J. of Pers. Mineralogist, vol.4, pages 119-207, 2011
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Les Grenats des Rodingites
Dr. Alain ABREAL
Les plus beaux grenats du monde, selon votre serviteur, proviennent de la mine d’amiante d’Asbestos au
Québec, du Val d’Ala en Italie ou encore de la carrière de Canari en Corse. La serpentinisation et la
rodingitisation de roches métabasiques est une source de cristallisation de grenats hessonites aux qualités
exceptionnelles.
De surcroit, la présence de chrome d’origine hydrothermal, parfois présent dans la paragenèse
serpentinite/rodingite, permet la formation de grossulaires chromifères ou uvarovites.
C’est ainsi, que certains sites grenatifères ont obtenu une réputation mondiale, produisant des grenats qui
couvrent toute une palette du blanc rosé pour des grossulaires purs, au vert le plus intense pour les uvarovites.
1. INTRODUCTION AUX RODINGITES
1.1 Définition
La terminologie «rodingite» a été créée par Bell et al (1911) [1] pour définir des roches semblables à des
gabbros, riches en chaux, à grains grossiers à fins, de couleur chamois à rose, composées principalement de
grossulaire ou de prehnite dans le complexe ultramafique de Roding River, dans les alentours de Dun Mountain,
Nouvelle Zélande.
Depuis cette première définition, de nombreux géologues se sont intéressés aux rodingites, notamment au cours
d’études effectuées sur des assemblages tectoniques contenant des péridotites serpentinisées.
En effet, de telles roches calco-siliceuses forment communément des croûtes autour de corps mafiques ou
felsiques, en intrusion dans ces péridotites serpentinisées.
Depuis, le terme s’est généralisé à tout type de roche calco-siliceuse, produit métasomatique de l’altération de
roches diverses en contact avec de la serpentinite, et, parfois, de la serpentinite elle-même.
Les rodingites sont fréquemment riches en grenats grossulaire et pyroxènes calciques ; épidote, vésuvianite et
autres minéraux riches en calcium sont aussi communément présents.
1.2 Formation
Les gabbros sont des roches basiques, d’origine océanique. Apparus le long des dorsales média
océaniques, ils sont présents soit sous la forme de masses, soit sous la forme de litages verticaux formant la
majeure partie des ophiolites (cf. ci-après).
Puis, demeurant des millions d’années en milieu marin, les basaltes de la croûte océanique sont hydratés par
l’eau de mer en serpentinite.
Plus tard, lors de phénomènes de collision ou d’obduction (Québec, Val d’Ala), les séquences ophiolitiques
peuvent subir une métasomatose importante par les fluides H2O, CO2, sous l’effet d’un accroissement de
température, et ainsi s’enrichir en carbonate. Les serpentinites vont alors donner de l’amiante (Québec, Canari)
alors que les métagabbros, périphériques de ces serpentinites, vont permettre la cristallisation de grenats
grossulaire et/ou andradite.
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2. CYCLE DE WILSON
Avant d’envisager proprement dit l’histoire géologique des Appalaches ou des Alpes, permettez-moi de
faire une légère digression pour présenter quelques rappels au sujet du cycle de Wilson dont la formation des de
ces massifs montagneux sont de parfaits exemples.
Le cycle de Wilson décrit les étapes successives de la tectonique des plaques au cours desquelles un
supercontinent se fracture puis se reconstitue.
Figure 1 : Appalaches : Présentation du cycle de Wilson
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Reprenons les étapes du cycle de Wilson, quelque peu adapté à l’histoire de la formation des Appalaches.
Figure 2 : Appalaches : Etapes du cycle de Wilson de séparation et reformation d’un supercontinent
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- Etapes A et B : Séparation des continents
Un supercontinent est formé (Etape A)
Par convection du magma sous ce supercontinent, il y a apparition d’un point chaud et fusion des roches
profondes sous ce continent. La formation de ce point chaud s’accompagne également d’un gonflement
qui se propage vers la surface en amincissant la croûte continentale, puis en la fracturant.
Finalement il y a scission du supercontinent en deux blocs distincts : il y a formation d’un rift.
- Etapes C et D : Expansion océanique
Le rift s’est élargi. L’eau a pu pénétrer au cœur du rift : c’est la naissance d’un nouvel océan. Au niveau
de la dorsale médio-océanique qui vient remplacer le rift, il y a en permanence apport de basalte et
formation d’ophiolites. Cet apport continuel contribue à éloigner davantage les deux continents l’in de
l’autre : il y a expansion océanique.
- Etape E : Subduction
En s’éloignant de la dorsale médio-océanique, la croûte océanique se refroidit, s’épaissit et, sous son
propre poids, commence à plonger dans l’asthénosphère, démarrant ainsi un processus de subduction.
Dans le cas de la formation des Appalaches, la zone de subduction est apparue au cœur de l’océan
Iapetus, proche du continent Laurentia.
Dans le cas de l’orogenèse alpine, la ligne de subduction est apparue au large de l’Afrique, il y a 85 Ma.
Un arc insulaire se forme sur la plaque chevauchante à la verticale de la zone de fusion partielle de la
plaque subductante. Entre le continent et l’arc insulaire, se forme un bassin après arc.
Sous l’effet de la subduction, les deux continents commencent à se rapprocher.
- Etape F : Obduction/Collision
La subduction se poursuit, le continent de la plaque subductante entre en contact avec l’arc insulaire.
