveaux de rôles liés à l’encadrement d’un
groupe qui apprend à distance : le rôle social, le rôle d’organisation, le rôle pédagogique,
le rôle technique.
C'est l'ensemble de ces fonctions qui permettent de créer du lien dans la formation
à distance, tout autant entre étudiants et enseignants, qu'avec l'institution, ou entre les
étudiants entre eux.
51 Aussi appelé « blended-learning »
52 Alberganti M. A l’école des robots ? L’informatique, l’école et vos enfants, Calmann-Lévy, 2000.
53 J. Donnay, A.Dreyfus, Le rôle du mentor dans un dispositif d’apprentissage par situations problématiques (ASP)
comme entrée dans le développement professionnel de futurs enseignants, 16ème congrès international de l’AIPU.
54 A. Daelle, Docq F. le tuteur en ligne, quelles conditions d’efficacité dans un dispositif d’apprentissage
collaboratif ?, AIPU, Louvain-la-Neuve, mai 2002,
(http://www.unifr.ch/didactic/new_didactic/modules/icontent/inPages/amaury/2002aipu.pdf)
41
Dans ces deux définitions, des points communs et différences sont à discuter:
−
Tous s'entendent sur le rôle de soutien affectif, de motivation nécessitant un
engagement fort du tuteur (rôle social, soutien affectif). Le tuteur aura pour mission de
joindre les apprenants, de les solliciter lorsque certains ne le contactent plus. Il aura
pour rôle de soutenir les apprenants sur les plans affectif et motivationnel (encourager,
soutenir…). Il devra se rendre disponible et répondre dans des délais corrects. Ce rôle
est particulièrement important dans une formation à distance qui présente le risque
d'une rupture du lien social présent dans le système éducatif traditionnel.
−
Ces deux définitions ont aussi en commun le rôle de médiateur de connaissance du
tuteur (rôle pédagogique, fonction de facilitateur). Il s’agira principalement de faciliter
l’apprentissage, de guider les apprenants, de leur proposer un feed-back, de savoir
leur expliquer leurs erreurs, de susciter des questionnements.
−
Les rôles de modérateur et d'organisateur sont aussi très proches, nous remarquons
cependant que Daelle et Docq mettent l'accent sur des questions de gestion du temps
et de calendrier, qui ont aussi à voir avec l'aspect institutionnel des formations à
distances. Cet aspect est notamment à mettre en relation avec la standardisation des
formations universitaires dans leur durée et dans leur découpage ( LMD,
semestrialisation), mais s'applique aussi aux professionnels en formation continue,
dont le temps alloué à la formation est limité. De plus ces fonctions sont primordiales
pour renforcer la cohésion entre institution, enseignant et enseignés.
−
Contrairement à Daelle et Docq, Donnay et Dreyfus mettent en avant le rôle d'expert
du tuteur. Ce rôle de mise à disposition de ressources à la formation nous parait
primordial, notamment sur le terrain de cette étude, qui est une formation universitaire,
où les tuteurs sont aussi des enseignants, en plus d'être des médiateurs. Leur rôle est
aussi de concevoir des contenus spécifiques à la formation à distance, dans le cadre
du programme spécifique à un diplôme et tenant compte du dispositif. La sélection de
ces ressources mise à disposition sera une première facilitation à l'appropriation de
savoirs spécifiques, en guidant comme nous allons le voir l'étudiant dans la
construction de sa propre lecture de ces savoirs.
−
Donnay et Dreyfus, quand à eux, soulèvent la question de l'appropriation du dispositif
technique par lequel le tutorat sera réalisé. Le tuteur devra avoir une culture minimale
de l’informatique et contrôler le niveau de maîtrise de l’outil informatique de l’étudiant, il
s’agira surtout de s’assurer que tous sont capables de communiquer via l’outil
informatique. Cette question, qui serait généralisable à des formations utilisant des
supports traditionnels dans les EAD est particulièrement pertinente dans le cadre de
42
notre étude portant sur une formation utilisant les TICE pour le télétutorat à distance, la
mise à disposition de cours... En effet, les enseignants/tuteurs doivent s'approprier le
dispositif, mais aussi en faciliter l'appropriation par les étudiants.
A travers ces différentes fonctions, nous mettons en avant le fait que leur mise en
œuvre tient d'une pratique communicationelle, se mettant en action au sein d'une relation,
dans un contexte précis.
Le rôle de la relation dans la médiation à distance.
Nous avons vu que la pédagogie pouvait être considérée comme une « technologie
de l'interaction ». En tant qu'activité humaine sociale, elle subit l'influence du cadre des
interactions qui la constituent « notamment les conditions et les contraintes normatives,
affectives, symboliques et aussi celles liées bien sûr aux relations de pouvoir, de contrôle
et d'autorité ».
Tardif et Mukamurera décrivent les attributs des interactions enseignant/élèves: ces
interactions sont principalement langagières et plus largement communicationnelles.
Comme le précise Habermas, l'activité communicationnelle « [...] concerne l'interaction
d'au moins deux sujets capables de parler et d'agir qui engagent une relation
interpersonnelle (que ce soit par des moyens verbaux ou extra-verbaux). Les acteurs
recherchent une entente sur une situation d'action, afin de coordonner consensuellement
leurs plans d'action et de là même leurs actions[...] Dans ce modèle d'action, le langage
occupe une place prééminente. »55
Dans le cas de l'enseignement, les interactions ont lieu entre l'enseignant et un
étudiant, voire un groupe d'étudiants. L'enseignant doit donc faire en sorte que les
étudiants soient actifs et qu'une démarche d'apprentissage se dégage des interactions
dans un cadre fixé « par divers moyens langagiers et symboliques (disposition du groupe,
règles
de
fonctionnement,
tâches,
découpage
et
présentation
des
contenus
d'enseignement, etc.) »56
55 Habermas, J., Théorie de l’agir communicationnel, Tome 1. Rationalité de l’agir et rationalisation de la société,
Trad. par Ferry, J.M., France : Fayard, 1987, p. 33.
56 Tardif, M., Mukamuera, J., La pédagogie scolaire et les TIC: l'enseignement comme interactions, communication et
pouvoirs, in Les technologies de l'information et de la communication et leur avenir en éducation, Volume XXVII ,
43
Les auteurs soulignent trois moments de l'activité communicationnelle de
l'enseignant: l'interprétation, l'imposition et la communication proprement dite:
−
l'enseignant interprète en permanence les actions des étudiants: leurs discours mais
aussi
« les
mouvements
des
élèves,
leurs
réactions,
leurs
progrès,
leurs
motivations »57. Cette interprétation lui permet de donner du sens à ce qui arrive.
−
Son rôle est aussi d'imposer du sens: en dirigeant la communication pédagogique, il
oriente l'action en fonction de significations privilégiées. Il s'agit alors d'une
communication déséquilibrée par le statut de l'enseignant, mais qui n'exclut pas la
possibilité d'une construction de la connaissance.
−
Enfin la communication, ici dans le sens d'expression, est le coeur même de l'action
d'enseignement. D'où le fait que « la personnalité de l'enseignant devient un véritable
moyen de communication, une sorte d'outil de travail »58.
L'introduction des TIC dans l'éducation vient occuper à la fois des espaces
techniquement vierges, mais aussi « des espaces déjà structurés par des techniques, des
discours et des pratiques pédagogiques »59. Les auteurs ouvrent la question du greffage
sur les interactions maître/élève. Ces interactions sont en effet structurantes de la
socialisation des élèves: « l'être humain est un être qui a besoin des autres pour devenir
humain, et c'est par la médiation avec les autres humains que sa propre humanité est
rendue possible. »60 De ce point de vue, les TIC ne peuvent remplacer l'humain. Ce qui
change avec l'introduction des TIC, c'est la médiatisation de ces rapports.
« Le discours des enseignants a aussi toujours une certaine hauteur par rapport
aux discours des élèves: enseigner, ce n'est pas seulement dire quelque chose,
transmettre des informations, c'est aussi le dire d'une certaine façon, en fonction des
codes linguistiques et culturels; ce discours manifeste ainsi, dans ses formes
d'expression, la maîtrise d'un certain niveau de langage. »61
Ainsi, au coeur d'une formation, les médias de l'apprentissage doivent absolument
permettre ces nuances, ou faire en sorte qu'un apport complémentaire soit fait concernant
leur usage.
57
58
59
60
61
No 2, automne-hiver 1999.
Ibid.
Ibid.
Ibid.
Ibid.
Ibid.
44
Un regard particulier a donc été porté aux formes d'apprentissage coopératif. On
étudie alors le rôle des communautés d'étudiants dans les formes d'enseignement
traditionnel pour observer la partie relationnelle qui se joue via les supports numériques
comme les e-mails. M. Garito dans une étude sur le dispositif Nettuno 62 met en évidence
la nécessité de reproduire le « stéréotype de la classe »63 pour les étudiants des
formations à distance. En effet, l'appartenance à un groupe de travail, à une structure
sociale partageant un intérêt commun est un vrai moteur de l'éducation. On met aussi en
avant le rôle de médiateurs, d'animateurs de ces réseaux qui génèrent et relancent les
échanges. Le rôle social des médiateurs et formateurs est important:
le besoin de
« l'image du maître », de l'avocat qui encadre et sert d'intermédiaire entre les actants
procure à l'individu un soutien méthodologique, de gestion globale d'un projet d'éducation
dans la durée. Il s'agit d'un véritable rapport collectif, c'est à dire d'un processus de
communication constituant un échange réciproque où les étudiants donnent un statut au
formateur qui joue à son tour ce rôle vis à vis de cette demande et non d'une simple offre.
En plus des contacts à distance, c'est bien souvent même le besoin de contact direct, de
déplacements ponctuels à l'université qui se fait sentir et dans ces moments le besoin d'un
animateur de terrain.
Les concepts apportés par les chercheurs de l'école de Palo-Alto, fondant une
activité communicationnelle sur des préoccupations liées à la psychologie, éclairent ce
rôle de la relation dans la communication pédagogique et nous permettent de comprendre
quels sont les mécanismes qui se mettent en œuvre dans les différentes pratiques
pédagogiques dont nous avons parlé dans le premier chapitre.
Relation et pédagogie: mobiliser les concepts de Palo-Alto.
Tout au long de ce mémoire, et conformément à la pensée du groupe de pensée
pré-cité qui forme le « collège invisible » qu'est l'école de Palo-Alto, nous utiliserons la
notion d'information dans le sens de donnée. Une communication ne se limite pas à la
simple transmission d'informations. La communication se définit comme un comportement
entre individus, composé d'interactions, qui sont des séquences d'échanges de messages.
62 Garito M. A., 3èmes Rencontres de Saint Laurent de Neste « Le Post-Numérique ». Participation au travail sur
« Nouvelles Formes d¹Apprentissage par les TIC avec l¹Enseignement à Distance ». Titre de l'intervention :
Télévision Digitale et Internet pour la Formation à Distance. Saint Laurent de Neste , 2002
63 Perriault, L'accès au savoir en ligne, Odile Jacob , 2002, p.140
45
Bateson distingue dans un message les composantes « indice » et « ordre ».64 La
composante « indice » du message transmet une information. C'est le « contenu du
message ». L'aspect « ordre » désigne la manière dont on doit comprendre le message. Il
décrit la « relation entre les partenaires ».
Pour définir les concepts de communication « digitale » et « analogique », il utilise
l'analogie avec des machines65: certaines travaillent avec des données numérisables, en
digits ou bits et sont dites digitales, tandis que d'autres travaillent à partir de grandeurs
discrètes et positives et sont dites analogiques. Les informations digitales représentent
donc la réalité à partir de codifications arbitraires, tandis qu'une information analogique
présente une réelle ressemblance avec ce qu'elle représente. Dans la communication
humaine donc, un mot est un élément dit « digital », car arbitraire, sans rapport
« physique » avec ce qu'il désigne. La part analogique est quant à elle traduite par
« pratiquement toute la communication non-verbale », soit kinesthésie, posture, gestuelle,
mimique, inflexion de voix, succession, rythme et intonation des mots, ainsi que nombre
d'indices liés au contexte qui est « le théâtre d'une interaction ».
Ainsi, par rapport à une communication « digitale », qui aura pour objet le
« contenu », l'aspect informatif du message, une communication « analogique » serait le
mode de communication sur les émotions et les relations. Tout message impliquerait ces
modes complémentaires d'information. Une information, une donnée sur le monde peut
être traduite en langage binaire de façon précise de manière à être transmise. Mais les
relations sont difficilement digitalisables car imprécisément remises en mot, en images,
en sons.
Dans l'optique d'une étude de la médiation comme relation permettant
l'appropriation, nous pouvons observer l'importance de l'articulation de ces deux aspects
de la communication: en effet, la communication « analogique », en définissant un
contexte à la communication « digitale », participe de la médiation sociale. On peut ainsi
saisir l'importance de l'utilisation de dispositifs permettant ce type d'expression dans les
méthodes pédagogiques qui prennent en considération le rôle de cette médiation, à l'instar
du modèle socio-constructiviste.
En outre, l'école de Palo-Alto poursuit ses travaux par la mise en avant de la notion
de métacommunication prolongeant le concept du niveau « relation » du message:
« Quand A communique avec B, le simple fait de communiquer peut comporter l'énoncé
64 Watzlawick P., Helmick Beavin J., Jackson Don D., Une logique de la communication, p. 49.
65 Ibid, p. 59 à 65.
46
implicite: « nous sommes en train de communiquer » En fait, cet énoncé est peut-être le
message le plus important qui soit émis et reçu »66. Appliqué à cette étude, il s'agit de
montrer
que
la
communication
pédagogique
proposée
à
travers
le
dispositif
d'enseignement est aussi le théâtre d'une relation sociale entre tuteurs et étudiants et
entre les étudiants eux même. De plus, l'établissement, la caractérisation de cette relation
passe tout aussi bien via ce support numérique qu'en présentiel. En effet, l'appropriation
des savoirs transmis via l'utilisation du chat ou des forums dépend de la compréhension
correcte des messages transmis. La métacommunication se révèle nécessaire à cette
compréhension. Dans la systémique de cette communication, tout élément du mode
« analogique » agit comme contexte à la partie « digitale » du message et inversement,
c'est le « cadrage » définit par Goffman, Bateson et Watzlawick. C'est l'apport d'un sourire,
d'une intonation, d'un geste quand la parole ne porterait que le contenu, le message brut.
Il influe notamment sur la réception du message en plaçant ce message en lien direct
avec une émotion et traduit des nuances très fines sur les éléments explicites. Ainsi, dans
l'étude des interactions sur le chat, nous chercherons les éléments qui participent à ce
« cadrage » qui permet à tous de se dire, bien que physiquement séparés : « nous
sommes ici, ensemble, dans une salle de cours virtuelle et les messages qui vont suivre
doivent être émis et reçus comme faisant partie d'un enseignement, dans un cadre
institutionnel, et selon des relations enseignant-étudiants, et étudiants-étudiants, selon les
conventions sociales inhérentes à ce type d'échanges. »
Dans Une logique de la communication, apparaît une définition de l'interaction que
nous proposons d'utiliser ici afin de lier interaction et pédagogie: « une série de messages
échangée entre des individus sera appelée interaction. »67, en prenant un message
comme unité de communication et précisant qu'une telle série est finie.
La psychologie behavioriste et par extension le modèle pédagogique qui en a
découlé centre son intérêt sur des interactions, partant du principe qu'un message émis va
entraîner une réponse, un changement de comportement chez le récepteur.
Une approche systémique, telle que celle proposée par Palo-Alto, prend en compte
les interactions de manière plus large en les incluant dans un séquence, une « série de
communications ».
