La vie dans le désert : L’autre regard
Ali Sbai
Traces éphémères, liant le nomade à l’incontournable «vaisseau du désert » !
A l’heure du désert-business et de la multiplicité des clichés, y compris chez les photographes, j’ai
orienté, délicatement, mon “objectif” vers des détails sublimes symbolisant la beauté et la magie de
la vie dans le désert. Sachant qu’ils ne restitueront jamais ce sentiment de communion intemporel
qu’on éprouve en contemplant une plante d’Awarache, épanouie dans le sable, le sourire de la
terre craquelée, les traces de passants éphémères, les espaces sculptés par le vent et le sable et le
sifflement des feuilles de tamaris. Et que dire du scintillement des étoiles la nuit et le «bruit» du
silence !
Bois, sable, lumière et ombre… magique
Spectacle offert au passant qui observe… et qui s’arrête, un instant !
Le désert, poumon de la terre, berceau des trois religions monothéistes, a toujours exercé une
fascination quasi-mystique sur l’homme. L’absence de tout élément perturbateur (bruits,
constructions, objets non naturels, etc.) y est pour quelque chose. En quelque sorte, l’homme
se pollue ailleurs, pour venir se purifier dans le désert. Démarche légitime, sauf quand il vient
à son tour polluer ce milieu ! Le problème est là. Le désert est propre, disait l’infatigable
explorateur feu Théodore Monod qui l’a parcouru soixante-dix années durant, en quête d’une
«vérité» qu’il a, peut être, caressée entre deux scintillements d’étoiles, s’interrogeant sur
l’origine d’une météorite. Dans le silence du désert, il n’a récolté, en fin de compte,
qu’incertitudes et questionnements sur son passage éphémère ici-bas. Entre deux gorgées
d’un délicieux thé, préparé sur la braise, à l’ombre d’un tamaris, il a mesuré certainement le
côté dérisoire des vérités scientifiques mâchées et remâchées sur les dimensions et l’origine de
l’univers, alors que l’homme continue à détruire et s’autodétruire.
Plante «Talaboute », très rare ne poussant que dans le sable.
Elle est toujours verte en pit de la sécheresse…
Elle respire, enfin, après l’annulation du Dakar 2008!
Omar Khayam, savant et poète érudit, bien avant Théodore Monod, s’est tourné vers la poésie
du sublime, sans doute après avoir buté sur le mur de l’ignorance de l’esprit humain. En
scrutant le ciel étoilé, il a eu ce beau quatrain :
«J’ai deux soucis de moins, le jour qui vient de passer et le jour qui va venir !»
C’est le plus bel hommage au présent, mieux à l’instant magique qu’offre la vie. C’était aussi
l’aveu de Khayam de fuir la bêtise humaine au lieu de l’affronter. A sa décharge, un recueil de
poèmes intemporels, «Roubayat Al Khayam: Les Quatrains de Khayam», concentré de sagesse
et détachement universels, légué à toute l’humanité et qui nous interpelle, de temps en temps,
sur nos éphémères «certitudes».
Notre futur commun ! Bois mort paisiblement enseveli…
Ce qui appartient à la terre, revient à la terre !
Vipère de sable:
plus élégante que dangereuse… !
Sourire du sol… après une pluie magique,
donnant naissance à une plante !
Feu mon père, Mohamed Cheick, méditant sur tant de dégâts causés par l’homme sur
cette terre, me disait, en citant un Hadith du prophète: Ô mon fils, «Sans les bébés
qui tètent, sans les animaux qui broutent et sans les vieux qui prient, il n’y aurait
personne sur cette terre»! Quel paradoxe, ce sont les créatures les plus faibles sur
cette terre qui nous protègent, in fine, d’une punition divine. Que cette citation nous
incite, tous, sans prosélytisme aucun et quelles que soient nos origines, à respecter
lenvironnement pour mieux nous protéger! A lheure où le désert est le théâtre de
conflits temporels (Darfour, Sahara, Tchad, etc.) et événements destructeurs (rallyes),
serions-nous à la hauteur pour préserver ce patrimoine naturel, alors que beaucoup se
transforment, sans scrupules, en prédateurs de l’environnement.
Ayat Al Koursi: le verset du Trône…
Le saint Coran: Sourate Al Bakara
Caravane Zaïla ou le respect du désert:
caresse du sol et passage éphémère!
