Chiites et Sunnites, deux visions de l’Islam Le chiisme et le sunnisme sont les deux branches majoritaires de l’Islam. A la base de même confession, la scission de 632 a donné lieu à des tensions dont les enjeux vont plus loin que le simple caractère religieux. Les effets s’en font encore ressentir aujourd’hui. Les origines de la scission A l’origine peuplée de polythéistes, chrétiens et Juifs, la péninsule arabique est une mosaïque religieuse lorsque Mahomet vient au monde vers 570. Il fonde un groupe de croyants, les Musulmans, après une vision de l’archange Gabriel. Persécuté par les habitants de la Mecque, Mahomet acquiert rapidement une certaine notoriété dans le domaine religieux. Sa religion est approuvée par beaucoup. Il se réfugie à Médine (une des trois villes saintes de l’Islam). Il y meurt en 632 ; laissant non-tranchée la question de sa succession en tant que chef de la communauté des croyants. Il semble qu’il ait tout de même choisi Abou Bakr (un fidèle de la première heure) pour diriger la prière collective. Fait que les chiites contesteront plus tard, affirmant qu’Ali avait été choisi comme son successeur par Mahomet. Abou Bakr est jugé digne d’être le successeur de l’Envoyé de Dieu, et est élu Calife. Ce dernier meurt entre 633 et 634. Lui succède à son tour Omar, un autre fidèle, qui ajoute à la fonction de Calife un pouvoir militaire. Il mènera bon nombres de guerres, s’emparant de la Mésopotamie, l’Arménie, la Syrie, la Palestine et la ville de Jérusalem. Il est mortellement blessé en 644, et crée avant sa mort un conseil de succession qui élit Othman. Son œuvre principale sera déterminante dans la vie des musulmans, puisqu’elle consistera à organiser la rédaction du Coran, jusqu’ici interprété par les qourra (récitants). Il est décrié pour avoir favorisé ses proches, en leur distribuant des terres fertiles et en leur octroyant des postes clés. Il finit par s’attirer les foudres d’un groupe qui parvient à l’assassiner. Le quatrième successeur de Mahomet est institué par les opposants d’Othman, qui nomment Ali. Très vite, une voix se lève contre lui, celle de Muwwiyya. oppose des forces sensiblement égales, et nécessite un arbitrage diplomatique pour désigner le vainqueur. Ali propose l’institution d’un second Califat. Certains de ses fidèles, refusant l’idée d’un compromis, le trahissent et forment la communauté des Kharigites (les exclus). L’arbitrage déclare finalement qu’Ali a failli à sa tâche de vengeance d’Othman. Il existe donc deux Califes : Ali en Irak et Muwwiyya à Damas. Finalement, les Kharigites sont écrasés en 658 lors de la bataille de Nahrawwan, et les rares survivants s’enfuient en direction du Maghreb. La guerre ne prendra fin qu’en 661, donnant naissance à trois courants : les partisans de Muwwiyya (Sunnites) largement majoritaires, les fidèles d’Ali (Chiites), et les Kharigites en tant que plus faible minorité. Les différences et similitudes Illustration de la bataille de Siffîn, origine persane, 1516. Cousin du défunt Calife et gouverneur de Syrie, il lance ses armées contre celles d’Ali, à la suite d’un discours enflammé à la mosquée de Damas l’accusant de ne pas avoir vengé sa mort. Dès lors, la guerre civile dite de la Grande Discorde éclate. La bataille de Siffîn en 657 Une des principales différences de ces deux confessions est la manière dont un Calife doit être choisi. Pour les chiites, la personne digne d’être élue successeur du représentant de Dieu sur Terre ne peut être qu’un descendant de Mahomet. Les sunnites sont moins regardants quant à la lignée du calife, préférant placer à ce poste le musulman le plus pieux et le plus dévoué. Il existe aussi une différence de hiérarchie du clergé, notamment concernant le rôle de l’Imam. Chez les sunnites, ce dernier se contente de lire les textes du Coran et de les commenter, retirant la barrière de l‘intermédiaire entre l’imam et Allah. Chez les chiites, il a en revanche un rôle très important, puisqu’il se place en tant que guide de sa communauté. Une majorité des chiites croient en l’existence de douze imams (évidemment descendants du prophète), le premier étant Ali. Ces deux confessions partagent en revanche bien plus de points communs, comme la pratique de cinq prières par jour, ou le respect du pèlerinage à la Mecque et à Médine, même si les chiites considèrent aussi le mausolée d’Ali comme un lieu de pèlerinage complémentaire. Il est important de noter que des courants chiites et sunnites tendent à s’unir et à dépasser leurs différences pour pratiquer un Islam dans le respect des deux confessions. une autre chronique). Jusqu’en 1979 avec la révolution iranienne menée par l’Ayatollah Khomeini, l’Iran (à fort majorité chiite) était gouvernée par un Shah sunnite. Craignant une révolution pro Khomeini en Irak, Saddam Hussein déclare la guerre à l’Iran, débutant la guerre de 1980-1988 (dont nous ne parlerons pas ici…). Carte du monde représentant la répartition des principaux courants chiites et sunnites. Les sunnites représentent 85% des musulmans de la planète, contre 10 à 15% pour les chiites. Ces derniers ne sont majoritaires que dans trois pays : l’Irak, l’Iran, et le Bahreïn. Des tensions encore présentes de nos jours Les décolonisations du XXème siècle n’ont fait qu’accroitre les tensions entre les deux confessions, les puissances occidentales plaçant souvent à la tête du gouvernement de pays sunnites des dirigeants chiites, et vice-versa. En Syrie, Bachar Al-Assad, un Alaouite (branche du chiisme) dirige un pays majoritairement sunnite. Une partie radicale de ces derniers, frustrés de ne pas être représenté au gouvernement alors que majoritaires de par leur confession, rejoindront les rangs de Daesh, créant avec des homologue de l’Irak du nord-ouest l’Etat Islamique (dont nous parlerons dans Carte du Proche et Moyen-Orient, représentant la répartition des principales confessions musulmanes, ainsi que la confession des gouvernements de ces pays. Notons qu’un peuple à majorité sunnite ou chiite, peut être dirigé par un gouvernement de branche opposée. Troisième lieu de tension, le Yemen, en guerre civile depuis que le sud à majorité chiite a déclaré la guerre au nord, à majorité sunnite. De la bataille de Siffîn en 657, jusqu’aux tensions qui animent le Moyen-Orient actuellement, l’Islam a vu s’opposer ses deux principales confessions dans une lutte acharnée Les grandes puissances occidentales n’ont fait que raviver les rivalités au cours des siècles, en instrumentalisant les divisions religieuses. ● Quentin Puyjalinet