Cette distinction nous permet de présupposer une différence dans les
66 Bateson, G., Ruesh, J.: Communication et société, Paris, Seuil (traduit de l’anglais), 1951/1988, p. 238
67 Watzlawick, P., Helmick Beavin, J., Jackson Don, D., Une logique de la communication, p. 47.
47
comportements des enseignants pendant les séquences d'enseignement à distance selon
qu'ils appliquent une pédagogie plutôt behavioriste ou transmissive, plutôt piagétienne ou
plutôt socio-constructiviste:
−
dans le premier cas, si on considère un cours comme une interaction, les messages
( phrase de cours, remarque d'un étudiant, mais aussi documents, rendu d'un devoir...)
provoquent une réponse de la part de l'interlocuteur ( apprentissage du cours,
explication complémentaire de l'enseignant, lecture du document, évaluation du niveau
de l'étudiant...). La pédagogie consiste alors à fixer les objectifs de chacun de ces
messages et à induire un comportement adapté chez le récepteur. Ce mode de
fonctionnement permet facilement d'imaginer un découpage asynchrone ponctuel de
l'enseignement à distance.
−
Dans le cas d'une approche piagétienne, l'apprentissage va se faire en deux phases:
assimilation et accommodation. L'enseignant doit donc prendre en comte ces phases
et on doit inclure au moins deux interactions dans une séquence d'apprentissage: une
interaction liée à la transmission, généralement à l'initiative de l'enseignant, d'un savoir,
d'une compétence, et une interaction liée à l'appropriation et à la socialisation de
message qui peut être incitée mais doit mettre l'apprenant en position active. On peut
ajouter à ces interactions les interactions de groupes, notamment lors de cette
deuxième phase d'apprentissage.
−
L'approche socio-constructiviste se base sur une séquence d'interactions encore plus
large, car elle inclut comme fondamentales les interactions avec un groupe,
généralement à la fois un enseignant et un groupe d'apprenants, dans une coopération
stimulant les trois aspects décrits par Leontiev: motifs, buts et actions. D'autre part,
cette approche prend en compte le cadre matériel et social des participants. Certaines
interactions hors du groupe, privées, peuvent être prises en compte dans la séquence
d'apprentissage.
Si l'on peut ainsi relier « interaction » et pédagogie, on peut aussi lier certaines
conceptions de la « communication » à la pédagogie. Dans son ouvrage Anthropologie de
la communication, Yves Winkin distingue en effet deux conceptions opposées de la
communication: une conception « télégraphique », et une conception « orchestrale »68.
La vision « télégraphique » se base sur la théorie mathématique de la
68 Winkin, Y., Anthropologie de la communication : de la théorie au terrain, Seuil, 2001, p 25-26.
48
communication de Shannon et Weaver qui décrit ainsi le processus de communication:
« L'émetteur transforme ce message en signal qui est alors envoyé par le canal de
communication de l'émetteur au récepteur. »69 Wiener et les théoriciens de la cybernétique
rajoutent à ce schéma la notion de « feed-back », soit un message émis par le récepteur
du premier en réaction. Les processus psychologiques des participant sont conçus comme
des « boites opaques »70. Nous pouvons donc faire une analogie entre cette conception de
la communication et une pédagogie behavioriste, du type stimulus-réponse, ou le rôle de
l'enseignant serait uniquement de transmettre des messages, des informations, voire
d'adapter les messages suivant le feed-back reçu, laissant pour le reste l'appropriation de
ces messages entièrement au fait du récepteur. Ici aussi, on peut donc imaginer une
éducation à distance fondée sur la transmission d'informations, et ne prenant en compte
qu'un émetteur (enseignant) et un récepteur (étudiant) à la fois.
Dans
l'optique
d'une
vision
« orchestrale »
de
la
communication,
« La
communication ne se rapporte pas seulement à la transmission de messages verbaux,
explicites et intentionnels; (...) la communication inclurait l'ensemble des processus par
lesquels les sujets s'influencent mutuellement. »71 Ainsi, dans la même idée, Birdwhistell
inclut à la communication « l'interrelation humaine » comme « aspect structurel de
l'interaction »72. En redonnant une dimension sociale à la communication, cette approche
est à corréler aux pédagogies piagétiennes et socio-constructivistes, qui de la même
manière prennent en compte le contexte social de l'apprentissage et l'action coopérative
des différents participants dans l'assimilation, l'appropriation des messages, et l'intégration
des messages « à une matrice beaucoup plus vaste, comparable dans son extension à la
culture. »73 D'autre part, cette vision prend en compte la valeur de la multi-canalité des
interactions. Cet aspect est particulièrement mis en valeur dans les pédagogies
piagétiennes et socio-constructivistes, en proposant par exemple dans une même
séquence la lecture d'un document et sa discussion ou la réalisation d'un exercice en
coopération...
Dans cette première partie, nous avons dégagé comment les intentions
pédagogiques des enseignants définissent un contexte et des modes d'interactions
particuliers constituant un cadre à la relation de médiation. Nous avons ensuite analysé
69
70
71
72
73
Shannon, C., Weaver, W., La théorie mathématique de la communication, Retz-CEPL, 1975, p.36.
Winkin, Y., op. Cit., p 51.
Bateson, G., Ruesh, J., Communication et société, Paris, Seuil (traduit de l’anglais), 1951/1988, p 6.
Birdwhistell, R.., L'analyse kinésique, Langages, 10, 1968, p 26.
Winkin, Y., op. Cit., p 87.
49
comment le dispositif participe de cette médiation en « imposant » une « logique de
conception » et des affordances à l'enseignant lors de la mise en pratique de ses
intentions au sein d'un tel dispositif.
Quelle appropriation technique et pédagogique des TICE chez les enseignants
dans un dispositif « blended-learning » ? Comment les TICE sont mises au service d'une
pédagogie ? Comment le dispositif fait l'objet d'une appropriation ? Quelles médiations des
savoirs et compétences à travers des TICE ? Quels rôles des interaction ?
Afin d'étudier ces questions, nous avons choisi le cas d'enseignants pratiquant au
sein de formations de premier cycle universitaire à distance. La seconde partie de ce
travail consistera en l'observation et l'analyse de pratiques d'enseignants sous le regard
de la médiation comme facteur d'appropriation.
50
Partie 2: Observation et analyse de
l'appropriation d'un dispositif
d'enseignement sous le regard de la
médiation.
Pour notre étude de terrain, nous exposerons dans une première partie un rapide
historique de l'introduction des TICE à l'IUT Paul Sabatier, ainsi que trois exemples de
pratiques d'enseignants à distance dont les différences nous permettent d'étudier les
rapports entre médiation, pédagogie et interaction. Une seconde partie sera consacrée à
l'analyse de l'appropriation du dispositif sous le regard des interactions pédagogiques au
sein du dispositif. Enfin, nous étudierons le glissement des rôles de l'enseignant à
distance selon le cadre formé à partir de la discussion des propositions de Daelle, Docq,
Donnay et Dreyfus.
Pour cela, nous nous appuierons notamment sur l'étude du portail éducatif Moodle74
à distance, utilisé en IUT. Il s'agit donc de formations professionnalisantes de premier
cycle universitaire75. Certains étudiants choisissent une formule en apprentissage c'est à
dire comportant des périodes de travail en entreprise entrecoupées de périodes de cours.
Nous verrons en quoi les travaux autour de la relation pédagogique à distance de
Perriault, Winkin, Choplin, Hotte ou Millerand mettent au jour des mécanismes spécifiques
d'usage et d'appropriation des TICE. Les informations recueillies sur le terrain sont issues
d'entretiens et de séances de télétutorats à distance réalisé par chat.
L'objectif de la recherche de terrain dans cette étude consacrée à l'appropriation
des TICE au service d'une pédagogie dans les systèmes éducatifs à distance est de
recueillir les processus de communication dans de tels dispositifs et de les lier à une
conception de la pédagogie et à des usages. Nous chercherons à apprécier comment les
enseignants appréhendent de tels outils, quel est l'apport au niveau pédagogique, mais
aussi quels types de relations peuvent se nouer entre étudiant et tuteur ou entre les
74 Annexe 5: la plate-forme éducative Moodle.
75 Annexes 3 et 4: présentation du contexte et de la formation à distance dans l'IUT observé.
51
étudiants grâce à l'usage de ces outils. Dans cette perspective, nous travaillerons à partir
des enregistrements des séances de télétutorat via le chat dans la licence professionnelle,
puis sur des entretiens auprès d'enseignants utilisant les TICE.
L'analyse de séances de chat pré enregistrées permet de conserver un maximum
d'objectivité et d'observer le comportement des étudiants sans se préoccuper des biais de
la perturbation que peut occasionner l'introduction d'un observateur extérieur à la classe. Il
est intéressant d'observer les modifications des comportements à travers le temps et lors
de séances avec différents tuteurs. En effet nous pouvons imaginer que
la relation
pédagogique doit se mettre en place. Les participants disposent d'un objectif commun,
mais les statuts sont à délimiter, et l'aspect relationnel pourra être soumis à évolution au
fur et à mesure des séances par une observation mutuelle des comportements de chacun
et l'apparition d'affinités.
Pour ce qui est des séances en observation participante, nous nous plaçons dans
le rôle d'un étudiant. Bien qu'introduisant un élément extérieur susceptible de perturber le
comportement normal de la classe, le moment choisi, vers la fin de l'année scolaire,
permet de faire face à un groupe déjà soudé et moins soumis à ces perturbations. D'autre
part, grâce à un cursus scolaire similaire à celui de la population observée, l'observateur
maximise ses chances d'intégration par la compréhension des sujets évoqués dans les
tutorats, voire dans la participation aux exercices. La comparaison entre le comportement
des étudiants sans observateur puis avec, permet de relativiser les observations faites
dans cette phase. Cette observation fournit un point de vue subjectif complémentaire à
celui recueilli lors des entretiens.
Ce sont les entretiens qui permettent le mieux de faire ressortir les aspects vécus
par les utilisateurs et de les comparer à l'utilisation prévue du dispositif. Ainsi nous avons
accès
à la vision des enseignants dans leur approche de l'outil. Une série de huit
entretiens de 1h30 à 2h en face à face à été conduite et partiellement retranscrite, afin de
dégager les points nécessaires à une analyse.
Cette méthode dispose d'avantages et d'inconvénients:
−
En présentiel, l'observateur saisit dans une plus grande mesure la partie non-verbale
de la communication, les gestes, mimiques, parfois très éloquents. Cependant, malgré
une mise en confiance, la personne interrogée est parfois soumise à une certaine
réserve, face à un inconnu.
52
−
La nécessité d'une présence physique à un endroit, à un moment donné a posé des
problèmes de disponibilité, certains entretenus se sont moins immergé dans le
dialogue par manque de temps.
L'ensemble des analyses des informations collectées par ces différents moyens a
été ensuite comparé aux informations théoriques issues des études précédentes extraites
de nos lectures. Nous avons voulu observer et analyser comment des enseignants, plus
ou moins sensibles aux TICE pouvaient s'impliquer progressivement et éventuellement
« s'approprier » un enseignement avec les TICE. De la série d'entretiens réalisés, nous
avons pu dégager trois « histoires » d'appropriations choisies pour leurs caractéristiques
très différentes. A travers ces exemples nous dégagerons les liens entre appropriation,
médiation, interaction et pédagogie. Ainsi, nous avons choisi le cas d'un enseignement
théorique, marketing et commerce électronique qui nous à paru intéressant par sa
proximité au sujet TIC sans nécessiter à priori leur usage. Nous avons ensuite observé le
cas d'un enseignement de langue, qui à joué un rôle très tôt dans le développement de
l'enseignement avec les TICE par l'expression de besoins spécifiques et la mise en place
précoce d'une réflexion sur les méthodes pédagogiques d'enseignement avec de tels
dispositifs. Il s'agit d'autre part d'un enseignement de savoirs « de bases » en ce sens que
leur objet porte sur l'expression et le langage et non de concepts théoriques ou de
compétences pratiques avancées. Le troisième cas choisi est celui d'un enseignement axé
sur l'écriture et la réalisation de projets multimédias, mêlant donc réflexions théoriques sur
l'objet TIC lui même, ainsi qu'un enseignement de savoir-faire nécessitant l'usage des
technologies.
Chapitre 1: Trois cas d'enseignement à distance.
Un exemple d'appropriation des TICE pour une pédagogie en cours
théoriques.
Nous nous pencherons ici sur le cas d'Odile, enseignant le cours de commerce
électronique, en présentiel et à distance.
53
La première expérience d'enseignement s'est construite en présentiel. Cette
enseignante issue du milieu universitaire déplore un manque de formation spécifique à la
pédagogie. Elle décrit une évolution, constituée sur la base d'un enseignement en
présentiel fondée sur l'expérience des collègues ayant enseigné cette matière avant elle.
La première stratégie mise en place relève d'une pédagogie transmissive: un cours cadré
très précisément, et s'appuyant sur un document très complet a révélé une baisse de la
concentration en cours de la part des étudiants. Une première adaptation a donc consisté
à fournir un document « cadre », moins complet, servant de base de discussion et de fil
directeur au cours. Un document vient en complément, mais n'est proposé qu'après le
cours.
Cette enseignante évoque plusieurs contraintes:
- une certaine réticence de la part des étudiants dans un cursus professionnalisant envers
les cours très théoriques.
- un public très hétérogène, avec des centres d'intérêts variés, avec une motivation pour
son cours variable et des préjugés sur l'utilité du cours.
On note au travers du discours de cette enseignante le souci de motiver les
étudiants, en prenant en compte leur attitude avec la matière.
Le premier point de sa démarche porte sur l'implication de l'étudiant dans la matière
en proposant en début de cours une réflexion de groupe sur la matière qu'elle enseigne, et
sur son intégration au niveau plus global d'une formation. Cette démarche à plusieurs
effets:
- La réflexion, organisée en groupe, permet à l'enseignant une première évaluation de son
public.
- En expliquant l'intérêt du cours, l'enseignant propose un fil directeur et une mise en
adéquation avec le projet personnel de l'étudiant.
- En ramenant le cours de « projet de formation » à « projet de l’étudiant », elle renforce
leur implication personnelle.
- Cette première discussion est une mise en contexte social du cours. Tous peuvent saisir
les « expertises » de chacun, points d'intérêt ou de compétence particuliers, et se
familiariser au groupe.
- Illustrée d'exemples concrets, de démonstrations, la matière assez théorique est placée
dans un contexte social et vivant. C'est ici que l'enseignante à pris conscience de l'intérêt
54
possible des TIC: l'utilisation de supports
multicanaux, interactifs (sites Web) stimule
l'intérêt et la mise en condition cognitive de l'étudiant.
Le second aspect consiste à encourager une co-construction des savoirs pendant
les séances de cours. En présentiel, la démarche consiste à proposer un thème, et un
document « cadre » au cours. L'enseignante tente ensuite de stimuler la discussion en
marge de parties d'exposé plus formelles:
« J’essaie de faire participer au maximum les étudiants même si c'est sur des questions
un peu banales mais je veux les entendre dire ces banalités... »76
L'idée sous-jacente dans cette méthodologie est de provoquer successivement une
phase d'assimilation, et une phase d'accommodation.
Lors de la mise en place de la licence à distance, Odile a pris en charge le module
de marketing commerce électronique au sein de ce diplôme, et à construit sa première
expérience d'enseignement à distance avec les outils proposés par la plate-forme.
Elle à tout d'abord choisi de profiter de l'expérience acquise dans ses
enseignements en présentiel pour mettre en place son cours selon une méthode similaire.
Elle décrit le cas de TD sur les formes d'organisations du travail:
- Les formes et thématiques de l'organisation du travail sont nombreuses et variées, ainsi
que les points de vue sous lesquels on peut les observer.
- L'enseignante précise donc le thème, par exemple le télétravail. Ce thème principal est
divisé en sous thèmes, autour desquels l'enseignante met à disposition quelques articles
sur un forum. Les étudiants sélectionnent ensuite une paire d'articles en tentant de se les
approprier en les discutant entre eux.
