Aa ABSTENTIONNISME ◆ Non-participation à un scrutin électoral. À un niveau plus général, désigne toute forme de non-participation citoyenne (abstentionnisme civique, syndical, associatif). La sociologie électorale distingue l’abstention de la non-inscription sur les listes électorales. ➥ Si l’on ne prend pas en compte les cas d’obstacles matériels (maladie, éloignement géographique, etc.), l’abstentionnisme électoral peut avoir deux origines. Il peut s’agir d’un désintérêt pour la vie politique lié à un manque d’intégration. Ce sont ainsi les moins intégrés socialement (jeunes, chômeurs, personnes âgées) qui participent le moins au vote. Pierre Bourdieu met en avant le sentiment d’incompétence politique lié à la possession d’un faible capital culturel et à une position sociale inférieure. L’abstentionnisme peut aussi être un acte politique conscient qui, loin d’être le reflet d’une passivité politique, témoigne soit d’un rejet du régime politique ou du principe même des élections (cas des anarchistes qui rejettent toute forme d’État), soit d’un choix conjoncturel lié à une insatisfaction de l’offre électorale ou à la faiblesse des enjeux. En France, les résultats électoraux montrent généralement un fort taux de participation pour les scrutins nationaux (élections présidentielle et législatives) et une participation plus faible pour les élections locales (municipales, cantonales), régionales et européennes. Cepen16 dant, la tendance à un plus fort abstentionnisme s’est confirmée depuis deux décennies dans la plupart des vieilles démocraties représentatives. ◆ Voir ÉLECTION ; SCRUTIN. ABUS DE POSITION DOMINANTE ◆ Pratiques, pénalement condamnables, d’une entreprise en situation de monopole ou de quasi-monopole. Elles peuvent prendre la forme de refus de vente, de méthodes discriminatoires, de prix très bas constituant de véritables barrières à l’entrée afin d’éliminer les concurrents. ◆ Voir ANTITRUST ; BARRIÈRES À L’ENTRÉE ; C ONCURRENCE ; E NTENTE ; MONOPOLE ; thème « LE JEU DU MARCHÉ ET LE RÔLE DES PRIX ». ACCÉLÉRATION (ou principe d’accélération ou accélérateur) ◆ L’accélérateur montre qu’une variation de la demande finale a pour effet une variation plus forte de l’investissement. ➥ Ce principe fut décrit pour la première fois par A. Aftalion (1909) et J. M. Clark (1917), qui souhaitaient donner une explication aux fluctuations de court terme de l’activité économique. La façon dont les entreprises établissent les anticipations de la demande future conditionne leur comportement d’investissement. Mais ce mécanisme ne joue pleinement que si toute augmentation de la demande nécessite l’achat de nouveaux aA ACCORDS DE BRETTON WOODS biens d’équipement et oblige les entrepreneurs à accroître leurs quantités vendues (et non leurs prix). En troisième lieu le coefficient de capital doit rester constant, ce qui ne suppose aucune amélioration de la productivité du capital, et exclut les effets du progrès technique. En 1939, Paul Samuelson a conçu un modèle, l’oscillateur, dans lequel les fluctuations économiques s’expliquent par l’effet combiné de l’accélérateur et du multiplicateur d’investissement : les entrepreneurs, en fonction d’une augmentation escomptée de la demande, doivent réaliser des investissements plus que proportionnels à l’augmentation attendue de la demande ; ces investissements engendrent des revenus supplémentaires pour d’autres agents économiques. Par exemple, dans un village, un boulanger utilise un four à pain pour satisfaire sa clientèle. Il voit sa demande augmenter de 20 % en raison de l’implantation d’une maison de retraite et doit doubler sa capacité de production, c’est-à-dire faire construire un nouveau four à pain. Le mécanisme de l’accélérateur montre qu’un accroissement de 20 % de la demande entraîne une augmentation de 100 % de l’investissement. Pour faire ce travail, le boulanger embauche un artisan qui va ensuite dépenser les revenus qu’il va recevoir après avoir accompli sa tâche, auprès d’agents économiques (entreprises, commerces, etc.) qui vont aussi dépenser une partie de leurs revenus (mécanisme du multiplicateur). ◆ Voir CYCLES ; INVESTISSEMENT ; MUL- TIPLICATEUR D’INVESTISSEMENT. ACCORDS COMMERCIAUX ◆ Accords signés entre pays afin de mieux organiser leurs échanges économiques. Ils peuvent avoir comme objectif de favoriser le libre-échange ou le protectionnisme. ➥ On peut également les distinguer se- lon leur logique : soit ils concernent les relations économiques avec l’ensemble des autres économies nationales - on parle alors de multilatéralisme -, soit il s’agit de relations propres à quelques pays seulement - on parle alors de bilatéralisme, s’ils concernent seulement deux pays, ou de régionalisme, s’ils sont plus nombreux. L’accord du GATT a ainsi été réalisé selon une logique multilatérale : il devait profiter à tous les pays. À l’inverse, les accords donnant lieu à la construction de la Communauté économique européenne ont permis la constitution d’un bloc régional favorisant les échanges entre les pays membres. ◆ Voir COMMERCE INTERNATIONAL ; INTÉGRATION ÉCONOMIQUE. ACCORDS DE BRETTON WOODS ◆ En 1944, les Alliés organisent une conférence à Bretton Woods (États-Unis) afin de construire un nouvel ordre monétaire international et d’éviter les désordres de l’entre-deux-guerres. Y sont posés les principes structurant le nouveau système monétaire international (SMI) ainsi que la création de deux institutions : le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, ou BIRD. ➥ Deux projets s’y affrontèrent : le plan Keynes et le plan White. Alors que J. M. Keynes défendait notamment la création d’une monnaie internationale (le bancor), c’est le plan américain de H. D. White qui fut retenu. Ces accords instituaient le retour à un système de change fixe où chaque monnaie voyait sa parité exprimée en dollar ou en or avec une marge de fluctuations de + ou - 1 %. Les États-Unis possédant alors les 3/4 du stock d’or, seule la parité du dollar fut fixée en or ; celle des autres monnaies le fut par rapport au dollar. Chaque banque 17 Aa ACCORDS DE BRETTON WOODS centrale devait intervenir afin de défendre cette parité. Le dollar devenait la monnaie internationale, ce système nécessitait donc la confiance dans la capacité américaine à convertir le dollar en or et le dollar devait circuler en quantité suffisante à l’extérieur des États-Unis. Mais, suite au développement d’un marché international du dollar échappant au contrôle des autorités monétaires américaines (les eurodollars) et aux difficultés liées à la guerre du Viêt-Nam, des doutes sont apparus sur la parité du dollar