Par la suite, deux mécanismes peuvent intervenir : soit des éléments structuraux de l’arc insulaire sont
simplement charriés par dessus les éléments de l’autre plaque continentale : c’est le phénomène
dobduction ; soit l’arc insulaire et les ophiolites avant et/ou après arcs sont déformés, fracturés, et donc
métamorphisés sous des conditions de moyennes à hautes pressions : c’est le phénomène de collision.
Il y a alors orogenèse d’une chaîne de montagnes.
- Etape G : Erosion et subduction
L’érosion rabote les reliefs de la nouvelle chaîne de montagne et alimente l’océan en grandes quantités
de sédiments continentaux, en particulier en contrebas du plateau continental.
La subduction qui se poursuit de l’autre côté de l’océan, continue à rapprocher les deux continents
primaires.
- Etape I : Collision
Le second continent entre en collision avec le premier. Il y a à nouveau orogenèse d’une chaîne de
montagnes et surtout, création d’un nouveau supercontinent.
3. LES OPHIOLITES
3.1 Introduction
Le terme ophiolite a toujours été exprimé pour décrire des roches d’origine océanique. Mais après
plusieurs controverses, un choix de définition détermine depuis 1972, les ophiolites comme étant l’ensemble
croûte océanique et sous couche mantique, qui a été relevé et charrié sur un continent lors d’un phénomène de
convergence de deux plaques lithosphériques : on parle de mécanisme d’obduction.
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Les ceintures ou sutures ophiolitiques sont les représentants d’une fermeture océanique, qui a pu engendrer dans
un second temps la formation d’une chaîne de montagne, comme dans le cas des orogenèses des Appalaches ou
des Alpes.
Sur terre, il y a 150 complexes ophiolitiques recensés d’âges très disparates. Ainsi, les ophiolites du Chili ne
sont âgées que de 3 millions d’années ; les ophiolites du Briançonnais et du Queyras, reliques du plancher
océanique de la Téthys alpine, se sont formées il y a quelques 160 millions d’années avant d’être propulsées en
altitude il y a 40 Ma, et l’ophiolite de Chamrousse est plus ancienne, datée de 400 millions d’années, et a été
émergée lors de l’orogenèse hercynienne
L’ophiolite québécoise est encore plus ancienne, elle est âgée de 2 milliards d’années, et son orogenèse
d’origine taconienne
Attention, il est nécessaire de bien différencier la datation des ophiolites proprement dites, qui se sont formées
au cœur des océans, et celle des sutures ophiolitiques, c’est-à-dire en fait la datation de la fermeture des océans
ou encore celle du début de la collision des deux continents en approche.
3.2 Etymologie -définition
Le terme “ophiolite” a été utilisé pour la première fois par Alexandre Brongniart en 1813, pour décrire
une séquence de roches vertes (serpentine, diabase) dans les Alpes. En 1927, Steinmann a précisé cette
terminaison en évoquant ce que l’on appelle la « trinité de Steinmann », serpentine, pillow lava (lave en
coussins) et chert au sujet d’occurrences rencontrées dans les Alpes.
Par la suite, on a défini les ophiolites comme une séquence type formée le long des dorsales océaniques,
comportant de bas en haut les éléments suivants :
- un niveau ultrabasique, constitué de péridotites (lherzolites, harzburgites, dunites) ;
- un niveau gabbroïque (gabbros lités surmontés par des gabbros isotropes) ;
- un niveau filonien (filons subverticaux de basalte) ;
- un niveau de laves basiques (pillow lavas).
- un niveau sédimentaire
Lors de la conférence internationale sur les ophiolites de 1972, le terme « ophiolite » a été redéfini pour ne plus
représenter que les roches ignées de la séquence stratigraphique énoncée ci-dessus, excluant ainsi les sédiments
qui ont une origine indépendante de la formation de la croûte océanique.
Cette définition a de nouveau été contestée dernièrement suite aux nouvelles reconnaissances acquises sur la
croûte océanique par le Programme intégré de forage de l’Océan ainsi que par d’autres recherches effectuées
au fond des océans. Ils ont permis de constater que la croûte océanique était assez variable, et que parfois, les
roches volcaniques venaient directement sur les péridotites, sans que les gabbros ne soient présents.
De nombreuses ophiolites ont des variations similaires dans leur stratigraphie, certaines sont primaires, d’autres
se sont formées plus tard (par exemple, lors de la mise en place dans une ceinture montagneuse).
Cette reconnaissance est liée à deux événements majeurs :
- Premièrement, la découverte de lignes d’anomalies magnétiques sur le fond des océans, parallèles aux
systèmes de dorsales océaniques, dont l’interprétation par Frederick Vine et Drummond Matthews
(1963), est une représentation physique de la formation d’une nouvelle croûte océanique le long des
dorsales et de son expansion à partir de celles-ci.
- Deuxièmement, l’observation d’un réseau filonien à l’intérieur de l’ophiolite de Troodos (Chypre) par
Ian Graham Gass et al., qui se serait formé par la seule intrusion d’un nouveau magma. En effet, aucune
roche plus ancienne n’a pu être découverte à l’intérieur du complexe Gass (1968). Moores et Vine
(1971) en ont donc conclu que le réseau filonien de Troodos n’a pu se former que selon le processus
d’expansion océanique préalablement proposé par Vine et Matthews (1963).
Depuis, il est globalement reconnu que les ophiolites représentent des parcelles de croute océanique,
charriée sur un continent.
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