- L'enseignante propose ensuite une question transversale. « je commence par dire
comment ça marche le télétravail et donc ceux qui ont lu un article sur le fonctionnement
ont des éléments de réponse, ceux qui ont lu l'article sur les questions juridiques ont des
éléments de réponse, donc vous voyez plusieurs articles une seule question, et on
converge tous dans cette discussion. »77
La discussion est mise en œuvre via un forum, détourné en chat, c'est à dire utilisé
de façon synchrone. Au fur et à mesure des interventions, se constitue un nouveau
document synthétisant les différentes thématiques liées à la question. Le forum a ici été
76 Entretien 1, mai 2007
77 Entretien 1, mai 2007
55
préféré au chat pour produire un document plus facilement lisible par les étudiants après
la séance, et pour éviter un trop gros entrelacement des discussions. En effet, si le chat
permet une grande réactivité et des réactions instantanées de la part des participants,
leurs interventions se mélangent au sein d'un même document sans réel découpage. Le
forum quand à lui privilégie des interventions plus longues et plus construites car le
support étant moins réactif, une avancée significative, un paragraphe entier peut être
posté pendant la formulation d'un message: ceci encourage des interventions pérennes,
c'est à dire moins directement liées aux interventions précédentes comme c'est le cas
dans une conversation par chat.
D'autres cours se déroulent par chat, afin de privilégier cette fois les possibilités de
réaction « sur le vif » de la part de chacun, comme c'est le cas dans un cours présentiel
ou un apprenant peut à tout moment solliciter la parole pour demander une explication
complémentaire par exemple.
L'enseignante décrit la nécessité de changer une partie de son protocole par
rapport au cours en présentiel: après cette première expérience d'adaptation de son
cours, abordé et commenté point par point, à l'enseignement à distance, elle décrit un
manque d'interactivité ayant entraîné des décrochages de la part des étudiants. Afin de
palier à cette difficulté, elle à d'elle même fait glisser ses fonctions de « source
d'informations » a celles de « guide de lecture ».
Elle explique que la monotonie qui s'insinue dans un cours très transmissif, où
l'étudiant est en situation de réception passive, peut être compensée en présentiel, car le
feed-back non verbal des étudiants permet de détecter les pertes d'attention ou
incompréhensions, et l'enseignant peut ainsi alléger l'atmosphère, faire une pause,
introduire une certaine interactivité en posant une question... C'est ce même feed-back qui
est impossible à avoir à distance, via le chat. Les échanges y étant exclusivement écrits,
on ne peut pas voir si un étudiant suit, comprend, ou pas. L'enseignante décrit la
nécessité de solliciter les étudiants:
« Si vous voulez sur le chat il y a toujours ce point « allo est ce que vous êtes là »
j'ai toujours besoin de même d'un petit oui, d'un petit OK d'un petit d'accord, c'est ça.
Comme si voilà, j'ai parlé de ça maintenant est ce que tout va bien j'ai besoin de ce OK de
ce oui. Quand on est en présentiel c'est normal, on voit les étudiants, on sent qu'ils
s'intéressent qu'il ne s'intéressent pas, mais au moins on a des repères, voilà. »
56
On peut observer que cette dernière remarque d'Odile montre en fait une continuité
dans sa démarche. En présentiel, elle avait déjà porté des adaptations à son cours pour
favoriser la médiation par rapport à une démarche de départ transmissive. Le simple fait
de ne plus donner un document complet au début du cours et de laisser les étudiants
écouter, noter, réagir et construire une partie de leur réflexion avant de donner le
complément d'informations allait déjà dans ce sens. La mise à distance et la perte du
contact immédiat avec les étudiants a en fait agi comme révélateur des difficultés de
s'assurer du fonctionnement de cette médiation. L'accentuation des aspects relationnels
dans le cours à distance, avec la volonté d'introduire une plus grande interactivité entre les
participants est la solution qu'a proposée Odile pour s'assurer de la qualité de sa
démarche. On peut cependant se poser la question de l'efficacité d'un tel transfert: en effet
le temps de médiation étant plus important, le nombre de points abordés se trouve réduit,
sur un temps d'enseignement équivalent. On peut cependant parler de démarche
appropriative: la formule d'enseignement à distance proposé dans cette licence laisse une
large part à l'autoformation par les étudiants. Ici, Odile mise sur l'impulsion d'une
démarche de questionnement sur un sujet donné qui guide la recherche d'information
postérieure de l'étudiant. L'exemple de cette démarche, donné pendant les cours avec
cette forte dimension de médiation et d'interactivité est une piste pour aider les étudiants à
suivre la même sur les questions ne faisant pas l'objet d'un cours.
Un exemple d'appropriation des TICE en cours de langues.
Un autre cas d'utilisation des TICE présente cette fois des caractéristiques proches
d'une pédagogie behavioriste: Linsay et Marie sont enseignante en anglais et mettent en
place les cours pour des étudiants en IUT en présentiel et à distance.
Le passage à l'enseignement des langues avec des outils informatiques à l'IUT
s'est fait en 2005. Les laboratoires de langues utilisant des cassettes audio et vidéo
existant se sont vus complétés ou remplacés par des applications informatiques
équivalentes sur plate-forme éducative (Spirale, puis Moodle). Sous l'influence de Marie,
enseignante très mobilisée pour le développement de l'utilisation des TICE pour
l'enseignement des langues, Linsay choisit de « s'y mettre », et commence à explorer les
fonctionnalités de la plate-forme et suis une formation TICE d'une semaine sur l'utilisation
57
du laboratoire multimédias. Pour la création de cours, elle se repose sur l'expérience de
Marie.
Apres une année de tâtonnements, incorporation des outils TICE à la plate-forme,
inscription des étudiants à Moodle et une utilisation de la plate-forme comme dépôt de
fichiers, l'enseignante dit s'être familiarisée avec les outils et avoir commencé à adapter
son cours à la plate-forme, pour une utilisation en présentiel.
« J’ai mis tout le cours d'anglais technique, bon ce n'étaient que des dépôts de fichiers,
mais organisés par semaine, ça c'était très intéressant pour moi »
Linsay décrit les raisons qui l'ont amenée à l'utilisation de Moodle:

Tout d'abord pour l'accessibilité: après la préparation du cours et sa mise en ligne,
tous les documents étaient directement accessibles en ligne à l'IUT, imprimables,
sans risques d'oubli de supports papiers.

La seconde raison a été la facilitation de la formalisation de son enseignement
grâce aux contraintes de la plate-forme. En effet, celle-ci s'est révélée un bon outil
de présentation pour le séquençage des cours que Linsay voulait mettre en place.

La plate forme a ensuite été utilisée dans un premier temps comme outil palliatif, au
cas où un étudiant n'aurait pu venir en cours ou comme outil de révision: « là vous
avez tout sur Moodle, normalement vous n'avez pas à y aller parce que vous êtes
en cours, mais si c'est absent, vous n'avez pas d'excuses, vous avez le fichier, et le
cours corrigé, dont vous ne venez pas me dire à la semaine d'après que vous
n'avez pas fait le boulot parce que vous étiez absents... »
On remarque que dans le cas de Linsay, l'utilisation des TICE à été envisagée
comme un apport personnel, l'aidant à mettre en place sa méthode d'enseignement.
Contrairement au cas précédent, ce n'est pas directement l'apport aux étudiants qui est
visé, bien que les améliorations de la méthode visent à la rendre plus performante dans le
cadre de ses enseignements. Nous rentrons donc ici dans le cadre d'une appropriation
avant tout personnelle de l'outil. Cette première étape, comparable à une assimilation de
certaines fonctionnalités de l'outil, se ressent dans l'observation de la mise en pratique
dans un objectif plus directement pédagogique.
Les étudiants en difficulté dans le DUT qui échouent en S1 se voient proposer
58
d'étaler la formation sur 3 ans, avec 2 modules sur 3 à chaque semestre et un temps
supplémentaire de travail personnel, formalisé par les enseignants en modules
« apprendre autrement » proposant des activités complémentaires. Dans le cas de
l'anglais, ce module comprend 5 heures de travail en présentiel, l'idée étant de proposer
des activités favorisant le travail personnel de l'étudiant qui ramènerait ce temps à une
quinzaine d'heures d'enseignement.
Les cinq heures de présentiel ont été utilisées de la façon suivante:

la première heure a été une séance de cadrage, avec une explication de la
démarche proposée, des activités et une explication de l'utilisation des applications
et du portail pour cet enseignement.

La dernière séance a été réservée à l'évaluation finale.

Les trois séances restantes ont été dévouées aux « réponses aux questions », en
essayant de mettre de côté les problèmes techniques d'utilisation auxquels les
étudiants ont été confrontés dans l'utilisation du dispositif et en se focalisant sur
des points de cours particuliers à la demande des étudiants.
Nous avons pu observer comment la première phase d'appropriation par
l'enseignante a abouti à une utilisation du dispositif technique qui suit la même logique:
nombre d'aspects mis en avant relèvent d'une formalisation forte, et d'une logique d'usage
tournée vers la possibilité pour l'enseignante de recueillir des données précises quand à
l'utilisation des étudiants et un découpage net permettant une avancée graduelle. Comme
dans le cas d'Odile, ceci peut être analysé comme une nécessité de feed-back permettant
d'effectuer dans un second temps des ajustements: en effet, c'est bien le rôle qui est
dévolu aux séances en présentiel, qui comblent les lacunes de la médiatisation de
l'enseignement. L'outil sert donc à la fois de dispositif de transmission de savoirs mais
aussi d'outil réflexif sur l'enseignement lui-même. En suivant une séquence de cours, nous
voulons montrer les éléments qui peuvent être recueillis et réutilisés pour personnaliser
dans un second temps l'enseignement selon les difficultés rencontrées par les étudiants78.
On observe que l'enseignante peut savoir à tout moment et pour chaque étudiant
l'avancée en termes de séquence de cours, ainsi que les points qui posent le plus
problème. Ainsi, l'enseignante peut déterminer les points à ré aborder en cours présentiel
qui seront les plus profitable au groupe.
78 Annexe 6: Une séquence en cours d'anglais sur Moodle.
59
La seconde composante de l'enseignement de Linsay et Marie, que ce soit en
présentiel ou à distance, porte sur la compréhension orale.
« ... L'anglais, le problème : nos étudiants ils sont depuis la sixième, en sixième ils
arrivent et ne connaissent pas l'anglais. L'enseignant en général ne va parler qu’anglais,
les élèves ils vont répondre, ils sortent de la sixième ils savent dire plein de choses en
anglais, et ne savent pas très bien écrire encore. Et puis la cinquième ça va à peu près, et
puis la quatrième avec la pression d'aller au lycée alors on va faire beaucoup d'écrit, à la
fin de la troisième il doit savoir comprendre parler et écrire et lire, tout le programme de
grammaire avait été fait, et à partir de la seconde en gros on prépare au bac. La plupart
des épreuves d'anglais se font à l'écrit, de toutes façons ils sont 30 par classe, donc faire
faire de la compréhension orale, c'est-à-dire mettre une cassette avec question, en
espérant que tous les étudiants en trois fois..., tous les élèves, en trois fois, vont avoir
compris la même chose, c'est complètement utopique, donc en gros ils sortent du bac, ils
savent à peux près bien lire, assez bien écrire, parler déjà, il vont arriver à dire avec un
fort accent quelques trucs parce que bon, ils ont peut-être eu pour certains au bac
l'anglais à l'oral. Mais alors comprendre c'est une catastrophe. »79
L'enseignante
se
trouve
confrontée
à
une
prise
de
conscience
du
dysfonctionnement de la méthode traditionnelle, qu'elle même a appris à appliquer,
d'enseignement de la compréhension orale en langues étrangères. Suite à ce constat, elle
a tenté de construire une nouvelle méthode qui soit plus adéquate à cet enseignement.
Son arrivée concordant avec la mise en place des laboratoires multimédias en langues, et
curieuse des possibilités de ces outils, elle s'est tournée vers ces technologies pour
penser à une adaptation des documents mis à disposition des étudiants de façon à ce
qu'ils soient plus compréhensibles et mieux manipulables par les étudiants afin de
favoriser l'écoute: les enseignantes rendent didactique, préparent dans un but
pédagogique, des documents sonores, les découpent et préparent des éléments
d'explications: « à partir du moment où ils comprennent ce qu'il faut faire, que je leur ai
expliqué un peu pourquoi ils entendent pas etc., ils sont en labo tout le temps en
compréhension orale. Mon boulot principal, il est en amont, je prends mon fichier .wav
enfin peu importe, j'utilise différents logiciels, pour « didactiser », pour leur donner des
aides, pour qu'ils progressent en compréhension orale... » L'étudiant peut ensuite travailler
à son rythme et les enseignantes leurs proposent au fur et à mesure des documents de
difficulté croissante, avec une écoute plus rapide... Elles utilisent pour ce faire un logiciel
79 Entretien 7, juin 2007
60
permettant de découper un texte audio phrase par phrase, par groupe de sens, et de le
rendre sous forme de séquences séparées et numérotées. La manipulation est
grandement facilitée par rapport à un support analogique, ou même numérique non
séquencé. L'étudiant peut écouter une séquence précise. Le logiciel permet de laisser des
séquences de « vide » ou l'étudiant s'enregistre une fois la séquence complètement
entendue. Les enseignantes vérifient ensuite le travail de l'étudiant par une écoute ou un
exercice « à trous » réalisé avec hot-potatoes.
Ainsi, la mise en place des laboratoires multimédias a donné lieu à une réelle
appropriation: en effet, ils ont permis à l'enseignante, sur la base de la réflexion sur le
problème de la compréhension orale, de créer une méthode différente et de la mettre en
application dans son cours. L'outil et la méthode qui s'est constitué avec, ont été pensés
comme éléments de médiation à part entière: une première médiation, plutôt de type
semio-cognitive, consiste à expliquer le fonctionnement cognitif permettant d' « entendre »
une langue étrangère. La seconde médiation, technologique, permet à l'étudiant de
construire son propre fonctionnement d'écoute, en s'appropriant les explications issues de
la première médiation.
Suite au succès de cette nouvelle méthode, constaté par l'enseignante, tant en
terme de satisfaction que de progrès des étudiants, cette application a été aussi utilisée
pour l'enseignement à distance: les séquences sonores et les exercices sont rendus
disponibles sur la plate-forme, ce qui permet aux étudiants de réaliser le même travail
qu'en présentiel. Les enseignantes insistent cependant sur la forte autonomie nécessaire
pour s'approprier ce mode de fonctionnement à distance pour les étudiants: il s'agit de
bien expliquer les objectifs pédagogiques de la démarche, de chacune des aides
proposées, pourquoi ils ne comprennent pas... Ainsi une rencontre en présentiel ou un télé
tutorat en parallèle est nécessaire pour donner des exemples, expliquer les raisons
cognitives de la difficulté rencontrée, et les aider à créer un sens à leur activité. On voit
donc que la double médiation dans cet exercice est un élément nécessaire à
l'appropriation du dispositif par les étudiants. Du point de vue de l'enseignant, on peut
penser à une appropriation partielle de la plate-forme, puisque le moyen d'assurer au
mieux la première médiation est resté sur le mode traditionnel du face à face présentiel
entre les étudiants et l'enseignante.
61
Un exemple d'appropriation des TICE en cours de création multimédia.
Si nous avons pu observer qu'une pédagogie particulière, constituant une logique
d'usage particulière, entraîne une appropriation particulière du dispositif technique
proposé par l'institution tel que Moodle et ses dépendances, on peut imaginer une
pédagogie allant à l'encontre de ce dispositif.