avec l’or et sur la capacité des autorités monétaires américaines à assurer la convertibilité. En août 1971, le président américain Nixon mit fin à la convertibilité, ouvrant ainsi la crise du système de Bretton Woods. Toutefois, les deux institutions créées à l’époque, le FMI et la Banque mondiale, existent toujours et ont vu leur rôle s’accroître. ◆ Voir C ONVERTIBILITÉ , FMI ; SMI ; thème « LES RELATIONS MONÉTAIRES INTERNATIONALES ». ACCORDS DE GRENELLE ◆ Accords signés le 27 mai 1968 entre les syndicats et le patronat sous la pression du gouvernement Pompidou. Après avoir été, dans un premier temps, refusés par les salariés en grève, ils permirent de mettre fin à la grève générale de mai 1968. On retient essentiellement de ces accords un relèvement du SMIC de 35 %, l’augmentation générale des salaires et l’extension des droits syndicaux, notamment dans l’entreprise. ACCORDS DE LOMÉ ◆ Accords commerciaux multilatéraux de coopération entre l’Union européenne et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (dits pays ACP). Les premiers accords ont été signés en 1975 (suite aux accords de 18 Yaoundé passés entre 1963 et 1975) et le dernier en 1995. En 2000, un nouvel accord de partenariat entre l’Union européenne et les pays ACP a succédé aux accords de Lomé. ◆ Voir ACCORDS COMMERCIAUX. ACCORDS DE MARRAKECH ◆ Accords signés le 15 avril 1994 donnant naissance à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui entre en vigueur au 1er janvier 1995 et remplace l’Accord général sur les tarifs et le commerce (AGETAC). ◆ Voir OMC. ACCORDS DE MATIGNON ◆ Accords conclus le 7 juin 1936 entre la Confédération générale du patronat français et la Confédération générale du travail (CGT) à l’hôtel Matignon, siège du président du Conseil (aujourd’hui du Premier ministre), sous la pression du mouvement de grèves et d’occupations d’usines qui avait fait suite à la victoire électorale du Front populaire. Ces accords prévoyaient une augmentation des salaires, la mise en place de conventions collectives et l’élection de délégués du personnel. Ils sont à l’origine des grandes lois sociales de 1936 : semaine de 40 heures et premiers congés payés (2 semaines par an). ◆ Voir SYNDICATS ; CGT. ACCORDS DE SCHENGEN SCHENGEN. ◆ Voir CON- VENTION DE ACCORDS DU LOUVRE ◆ Accords signés le 22 février 1987 à Paris, établissant une coopération entre le « groupe des cinq » (États-Unis, Japon, RFA, France, Grande-Bretagne, et le Canada) pour promouvoir la stabilité des changes. ◆ Voir ACCORDS DU PLAZA. aA ACCUMULATION DU CAPITAL ACCORDS DU PLAZA ◆ Accords, signés le 22 septembre 1985, par lesquels les pays du « groupe des cinq » (États-Unis, Japon, RFA, France, Grande-Bretagne et Canada) décident d’accorder une importance plus grande à la coopération monétaire internationale et à la coordination des politiques économiques. ACCROISSEMENT NATUREL ◆ Accroissement de la population découlant de la différence entre le nombre des naissances et celui des décès. ➥ Lorsque les taux de natalité et de mortalité sont proches, l’accroissement naturel est faible. La population est alors stationnaire. Si la mortalité s’abaisse fortement - comme on le voit dans la transition démographique de l’Europe occidentale au XIXe siècle -, la population s’accroît fortement, car les naissances compensent largement les décès. ◆ Voir DÉMOGRAPHIE ; FÉCONDITÉ (MESURE DE LA) ; MORTALITÉ, NATALITÉ ; TRANSITION DÉMOGRAPHIQUE. ACCULTURATION ◆ Processus par lequel un individu ou un groupe intègre des éléments d’une culture différente de sa culture d’origine. ➥ Mise à l’honneur en 1936 dans un « Mémorandum » signé par trois anthropologues (M. J. Herskovits, R. Linton et R. Redfield), « l’acculturation comprend les phénomènes qui résultent du contact direct et continu entre des groupes d’individus de culture différente, entraînant des changements dans les configurations culturelles initiales de l’un ou des deux groupes ». Ce processus peut aboutir à l’assimilation pure et simple, une adoption libre et spontanée des valeurs et des modes de comportement de la société d’accueil - comme c’est le cas des enfants de la deuxième génération de migrants. Mais une acculturation forcée peut conduire à une contre-acculturation qui consiste à refuser une déculturation organisée - cas de situations coloniales ou des réactions contre la perte d’identité de groupes socialement ou culturellement marginalisés. Le comportement des individus partagés entre deux cultures peut être marqué par une dissociation, à moins que se développent des pratiques de syncrétisme lorsque se combinent des éléments culturels de sociétés différentes, plus particulièrement dans le domaine religieux. Parmi les anthropologues, le Français Roger Bastide s’est particulièrement intéressé à l’acculturation, d’une part, en distinguant les situations d’acculturation (spontanée, forcée ou planifiée) et, d’autre part, en cherchant à identifier les facteurs internes et externes de l’acculturation sous l’effet de variables démographiques, écologiques et ethniques. Dans tous les cas, les processus d’acculturation relèvent moins de la rencontre frontale de deux cultures (approche culturaliste) que de mécanismes qui opèrent dans des cadres sociaux : l’immigré est moins le représentant de sa culture d’origine qu’un individu porteur de projets propres, inséré dans un milieu social et établissant des compromis entre ses représentations et son projet d’intégration. ◆ Voir ASSIMILATION ; CULTURALISME ; ETHNOCIDE ; INTÉGRATION SOCIALE ; thèmes « CULTURE ET CULTURES », « LIEN SOCIAL ET INTÉGRATION ». ACCUMULATION DU CAPITAL ◆ Processus par lequel on accroît un capital, autrement dit opération qui augmente un stock d’actifs. ➥ Proche du concept d’investissement net, cette notion est cependant plus large. 