Les deux penchants (tradition juive)
L'expression stéréotypée « mauvais penchant » (yetser ha-ra) pour signifier l'opposé du « bon penchant »
(yetser ha-tov) fut forgée par les sages.
Précisons tout de suite que les sages ne pensent absolument pas que le mauvais penchant siège dans le corps
et que le bon penchant réside dans l'âme[1].
Il y a chez les sages juifs des courants de pensée très différents, qui vont jusqu'à s'opposer.
Certains sages disent que le mauvais penchant fut créé par Dieu, et il fut donné à l'homme le pouvoir de le
dominer ; cette idée n'est évidemment pas reprise dans le christianisme. Citons en ce sens :
« Ainsi le Saint, béni soit-il, dit à Israël : Mes enfants, J'ai créé pour vous le mauvais penchant [mais, en
même temps] J'ai créé la Tora pour le subjuguer. Tant que vous vous consacrerez à la Tora, il ne vous
subjuguera pas. »[2]
D'autres sages pensent que le mal est simplement une absence de lumière divine.
L'enseignement des sages opéra progressivement et dans une certaine mesure une personnification du
mauvais penchant, avant même qu'il ne soit assimilé, comme il le fut par l'Amora Reish laqish, à Satan ou à
l'ange de la mort.
[1] Cf. E. Urbach, Les sages d'Israël, Cerf, Paris 1996, (traduit de l'hébreu par Marie-José Jolivet. Edition
originale, Jérusalem 1979), chapitre XV, Jugement de l'homme et jugement du monde, p.489-490 et p. 498.
Les chrétiens sont sur ce point d'accord avec le judaïsme : quand saint Paul oppose la chair et l'esprit, il
oppose les deux penchants mais n'oppose pas le corps et l'esprit, preuve en est, il considère le corps comme
le temple de l'esprit et parle de la résurrection du corps. La personne est corps et âme. Elle n'est pas « âme »
isolément, ce serait un fantôme ; elle n'est pas corps uniquement non plus.
[2] Sifré deutéronome § 15
Françoise Breynaert
Extraits de : F. Breynaert, Juifs et chrétiens, Une origine, deux chemins,
Editions du Paraclet, Brive 2010