Eric est enseignant contractuel pour la licence à distance, où il assure les cours
d'écriture et scénarisation multimédia, d'esthétique de l'hypermédia ainsi que des
enseignements techniques autour des outils de création multimédia. Il bénéficie de son
expérience professionnelle dans le domaine de l'édition multimédia. Ce domaine et ces
enseignements sont liés à l'utilisation d'outils informatiques. C'est donc « dans l'usage »
qu'il s'est constitué une « culture » des outils spécifiques.
Eric découpe son enseignement en deux activités principales: d'une part l'apport
d'un certain nombre de cadres théoriques, entraînant une réflexion sur les pratiques, et
d'autre part un apprentissage par projets qui permet la mise en pratique de ces réflexions
autour de la création d'œuvres multimédia.
La partie théorique du cours à distance est principalement liée à l'étude de
documents, textes, documents audiovisuels, photos. Après dépôt du document par
l'enseignant, une séance de chat est organisée, proposant une lecture et une discussion
autour du document, et des exercices sont proposés.
Les projets de création d'œuvres commencent par l'imposition d'un thème. Une
réflexion commune est lancée sur ce thème pendant des séances de chat. L'enseignant
introduit ensuite durant ces séances des notions et des exercices de réflexion sur la
méthodologie et sur les pratiques autour de la création d'œuvres multimédia. Il s'agit par
exemple de développer la réflexion sur l'écriture multimédia, comprenant à l'instar de
l'écriture audiovisuelle un travail de formulation d'une idée par écrit, sous forme de
synopsis, ou d'une écriture de l'interactivité, sous la forme de maquettes.
Les étudiants constituent ensuite des binômes et aurons pour but la conception et
la réalisation d'une œuvre. La première étape consiste en un travail sur une idée, un
concept. En plus d'une co-construction au sein du binôme, les idées émergeantes sont
mises en discussion pendant les séances de chat ou en présentiel. L'enseignant parle
d'une réelle co-construction: les modèles et les a priori des étudiants sont discutés de
62
façon critique, et déconstruits de façon à permettre l'émergence de visions personnelles
des étudiants, en leur laissant un maximum de latitude. Les étudiants reconstruisent alors
leurs représentations en soumettant leurs idées à la critique constructive du groupe.
L'enseignant parle de la nécessité d'encourager la diversité des parcours des étudiants.
Le but est de leur permettre de travailler leurs points forts comme leurs points faibles.
Ceci entraîne une diversité des techniques utilisées par les étudiants. Dans cette
appropriation, l'enseignant laisse aussi une large autonomie aux étudiants. Son rôle est de
présenter quelques outils, mais surtout d'être une personne ressource pour répondre aux
interrogations personnelles des étudiants.
Pour cet enseignant, l'idée qui surplombe l'usage des TIC / TICE relève du même
objectif pédagogique. Il s'agit de permettre aux étudiants d'acquérir une distance critique
face aux technologies de communication qui font partie intégrante du travail dans le
domaine de ses enseignements. L'enseignant dit refuser un usage exclusif de la plateforme mise à disposition par l'institution au profit de l'appropriation de différents outils
selon la pertinence de leur utilisation dans le contexte. Ainsi, l'utilisation de messageries
instantanées ou du téléphone est encouragée en parallèle du chat pour les travaux en
petit groupes, certains documents répondant à une demande spécifique ou des questions
personnelles seront envoyées par mails plutôt que via les forums dédiés sur la plateforme,ou messagerie Moodle, dont l'usage par le étudiants est limité à de rares échanges
pédagogiques. L'usage des messageries ou du mail est déjà intégré à la vie quotidienne
des étudiants, et approprié selon le sens décrit par Proulx dans notre première partie 80.
Les outils de planification collaboratifs en ligne développés spécifiquement dans ce but,
seront préférés à une plate-forme moins spécifique, qui induit une utilisation plus
complexe pour une tâche donnée... Le forum Moodle par exemple n'est pas utilisé: il est
moins accessible qu'une boite mail, et moins adéquat à la discussion du groupe que le
chat...Pour les travaux de groupes, l'enseignant décrit une utilisation du chat par
« défaut », à laquelle il préfère une séance présentielle ou une visioconférence...Si
certains documents communs sont déposés sur Moodle, les mails et listes de diffusions
représentent un usage encore plus important, et plus réactif car déjà intégré aux pratiques
personnelles des étudiants et de l'enseignant...
Un des aspects mis en avant dans son enseignement consiste à déconstruire les
préjugés au sujet de l'audiovisuel ou du multimédia, l'enseignant parle d'une « multiplicité
80 cf. p. 24
63
de cases dans la grille » qui constituent une plate-forme, qui présentent le risque d'induire
un certain nombre d'usages et une organisation particulière. En effet, l'outil transmet sa
part de « logique techniciste », et la formation des étudiants à la plate-forme, assurée via
la cellule dédiée aux TICE de l'IUT, contribue à l'établissement d'un « état prescrit »
véhiculé par l'institution. L'enseignant encourage des appropriations personnelles par les
étudiants, favorisant la constitution de choix individuels éclairés. L'enseignant s'adapte
alors à ses choix avec pour seule contrainte que les étudiants eux-mêmes facilitent
l'accessibilité: sites consultables, ou explications complètes des méthodes d'accessibilité...
Il s'agit en fait de faire prendre conscience aux étudiants de la nécessité de la médiation
pour l'appropriation de l'outil en renversant les rôles habituellement attribués à
l'enseignant et à l'étudiant. L'enseignant refuse de scénariser ses cours de la manière
imposée par l'outil: pour lui « l'échange dans ces enseignements doit englober, déborder
l'outil ». Il s'agit d'adapter le dispositif à l'interaction plutôt que d'adapter l'interaction au
dispositif. Dans le cadre de son enseignement de constitution et de réflexion sur une
« œuvre multimédia » L'outil pourrait être le thème de l'œuvre: il s'agit donc de mettre en
place une distance critique à l'outil.
Chapitre 2: Appropriation des techniques pédagogiques et
étude des interactions.
Nous l'avons vu dans la partie théorique, la pédagogie, en tant qu'ensemble de
techniques d'enseignement est systématiquement reliée au dispositif technologique. Une
question se pose sur notre terrain: Comment l'usage des technologies et les techniques
d'enseignement s'influencent mutuellement dans leur appropriation par les enseignants ?
Nous comparerons dans ce chapitre les pratiques et éléments d'appropriations dégagés
dans la description de nos trois cas d'étude aux cadres d'analyses fournis par les sciences
de l'éducation et les modèles présentés dans le chapitre 1 de la première partie. Ensuite
nous étudierons les interactions sous le point de vue des théories de l'école de Palo-Alto.
Afin d'étudier le jeu de ces pratiques et de l'utilisation d'un dispositif technologique, nous
étudierons certains des freins à l'appropriation que nous avons pu dégager des entretiens,
puis nous verrons comment les contraintes du dispositif sont dépassées par la « logique
d'usage ».
64
Appropriation des techniques pédagogiques.
Prenons le cas de Linsay, pour son enseignement des langues: on observe chez
cette enseignante une utilisation du dispositif technique proche d'une pédagogie
behavioriste: dans le cas de l'apprentissage de la grammaire, un cours est mis à
disposition puis travaillé par l'étudiant. Celui ci fournit ensuite une réponse, sous la forme
de l'exercice hot-potatoes, qui permet à l'enseignant d'évaluer son niveau. Pour le cas de
la compréhension orale on cherche de la même manière à stimuler l'écoute de l'étudiant,
et à provoquer une réponse en terme de langage. Le principe ressemble alors à une
« programmation ramifiée » de Crowder: des explications complémentaires sont fournies
sur les points ou l'étudiant est en difficulté, les documents de difficultés croissantes sont
fournis selon le rythme de l'étudiant... L'enseignante se revendique d'ailleurs d'une
pédagogie par objectifs: « On a tous appris a l’IUFM qu’une formation se fait en
progression, qu’on a des objectifs, qu’on travaille par séquences, donc une séquence
normalement, c’est sur un point précis… ». Elle a ainsi organisé son cours en séquences
et planifié celles-ci en semaines. Les ressources fournies cours, exercices, documents
multimédias sont très formalisés. On tente d'obtenir un conditionnement de l'étudiant,
vérifiable pour la grammaire par les phrases à produire, toujours sur le même modèle, ou
pour l'aspect écoute, en mettant en place une démarche de compréhension / reproduction.
La démarche se teinte cependant d'une réflexion sur la formation de la structure
mentale de l'apprenant, par l'explication des raisons cognitives pouvant provoquer les
difficultés d'écoute de l'étudiant. La méthode se teinte alors d'un point de vue plus proche
du constructivisme, avec la discussion engagée par l'enseignant avec l'étudiant en
difficulté visant à faciliter le processus d'accommodation. On ne peut cependant parler
d'un véritable constructivisme car l'apprentissage se fait ici réellement sur un mode réactif,
et non proactif. Cependant nous pouvons noter que cette médiation intervient en
présentiel, et que le dispositif n'est pas approprié pour ces aspects nécessitant une
communication « analogique » avancée.
On notera que cette pédagogie, si elle est rendue possible dans la plate-forme,
dépend essentiellement de fonctions externes, pas prévues dans le développement de
65
Moodle: l'exerciseur hot-potatoes est un programme indépendant, intégrable à Moodle par
la fonction étiquettes. De la même manière, si les documents audio didactiques et les
enregistrements des étudiants sont partageables via la plate-forme, les fonctionnalités de
découpage, « didactisation », enregistrement ne sont pas implémentées sur Moodle et se
font grâce à des programmes tiers.
Il s'agit ici d'une véritable appropriation au sens proposé par Akrich81: la plate-forme
est détournée pour rendre accessible d'autres applications, elles-mêmes correspondant
mieux à la démarche et à la pédagogie de ces enseignantes en langue.
La pédagogie mise en place dans les deux autres cas est plûtot à relier au type
socioconstructiviste Une vraie place est accordée à l'appropriation des éléments
théoriques proposés, et celle-ci se fait à l'épreuve du groupe. L'enseignant privilégie une
approche par projets, particulièrement propice à l'accommodation, et se positionne dans
un rôle de ressource dans une construction ou l'étudiant est actif, c'est à dire une
démarche proactive.
L'enseignant met en avant de véritables séquences d'interactions: dépôt de fichier,
discussion de groupe, mise en application et discussions dans les projets sont corrélés:
par exemple, l'enseignant fera reposer un travail sur l'image sur un document, la
discussion autour de ce document, la réalisation d'un projet dont l'un des aspect est un
travail graphique, un retour en surplomb théorique sur la réflexion qui guide ce travail et sa
partie graphique...et on peut inclure dans cette séquence les interactions des binômes en
dehors ou en marge des cours, encouragées par l'enseignant...
Le modèle de communication mis en avant dans ce type de pédagogie est le
modèle de l’orchestre : conformément à la théorie de Birdwhistell, l’interrelation entre les
multiples acteurs qui interviennent dans et autour de la formation sont des éléments
structurants dans ces séquences d’interaction. En effet, on observe par exemple dans les
deux cas ou la pédagogie se rapproche d’un modèle socioconstructiviste que chaque
étape de réflexion ou de mise en pratique est sanctionnée par une interaction avec le
groupe, sous forme de télétutorats, que ce soit dans un objectif de co-construction de
savoirs, ou dans le but de faciliter le processus d’accommodation dans la pratique. D’autre
part, cette vision est reliée de façon cohérente à l’objectif général de la formation, qui
forme des professionnels dans un milieu où le travail par projet est privilégié : les aspects
de travail en groupe, de partage de connaissances, de coordination, de relations
81 Akrich, M., « Les utilisateurs, acteurs de l’innovation » , Education permanente, n° 134 , 1998.
66
humaines sont considérés comme essentiels. La mise en avant d’une telle conception de
la communication est donc aussi un facteur d’acculturation à un milieu et à des méthodes
de travail reliées à une réalité professionnelle. Ainsi, la prise en compte de la médiation
sociale est partie intégrante de la « culture » dont parle Winkin82.
Le rôle des interactions.
La formation à distance bouleverse les types d’interactions traditionnels du face à
face étudiant- enseignants dans une classe d’enseignement en présentiel. La
communication devient médiée et des modalités d’interaction naissent des contraintes
imposées par le dispositif technique, des techniques pédagogiques utilisées par les
enseignants, et des besoins des étudiants.
A partir de nos trois cas d’étude, nous observerons comment ces contraintes sont
appropriées et quels modes d’interactions ont lieu dans un dispositif TICE .
La formation elle même est un des facteurs encourageant les relations entre les
participants: sur le cas spécifique de la LIPSTIC, qui à pour objectif la formation
d'assistants chef de projets multimédias ou postes équivalents, le travail de groupe sur
des projets (durée, objectifs définis) nécessite une coordination entre participants et une
communication fluide, développant des rapports de confiance... Pour Odile, il est donc
nécessaire de mettre en place des enseignements rendant la coopération nécessaire.
Mais si des relations se créent entre les participants, l'enseignante met aussi en avant le
rôle important des séances de regroupement en présentiel, ou se créent des affinités,
ainsi que la formation de « clans » par centres d'intérêts.
Pour Odile, la formation des images respectives des interlocuteurs de chacun des
autres est un moment essentiel, qu'il vaut mieux favoriser par une rencontre initiale en
présentiel: « passer d'une relation à distance à une relation en présentiel est beaucoup
plus ambigu que le passage d'une relation en présentiel à distance, car en présentiel on
voit la personne, est déjà en cours une autre interprétation, notre jugement qui est
beaucoup plus crédible qu'à distance...ils ont déjà construit une image de l'enseignant
qu'ils gardent à distance. » « Bien un étudiant qui était chez-nous en DUT et en DUT je le
82 Winkin, Y., op. Cit., p 87.
67
connaissais, il était souvent en retard, à distance il est resté fidèle lui-même et quand il
arrive avec un sourire, lol, c'est encore moi je suis en retard, et donc on à l'image qu'ont
ces étudiants-là... ».
Elle décrit l'importance de cette image, et le travail nécessaire dans une relation
médiée par les TIC pour l'entretenir. « Je pense que chaque enseignant à des éléments
d'expression propre à lui, par exemple moi je ne me prive pas des lol,..., enfin quand je
sourit derrière mon écran, j'ai besoin aussi de faire passer, qu'ils connaissent aussi ma
réaction, si je disais quelque chose un peu marrant et que de l'autre coté l'enseignant ne
fait même pas un petit lol, je pense que socialement parlant... C'est pas... Donc on essaye
avec les smiley et tout ça de représenter notre expérience, notre expression et notre
interaction... ». Cette mise en scène de soi, exprime l'importance donnée aux interactions
dans la pédagogie de formation. Il s'agit de mettre en place un feed-back sur l’état de la
réception et de l'émission de l'autre pour effectuer des ajustements et ainsi établir un
consensus.
On sent dans le discours de l'enseignante la faiblesse du dispositif à créer un cadre
propice à la formation de relation, même si elle en admet la possibilité. Celui -ci remplit
cependant bien son rôle dans l'entretien de ces relations. En s'attardant sur le manque
occasionné par l'absence de photos des gens avec qui on communique via la plate-forme,
elle rend compte du rôle important de la communication non verbale dans cette fonction,
comme contexte des interactions.
L'institutionnalisation des interactions dans le cadre d'un projet, d'une formation
permet de rétablir en partie cet équilibre, les interactions ayant à nouveau un « sens ».