19 Aa ACCUMULATION DU CAPITAL Elle peut s’appliquer aux actifs techniques (investissement matériel), aux actifs humains et immatériels (investissement immatériel) et aux actifs financiers (placement). Fondamental dans l’analyse marxiste, le processus d’accumulation est inhérent au mode de production capitaliste : « Accumulez, accumulez, telle est la loi des prophètes ! » (K. Marx) ; il entraîne à la fois un développement des forces productives, une concentration de la propriété du capital et une augmentation de la part du capital « constant » au détriment de celle du travail « vivant », d’où le chômage structurel consubstantiel au capitalisme. À la suite des marxistes et de l’école de la régulation, on distingue l’accumulation extensive, où l’augmentation de la production se réalise par une simple augmentation du capital productif, et l’accumulation intensive, où cette augmentation se réalise par des gains de productivité grâce au progrès technique. ◆ Voir CAPITALISME ; INVESTISSEMENT ; MARX ; PLUS-VALUE. ACCUMULATION Concept de la théorie marxiste qui donne une explication des conditions d’émergence du capitalisme. Pour K. Marx, l’accumulation des richesses que possèdent les classes dominantes est fondée sur le vol, la rapine, l’expropriation, la violence. Ainsi le mouvement des enclosures en GrandeBretagne explique-t-il l’expropriation, puis la paupérisation des petits paysans et l’enrichissement des grands propriétaires fonciers. ◆ Voir CAPITAL ; CAPITALISME ; MARX. ACQUIS/INNÉ PRIMITIVE ◆ ◆ Acquis : Ensemble des traits et comportements qui résultent des processus d’apprentissage et d’éducation ou d’une adaptation de l’individu à ses 20 conditions matérielles et sociales d’existence. Inné : Caractères hérités, « naturels », c’est-à-dire les caractéristiques biologiques relevant de la transmission d’un programme génétique. ➥ De nombreuses controverses ont eu lieu sur le poids de l’héritage culturel et l’importance de l’environnement, d’une part, et sur celui du caractère inscrit dans le code génétique, d’autre part. Dans le développement morphologique de l’individu, les biologistes estiment difficile de dissocier les deux apports. ◆ Voir CULTURE ; SOCIALISATION ; thème « LA SOCIALISATION ». ACTE UNIQUE EUROPÉEN (AUE) ◆ Entré en vigueur le 1er juillet 1987, acte qui vise à créer « un grand marché intérieur » au sein de la Communauté économique européenne (CEE). Il sera poursuivi par le traité de Maastricht. ◆ Voir CEE ; LIBRE-ÉCHANGE ; MARCHÉ COMMUN ; thème « L’INTÉGRATION EUROPÉENNE ». ACTEUR SOCIAL ◆ Individu ou groupe organisé, voire institution, qui agit et intervient dans le jeu de la production de normes, valeurs et institutions sociales. À l’opposé de l’agent, dont l’action relève de simples rôles assignés, c’est-à-dire établis par la position occupée dans le système social, l’acteur fait valoir une volonté propre dans ses décisions de coopérer ou d’entrer en conflit avec d’autres secteurs de la société. ➥ Il existe diverses théories de l’acteur : celle de l’individualisme méthodologique, qui avance l’idée de l’individu autonome et rationnel ; celle de l’interactionnisme symbolique, qui refuse de réduire l’action à la logique du calcul rationnel et privilégie les situations d’interaction, de face-à-face ; enfin la théorie où les ac- aA ACTION COLLECTIVE teurs collectifs opèrent dans des rapports sociaux déterminés avec pour objectif de les modifier. Ainsi selon Marx, « les hommes font leur propre histoire, non pas arbitrairement dans les conditions choisies par eux mais dans des conditions directement héritées du passé ». ◆ Voir BOUDON ; HOLISME ; INDIVIDUALISME MÉTHODOLOGIQUE ; INTERACTIONNISME SYMBOLIQUE. ACTIF ◆ Ensemble des avoirs, biens, créances d’un agent qui constituent son patrimoine. ➥ On distingue, d’une part, les actifs financiers - qui comprennent les actifs monétaires, les liquidités en général, les prêts et les valeurs mobilières - et, d’autre part, les actifs non-financiers (appelés aussi actifs patrimoniaux) qui comprennent les actifs incorporels (brevets, marques, etc.) et les actifs corporels, divisés en actifs corporels non-reproductibles (terrains, gisements, etc.) et actifs corporels reproductibles, soit circulants (stocks), soit fixes (matériel, machines, bâtiments, etc.). ◆ Voir BILAN ; COMPTABILITÉ D’ENTREPRISE. ACTION ◆ Titre de propriété cessible et négociable d’une partie du capital social d’une entreprise. ➥ L’actionnaire, en tant que propriétaire d’une part de l’entreprise, touchera une partie des bénéfices (dividendes) de l’entreprise et pourra peser sur ses orientations en votant lors des assemblées générales sur la base une action = une voix. Si, pour les petits actionnaires, ce pouvoir reste tout théorique, il peut se révéler décisif pour les gros actionnaires et servir d’instrument dans les prises de contrôle stratégiques. L’action est négociable, c’est-à-dire qu’elle peut être revendue à un cours déterminé par l’offre et la demande instantanées qui s’expriment sur ce titre. Si le cours de revente est supérieur au cours d’achat, l’actionnaire aura réalisé une plus-value (une moins-value dans le cas inverse). La recherche d’une plus-value détermine le plus souvent les choix de portefeuilles des financiers. ◆ Voir BOURSE DE VALEURS ; MARCHÉ FINANCIER, OBLIGATION ; OPA/OPE ; SPÉCULATION ; thème « LE FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE ». ACTION COLLECTIVE ◆ Action concertée d’un ou de plusieurs groupes cherchant à faire triompher des fins partagées. Elle implique donc la mobilisation d’individus. ➥ Mais, si chacun a tout intérêt à profiter des résultats de l’action collective sans y participer (paradoxe d’Olson), comment l’action collective peut-elle se mettre en œuvre ? La sociologie s’est tardivement intéressée à cette question. À la fin du XIXe siècle, l’action des foules était présentée, par des auteurs tels que Gabriel de Tarde et Gustave Le Bon, comme relevant de l’irrationnel et résultant de processus psychologiques (imitation, contagion mentale, transmission des émotions). Ce type d’analyse est encore présent dans l’approche des comportements collectifs en terme de frustration. Il faut attendre la fin des années 1960 pour voir se développer des analyses en termes de rationalité et de mobilisation des ressources et les années 1970 pour que les nouveaux mouvements sociaux soient étudiés en tant que produit d’une affirmation identitaire dans un contexte d’importants changements structurels. Alain Touraine en explique l’émergence par le passage d’une société industrielle 21 Aa ACTION COLLECTIVE à une société postindustrielle. Le paradoxe d’Olson est aujourd’hui contesté. En effet, l’intérêt individuel ne peut suffire à rendre compte des processus de mobilisation. Comme toute action, l’action collective est sociale. L’acteur social, pris dans des réseaux sociaux, possède une identité de groupe et procède à des calculs socialement construits. L’individu est inséré dans des systèmes d’interactions (âge, sexe, appartenances sociales, nationalité, etc.) où se construisent des représentations et des identités et où se rencontrent des opportunités d’action collective. ◆ Voir MOUVEMENT SOCIAL ; PARADOXE D’OLSON ; thème « ACTION COLLECTIVE ET MOUVEMENTS SOCIAUX ». subjectif. Et par activité "sociale" l’activité qui, d’après son sens visé par l’agent ou les agents, se rapporte au comportement d’autrui par rapport auquel s’oriente son déroulement ». Cela