une généralisation de cette démarche et la découverte d’un filon prometteur. Moles recentre sa 
pensée en considérant qu’il n’y a pas lieu de théoriser séparément une psychologie de l’espace, 
puis une psychologie du temps,... mais d’élaborer une attitude scientifique générale permettant 
d’aborder l’ensemble de ces objets dans la mesure où ils ont un même lieu d’occurrence : la vie 
quotidienne. La micropsychologie, discipline qu’il a créée, n’apporte rien d’autre que l’application 
de la tridimensionnalité déjà présente dans sa psychologie de l’espace. La micropsychologie est 
une phénoménologie, matinée d’une préoccupation formelle (par exemple avec le concept de coût 
généralisé) et aboutissant à un regard critique ou philosophique sur la société.
En ce sens Moles n’est jamais ni un psychologue, ni un sociologue, mais un intellectuel qui, à 
partir de la phénoménologie, réfléchit sur les phénomènes, les êtres, la société et surtout les 
rapports entre l’individu et le système social.
Les phénoménologies de Moles
Dans ses cours, Moles disait qu’il y a autant de phénoménologies que de phénoménologues. Ce 
constat - qui n’est pas exempt de dérision - m’amène à préciser l’approche de Moles. 
Dans le principe, cette démarche suppose la mise entre parenthèses de quelque chose (principe 
de réduction phénoménologique) pour arriver au phénomène lui-même. Selon le type de 
phénomènes à étudier, la nature de cette composante à réduire fluctue. Aussi, selon le moment, 
Moles se réserve-t-il la faculté d’ajuster son point de vue. C’est pourquoi deux attitudes se 
présentent.
Dans l’une, il cherche à appréhender des phénomènes subjectifs ; par exemple lorsqu’il trace des 
lignes isosacrées dans les églises et les aéroports, ou qu’il s’interroge sur les dieux qui régentent 
le métro. Proche d’une poétique à la Bachelard sa phénoménologie laisse de côté ce qu’il appelle 
la "raison raisonnante", celle qui risquerait d’introduire une censure réfutant trop rapidement la 
pensée irrationnelle issue de l’expérience subjective. Loin d’entreprendre une psychanalyse d’un 
individu donné, cette phénoménologie cherche à épouser la sinuosité du vécu de tout être, en 
montrant comment la confrontation à pareille situation retentit sur l’individu. Il fonde ainsi sa 
psychologie sur la base de l’axiome qu’il aimait répéter : "la psychologie c’est l’étude rationnelle 
de l’irrationalité apparente de l’homme".
Dans l’autre, il met entre parenthèses le sens, pour appréhender des phénomènes objectifs. C’est 
pourquoi il renoue, dans sa théorie des actes, avec une orientation plus austère d’une sorte de 
(psycho-?) physique de l’action, qu’il déconnecte des motivations. "Un acte, c’est une Gestalt, un 
début et une fin, un contour dans le flux des consciences, et ce contour possède des propriétés 
largement indépendantes de sa signification, de ses buts..." Il est certes facile de repérer des 
préférences momentanées pour l’une ou l’autre position. Ce serait toutefois méconnaître ses 
orientations que de les réduire à un choix exclusif entre l’une ou l’autre de ces attitudes. Moles 
n’oscille pas entre deux épistémologies possibles qu’il adopterait alternativement selon des 
domaines d’étude bien marqués, mais il cherche à réaliser l’exercice difficile de les employer 
simultanément. Ce faisant, il évite le piège d’une micropsychologie introspective, voulant restituer 
le contact vécu de l’être avec sa quotidienneté en restant exclusivement centré sur l’expérience 
de l’observateur, c’est-à-dire la plupart du temps le micropsychologue lui-même. Or, pour lui, la 
micropsychologie doit à la fois rendre compte du vécu de l’individu, et rester une démarche 
scientifique, qui n’est pas aliénée à l’expérience d’un sujet particulier, aussi digne d’intérêt soit-il. 
"Il n’y a de science que du général", répète-t-il inlassablement, tout en affirmant la nécessité de 
prolonger l’analyse qualitative souvent descriptive et centrée sur un sujet (ou un petit échantillon 
de sujets) par une analyse formelle, explicative, éventuellement quantitative, qui objective et 
valide le modèle.
Conclusion
Comme évoqué en introduction, l'attitude scientifique mise au point par Moles dépasse très 
largement le cadre de ses travaux sur l'espace. La phénoménologie est une constante majeure de 
son œuvre. On la retrouve dans ses développements sur l'objet, la vie quotidienne, la