Elle met en avant cet aspect durant les séances de TD où le travail est à effectuer en
binômes: les étudiants ont la nécessité de communiquer, de collaborer pour fournir une
réponse commune. Cette collaboration est évaluée par des questions aux deux membres
des binômes qui montrent si chacun a bien saisi le point abordé. L'usage des TIC est ici
sous entendu! Les étudiants étant distants les uns des autres, ils utilisent selon leurs
besoins et préférences téléphone, mail, messagerie instantanée pour communiquer. Il
s'agit aussi d'un moyen de les socialiser à la communication et à l'usage des TIC et à une
réception multimédia à la fois pour la formation, mais aussi pour leur vie professionnelle,
contribuant à former une boucle « interaction - TIC - objet ». L'importance donnée au
travail de groupe, et aux multiples interactions qui y ont lieu, que ce soit pendant ou en
68
dehors des cours, contribue réellement à créer et renforcer la « matrice » dont parle Yves
Winkin. Dans le cas des enseignements d’Eric, le travail spécifique à la matière sur la
sensation médiatisée, au travers de la réflexion et de la création d'œuvres multimédia
prend en compte de façon importante la part de communication analogique au travers de
supports numériques. On note aussi que la multicanalité est encouragée par une grande
liberté d'utilisation des supports, mail, messageries instantanées, téléphone, chat,
documents écrits, audiovisuels ou multimédias, communication face à face... Un véritable
« méta travail » est engagé avec la mise à distance critique du dispositif, et une
appropriation éclairée et flexible des outils en fonction des besoins spécifiques des
interactions. « Il y a cette dynamique là, c'est vrai qu'il y a des devoirs avec le mail, le
dossier, sur MSN qui viennent là pour compléter l'interaction... Quand on est sur le chat,
on n'est pas que sur le chat, on est aussi sur MSN, on est aussi sur le mail, on est aussi
sur le devoir... »
La formation des enseignants joue un rôle observable dans l'utilisation d'une
pédagogie et d'un dispositif. Les enseignants de la LIPSTIC disposent du soutien de la
cellule MEDIATICE qui développe des fonctionnalités et assure un soutien à la création
des cours avec les TICE et dans Moodle. S'ils n'ont pas de formation générale à la
pédagogie, la formation aux TICE et à un dispositif spécifique avec des experts et
concepteurs influe sur l'usage à venir des technologies en mettant en avant un usage
« prescrit » du dispositif, privilégiant un modèle pédagogique et au sein duquel vont se
jouer les interactions à distance. Ici, on observe aussi que le modèle pédagogique
privilégié par la formation (a priori socioconstructiviste) est fortement relié à une
socialisation à l'usage des TIC et à une conception des interactions (orchestrale car multi
canal, et fortement dépendante de leur contexte).
Dans le cadre d'une pédagogie différente, comme c'est le cas pour les
enseignements de grammaire ou de compréhension orale pour Linsay, on observe que le
travail dans ce cours porte sur des interactions simples: en grammaire, on travaille des
points particuliers à l'intérieur de phrases simples. Par exemple, dans les exercices hotpotatoes ou les mini-devoirs, on s'intéresse à une interaction courte constitué de quelques
messages tout au plus (un échange étudiant-machine, ou étudiant-enseignant), très
faiblement contextualisée. La vision de la communication utilisée ici dépends du modèle
69
« télégraphique », on ne tient compte que d'une interaction à la fois (message et feedback).
Pour les exercices de compréhension orale, il en va de même. L'étudiant travaille
par interaction avec la machine, en autoformation. Les interactions destinées à la
médiation des savoirs, en quelque sorte ici de la transmission du « code », les processus
cognitifs d'écoute, se font en présentiel de façon très classique. On peut parler d'une mise
en avant d'un modèle « télégraphique » aussi dans ce cas.
Nous venons de voir que les enseignants mettent en œuvre dans leurs pratiques un
« bricolage » de techniques pédagogiques qui se fait au regard du terrain, et qui modifie
les modes d'interactions autant qu'il est modifié par elles. Mais la médiatisation rendue
nécessaire par la distance pose aussi des contraintes qu'il nous faut prendre en compte
pour mieux saisir le processus d'appropriation.
Appropriation d'un dispositif technologique.
Linsay, très active dans le département de langues, en parlant d'un problème
simple, nous apprend quelle représentation elle se fait de la place du dispositif dans la
formation, et comment l'appropriation technique de ce dispositif est problématique.
Réalisant des mini-tests grâce au module hot-potatoes, intégrable à la plate-forme
Moodle, elle prend en compte les résultats obtenus dans la note finale et assure ainsi un
suivi de l'avancée des étudiants. La récupération des notes, prévue et matérialisée par un
« export au format Excel », est problématique, et se combine mal avec le reste des outils
utilisés hors plate-forme:
Elle qualifie la manœuvre de « pénible », de bidouillage: L'enseignante ne
considère pas le domaine technique comme part de ses attributions, celle ci doit être
transparente
pour permettre au mieux à
l'enseignant
d'assurer
ses fonctions
pédagogiques. L'effort supplémentaire d'appropriation demandé par l'incompatibilité de la
plate-forme et du logiciel utilisé pour le traitement des notes, « pas difficile » en soit, est un
frein à l'exploitation de la plate-forme.
Un autre enseignant
parle ainsi du dispositif comme problématique, car trop
dépendant de la technique: la plate-forme d'enseignement n'est qu'un des éléments de
l'infrastructure informatique, au même titre que les mails, éléments de sécurités... Pour lui,
70
« la plate-forme doit être prioritaire, parce que la réalisation de nos enseignements dans
notre métier, c'est notre priorité, ce qui n'est pas encore le cas. »83
Les enseignants se reposent pour ces questions sur la cellule MediaTICE, mise en
place par l'université dotée de développeurs pour résoudre ces problèmes, et les porteurs
de projets des autres sections, mais leur temps de traitement est parfois long et amène un
stress supplémentaire aux enseignants.
Un premier frein à cette diffusion est la surcharge qui pèse donc sur ces porteurs de
projets, ainsi que les dimensions de la cellule pour assister l'appropriation technique et
pédagogique des enseignants. La raison principale invoquée pour la non-appropriation de
certains outils est le temps. Si le temps d'appropriation de l'outil, autant technique que la
conception et la formation d'usages est souvent un obstacle, surmonté quand l'enseignant
y trouve son compte, en produisant par exemple un outil ou un usage pérenne et efficace,
cohérent avec sa pédagogie, toute perte de temps directement liée à la technique est
considérée comme inadmissible: « À l'utilisation, c'est des heures et des heures de travail,
quand vous êtes un peu loin du serveur, moi j'ai une bonne connexion wifi, il y avait des
moments où je pouvais aller aux toilettes entre le moment où j'entrais un mot et le moment
où je pouvais en entrer un autre... »
D’autre part, le temps de production des ressources pédagogiques pour la
formation à distance reste problématique : Il s'agit de repenser tout le dispositif
pédagogique, et de reprendre en grande partie la recherche documentaire, la création de
supports, d'exercices, le système d'énonciation, et les objectifs mêmes des cours par
rapport à un cours en présentiel.
Un second point est spécifiquement dû à la formation et à la socialisation des
enseignants: formés et expérimentés à l'enseignement en présentiel, ils se posent la
question de l'efficacité de la formation à distance, une des contraintes étant la nécessité
d'une efficacité immédiate pour respecter la qualité de la formation assurée. Or ce qu'ils
connaissent est efficace, mais le passage à l'enseignement avec les TICE demande une
révision profonde de leur pédagogie et de la formalisation de leurs cours. L'un d'eux dit:
« Un enseignant expérimenté peut presque arriver les mains dans les poches dans un
cours présentiel ». Le contenu même du cours est adaptable selon la réception du public,
83 Entretien 5, juin 2007
71
d'autant plus perceptible par l'enseignant qu'il possède un feed-back « immédiat »,
synchrone et non médiatisé. La formation à distance pose le problème de la formalisation
des connaissances due à la fois au dispositif lui même, mais aussi à la dénaturation du
feed-back de la réception des étudiants à distance. Même en cas de télé tutorat, les
séances sont planifiées, les bases de cours prêtes et s'appuient sur des documents
formels qui doivent être préparés. Par exemple, toute modélisation des connaissances,
exposées presque intuitivement sur un tableau en présentiel, doit être préparée et
formalisée pour être ensuite diffusée à l'aide d'un dispositif technique complexe. Une fois
appropriées les dimensions techniques un vrai travail de médiatisation intervient.
Deux éléments viennent progressivement se mettre en place pour répondre à ces
contraintes. Afin de favoriser la propagation des pratiques d'enseignement avec les TICE,
un dispositif laissant une grande autonomie aux enseignants doit continuer de favoriser les
partages d'expériences, les mutualisations de ressources et compétences entre les
enseignants, sur des thématiques spécifiques aux TICE. Un tel fonctionnement en réseau
existe à une échelle limitée et de manière informelle chez les enseignants à l'IUT. Les
enseignants expriment le besoin de formaliser ces rencontres, avec une politique
d'établissement forte pour dégager le temps et les moyens nécessaires à l'émergence des
innovations pédagogiques. De telles initiatives se concrétisent actuellement de façon
ponctuelle, avec par exemple les réunions de l'APLIUT, association pour les langues à
l'IUT, qui réunit les enseignants en séminaires de partages d'expériences, ou les journées
annuelles du MoodleMoot, conférence dédiée à la réflexion sur les évolutions techniques
et pédagogiques autour de la plate-forme Moodle, à des ateliers de formation et de
partage d'expériences... mais elles restent rares au sein de chaque matière et domaine
d'enseignements,
qui
expriment
des
besoins
particuliers
à
ces
domaines,
et
nécessiteraient des initiatives institutionnelles.
D'autre part, avec une socialisation et une compétence croissante dans le domaine
des TIC, les enseignants entrant dans des formations utilisant les TICE, en présentiel ou à
distance, sont amenés à concevoir leur pédagogie directement avec les outils à
disposition, passant le dispositif d'un dispositif de formalisation d'une pédagogie plus ou
moins constituée, à un dispositif de création pédagogique.
72
Appropriation : affordance et méthode d’enseignement.
L’analyse des entretiens réalisés nous permet d’observer plus particulièrement deux
voies d’appropriation des TICE dans les enseignements à distances sur lesquels portent
cette étude : dans un premier cas, on observe que l’appropriation des technologies est
principalement guidée par les choix pédagogiques de l’enseignant. Un second moment
consiste adapter une méthode d’enseignement aux outils disponibles.
Dans le cas d’Odile, on observe notamment que le changement de pédagogie
précède l’utilisation des TICE. En effet, elle décrit le passage d’une pédagogie
« transmissive » à une pédagogie presque « socioconstructiviste » guidé par les attentes
et besoins de son public. Son appropriation des TICE est basée sur les mêmes
préoccupations. Le passage à un enseignement à distance n’a donc pas modifié sa
pédagogie, mais a entraîné des adaptations sur la méthode : avec un feed-back restreint,
et un rôle de motivation des étudiants toujours important, mais plus difficile à mettre en
œuvre à distance, c’est son rôle de « guide de lecture » qui prend le pas sur le rôle de
« source d’information » en engageant la réflexion commune sur les sujets abordés
pendant les interactions avec les étudiants avant la transmission de documents. Les deux
aspects étaient cependant déjà présents dans son enseignement en présentiel.
Le cas des enseignements d’anglais de Linsay et Marie, mettant en œuvre une
pédagogie différente, part de la même manière d’une méthode d’enseignement : on
enseigne les bases de grammaire et de vocabulaire, et on travaille sur la compréhension
orale. Les mêmes objectifs sont maintenus, en présentiel et à distance, et avec
l’introduction progressive des TICE, en privilégiant toujours une approche transmissive et
comportementale. De façon similaire au cas précédant, les TICE sont introduites et
utilisées pour mettre en place et améliorer une méthode d’enseignement sur laquelle la
réflexion était déjà amorcée d’un point de vue global pour l’enseignement de la matière,
envers un public donné, conformément à un diplôme. Les changements évoqués sont
d’ordre organisationnel, mais ici aussi les TICE sont conçus comme un apport
supplémentaire, voire palliatif. Du point de vue pédagogique, le changement principal
apporté avec la mise à distance et les interactions médiées par les TICE d’une part tout en
conservant des séances en présentiel est la formalisation des moments consacrés à la
73
médiation sémio cognitive, à laquelle les séances en présentiel sont dédiées. Si cette
médiation se faisait au fur et à mesure, et selon l’appréciation de l’enseignant dans une
forme d’enseignement traditionnel, ces séances dédiées renforcent le point de vue critique
et l’autonomie de l’étudiant lorsqu’il doit exprimer ses difficultés et ses besoins spécifiques.
Le cas des enseignements d’Eric est encore différent : ici la matière porte
directement sur les TIC et leurs usages. La pédagogie d’enseignement compose donc
avec les TICE. Cependant, la pédagogie est principalement dictée par les objectifs de
formation : une matière de conception et réalisation de projets audiovisuels et multimédias
rend
nécessaire
une
méthode
d’enseignement
par
projets
et
une
pédagogie
socioconstructiviste cohérente avec l’environnement de travail pour lequel les étudiants
sont formés. Ici aussi donc, ce ne sont pas les TICE qui induisent une pédagogie, mais
bien l’usage des TICE qui est adapté à une méthode d’enseignement. L’élément le plus
flagrant qui confirme cette affirmation est la mise à distance critique et la forte flexibilité
que prône l’enseignant dans cette matière : l’utilisation de la plate-forme et des outils mis à
disposition n’est envisagée que lorsque ces outils sont jugés adéquats, et volontiers
remplacés par des outils autres. Ainsi, si la pédagogie est conçue dans un univers ou les
TIC existent et sont considérées comme performantes dans des activités données, ce ne
sont pas les TICE qui président à la modification de la pédagogie.
Chapitre 3: Médiation et rôles des enseignants tuteurs.
Pendant les entretiens réalisés, plusieurs enseignants évoquent un glissement de
leurs fonctions avec le passage à un enseignement à distance, avec les TICE. A partir des
éléments théoriques abordés dans la première partie, il est intéressant d’observer les rôles
effectivement mis en avant chez les enseignants sur notre terrain. Ces différents rôles
sont à mettre en relation avec les modèles pédagogiques observés et les types de médiations mis en avant précédemment. Ainsi nous ne nous attarderons pas sur le rôle de facilitateur / médiateur de connaissance aussi mis en avant précédemment, mais nous reprendrons le cadre d’analyse constitué d’après Daele et Docq84 et Donnay et Dreyfus85.
84 A. Daelle, Docq F. le tuteur en ligne, quelles conditions d’efficacité dans un dispositif d’apprentissage
collaboratif ?, AIPU, Louvain-la-Neuve, mai 2002,
(http://www.unifr.ch/didactic/new_didactic/modules/icontent/inPages/amaury/2002aipu.pdf)
74
Rôle social.
Le premier des rôles mis en avant est le rôle social, de soutien affectif envers les
étudiants. Il s’agit d’écouter les étudiants dont les préoccupations débordent parfois les
cours et influent tout de même sur leur apprentissage. Ce rôle comprend ensuite la
dimension de moteur motivationnel de l’enseignant pour le groupe.
Le chat par exemple, permet dans une certaine mesure de transmettre une part de
communication analogique importante pour ce soutien :
17:07 [tuteur] OUAAAH! trop bien!
17:08 [étudiant1] haha
17:08 [étudiant2] ça marche qu'avec TOTO ?
17:08 [étudiant1] nous aurions pu faire également
17:08 [tuteur] étudiant1> Faut bien déconner un peu. Tout le monde dort...
17:08 [étudiant1] heu je sais pas essai vins le king
17:09 [étudiant1] tuteur> je sais mais je me marre vraiment devant mon écran
Afin de contribuer à créer une ambiance de classe, à renforcer les relations entre
les participants, on note que dans la majorité des séances, un ton informel est donné à
des exercices effectués dans un contexte pourtant formalisé. Tuteurs et étudiants se
laissent aller à des échanges et à un vocabulaire que l'on évite généralement dans un
contexte éducatif!