posé, M. Weber distingue quatre types d’activité sociale : l’action traditionnelle, fondée sur le respect des coutumes et de l’habitude ; l’action affective, fondée sur les sentiments et l’émotion ; l’action rationnelle en valeur, fondée sur la recherche rationnelle de fins déterminées par la croyance en des valeurs éthiques ou esthétiques ; l’action rationnelle en finalité, fondée sur la recherche rationnelle de fins justifiées par la raison ou l’utilité et qui suppose une adaptation instrumentale des moyens aux fins poursuivies. ◆ ACTIONNALISME Nom donné à la démarche sociologique qui a pour but l’étude de l’action sociale comme processus historique où la société se produit elle-même par son historicité. Alain Touraine en est le principal représentant français. ◆ Voir TOURAINE. ◆ Voir WEBER ; thème « MODERNITÉ ET ». RATIONALISATION DES ACTIVITÉS ACTUALISATION ◆ Méthode qui permet de calculer la valeur actuelle d’une somme future. ◆ Voir INTÉRÊT. ADMINISTRATIONS ACTION TRADITIONNELLE ◆ TION SOCIALE (THÉORIE DE L’). Voir AC- ACTION RATIONNELLE EN FINALITÉ/EN VALEUR ◆ Voir ACTION SOCIALE (THÉORIE DE L’). ACTION SOCIALE (théorie de l’) ◆ Pour Max Weber, la sociologie est la science de l’action sociale (ou de l’activité sociale) parce qu’elle tente de « comprendre par l’interprétation l’activité sociale et par là d’expliquer causalement son déroulement et ses effets. Nous entendons par "activité" un comportement humain [...] quand et pour autant que l’agent ou les agents lui communiquent un sens 22 PUBLIQUES ◆ Ensemble des personnes morales de droit public qui ont pour objet officiel la satisfaction de l’intérêt général. Elles disposent de pouvoirs spécifiques qui sont soumis à la juridiction administrative. Elles sont composées de l’ensemble des fonctionnaires ou personnels contractuels dont la mission est d’accomplir des tâches de service public. ➥ On distingue trois types d’administra- tions publiques (APU) : les APU centrales, qui relèvent de l’autorité centrale (des ministères) ; les APU locales, qui dépendent des collectivités locales (communes, départements, régions) ; les APU sociales, ou administrations de Sécurité sociale. aA AGENCE DE NOTATION Dans la comptabilité nationale, les administrations publiques constituent le secteur institutionnel, dont la fonction est de produire des services non-marchands et de réaliser des opérations de redistribution. Leurs ressources proviennent des prélèvements obligatoires. Il ne faut pas les confondre avec les entreprises publiques. ◆ Voir DÉPENSES PUBLIQUES ; SERVICE PUBLIC. ADORNO Theodor Wiesengrund (1903-1969) Philosophe et sociologue allemand, fondateur avec Max Horkheimer de l’école de Francfort, courant de sociologie critique de l’entre-deux-guerres, il émigre aux États-Unis pendant la période nazie, avant de revenir en Allemagne en 1949. Théoricien du désenchantement produit par la technicisation du monde, il souligne les processus de rationalisation et de réification des rapports sociaux à l’œuvre dans les sociétés contemporaines, qui peuvent favoriser l’instauration de rapports autoritaires. Ayant annoncé l’émergence d’une culture de masse avec la généralisation de la société de consommation, il ne voit de « force de résistance », de solution au désenchantement que dans l’art, notamment la musique. ➥ Principaux ouvrages : Dialectique de la raison (avec Max Horkheimer, 1947) Dialectique négative (1966) ➥ Citation : « Les hommes ne deviennent pas seulement objectivement de plus en plus une simple composante de la machinerie, mais aussi pour eux-mêmes, d’après leur propre conscience, ils deviennent des outils, des moyens au lieu des fins [...]. Les hommes sont devenus étrangers à eux-mêmes. » ÂGE ◆ Voir CLASSES D’ÂGE ; PYRAMIDE DES ÂGES. AGENCE (théorie de l’) ◆ Théorie qui a pour objet l’analyse des formes d’organisation économique et l’explication des comportements stratégiques au sein de l’entreprise. Cette approche se situe dans la mouvance néoclassique. Il y a relation d’agence à partir du moment où l’action d’un individu dépend de l’action d’un autre (M. C. Jensen et W. H. Meckling, Theories of the firm : Managerial behaviour, agency coasts and ownership structures, 1976). ➥ Dans le cadre de l’entreprise, le contrat qui relie employeur et salarié est une relation d’agence, mais c’est le cas également de l’actionnaire par rapport aux cadres dirigeants de l’entreprise. Chaque partie a un comportement rationnel ; elle cherche à maximiser sa satisfaction, mais elle est dans l’incertitude de l’action de l’autre partie. Cela conduit à l’apparition de « coûts d’agence » : coûts de surveillance et d’incitation, coûts d’obligation... L’objectif sera, conformément à la théorie standard, de mettre en œuvre l’organisation qui permette de minimiser au mieux les coûts d’agence. ◆ Voir ASYMÉTRIE D’INFORMATION ; ALÉA MORAL ; SÉLECTION ADVERSE ; THÉORIE DES JEUX. AGENCE DE NOTATION ◆ Société spécialisée dans l’étude de la comptabilité et des stratégies des entreprises pour évaluer les risques lors d’émissions de titres de créance. Cette évaluation est synthétisée par une note, dont la plus haute, qui représente le risque le moins élevé, est AAA. ➥ L’entreprise bien « notée » pourra négocier ses emprunts à des taux d’intérêt plus bas qu’une entreprise moins bien 23 Aa AGENCE DE NOTATION notée, laquelle présente donc un risque plus élevé. Toutefois, face à la pression de certains investisseurs refusant une logique purement financière (recherche de la rentabilité maximale), certaines agences de notation ont récemment élargi leurs critères d’évaluation à des préoccupations éthiques (prise en compte des conditions de travail, du respect des soustraitants, etc.) ou environnementales (prise en compte de la pollution générée par l’entreprise, par exemple). ◆ Voir BOURSE DE VALEUR ; MARCHÉ FINANCIER. AGENDA ◆ Utilisé pour désigner l’ordre des priorités et la planification des activités adoptés par un décideur public. L’analyse des politiques publiques permet de distinguer l’agenda officiel de l’agenda réel ou même de l’agenda caché. ◆ Voir POLITIQUE PUBLIQUE. AGENT ◆ Terme, selon Pierre Bourdieu, préférable à celui d’acteur quand on veut souligner que les individus sont plus agis par les déterminants sociaux que libres de leur action. ◆ Voir ACTEUR SOCIAL. AGENT ÉCONOMIQUE ◆ Personne ou catégorie de personnes, physique ou morale, qui se définit par sa fonction économique principale : consommateur, producteur, etc. ➥ L’ancienne classification recensait les ménages, les entreprises, les institutions financières, les administrations et le compte extérieur. La nouvelle