Baba Ahmed DARBALI: nomade Berabiche, espèce en voie de disparition
Le dernier nomade à avoir fait une caravane Tombouktou-M’hamid, en 1974
Le combat d’un fils du désert pour un environnement oublié !
www.zaila.ch
e-mail : info@zaila.ch, Mobile : +41 79 276 22 73
Par : RAM ETWAREEA, Le Temps, samedi 24 juillet 2004, Voir :
http://www.letemps.ch/dossiers/dossiersarticle.asp?ID=138941
«J'ai plus appris dans le désert que sur les bancs d'école.» Quel aveu de la part d'un docteur en physique, destiné à une
carrière dorée dans un grand laboratoire, mais qui se retrouve fonctionnaire onusien à Genève! «Le désert, où savoir est plus
important qu'avoir, m'a tout donné», confesse Ali Sbai. L'homme est né sous une tente dans le bled de M'Hamid, dans
l'extrême sud du Maroc, aux portes du Sahara. «Enfant, j'y ai marché des kilomètres pour aller à l'école, gardé fièrement les
chèvres, dormi sous les étoiles, joué pieds nus sur le sable chaud des dunes. Adulte, j'y retourne trois ou quatre fois par année
et je marche durant des jours. Parfois j'adore me balader seul dans le silence de la nuit», raconte-t-il à Lausanne, sa ville
d'adoption. Du romantisme? Ou la nostalgie d'un lieu avec lequel il est encore lié par le cordon ombilical? «Ni l'un ni l'autre,
assure le fils du désert. Ce retour aux sources me donne la force de porter un regard lucide et critique sur le monde. Il me
permet surtout de relativiser les heurs et malheurs de la vie quotidienne.». Pendant son dernier voyage dans la vallée du Drâa,
Ali a photographié des plantes qui poussent dans le sable. «Le désert nous apprend que là où il n'y a rien, il y a une vie»,
philosophe-t-il. Il ne porte pas un regard de botaniste sur cette végétation miraculeuse. Les plantes ne sont pas là par hasard;
elles correspondent à un besoin vital et précis pour les hommes et les animaux du désert. «Ce savoir de la vie végétale,
transmis de génération en génération, ne doit pas disparaître», plaide-t-il. C'est pourquoi désormais, lors de chaque périple, il
interpelle les encyclopédies vivantes que sont les nomades et constitue un répertoire de plantes du Sahara et de leur utilité. Ali
Sbai se fâche lorsqu'il évoque les menaces qui pèsent sur les espèces vivant du désert, végétales mais aussi humaines,
animales. Elles sont bien réelles. «Le plus grand danger vient du «désert-business» qui draine des milliers d'aventuriers dans
des rallyes automobiles, des marathons ou encore dans les bivouacs folkloriques», dénonce-t-il. «Il faut supprimer le Paris-
Dakar, cette course où des centaines de 4x4 et autres véhicules lourds envahissent le paysage. Le Sahara est le seul endroit au
monde n'ayant aucune loi. On peut tout faire; aucune autorisation n'est nécessaire», fulmine le Marocain. A plusieurs reprises,
Ali a réussi à mobiliser des journalistes suisses pour faire des reportages sur les dégâts causés par le passage de ce rallye
automobile français dans la vallée du Drâa. «Le désert n'est pas un espace à conquérir, mais à protége, affirme-t-il. A
protéger aussi de ces princes arabes des pays du Golfe qui se passionnent pour la chasse à l'outarde, cet oiseau au corps massif
et à pattes longues, et qui croient que sa chair aurait des vertus aphrodisiaques. Selon Ali, cette espèce, comme le fennec et le
varan, est réellement en danger de disparition. Il a alerté les organisations internationales de défense des animaux, dont le
WWF. Il s'exaspère qu'aucune action ne soit entreprise pour arrêter le massacre. Et n'hésite pas à accuser les autorités d'être
les complices de riches chasseurs. Puis, il y a les gens du désert, avec qui Ali a su tisser des liens privilégiés. Il a passé
beaucoup de temps dans les caravanes berbères ou autour d'un thé à la menthe partagé avec les nomades. «Ces derniers ont
des relations profondes avec la nature, sont tolérants et libres. Leurs paroles, leur poésie, leurs chants sont synonymes de
sagesse, sinon comment expliquer qu'ils acceptent les contraintes du désert et le climat éprouvant qui les obligent à
économiser jusqu'à chaque geste? se demande-t-il. Leur monde est petit à petit violé par les caravanes bruyantes des 4x4 de
touristes en mal de sensations fortes. Mais le désert se découvre par étape et par efforts.». En réponse à cette agression, Ali et
ses amis ont créé à Lausanne une association nommée «Zaïla», ce qui signifie passager éphémère en arabe. Pour le passionné
du désert, il veut aussi dire qu'on ne touche à rien, qu'on profite des paysages et qu'on partage un bout de chemin avec les
personnes que l'on rencontre sur place. Depuis quelques années et dans le strict respect du désert et des vies qui y habitent, Ali
partage sa passion avec ses amis en les accompagnant dans la vallée du Drâa.