12:16 [tuteur] moi, je me lance tiens, pour vous aider!
12:16 [étudiant1] le monde se transforme évolue et nous plonge de plus en plus dans le
virtuel afin d'échapper à la triste réalité qui est l'individualisation des comportements
12:17 [tuteur] ok.
12:17 [tuteur] pour moi la réalité ce sont des cyclones qui s'aspirent les uns les autres...
12:17 [tuteur] pourquoi pas...
12:18 [tuteur] et les autres alors ?
12:18 [tuteur] ah, c'est pas évident, c'est vrai...
12:19 [tuteur] mais ça vaut le coup de s'interroger là-dessus peut-être.
12:19 [tuteur] donc re-présenter signifie redonner la vie.
12:19 [tuteur] un peu.
12:19 [tuteur] pas complètement, mais presque.
12:20 [tuteur] et en "reformant" la réalité de manière à la rendre conforme à son point de
vue d'artiste.
12:20 [tuteur] quelle magnifique définition! je m'étonne moi-même, parfois...
12:20 [tuteur] notez! notez!
85 J. Donnay, A.Dreyfus, Le rôle du mentor dans un dispositif d’apprentissage par situations problématiques (ASP)
comme entrée dans le développement professionnel de futurs enseignants, 16ème congrès international de l’AIPU.
75
12:21 [tuteur] voici un nouveau document, en attendant vos éloges...
12:21 [étudiant2] bravo
12:22 [étudiant3] fékicutation c magnifique
12:22 [étudiant3] félicitation pardon
12:22 [tuteur] Fichier bowen.jpg envoyé sur le chat
12:22 [tuteur] merci merci. c'est gentil et tellement spontané...
12:23 [étudiant4] de rien
Dans cet exemple, le tuteur, par son monologue enflammé, cherche à solliciter l'attention des étudiants, en utilisant un ton comique. Sans communication non verbale ou
sans smileys, on se représente assez facilement le comportement du tuteur. C'est donc le
rythme associé à quelques phrases explicites sur la légèreté de sa communication (sur un
sujet sérieux) qui provoque ici une émotion chez les étudiants.
Les enseignants évoquent aussi l’importance accrue des contacts a vocation
« personnelle » par mail : « Des fois ils me sollicitent sur des problèmes qui n'ont rien à
voir, comme je travaille par mail, je leur réponds, ils me posent aussi plus facilement des
questions qui n'ont rien à voir avec l'électronique, hier j'en ai reçues, j'ai renvoyé à la
conseillère pédagogique, mais c'est à moi qu'ils l'ont posée, parce qu'ils ont l'habitude de
correspondre avec moi par mail... ». Ces
contacts, à vocation personnelle ou
motivationnelle peuvent être considérés comme des aspects de la médiation sociale des
enseignements, car ils forment un contexte à l’apprentissage et une relation humaine
entre tuteur et étudiant qui renforce l’image positive de l’enseignant et agit sur la réception
de l’étudiant.
Rôle de modérateur et d’organisation
Bien que déjà présent dans le quotidien des enseignants dans des formules
traditionnelles, le rôle de modération et d’organisation se trouve modifié et renforcé par
l’usage des TICE dans une formation à distance. La planification des séances de cours et
de leurs contenus, en fonction du programme à mettre en œuvre pour un cours donné est
une attribution de l’enseignant en présentiel ou à distance. Cependant, si l’enseignant en
présentiel possède une grande latitude et peut s’attarder sur un point plus longuement
lorsque nécessaire ou supprimer des parties de son cour au fur et à mesure, et selon la
76
réception des étudiants, l’enseignant à distance, au sein d’un dispositif TICE est beaucoup
plus contraint.
Dans les cas similaires aux enseignements de Linsay, la partie transmissive de
l’enseignement est déposée des le début de l’année, de façon très formalisée. Elle met
ensuite en œuvre une planification chapitre par chapitre, afin que tout le contenu soit vu
par les étudiants. La plate forme permet de mettre en œuvre cette planification en
masquant puis en révélant les parties du cours au fur et à mesure, afin de fixer le scénario
pédagogique le mieux adapté à l’apprentissage.
Les séances de télé tutorat nécessitent aussi d’être bien préparées et planifiées :
pour réaliser des exercices en travaillant sur le chat, le cours doit avoir été appris par les
étudiants au préalable de la même façon qu’en présentiel. Il est cependant plus difficile
d’ajuster les thématiques abordées, le feed-back des étudiants y étant moins perceptibles
que dans une interaction en face à face. Dans l’enseignement tel qu’il est proposé en
LIPSTIC à distance, une grosse partie des enseignements repose sur l’autoformation des
étudiants, à partir de contenus proposés par les enseignants. Le nombre de séances de
télé tutorat ou en présentiel est très limité et contraint par la distance entre les participants,
mais aussi par leurs autres activités, de nombreux étudiants ayant en parallèle une activité
professionnelle. Ces éléments réduisent la flexibilité et les ajustements possibles, quand
tout le programme doit être vu. D’autre part, cette planification fait partie de la médiation
semio-cognitive : « l’étudiant, quand il sait où il va, il y va beaucoup mieux que quand il ne
sait pas… »
Rôle d’expert.
Donnay et Dreyfus86 mettent en avant le rôle d’expert de l’enseignant en ligne,
consistant à la fois dans la conception et la mise à disposition de ressources
pédagogiques, dans la transmission de savoirs et savoir-faire, et dans la disponibilité
envers les étudiants comme « ressource », en répondant aux questions que peuvent
poser les apprenants sur les sujets concernant la matière enseignée.
La problématique évoquée par plusieurs des enseignants à distance entretenus est
la grande quantité de savoir rendue disponible facilement et au plus proche des étudiants
86 J. Donnay, A.Dreyfus, Le rôle du mentor dans un dispositif d’apprentissage par situations problématiques (ASP)
comme entrée dans le développement professionnel de futurs enseignants, 16ème congrès international de l’AIPU.
77
dans les différents centres de ressources comme les bibliothèques publiques et
universitaires, mais aussi en ligne grâce au réseau Internet. Cette immense masse de
savoirs à disposition présente un certain danger dans l’optique d’un enseignement, dans
un diplôme et une formation donnée : en effet le « lectio » constituée par les étudiants se
constitue parfois sur la base de sources qui ne sont pas validées par des experts
« légitimes » c'est-à-dire scientifiquement contrôlées. Ainsi les étudiants risquent
d’assimiler de fausses information ou des savoirs partiellement inexacts. De plus, la
progression de l’apprentissage, fixée auparavant par l’établissement d’un programme
d’enseignement, et maintenu par le rôle de modérateur et d’organisateur des enseignants
n’est plus respectée, ce qui peut nuire à l’appropriation des savoirs par les étudiants, et les
« embrouiller ». Il est donc important que les enseignants mettent à disposition des
ressources validées, et dans un ordre respectant la logique de formation la plus propice à
l’appropriation des étudiants. Il est tout aussi important de proposer des voies
d’approfondissement, auxquelles les étudiants seraient susceptibles d’être confrontés, en
proposant des sources scientifiquement validées dans divers domaines.
C’est dans cette optique que le rôle de l’enseignant à distance glisse d’une certaine
manière d’un rôle d’expert, en tant que source principale d’information, vers un rôle de
ressource, répondant à des demandes spécifiques des étudiants qui construisent leur
« lectio » de façon plus autonome que dans les formules d’enseignement traditionnelle, et
un rôle de médiation plus important.
Ce contexte d'une société de l'information disponible et accessible rapidement et en
grande quantité, et le glissement de rôle que cela entraîne dans l'enseignement, est
particulièrement propice aux pédagogies de type constructivistes et socioconstructivistes:
en effet les pédagogies de type transmissives ou behavioristes dans une moindre mesure,
considèrent l'enseignant comme la source principale d'informations, et ne prennent pas en
compte les mécanismes d'appropriation cognitive de ces informations.
Il s'agit tout à fait du cas de figure décrit par M. De Certeau: le « braconnage »
d'informations se fait de plus en plus intense, faisant glisser la problématique de la
transmission de l'information vers des questions d'appropriation et de médiation de ces
connaissances.
Les solutions envisagées que proposent les enseignants pour faire face à ces
problèmes prennent place dans des pédagogies manifestement piagetiennes ou
78
socioconstructivistes, et font appel au potentiel de la plate-forme et des TICE: la plateforme étant un outil en ligne, de nombreux enseignants proposent des liens vers des sites
Internet proposant une connaissance scientifique validée. Le fait de sélectionner les
connaissances qui deviennent du coup les plus facilement accessibles, car directement
présentes sur l'outil de travail quotidien de l'étudiant permet la constitution de cours, ou
plutôt de bases de connaissances, sous la forme d'un « hypertexte » qui peut suivre la
scénarisation pédagogique la mieux adapté à la progression des étudiants. De la plate
forme comprenant les connaissances de bases mises en forme par l'enseignant, l'étudiant
« saute » vers des sites, qui eux-mêmes sont souvent le début de nouvelles pistes de
recherches,gardant l'esprit de validité scientifique. Ainsi on observe qu'il s'agit en fait pour
l'enseignant d'initier le mouvement dans une direction adéquate pour palier à de nombreux
problèmes liés au « braconnage » de connaissances non pertinentes.
Le rôle d'expertise de l'enseignant demeure donc dans trois activités principales: la
constitution du corpus primaire sur lequel s'appuient les étudiants, la veille et la sélection à
opérer pour proposer des documents d'approfondissement, et la réponse aux sollicitations
des étudiants, grâce à ses connaissances personnelles, ou à l'apport d'une méthodologie
de recherche et d'une certaine connaissance des recherches dans le domaine enseigné.
Rôle de facilitateur de l'appropriation technique du dispositif.
Donnay et Dreyfus87, soulèvent la question de l'appropriation du dispositif technique
par lequel le tutorat sera réalisé. Cette question se généralise dans notre étude à tous les
enseignements, que ce soit sous forme de télé tutorat, ou sous forme d'autoformation assistée par des outils mis à disposition par les enseignants ou utilisant des outils technologiques. Nous pouvons mitiger l'idée évoquée par Donnay et Dreyfus en affirmant d'après
les entretiens réalisés que ce rôle n'est pas uniquement inhérent aux enseignants. En effet, pour cette partie de l'appropriation du dispositif par les étudiants, les enseignants bénéficient de l'appui de deux facteurs importants: la cellule MédiaTICE et le développement
constant d'une « culture » des technologies de façon autonome par les étudiants.
87 J. Donnay, A.Dreyfus, op. Cit.
79
Odile décrit une appropriation du dispositif partielle et selon les contraintes inhérentes à son programme et à son enseignement: Si elle parle de son utilisation du chat,
des forums, du dépôt de fichier ou des fonctions d'organisation de ses documents dans
chaque cours, elle dit n'avoir jamais expérimenté certaines fonctions comme le wiki. « J'utilise maintenant ce qui me paraît le plus urgent pour mon cours et le plus évident pour
que les étudiants puissent d'abord s'approprier cet outil ». On note ici la double contrainte
d'appropriation pour elle, qui demande du temps qu'elle consacre prioritairement à son
cours et à son bon déroulement, et du « faire approprier » aux étudiants. Elle se repose
pour cet aspect de l'enseignement sur une assez large « culture du net », et une forme
d'auto apprentissage par expérimentation personnelle des étudiants. Favorisée par le milieu autour duquel gravite la formation (informatique, multimédia), et par les enseignements dans les autres matières, l'enseignant suppose acquises un ensemble de pratiques
(utilisation des forums, chat...) et un mode d'expression inhérent au support: « c'est plus
facile pour eux peut-être de poser une question en ligne que de la poser quand on expose
un dossier en présentiel. »
Un des facteurs dominants dans l'appropriation du dispositif technique réside dans
l'acculturation croissante des étudiants aux nouvelles technologies, à la fois durant leur
scolarité antérieure, mais aussi dans leur quotidien et leur vie privée. En effet, la majeure
partie des étudiants dans l'enseignement supérieur a déjà été confrontée à la navigation
sur Internet qui est le coeur du fonctionnement de la plate-forme. D'autre part, des
éléments ont été intégrés à la plate-forme pour renforcer cet effet d'acculturation en imposant une pratique régulière répondant à des attentes et nécessités devenant régulières
pour les étudiants: c'est par exemple le cas de l'établissement d'une adresse mail institutionnelle, ou de la mise en ligne sur la plate-forme de l'emploi du temps.
Un des enseignants porteurs de projet TICE parle de la nécessité d'un seuil critique
de « mouvement » sur la plate-forme pour faciliter l'appropriation du dispositif par les étudiants: par exemple la mise à jour de l'emploi du temps, où des notes sont des éléments
structurant de la vie des étudiants à distance, qui les consultent très régulièrement. Une
fois connectés, ils vont plus naturellement voir les autres sections, éducatives cette fois.
« Si il n'y a qu'un truc qui change tous les 15 jours, ils ne vont pas y aller, il me semble... »,
« Oui, oui, absolument il faut garder les emplois du temps et des notes parce que c'est
80
des trucs qui changent toutes les semaines, donc ils y vont, ils y vont, donc après ils regardent, ils font un QCM... »88
La part de facilitation de l'appropriation technique du dispositif dévolue aux enseignants réside donc principalement dans l'ajout et la mise à jour de contenus. Il en va de
même pour l'utilisation des emails, grâce à l'adresse institutionnelle fournie à chaque étudiant par l'université.
De plus, la cellule MediaTICE propose une formation aux étudiants de toute l'université qui utilisent la plate-forme éducative Moodle et les autres outils TICE mis à dispositions, tels que l'adresse mail institutionnelle ou les laboratoires de langues. Les fonctionnalités de base de la plate-forme - comme l'accès aux cours, le dépôt de fichiers, l'accès
au chat... - sont alors expliquées et mises en pratique par les étudiants.
88 Entretien 6, juin 2007
81
Conclusions Générales.
Nous avons commencé cette recherche par une question intrigante: Comment
enseigner à distance et via un dispositif TICE ? Cette question de départ nous a tout
d'abord amené à nous ré-interroger sur la définition de dispositif et celle de l'appropriation.
Considérer le seul dispositif technologique, l'ensemble des outils informatiques en
l'occurrence, permettant la médiatisation des supports d'enseignement nous à paru
insuffisant, car le contexte de cette étude, l'enseignement, est imprégné de techniques qui
lui sont propres. Enseigner est une communication particulière, qui mobilise tout un champ
de recherche. Nous avons donc inclus à notre dispositif ces techniques, comme partie
prenante des « contraintes » à la communication que représente un dispositif de
médiatisation.
Un intérêt supplémentaire s'est alors ajouté à ce travail: comment concilier
communication et sciences de l'éducation ? Nous avons fait le choix de nous positionner
en sciences de l'information et de la communication, et d'accentuer cette recherche sur les
aspects de médiatisation et d'interaction qui sont des aspects centraux de ce champ de
recherche. Cependant, la prise en compte du champ des sciences de l'éducation, et un
approfondissement autour de certaines méthodes pédagogiques liées à l'utilisation des
technologies de l'information-communication nous ont amené à une première conclusion:
dans un contexte de développement des TIC et des réseaux informatiques dans lequel
l'information est omniprésente dans le quotidien des individus, et ce dès leur plus jeune
âge. L'individu devient pourtant le centre de la société et les sciences de l'éducation, en
prenant progressivement en compte cet état de fait, ont proposé des méthodes faisant une
place prépondérante à la médiation des connaissances par rapport aux aspects purement
transmissifs qui étaient au coeur de l'enseignement traditionnel.