comptabilité nationale ne parle plus d’agents économiques mais d’unités institutionnelles, définies comme des centres élémentaires de décision économique caractérisés par une unicité de comportement et une au24 tonomie de décision dans l’exercice de leur fonction principale. Les unités institutionnelles au comportement analogue (même fonction, mêmes ressources principales) sont regroupées dans des secteurs institutionnels. ◆ Voir COMPTABILITÉ NATIONALE ; SECTEURS INSTITUTIONNELS ; UNITÉS INSTITUTIONNELLES. AGENT REPRÉSENTATIF ◆ Agent qui possède les traits caractéristiques d’un ensemble d’agents de même type. L’analyse microéconomique néoclassique a ainsi isolé le consommateur et le producteur comme étant deux agents représentatifs, dont on va formaliser les comportements pour pouvoir étudier leurs interactions dans un modèle. ◆ Voir MICROÉCONOMIE ; MODÈLE. AGGLOMÉRATION ◆ Unité urbaine rassemblant plusieurs communes reliées entre elles par des constructions jointives ou distantes de moins de 200 mètres, et comptant au moins 50 habitants. Cette notion prend en compte le critère de continuité du tissu urbain de différentes communes. AGIO ◆ Terme utilisé dans le langage bancaire pour désigner les conditions d’escompte, c’est-à-dire l’intérêt payé plus la commission du banquier. ◆ Voir ESCOMPTE/RÉESCOMPTE. AGRÉGATS ◆ Construction statistique permettant de résumer d’un seul chiffre, exprimé en unité monétaire, un concept macroéconomique permettant de mesurer l’activité économique d’un pays. L’agrégat le plus connu est le PIB, qui rend compte de la totalité de la production réalisée dans un pays sur une période donnée. aA AGRICULTURE Voir AGRÉGATS DE PLACEMENTS FINAN; AGRÉGATS MONÉTAIRES, COMPTABILITÉ NATIONALE , M ACROÉCONOMIE ; PIB. ◆ CIERS AGRÉGATS DE PLACEMENTS FINANCIERS Constructions statistiques des banques centrales destinées à quantifier les différentes formes de placements financiers des agents. ◆ ➥ Contrairement aux agrégats monétai- res, P1, P2 et P3 sont disjoints. Ainsi, P1 regroupe les placements stables et nonnégociables tels que les plans d’épargnelogement ; P2 concerne les placements obligataires ; P3 regroupe tous les placements en actions (actions, titres d’OPCVM, etc.). ◆ Voir AGRÉGATS ; PLACEMENT. AGRÉGATS MONÉTAIRES ◆ Regroupements comptables d’actifs monétaires selon leur degré de liquidité (Ml, M2, M3, M4, du plus liquide au moins liquide) dans le but de mesurer la monnaie disponible. ➥ L’ensemble des pièces, des billets et des dépôts à vue constitue la monnaie au sens strict, ce que les statisticiens des banques centrales désignent par Ml. Cependant, il existe également des actifs qui, bien que moins liquides, car demandant plus de manipulations, permettent de régler une transaction : c’est le cas des comptes sur livret (comme les livrets des Caisses d’épargne, livrets jeunes, etc.) à partir desquels on peut retirer une somme à tout moment. L’addition de Ml et des comptes sur livret constitue M2 ; M3 rassemble M2 et les dépôts à terme, les titres d’OPCVM de court terme ; par convention, M3 correspond à la masse monétaire ; enfin, M4 comprend M3, des bons du Trésor négociables et des billets de trésorerie. L’eurosystème ne distingue que M1, M2, M3. La définition de ces agrégats a été revue en 1986 et en 1991 par la banque centrale pour prendre en compte les changements de comportement des agents et les innovations financières proposées par les banques de second rang : dans les années 1980, par exemple, les ménages ont eu tendance à délaisser leurs livrets d’épargne, jugés trop peu rémunérateurs, pour se tourner vers des sicav. Ces changements de comportement posent problème, car ils aboutissent à des variations artificielles des agrégats monétaires qui sont pourtant utilisés par la banque centrale comme cible de politique monétaire : ainsi, depuis les années 1980 (« tournant monétariste »), les banques centrales cherchent-elles à juguler l’inflation en limitant l’accroissement de M3 (considéré comme la masse monétaire). Si cet accroissement provient non pas d’une émission réellement plus forte, mais d’un glissement des actifs de M2 vers M3, la politique monétaire risque d’être menée à contresens. Certaines banques centrales ont d’ailleurs renoncé à utiliser les agrégats monétaires pour piloter la politique monétaire et leur ont substitué les taux de change ou l’indice des prix. ◆ Voir AGRÉGATS ; MASSE thème « LA MONNAIE ». MONÉTAIRE ; A GRICULTURE (du latin ager , « le champ ») ◆ Culture du champ par opposition à l’élevage ou à la cueillette, et ensemble des activités de production végétale et animale destinée à l’alimentation et à l’industrie (dans ce second sens, elle se rapproche du secteur « primaire » de la typologie de Colin Grant Clark). 25 Aa AGRICULTURE ➥ Inventée avec la « révolution néolithi- que » il y a quinze mille ans, l’agriculture a été l’activité dominante jusqu’à l’ère industrielle qui a triomphé au XIXe siècle dans les pays capitalistes développés. Sa part minime dans la production comme dans la population active ne doit pas occulter sa transformation profonde qui l’insère dans la production des biens et services. L’évolution sociale, notamment mise en évidence par le sociologue Henri Mendras dans La Fin des paysans (1967), a fait passer la vie rurale de la paysannerie, envisagée comme une société cohérente et séparée caractérisée par un mode de vie traditionnel, à l’agriculture perçue comme un métier intégré à un mode vie commun à toute la société. ◆ Voir P AYSAN ; S ECTEUR D ’ ACTIVITÉ ; TERTIARISATION. AIDE 26 AIRE URBAINE ◆ Notion apparue dans l’aménagement du territoire depuis 1996, qui désigne un ensemble composé d’un pôle urbain et d’une couronne périurbaine comprenant les communes dont plus de 40 % des résidents actifs travaillent dans l’aire urbaine. ◆ Voir AGGLOMÉRATION. AJUSTEMENT ◆ Mécanisme de régulation permettant de parvenir à l’équilibre, notamment sur les marchés, en égalisant les offres et les demandes. ◆ Voir ÉQUILIBRE GÉNÉRAL ; MARCHÉ ; thème « LE JEU DU MARCHÉ ET LE RÔLE DES PRIX ». PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT Aide financière ou en nature prodiguée aux pays en voie de développement par les administrations publiques des nations les plus développées. ➥ Après la Seconde Guerre mondiale, au sein des organisations internationales, les pays les moins avancés de la planète ont sollicité des aides. Celles-ci ont pu revêtir la forme d’aides financières pour favoriser l’investissement, la mise en place d’infrastructures ou d’une administration publique. Une coopération a également pu s’instaurer avec l’envoi d’experts pour