Plantes et animaux du désert
Un autre regard que celui des botanistes !
Sourire solaire, avant son coucher !!!
Contrairement aux clichés répandus - et admis par la majorité des gens -, le désert est un espace
plein de vie animale, végétale et partiellement humaine. Il impose à toutes ces espèces, pour
survivre, une loi permanente et implacable: le moindre effort inutile. Autrement dit, une
économie draconienne et permanente de l'utilisation de la principale source de la vie : l'eau ou le
peu d'humidité dans l'air. Inspirons-nous des plantes et animaux du désert qui appliquent, à
merveille, cette règle de la vie et interpellent, sans cesse, l’homme à son respect !
En compagnie de mon ami le berger Hssaïn, nous passâmes, à Echentouf, quelque part entre Erg
Es Sedra et Iriqui, ce 30 décembre, une nuit "Khlâa", c'est-à-dire, sans rien, ni nourriture ni
couverture ! Le sable comme lit et le ciel étoilé comme toit. Quel privilège! Mais quel froid aussi.
J’ai rarement autant admiré la grappe Toraya (Les Pleillades), poursuivie par El Mechbouh
(Orient), jusqu’à l’aube. Il ne la rattrapera, parait-il, qu’à la fin du monde, selon un conte nomade!
Rassurant, vu l’écart, quasi constant, sur des milliers d’années, entre les deux constellations !
Durant cette longue nuit, la Voix lactée nous réchauffa les pupilles, en nous rappelant que notre
belle planète n’est qu’un grain de poussière dans l’univers et que sa brève histoire, n’est qu’un
instant dans l’absolu. La grande et la petite ourse jouant l’horloge autour de la polaire, fixe,
indiquant invariablement le nord, au milieu de constellations évoluant harmonieusement dans un
spectacle magique. Echentouf, un beau bouquet de dunes au milieu de la partie la plus vaste de la
Hamada du Draa, juste avant de déboucher sur le lac desséché d'Iriqui. Echentouf, veut dire
"Crinière", et désigne cet endroit du fait de la ressemblance, de loin, des branches de tamaris
coiffant les dunes, avec une belle «crinière de cheval». Au nord, on aperçoit un océan de sable,
aux belles vagues commençant aux dunes El Abeidlya et finissant à El Alem (la dune témoin !). El
Hadj Ahmed, la dernière dune isolée avant la plaine d'Iriqui, et le tamaris Atlat Abaïnouche, au
nom d’une hérne nomade, paisiblement ensevelie au pied de cet arbre magique, ferment, à
l’ouest, cet espace d’erg. Un poème à la mémoire d’Abaïnouche, fait encore couler des larmes aux
rares nomades connaissant l’histoire et la géographie de cette région, s’intitulant : « ici a été
enterrée la tendresse avec Abaïnouche ». Tout simplement ! A méditer quand on voit le saccage
gratuit des rallyes dans cette région…
A gauche, le lit du Draa, encore tissé par une forêt clairsemée de tamaris et d'Afersig, forme la
frontière sud à cet espace aride où subsistent les plantes d'El Arad, l'inévitable El Aggaya, la
plante lavande El Ghassal, El Yessrif, et autres Remth...
Les tamaris, avec les acacias, constituent les principaux points de repos pour les nomades, depuis
la nuit des temps, et leur offrent d'utiles repères dans les grandes étendues du désert. La famille
de cet arbre, très résistant à la sécheresse, grâce à de longues racines, est constituée de trois
sortes que les nomades ne confondent jamais : Letl, l'arbre le plus volumineux aux troncs épais,
une sorte de baobab, créant à lui tout seul un micro climat. Akawar, aux troncs moins épais et aux
feuilles vert-sombre, au goût salé, très apprécié par les chameaux. Enfin, Afersig aux branches
fines et régulières, dressées verticalement, pousse surtout aux abords des oueds. On trouve dans
cette Hamada une bonne centaine de types d'arbres ou "Sdar", tels le tamaris, l'acacia, l'argousier
et autres Awarache."Sdar", désigne pour les nomades tout arbre pouvant survivre plusieurs
années à la sécheresse. A contrario,"Rbia", c'est-à-dire l'herbe ou printemps, désigne les plantes
"éphémères", qui poussent à la suite de rares pluies ou simplement par le phénomène de
condensation du peu d'humidité collecté la nuit. Les plantes "Rbia" survivent rarement au
printemps et se dessèchent vite durant l’implacable été du désert.
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