Le deuxième point central que nous devions aborder pour comprendre comment les
enseignants enseignent à distance avec un dispositif TICE a été le concept
d'appropriation. C'est ici dans le champ de la sociologie des usages que nous avons
trouvé des éléments pertinents pour notre étude centrée sur un dispositif de
communication. Les études menées par Jouet, Mallein, Toussain, Proulx sur les dispositifs
technologiques en général, ainsi que les travaux de De Certeau, Millerand ou Paquelin sur
des dispositifs de communication plus spécifiquement nous ont amené à concevoir
l'appropriation comme le processus établissant la différence entre un usage prévu du
dispositif et ses usages effectifs résultant d'une tension, d'un « bricolage » entre « logique
82
d'usage » et « logique de conception » qui provoque les actes de déplacement,
adaptation, extension ou détournement du dispositif. Cette définition d'un processus situé
dans l'action nous à ramené au concept de médiation: en effet la double appropriation en
jeu sur le terrain de l'enseignement, celle du dispositif par les enseignants et apprenants,
mais aussi celle des savoirs et compétences par les apprenants s'effectue grâce à des
médiations: médiation propre à l'outil, liée à ses affordances, établissant la relation entre le
concepteur et l'utilisateur du dispositif, médiation sociale, qui situe l'usage au sein de
relations humaines et d'un contexte social, médiation semiocognitive, qui vise à
l'émergence d'un sens à l'objet et à l'usage en lien avec les structures cognitives propres
de l'usager, et médiation sensorimotrice qui situe l'appropriation dans une relation au
contexte physique.
L'appréhension de ce lien profond entre médiation et appropriation nous à entraîné
vers un positionnement de l'enseignant comme à la fois « construisant » une appropriation
mais aussi « vecteur » de l'appropriation par les apprenants. La discussion et l'analyse
des rôles de l'enseignant, autour des fonctions décrites par Daelle, Docq, Donnay et
Dreyfus et de l'analyse des entretiens que nous avons réalisés nous ont montrés que ces
fonctions jouent un rôle pour chacune des composantes de la médiation envisagée. De
plus, conformément à une conception de l'appropriation « dans l'usage », l'appropriation
« pour » la médiation se fait aussi « par » la médiation.
Pour conclure ce travail de recherche, nous nous sommes penchés sur certaines
de ses limites qui pourraient faire l'objet de recherches ultérieures.
Nous avons appréhendé ce travail sous un angle exclusivement qualitatif. Si la
démarche nous à permis de saisir des appropriations différentes et d'explorer le lien
unissant médiation, appropriation et dispositif, il nous est difficile de prendre du recul et de
saisir l'ampleur de certains facteurs sans allier une démarche quantitative à ce travail.
Combien d'enseignants sont concernés par l'enseignement à distance ? Dans quelle
mesure se développent des initiatives novatrices et combien d'enseignants se mobilisent
pour faciliter l'appropriation des TICE auprès de leurs pairs ? Combien de cours sont
réellement développés ? Certains secteurs sont-ils privilégiés ? De nombreuses questions
restent en suspend et nécessiteraient une recherche sur un terrain plus large afin de
tenter d'obtenir un point de vue global sur les dynamiques de l'appropriation des TICE à
un niveau régional, ou national !
Nous avons fait le choix de ne travailler qu'a partir d'une seule plate-forme
d'enseignement. Si ce choix nous a permis de prendre la mesure de l'importance de la
83
« logique d'usage » dans l'appropriation en analysant comment les enseignants, selon les
matières enseignées et leurs orientations personnelles s'approprient différemment un
même dispositif, il serait tout aussi intéressant d'effectuer la démarche complémentaire
consistant à étudier des dispositifs technologiques différents afin de saisir l'ampleur de la
pression exercée par la « logique de conception » des outils. Il serait ainsi particulièrement
intéressant d'observer les différences qui émergent entre les appropriations d'enseignants
de même matières et de conception de l'enseignement proches.
Enfin, nous avons délibérément abordé ce travail en tenant compte de différentes
méthodes d'enseignement que nous pouvons rattacher, de façon bien entendu mitigée par
les usages, à des modèles pédagogiques. Une analyse plus fine de chacun de ces
modèles et un travail de terrain autour de méthodes d'enseignement délibérément
rattachées à ces modèles seraient un bon moyen d'analyser les effets de chacun sur le
dispositif technologique lui même.
84
Annexes.
85
Annexe 1: Histoire des Technologies de l'Information –
Communication pour l'Enseignement.
Les années 1970 sont les années où la télévision devient un média de masse. La
télévision est introduite en classe, en particulier dans l’enseignement primaire. Les
formations à son utilisation se développent : analyse de l’image, écriture télévisuelle, etc.
La télévision scolaire se développe également avec des programmes de plus en plus
structurés, à l'initiative de l'ORTF. On trouve alors des programmes comme Les nouvelles
règles de calcul de Jean-Vincent Fournis, réalisé par Louis Doucet, en 1969.
Cependant, les documents audio-visuels comme le transparent, le laboratoire de
langues ou les diapositives sont davantage utilisés par les enseignants que les supports
vidéo. Mais, dans le discours de l’institution scolaire, ces moyens pédagogiques sont
toujours conçus comme une simple aide à la pédagogie frontale du cours ( un enseignant
face à un groupe considéré homogène pour un cours à « ingurgiter » par les élèves ) qui
reste indiscutée comme forme « normale » de l’enseignement.
Les premières applications informatiques commencent à se diffuser dans les
établissements scolaires, du moins à titre expérimental à l’issue d’un colloque organisé
par le CERI en 1970 (Centre pour l’innovation et la recherche en éducation, dépendant de
l’OCDE). Le ministère de l’Éducation Nationale décide d’introduire en France dans la
formation des jeunes lycéens une démarche de pensée nouvelle « modélisante,
algorithmique et organisationnelle » liée à la science du traitement de l’information en plein
essor, l’informatique…
Ces applications s’inspirent du courant behavioriste qui considère l’ordinateur
comme une
simple
machine
à enseigner permettant
une individualisation
de
l’enseignement. L’ordinateur sert à s’exercer, à répéter des apprentissages qui sont
conçus de manière graduée avec des possibilités de corrections des erreurs qui guident
l’apprenant vers la solution correcte. Les courants cognitiviste et constructiviste restent
alors complètement minoritaires malgré des travaux précurseurs comme ceux de Papert
qui invente le langage logo pour permettre aux enfants de s’initier à la programmation.
Mais, la culture de l’évaluation qui reste dominante dans le monde enseignant
s’accommode mieux d’une conception de l’ordinateur comme simple répétiteur qui
accompagne la pédagogie de l’enseignant. Il n’est donc pas question d’utiliser l’ordinateur
comme une machine qui puisse servir à créer des situations d’apprentissage ou comme
une machine intelligente qu’il faudrait apprendre à dominer. Les éditeurs scolaires de
86
didacticiels pour l’enseignement renforcent cette tendance en demandant aux auteurs des
produits qui soient calqués autant que possible sur les contenus des manuels.
En 1976, lorsque le bilan de l’expérimentation est tiré, l’avancée est énorme : 500
professeurs ont suivi des stages de six mois à un an, conçus pour eux par des universités
bénéficiant de l’appui des premiers formés ; nombre d’entre eux enseignent dans les 58
lycées équipés et disposent de décharges significatives pour accompagner leurs
collègues, animer des clubs informatiques, produire. Plus de 400 logiciels ont ainsi été
conçus, réalisés et mis à disposition des enseignants : logiciels outils comme le traitement
de texte, logiciels auteurs, exerciseurs, logiciels de simulation, d’apprentissage,
d’entraînement et ce dans toutes les disciplines. Lorsque à la fin des années 70 sont
fabriqués les premiers micro-ordinateurs et que le gouvernement décide de soutenir cette
industrie naissante par la commande publique, il peut se fier à l’expérience acquise et
lancer le plan « 10 000 micro-ordinateurs » pour les lycéens.
Les années 1980 voient se développer de nouvelles réflexions sur les nouvelles
technologies et leurs utilisations pédagogiques. On commence à percevoir qu’on peut
apprendre différemment grâce à elles. L’ordinateur individuel devient un produit plus
abordable et plus facile à utiliser. La formation des enseignants aux NTIC (Nouvelles
Technologies de l’Information et de la Communication) se développe, mais reste dans une
optique essentiellement technique, sans que les questions proprement pédagogiques
soient vraiment abordées. On voit ainsi se créer des formations lourdes (une année
entière) pour apprendre la programmation et la maintenance du matériel aux enseignants.
Ces formations restent sans grands effets sur l’intégration de l’ordinateur aux pratiques
pédagogiques de la classe.
Dans la première partie des années 1980, l’expérience du plan IPT (Informatique
Pour Tous) laisse des souvenirs contrastés chez les enseignants du primaire. Décidé sous
la direction personnelle du premier ministre de l’époque (Laurent Fabius), le plan IPT doit
permettre d’équiper en matériel informatique toutes les écoles primaires de France en un
laps de temps relativement court (deux ou trois ans). Les instituteurs doivent être formés à
l’utilisation de ce matériel qui sera également disponible, hors des heures de classes, pour
des usagers non scolaires. Mais la formation ne suit pas ou demeure très mal adaptée aux
besoins des instituteurs. Le bilan pédagogique et financier de l’opération restera comme
un mauvais souvenir pour les utilisateurs, souvent découragés par les difficultés
rencontrées. Cependant le plan IPT a conféré un caractère inévitable et incontournable à
l’introduction des nouvelles technologies informatiques dans l’enseignement, même si ses
effets immédiats ont été faibles et parfois désastreux.
87
Dans la continuité du plan IPT, un grand nombre d’enseignants bénéficient de
formations courtes, généralement peu adaptées au travail qu’ils font en classe. Malgré
toutes les injonctions qui accompagnent le plan IPT, une grande partie des équipements
restera dans les cartons de livraison.
L’essentiel de la formation reste trop technique et la prise en compte du travail en
classe et la possible intégration des TIC dans des projets pédagogiques avec les élèves
n’est que peu envisagée. La formation se fait toujours dans l’urgence, à la faveur des
livraisons de matériels sans qu’il y ait jamais un début de réflexion sur le sens
pédagogique qui en est attendu. La greffe de l’innovation ne prend pas et les enseignants
innovateurs très minoritaires ne renversent pas la tendance car le manque de temps, de
ressources, de soutien et de reconnaissance par leur hiérarchie freinent la généralisation
de ce qui reste une pratique isolée. On ne peut donc pas dire que la pratique pédagogique
soit alors renouvelée par l’utilisation de l’ordinateur. Les logiciels outils (traitements de
textes, bases de données, tableur, traitement graphique) se répandent et servent aux
enseignants comme à certains élèves ou étudiants à préparer des documents pour des
cours, des exposés, des évaluations, etc.
Les années 1990-2000 voient l’explosion des TIC, essentiellement grâce aux
activités liées au développement d’Internet qui, par certains côtés, assure la pérennité des
pratiques pédagogiques utilisant les TIC. Internet devient une gigantesque bibliothèque
virtuelle dans laquelle élèves comme enseignants vont puiser de l’information. Il permet
également de développer tout ce qui est lié aux échanges et à l’enseignement à distance:
groupes de travaux virtuels, échanges de dossiers et d’expériences, correspondance entre
classes, formation à distance, surtout développée dans les entreprises dans un premier
temps.
Les universités se sont lancées dans le pari de l’enseignement à distance, c’est
ainsi que les campus numériques commencent à faire leur apparition en France,
notamment grâce à l’accord signé le 11 octobre 2000, entre le Centre National
d’Enseignement à Distance (CNED), la Conférence des Présidents d’Université (CPU), la
Conférence des Directeurs d’Ecole et Formations d’Ingénieurs (CDEFI) et la Conférence
des Directeurs d’Instituts Universitaires de Formation des Maîtres (CDIUFM) pour
développer l’apprentissage en réseau. Une signature qui est en mesure de prouver le
souhait des universités françaises de combler un retard en matière d’enseignement à
distance. Le ministère de la Recherche et le ministère de l’Education Nationale ont lancé
en 2000 un appel à projets pour la constitution de campus numériques. Cet appel a été
reconduit en 2001 et la Direction de la technologie a reçu 117 projets, 66 ont été retenus
88
pour être en partie financés pour une étude de faisabilité (niveau 1) ou pour réalisation
(niveau 2). C’est ainsi que des projets comme FORSE, FOrmations et Ressources en
Sciences de l’Education, comme CANEGE, CAmpus Numérique en Economie et GEstion
ont vu le jour.
Annexe 2: TICE :
Ces technologies de l'information communication appliquées à l'enseignement sont
désignées par l'acronyme TICE:
« L’acronyme TICE pour Technologies de l’Information et de la Communication pour
l’Enseignement recouvre sous son apparente limpidité des réalités diverses.
En première analyse nous entendons les services et applications informatiques
utilisant la technologie du réseau Internet à des fins d’enseignement. Plus précisément il
s’agit des plates-formes pédagogiques disponibles à partir de serveurs qui offrent les
applications suivantes : visioconférences, audioconférences (téléconférences), chat
(télétutorat), stockage d’information pédagogique (déposées par les enseignants et les
étudiants). Nous ajouterons également le mail.
Plus largement, on considérera comme TICE toute application informatique,
participant au fonctionnement d’une formation, et à la transmission et à la mise en
commun des connaissances. Cet élargissement de l’acception se centre sur l’usage,
l’appropriation et l’utilisation de tous les dispositifs qui relèvent de l’informatique et des
réseaux (connexion à distance, accès partagé). »89
Cette première définition comporte une forte injonction technique: les TICE sont
d'abord des technologies, soit des ensembles d'applications permettant la communication
sur différents canaux. Leur fonction éducative n'est pas intrinsèque: c'est l'usage qu'on en
fait et leur contexte d'utilisation qui en font un outil pédagogique.
On peut, à la suite de Pierre MOEGLIN, mais en apportant des modifications au
tableau qu'il a proposé90, distinguer schématiquement quatre orientations, composant
89 Sylvie Bourdin, Bruno David, Jean-Luc Bouillon, TICE : enjeux d’une mutation en cours, Bilan et transfert
d’expérience, IVè rencontres Europe-Amérique Latine sur la coopération et la formation technologique et
professionnelle, Venezuela, 2004.
90 Moëglin, P., sous la direction de, Industrialisation de la formation. Etat de la question, CNDP, Paris, 1998.
89
autant d'usages différenciés et de stratégies des décideurs en matière d'éducation :
« - le développement de télé-services (gestion des cours, tutorat à distance, accès à des
ressources éducatives complémentaires, visioconférences, travail en réseau via des
forums, etc.), ceux-ci généralement conçus et réalisés par les personnels éducatifs en
place pour compléter et accompagner l'offre de formation actuelle; cette orientation,
actuellement engagée dans de nombreuses universités, n'est pas sans poser de difficiles
problèmes de gestion;
- l'accès (le plus souvent en ligne) à des ressources en libre-service, favorisant des
pratiques "individualisées", proposées par des sociétés de services, fournissant des
logiciels plus ou moins perfectionnés et d'accès contrôlé ; ces modalités fonctionnent le
plus souvent en collaboration avec les organisations éducatives;
- le recours à des produits standardisés, correspondant ou non à des cursus, mais
pouvant s'y intégrer facilement en raison de la tendance forte à la modularisation des
enseignements; cette orientation participe de la production éditoriale des industries
culturelles; elle sera de plus en plus accessible en ligne, via le téléchargement;
- l'appel à des produits éducatifs élaborés, aptes à répondre à des demandes
personnalisées, surtout pour la formation continue liée à l'activité professionnelle. »91
On insiste ici sur ces différents usages possibles: services complémentaires pour la
formation, modes d'accès à l'information, intégration des produits au mode de formation
souhaitée.