aider à créer les institutions nécessaires au développement. L’aide peut être bilatérale ou multilatérale. Dans le premier cas, un État développé aide un État en voie de développement. C’est le cas de la France à l’égard de ses anciennes colonies africaines ; une relation de subordination se maintient. Dans le second cas, une organisation interna◆ tionale collecte les fonds auprès de divers États et procure une aide plus désintéressée que dans le premier cas. ◆ Voir BANQUE MONDIALE ; ÉCONOMIE EN DÉVELOPPEMENT. AJUSTEMENT STRUCTUREL ◆ Phase, succédant à une crise et à de graves déséquilibres macroéconomiques (chômage, inflation, déficit budgétaire, déficit de la balance courante), qui nécessite généralement des changements profonds des pratiques ayant conduit à cette situation. On a pu le constater ces dernières années lors de la crise asiatique de 1997 ou lors de la faillite de l’Argentine en 2002. ➥ Ces changements peuvent affecter la politique économique, qui deviendra plus restrictive (politique monétaire durcie, retour à l’équilibre budgétaire par la réduction des dépenses publiques ou l’élévation de la fiscalité), mais aussi les pratiques politiques ou les relations sociales (négociations salariales, prestations sociales...). Les politiques d’ajustement structurel (PAS) désignent les mesures préconisées par le FMI et la Banque mondiale pour rétablir les grands équili- aA ALIÉNATION bres économiques des pays en voie de développement qui subissent une crise grave, notamment de leurs finances publiques. ◆ Voir BANQUE MONDIALE ; DÉVELOPPEMENT (ÉCONOMIE EN) ; FMI ; POLITIQUE STRUCTURELLE. ALÉA MORAL ◆ Appelé également risque moral (en anglais moral hazard) ou opportunisme ex post, comportement d’un agent qui ne correspond pas aux termes du contrat initial, notamment parce qu’il est impossible ou coûteux de le surveiller ; par exemple, après s’être assuré, un agent modifie son comportement dans le sens d’une plus grande prise de risque (exemple de la surconsommation médicale). C’est une des formes canoniques de l’asymétrie d’information, notamment utilisée dans l’analyse économique des assurances. ◆ Voir AGENCE (THÉORIE DE L’) ; ASSURANCE ; ASYMÉTRIE D’INFORMATION ; SÉLECTION ADVERSE. ALENA (Accord de libre-échange nord-américain) (en anglais NAFTA, North Américan Free Trade Agreement) Accord, signé en 1992 entre les ÉtatsUnis, le Canada et le Mexique et entré en vigueur en 1994, visant à créer une zone de libre-échange entre ces trois pays constituant un bloc économique de 400 millions de personnes. En 2005, une zone de libre-échange plus importante regroupera 34 États d’Amérique, dont ceux de l’ALENA. ◆ Voir INTÉGRATION ÉCONOMIQUE ; LIBRE-ÉCHANGE. ◆ ALIÉNATION (du latin alienus, « qui appartient à un autre », « étranger ») ◆ État de l’individu, du groupe ou de la société qui ne s’appartient plus ou qui subit une frustration ; dans le langage juridique, le terme est employé pour parler de transmission d’un bien ou d’abandon d’un droit ; dans le domaine médical, l’aliénation mentale est un trouble psychologique qui rend un individu inapte à la communication, étranger au monde social. Dans les sciences sociales, l’aliénation est une notion mise à l’honneur par Marx. ➥ On peut distinguer dans son œuvre quatre types d’aliénation reliés entre eux : 1) l’aliénation philosophique : l’analyse du jeune Marx se fonde sur une critique de la philosophie idéaliste de Hegel et humaniste de Feuerbach. Même critiques, les idées ne peuvent changer le monde ; pour transformer celui-ci, elles doivent devenir action pratique ; 2) l’aliénation religieuse : « C’est l’homme qui fait la religion et non pas la religion qui fait l’homme [...]. La religion est la réalisation chimérique de l’essence humaine, parce que l’essence humaine ne possède pas de réalité véritable [...]. La religion est le soupir de la créature accablée, l’âme d’un monde sans cœur, de même qu’elle est l’esprit d’un état de choses où il n’est point d’esprit. Elle est l’opium du peuple [...]. Et c’est tout d’abord la tâche de la philosophie de démasquer l’aliénation de soi dans ses formes profanes, une fois démasquée la forme sacrée de l’aliénation de l’homme [...]. La critique de la religion contient en germe la critique de la vallée de larmes dont la religion est l’auréole. » Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel (1844) ; 3) l’aliénation politique : Marx applique à l’État le même raisonnement que pour la religion. Ce n’est pas l’État qui fait le peuple mais l’inverse, ce qui lui permet de souligner la contradiction entre l’égalité juridique promise formellement par l’État 27 Aa ALIÉNATION et la réalité sociale profondément inégale, contradiction qui se vérifie politiquement dans la coupure nécessairement grandissante qui opposera les représentants et leurs mandants ( La Question juive, 1843) ; 4) l’aliénation économique : dans la sphère de la production des conditions d’existence, elle est la base de toute aliénation. Dans le travail aliéné, la force de travail est une marchandise qui produit des marchandises ; l’ouvrier est moins important que les marchandises qu’il produit. Le produit est le but et le producteur est ravalé au rang de moyen. Cette aliénation ne s’exprime pas seulement à travers les choses mais dans le travail lui-même, qui « devient un objet ». Étranger au produit de son travail et étranger à son travail, l’homme finit par être étranger à luimême. On arrive ainsi à un système global qui relie la division du travail, la propriété privée, le travail aliéné à travers la vente de la force de travail et le marché. Ainsi le travailleur salarié est-il aliéné économiquement puisqu’une partie de la richesse qu’il crée lui échappe sous forme de plus-value ; celle-ci est transformée en capital, c’est-à-dire en instrument d’oppression qui asservit à la machine l’homme dépossédé de ses moyens de production. ◆ Voir FÉTICHISME DE LA MARCHANDISE ; MARX ; RÉIFICATION ; RELIGION (SOCIOLOGIE DE LA). ALLAIS Maurice (né en 1911) Économiste français, ingénieur de formation, il reçoit le prix Nobel en 1988. Disciple critique de Léon Walras, il propose de substituer à l’analyse en terme d’équilibre de marché une analyse fondée sur le surplus inexploité. Il souligne aussi qu’en situation d’incertitude sur l’avenir, 28 un comportement prudent peut prendre le pas sur un comportement rationnel et optimisateur. ➥ Ouvrage principal : Traité d’économie pure (1943 et 1952) ➥ Citation : « Il y a équilibre lorsqu’il n’existe plus aucune possibilité d’échanges qui apparaissent avantageux aux opérateurs concernés, c’est-à-dire lorsqu’il n’y a plus aucun