Ainsi, d’une façon générale, la technique progresse beaucoup plus vite que les
utilisations qui en découlent. L’innovation technique ne suffit pas, à elle seule, à assurer
l’innovation pédagogique. Pour que cette dernière se développe, il faut que la technique
devienne assez simple afin que les professionnels de la formation se l’approprient sans
avoir à y consacrer trop de temps. Il faut également, et surtout, que cette technique ne
remette pas trop en cause l’organisation antérieure du travail scolaire. Plus généralement,
l’introduction des TIC dans l’enseignement est soumise à une sorte de résistance au
changement caractéristique de personnes atteintes d’une phobie technologique. De plus,
l’introduction des nouvelles technologies ne modifie pas, par elle seule, le rapport au
savoir des enseignants et des élèves ou la conception que les uns et les autres se font de
leur rôle dans la classe. L'importation d'une vision particulière de l’enseignement peut elle
91 Norma Fernandez Arriaga, Laurent Collet, Carmen Perez Fragoso, Hélène Godinet Bernard Miège, Mathilde
Miguet, So Youg Oh, Roxana Ologeanu, Philippe Quinton, Françoise Séguy, Séminaire TICE du GRESEC,
Université STENDHAL- Grenoble 3, En quoi les TICE innovent-elles ? Pour une analyse communicationnelle du
recours aux TIC dans l'enseignement supérieur, article présenté lors du colloque Bogues 2001à Montréal
90
aussi donner lieu à des résistances. Pour certains, la tentation est grande de placer sur le
même pied l'enseignant et la technologie. L'un peut-il remplacer l'autre ou le détrôner ?
Cette attitude entraîne parfois une méfiance de la part des enseignants, qui doivent
repenser leur rôle « avec » les TICE.
C'est donc dans un nouveau questionnement sur l'apprentissage que l'innovation
des TICE doit être envisagée: Qu'est ce qu'apprendre ? En quoi les nouvelles
technologies de l'information -communication peuvent elles proposer un appui dans un but
pédagogique ?
Annexe 3: Développement des TICE dans l'IUT observé.
Le contexte du développement des TICE et leur évolution au sein de l'IUT
permettent en partie d'éclairer certaines pratiques et l'idéologie guidant cette mise en
place. Au cours des entretiens réalisés auprès de deux porteurs de projets, nous avons pu
dégager un « fil directeur » qui permet d'éclairer l'état actuel et les développements en
cours dans l'utilisation des TICE.
Jean-Baptiste, ancien directeur adjoint de l'IUT, à été nommé chargé de mission
TICE en l'an 2000. De plus, il préside une commission de la vie universitaire chargée de
favoriser les appels à projets sur l'innovation pédagogique, disposant d'un financement
propre préparant le travail
du conseil d'université. A la fois impliqué dans le
développement des usages des TICE et dans les commissions administratives qui en
assurent la gestion au niveau de l'IUT, il possède ainsi un point de vue global sur les
évolutions en cours et les différentes initiatives autour des TICE et impulse au niveau
institutionnel ces évolutions permettant à l'IUT et à sa direction de se doter de moyens
d'assurer ce développement. On peut noter l'aspect circulaire de ce mode de
fonctionnement: intéressé par les évolutions pédagogiques liées aux TICE, cet enseignant
s'est impliqué dans l'institution à plusieurs niveaux, ce qui à renforcé sa sensibilité et sa
disponibilité aux innovations et aux TICE... Enseignant par ailleurs dans un des
départements majeurs de l'IUT, il dispose d'une bonne connaissance des enseignants de
l'IUT, sur les différents sites d'enseignement. Son rôle principal est d'assurer la cohésion
entre les personnes et leurs projets autour des TICE. A ce moment quelques initiatives
personnelles sont lancées, dont des projets d'enseignement en ligne. Une licence à
distance est créee, et travaille à partir d'une ébauche de plate forme développée en
91
interne, mais se limitant à des fonctions de dépôt de documents et de forum. Les
premières années de travail autour de la cohésion des TICE ont consisté à développer les
partages d'expériences en organisant des réunions d'enseignants. L'idée de la mise en
place d'une plate-forme est advenue et les premières réunions d'information ont données
une impulsion de départ à de nouvelles initiatives, et à une intégration progressive des
TICE à l'enseignement. En 2003, la licence à distance utilise FLE92 puis en 2004-2005
sont lancés des appels à projets et l'IUT décide d'utiliser la plate-forme Spirale,
développée et maintenue par l'Université de Lyon et disposant d'une équipe de
développement et médiatisation composée d'une quarantaine de programmeurs et
spécialistes de la médiatisation de contenus pédagogiques. Quelques enseignants
commencent à mettre en place des cours en ligne, pour des enseignements présentiels.
L'enseignement des langues est mis en avant avec la création de ressources par
quelques enseignants motivés, et le projet de mise en place de laboratoires de langue
multimédia. Pour coordonner les différentes initiatives émergeantes dans la région, la
direction de l'Université impose le choix de la plate-forme Moodle, ce qui ne va pas sans
frictions avec l'IUT pour la migration des contenus réalisés avec Spirale, et repose le
problème de la maintenance et du développement. Les financements accordés lors de la
mise en place de ces projets et la volonté de pérenniser la licence à distance aboutissent
à la création d'une cellule dédiée au développement des TICE à l'IUT composée de
programmeurs puis d'une personne plus particulièrement dédiée au maintien du lien avec
les enseignants au début de l'année 2005-2006. Les appels à projets aboutissant, et avec
l'assistance de la cellule, le développement s'accélère, et un chargé de mission
supplémentaire est nommé. Cet enseignant de formation technique et ayant déjà participé
à la mise en place de formules d'enseignement à distance dans d'autres universités se
révèle être un véritable porteur de projet, proche des enseignants, enseignant lui même à
distance au sein de la licence proposée par l'IUT, et créant des développements avec la
cellule pour la plate-forme. L'objectif sous-jacent à la polarisation entre un chargé de
mission animateur et administratif, un chargé de mission plutôt opérationnel, et la cellule
dédiée aux TICE, est de donner une nouvelle impulsion qui aide la plate-forme et
l'enseignement à distance de se développer à l'IUT et de tenter de compenser la perte du
support qu'offrait la plate-forme Spirale.
La politique de création des ressources pédagogiques à l'IUT repose donc en
grande partie sur les initiatives des enseignants, favorisés par les financements dégagés
92 Français Langues Etrangères, les premiers projets nationaux d'enseignement à distance sur plate-forme éducative
étaient en effet dédiés aux enseignements de langues.
92
par la commission, mais ne disposant que d'un minimum d'aide technique, la cellule se
dévouant majoritairement aux nouveaux développements applicatifs, au fonctionnement
de la plate forme, ainsi qu'à une aide à l'appropriation par les enseignants en organisant
des formations et en répondant aux questions des enseignants. Certains échanges et
médiatisations de cours sont effectuées avec l'aide des deux chargés de mission,
enseignants donc plus proches des considérations de terrain de leurs collègues, créant
des ressources pour leurs propres enseignements, les contacts informels étant privilégiés.
Chaque département s'organise ainsi autour d'enseignants très actifs, porteurs de projets,
qui ont très vite intégré les TICE à leur pédagogie, et qui font un gros travail de diffusion
auprès de leurs collègues. On note que la volonté institutionnelle de se donner les moyens
de développer les TICE à l'IUT est par ailleurs moins développée que dans certaines
autres Universités, avec une cellule fortement réduite et qu'une politique globale au sein
de l'Université en question au sujet de ces évolutions n'a été que tardive et a provoqué un
certain recul pour l'IUT qui avait donné une impulsion de départ.
Annexe 4: Une formation.
L'IUT, délivre depuis la rentrée 2000-2001, une licence professionnelle (Bac+3).Il
est possible de suivre cette formation selon deux modalités: enseignement traditionnel à
Castres, ou enseignement à distance selon une formule de blended learning comprenant
des enseignements à distance stricts et quatre périodes de regroupements en présentiel :
−
Octobre (3 semaines)
−
mi Décembre (1 semaine)
−
mi Février (1 semaine)
−
mi Mai (1 semaine)
La
formation
vise
l'acquisition
d'une
double
compétence,
technique
et
communicationnelle, appliquée à la conduite de projets multimédia.
Les matières sont variées et les deux aspects (scientifico-technique et sciences
humaines et sociales) ont une égale importance dans la formation.
En tant que formation professionnalisante, une part importante est faite (volume
horaire et coefficient) aux périodes d'application (stage et projet tuteuré) et à
93
l'expérimentation du fonctionnement par groupe de projet.
La classe qui nous intéresse ici est le groupe formé à distance, qui représente un
effectif de 21 étudiants. Il se divise en deux groupes selon les options choisies par les
étudiants, groupe1 (12 étudiants) et groupe 2 (9 étudiants).
La formation dure 12 mois: de début Octobre 2006 à début Octobre 2007.
Dans le cadre de l'apprentissage, l'année est soumise à une alternance de périodes en
formation et en entreprise.
Chaque
période
d'enseignement
traditionnel
est
suivie
d'une
période
d'enseignement à distance accessible via Internet: séances de télétutorats et des travaux,
des études, à réaliser seul ou en petit groupe, en auto formation encadrée. Les
télétutorats sont des séances d'exercices encadrées à distance, généralement à l'aide du
chat sur Internet. Un stage en entreprise de 12 semaines est prévu de Mi-Février à miMai. Un projet tuteuré, répondant à une problématique d'un commanditaire extérieur, est à
faire en petit groupe, tout au long de l'année. Dans le cadre de l'apprentissage, le travail
effectué par l'apprenti en entreprise, est évalué dans les Unités d'Enseignement du stage
et du projet tuteuré.
Annexe 5: Le portail.
Moodle est une plate-forme d'apprentissage en ligne sous licence open source
(permettant le développement perpétuel de l'outil par la communauté) servant à créer des
communautés d'apprenants autour de contenus et d'activités pédagogiques.
A un système de gestion de contenu, Moodle ajoute des fonctions pédagogiques ou
communicatives pour créer un environnement d'apprentissage en ligne : c'est une
application permettant de créer, par l'intermédiaire du réseau, des interactions entre des
pédagogues, des apprenants, et des ressources pédagogiques.
La plate forme pédagogique Moodle est le pivot de la formation. En effet, elle
centralise les activités d'apprentissage des étudiants et leurs relations avec les
enseignants. Moodle fut créé par Martin Dougiamas, dans une optique que lui-même
qualifie de constructiviste: Le constructivisme postule que la connaissance est construite
dans l'esprit de l'apprenant et non retransmise de manière statique via des livres ou des
formateurs. La fonction du formateur, du point de vue du constructivisme, est de créer un
environnement pédagogique permettant aux apprenants à construire leurs connaissances
94
à partir de leurs expériences et compétences. Cette position s'éloigne de la pratique
habituelle du formateur qui présente l'information et évalue l'information que doit maîtriser
un étudiant en favorisant une co-construction des savoirs, mais aussi la personnalisation
des parcours par les étudiants en proposant une grande modularité, ce qui est conforme à
l'optique développée par le programme d'éducation européen uniformisé (réforme LMD).
La page d'accueil permet l'accès aux différents cours: les cours dans lesquels
l'utilisateur est inscrit apparaissent dans l'onglet de droite, sinon l'utilisateur doit rechercher
le cours dans une catégorie.
On note sur le site diverses fonctionnalités pratiques:
•
Recommandation et téléchargement du navigateur open source Mozilla Firefox
pour lequel le site est optimisé (encouragement du logiciel libre)
•
Visualisation des utilisateurs connectés (accès au profil et à l'envoi de messages
privés)
•
Alertes de messages personnels
•
Calendrier
•
Annonce des événements proches à venir
95
96
La page d'accueil d'un cours se compose ainsi:
97
La communication avec les autres membres du cours est encouragée par la liste
des membres et la possibilité d'envoi de messages personnels.
L'accès aux ressources est simple, les supports de cours ont disponibles sous
forme de forum par un simple clic sur le lien.
Les autres cours sont toujours présents sur cette page, facilitant la navigation de
l'un à l'autre par les étudiants.
La colonne de droite permet d'accéder rapidement aux évènements récents et
avenir, ce qui pré-organise le travail des utilisateurs.
L'interface prévoit donc plusieurs moyens de communication entre les utilisateurs:
l'envoi de documents sous forme de forum dans chaque cours, l'envoi de messages privés
à un utilisateur en particulier ou l'utilisation du chat.
Pour ce qui est de l'envoi de messages, l'interface proposée est similaire à celle
d'un envoi d'email.
98
Dans le cas du chat, on dispose d'une interface simple, comprenant à droite la liste
des personnes connectées (1) et au centre le salon de discussion proprement dit où
s'affichent les messages des utilisateurs précédés de leur nom et de l'heure du message.
Au dessous se trouve la zone de saisie du texte à envoyer. (2)
Annexe 6: Une séquence en cours d'anglais sur Moodle.
Le cours organisé pour ce semestre porte essentiellement sur la grammaire. Chaque point
de grammaire donne lieux à une section dans le cours sur Moodle:
99
Chaque point est ensuite illustré d'une mise en application sous forme de test via le
logiciel hot-potatoes93 intégré à Moodle:
L'étudiant répond et le logiciel lui indique si la réponse est correcte et son score actuel:
93 Hot-potatoes est un programme intégré comme module à la plate-forme, permettant la création et la mise à
disposition d'exercices.
100
Le résultat est ensuite enregistré et l'étudiant et l'enseignant peuvent y accéder.
Chaque fin de chapitre est sanctionnée par un devoir à remettre en temps limité
consistant à créer 5 phrases comportant le point abordé en anglais.
La section est complétée par une fiche récapitulative téléchargeable en format texte
et imprimable par l'étudiant.
101
Annexe 7: guide d'entretien
Quelle matière enseignez vous?
Comment envisagez vous l'enseignement de votre matière, en général ?
Quelles sont les spécificités de votre enseignement dans un dispositif TICE?
Comment «faites-vous» pour enseigner ? (pour tenter d'obtenir des référents
théoriques...)
Quels changements implique l'enseignement à distance?
Parlez moi de votre expérience des formations à distance.
Depuis quand enseignez vous à distance?
Quels cours avez vous animé?
Impressions ( avantages et inconvénient par rapport à l'enseignement traditionnel...)
Glissement des fonctions?
pédagogie socio-constructiviste ?
Quelle expérience avez vous des outils informatiques?
Début
Activités
Aisance (utilisateur débutant, confirmé, pour le travail, le jeu, la programmation,
systèmes maîtrisés?)
Que lle utilisation faites vous des TIC suivantes dans vos enseignements ?
Mail
Forums
Cours en ligne
Chat
Faire raconter en détail l'utilisation , ex:Quelle expérience avez vous du chat?
102
Depuis quand utilisez vous les chats? Quelle est votre histoire d'utilisation de ce
type d'application?
Rôle spécifique par rapport aux autres outils?
Arrivez vous à transmettre grâce au chat: comprendre, mémoriser, s’exercer,
approfondir, suivi individuel , .... ?
L'utilisation du chat est elle adaptée pour votre matière? Comment?
Connaissez-vous (avez-vous utilisé) d’autre plateforme que Moodle ? Quand ? Dans
quel contexte ?
La plateforme Moodle vous semble-t-elle adéquate pour la formation? Quels en sont
selon vous les avantages et défauts?
Comparer les différentes plateformes ou illustrer les avantages et les
inconveignants à partir d’une comparaison .
Que pensez vous de l'apport des TICE d'un point de vue relationnel?
Pensez vous que le chat, le mail... jouent un rôle dans la cohésion du groupe des
étudiants? Et entre les étudiants et les enseignants ?
Comment ces aspects «humains» s'expriment-ils sur ces supports ? Utilisation de
smileys, ponctuation?
103
Bibliographie.
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1951/1988.
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pratique visiophonique », Culture technique, n° 24, 1992.
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Participation au travail sur « Nouvelles Formes d¹Apprentissage par les TIC avec
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