surplus susceptible d’être réalisé. » ALLOCATION DES RESSOURCES ◆ Réponse donnée par le système économique à la question fondamentale : comment décider de l’utilisation des ressources, alors que celles-ci sont rares et ne peuvent satisfaire tous les désirs des agents ? Faut-il utiliser un champ pour y cultiver du blé ou pour y faire paître des moutons ? Dans un système capitaliste, c’est le prix (et les mécanismes de marché qu’il provoque) qui répond : le champ sera affecté à la production dont le prix est le plus élevé, car c’est cette production qui est la plus demandée par les consommateurs. Dans un système socialiste, le choix résultant des mécanismes marchands aboutit à une répartition jugée injuste (« À chacun selon ses moyens ») ; c’est la raison pour laquelle l’allocation des ressources devrait être déterminée par la planification en fonction d’objectifs socialement souhaitables. ALTERNANCE ◆ Succession au pouvoir de partis. ➥ Dans un régime démocratique, le gouvernement, lorsqu’il est devenu minoritaire, doit laisser le parti ou la coalition de partis qui a remporté les élections former un nouveau gouvernement. Dans des régimes parlementaires, les combinaisons partisanes peuvent retarder de véritables alternances. Dans des régi- AMORTISSEMENT mes présidentiels ou semi-présidentiels peuvent cohabiter des majorités parlementaires et un président de tendance différente, comme en France en 1986-1988, 1993-1995, 1997-2002. ◆ Voir PLURALISME ; thème « POUVOIR PO». LITIQUE ET RÉGIMES POLITIQUES diminution des dépenses publiques, soit l’aggravation ou la création d’une charge publique. » Aux États-Unis, le terme est donné aux textes de révision de la Constitution. AMIENS (Charte d’) D’AMIENS. ◆ Voir CHARTE ALTHUSSER Louis (1918-1990) AMIN Samir (né en 1931) Philosophe français ayant appliqué une interprétation structuraliste au marxisme, il est connu pour avoir identifié dans la superstructure étatique, outre des « appareils répressifs », les « appareils idéologiques d’État » (AIE), telles l’Église ou l’école, qui assurent la domination culturelle et idéologique de la classe dominante indispensable à l’exploitation capitaliste. Économiste égyptien, il démontre que les échanges entre pays développés et pays sous-développés conduisent à l’exploitation des seconds, dans un système d’échange inégal entre le centre dominant et la périphérie dominée. Il préconise une stratégie de développement fondée sur la déconnexion avec le marché mondial et le développement autocentré. ➥ Ouvrage principal : L’Échange iné- ➥ Ouvrage principal : Pour Marx gal (avec Arrighi Emmanuel, 1969) (1965) ➥ Citation : « Le sous-développement ➥ Citation : « L’école et les églises "dressent" par des méthodes appropriées de sanctions, d’exclusions, de sélection etc., non seulement leurs officiants mais aussi leurs ouailles. Ainsi la famille... Ainsi l’AIE culturel... » est l’envers du développement, c’està-dire que l’un et l’autre sont les deux faces de l’expansion, par nature inégale, du capital. » ◆ Voir DÉPENDANCE ; DÉVELOPPEMENT (ÉCONOMIE EN) ; DIT ; ÉCHANGE INÉGAL. Voir APPAREILS IDÉOLOGIQUES D’ÉTAT ; MARXISME. AMORTISSEMENT ◆ AMENDEMENT ◆ Modification d’un texte en cours de discussion par ajout, suppression ou reformulation. Le droit d’amendement est réservé aux parlementaires et au gouvernement. ➥ Sous la Ve République, il a fait l’objet de nombreuses limitations, en particulier l’article 40 de la Constitution de 1958 : « Ne sont pas recevables (les amendements des parlementaires) lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit la aA ◆ Au sens étymologique, action de « rendre comme mort ». Perte de valeur qu’enregistre un bien de production durable, du fait de l’usure liée à son utilisation ou de l’obsolescence liée aux changements de technologie ou au renouvellement des besoins. En comptabilité, il désigne la reconnaissance comptable en termes monétaires de la dépréciation du matériel de production. ➥ L’amortissement industriel et technique apparaît en comptabilité analytique sous la forme du prix de revient, pour mesurer l’étalement de la dépense initiale 29 Aa AMORTISSEMENT d’investissement sur la durée de vie probable d’un bien alors que l’amortissement comptable ou fiscal, étant déductible des bénéfices imposables, est défini par l’administration fiscale. L’amortissement dégressif, par annuités décroissantes, permet de récupérer dès les premières années une part plus importante des capitaux investis. Il s’oppose à l’amortissement linéaire (constant chaque année sur la durée de vie du bien) et progressif (annuités croissantes). Il faut bien distinguer l’amortissement de l’amortissement financier, qui est le remboursement d’une dette ou d’un emprunt. ◆ Voir COMPTABILITÉ D’ENTREPRISE. AMSTERDAM (traité d’) D’AMSTERDAM. ◆ Voir TRAITÉ ANARCHISME ◆ Idéologie antiautoritaire opposée à toute forme d’État, mais aussi mouvement qui, depuis les années 1860, a développé une doctrine politique dont le principal théoricien fut Bakounine. ➥ Comme courant politique, l’anarchisme occupe durant le dernier tiers du XIXe siècle une place importante dans le mouvement ouvrier. Il est un des pôles de la Ire Internationale avant que Bakounine n’en soit exclu (en 1872). Issus de l’anarchisme, les syndicalistes révolutionnaires ont joué un rôle important dans la formation et la construction des bourses du travail avant 1914 en France. L’influence de l’anarchisme a été particulièrement forte dans l’entre-deux-guerres en Espagne avec les anarcho-syndicalistes de la Confédération nationale du travail (CNT) et les libertaires de la Fédération anarchiste ibérique (FAI). ◆ 30 Voir SYNDICALISME. ANARCHO-SYNDICALISME CHISME. ANDERSON (paradoxe d’) DOXE D’ANDERSON. ◆ ◆ Voir ANARVoir PARA- ANNUALISATION ◆ En matière d’organisation du travail, pratique qui consiste à considérer la gestion du temps de travail sur l’ensemble de l’année. ◆ Voir DURÉE DU TRAVAIL. ANOMIE (du grec anoumia, « illégalité ») Notion mise en exergue par Émile Durkheim pour désigner les maux sociaux causés par une absence de règles sociales, entraînant un affaiblissement du lien social. ➥ Dans De la division du travail social (1893), elle est due à une absence de contacts entre membres d’un collectif coordonné de travail. Dans Le Suicide (1897), il lui donne une signification un peu différente puisqu’il en fait le « mal de l’infini » qui frappe les individus dont les passions ne sont freinées par aucune ou peu de règles et bornes collectives. Chez les sociologues du XXe siècle, ce terme tombera en désuétude, à l’exception notable du sociologue américain Robert King Merton, qui en fait le résultat d’une situation sociale où les individus n’ont pas les moyens d’atteindre les buts que valorise la société. Dans ce cas, les tensions anomiques peuvent être source de comportements déviants. ◆ Voir DURKHEIM ; MERTON ; NORMES. ◆ ANTHROPOLOGIE ◆ Étymologiquement, science de l’homme. Elle avait pour ambition, à l’origine, de rassembler diverses disciplines afin de donner une vision d’ensemble des sociétés humaines. ➥ L’anthropologie physique qui, à la fin du XIXe siècle, voulait établir un classe- aA APARTHEID ment des races humaines à partir de données biométriques, a disparu. Le terme a désigné, au début du XXe siècle, les études des spécificités culturelles et sociales de collectivités humaines de petites dimensions, telles les sociétés primitives ; en France, dans ce sens, on lui a souvent préféré le terme d’ethnologie. À partir des années 1950, C. Lévi-Strauss utilise le terme d’anthropologie culturelle, qui serait « une science sociale et culturelle générale de l’homme ». ◆ Voir CULTURE ; ETHNOLOGIE ; LÉVISTRAUSS ; thème « CULTURE ET CULTURES ». ANTICIPATION ◆ Hypothèses ou appréciations concernant l’avenir qui permettent à l’agent de fonder ses décisions présentes. ➥ Keynes a insisté, dans sa Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie (1936), sur l’importance des anticipations dans la détermination de la demande effective, mais en soulignant l’incertitude radicale due à des prévisions non-probabilisables. Milton Friedman a mis en évidence des anticipations « adaptatives », où la prévision de la valeur future d’une variable intègre les erreurs de prévision déjà commises par le passé. La nouvelle économie classique (NEC), sur la base des travaux de John Muth en 1961 (Rational expectations and the price movements), a élaboré des modèles d’anticipations rationnelles, où les agents fondent leurs décisions de manière totalement rationnelle, c’est-à-dire en prenant en compte l’ensemble de l’information disponible (passée et présente) et en raisonnant à partir d’un modèle parfait de l’économie. Les anticipations peuvent être qualifiées d’exogènes quand elles se fondent, comme chez Keynes, sur les croyances des agents, et d’endogènes quand elles se fondent, comme chez les nouveaux classiques, sur la seule rationalité optimisatrice des agents. ◆ Voir NOUVELLE ÉCONOMIE CLASSIQUE ; NOUVELLE ÉCONOMIE KEYNÉSIENNE. ANTICYCLIQUE ◆ Se dit de comportements ou de politiques qui contredisent la tendance du cycle économique. ➥ Ainsi, en période de récession, la tendance des ménages à diminuer leur épargne pour maintenir leur consommation ou une politique de relance économique peuvent être qualifiées de anticycliques ou contracycliques. ◆ Voir CYCLE ; thème « CYCLE ET CROISSANCE ÉCONOMIQUE ». ANTISÉLECTION VERSE. ◆ Voir SÉLECTION AD- ANTITRUST ◆ Législation visant à limiter les atteintes à la concurrence par l’interdiction des pratiques monopolistiques. ➥ Les États-Unis ont été le premier pays à mettre en œuvre une législation de ce type avec le Sherman Act en 1890 ou le Clayton Act en 1914. Ces procédures sont aujourd’hui très répandues dans les accords commerciaux et économiques internationaux ou régionaux, comme c’est le cas dans l’Union européenne, et comme on l’a vu lors du procès intenté à Bill Gates en 1998 concernant la position monopolistique acquise par Microsoft sur le marché des logiciels. ◆ Voir ABUS DE POSITION DOMINANTE ; CONCENTRATION ; CONCURRENCE ; ENTENTE. APARTHEID ◆ Système politique et administratif de ségrégation raciale généralisée entre Blancs et non-Blancs mis en place à partir de 1913 en Afrique du Sud avec les premières lois excluant les métis, 31 Aa APARTHEID les Indiens et les Noirs de la vie politique ; ce système fut consolidé, après la Seconde Guerre mondiale, par la ségrégation résidentielle dans les transports et à l’école, l’interdiction des mariages mixtes, etc. ➥ Ce système a permis la surexploita- tion des travailleurs noirs dans les mines, l’expropriation et le déplacement entre 1960 et 1982 de plusieurs millions de paysans dans les bantoustans (réserves) destinés à la population noire. Il a été aboli en 1991. Le terme est parfois utilisé pour désigner des politiques de discrimination résidentielle que subissent des minorités ethniques. Voir DISCRIMINATION ; RACISME ; SÉGRÉGATION. ◆ A PPAREILS IDÉOLOGIQUES D ’É TAT Institutions qui assurent l’hégémonie idéologique et culturelle du capitalisme et qui permettent ainsi de faire accepter la légitimité de la domination de l’État capitaliste. ◆ ➥ Ce concept est apparu à la fin des an- nées 1960, sous la plume de Louis Althusser, dans l’analyse marxiste du pouvoir de l’État. Celui-ci s’appuierait sur l’appareil répressif (armée, police, bureaucratie) et sur les appareils idéologiques d’État que seraient l’école, les Églises, le droit et les médias. ◆ Voir ALTHUSSER ; MARXISME. APPRÉCIATION ◆ Augmentation de la valeur d’une monnaie en régime de changes flexibles. À ne pas confondre avec la réévaluation en régime de changes fixes. ◆ 32 Voir CHANGE ; MONNAIE. ARENDT Hannah (1906-1975) Philosophe, d’origine juive allemande, elle suit les cours de Heidegger et de Jaspers et, après la prise du pouvoir par Hitler, s’exile, d’abord à Paris, puis définitivement aux États-Unis. Elle a consacré une partie de son œuvre à l’analyse du système totalitaire comme produit d’une société de masse qui a pris la place d’une société de classe. Elle s’interroge aussi sur les moyens de transmettre l’héritage culturel et sur l’essence du travail dont « la marque [est] de ne rien laisser derrière soi ». ➥ Ouvrage principal : Les Origines du totalitarisme (1951) ➥ Citation : « Le sujet idéal du règne totalitaire n’est ni le nazi convaincu, ni le communiste convaincu, mais l’homme pour qui la distinction entre fait et fiction et la distinction entre vrai et faux n’existent plus. » ◆ Voir TOTALITARISME ; thème « POUVOIR ET RÉGIMES POLITIQUES ». ARGUMENTATION ◆ D’après le philosophe Chaïm Perelman, art discursif permettant de provoquer ou d’accroître l’adhésion des esprits aux thèses que l’on présente à leur assentiment. ➥ Argumenter consiste donc à mobiliser des techniques et des raisonnements discursifs dans le but de convaincre une personne ou un auditoire. L’argumentation ne peut donc être assimilée à la démonstration, qui vise exclusivement à attester une vérité scientifiquement établie ; elle ne relève pas non plus de la persuasion ou de la propagande, où autrui n’est pas pris comme un être de raison universel mais simplement comme un sujet à influencer ou à dominer par des techniques de séduction. Située entre le pôle